MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 29 mars 2012

P. 130. Les Ombres de l'Adret et de Laurence Thirion

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Laurence Thirion,
Les Ombres de l'Adret
,
Memory Press, 2012, 207 p.
La photo de couverture est de Laurence Thirion (DR).

L’Editeur :

- "L'adret : versant de la montagne ensoleillé la plupart du temps... L'Adret, c'est aussi le nom du hameau qui surplombe Cornillac, ce mini-village isolé de la Drôme où Elise, qui vient de quitter Pierre, son compagnon, a choisi de venir passer quelques semaines de repos, avec sa petite fille et sa mère.
Cet endroit, extrêmement isolé, revêtait aux yeux d'Elise le symbole de la paix et du bonheur ; elle y avait en effet vécu de très heureux moments avec Pierre, les années précédentes.
Mais qui a-t-elle fui ? Son compagnon ? Son père ? Les hommes ? Sa propre vie ?
Mais, derrière les belles apparences, un couple se déchire à l'Adret.
Mais, derrière le sourire sa cache la tristesse d'une vérité qui vient lentement au jour.
Mais, derrière l'image d'une vie épanouie se dissimulent les ombres des regrets, des déceptions et des désillusions.
Mais, derrière la grande vieillesse et la folie sénile se dissimulent l'acidité et l'aigreur d'un caractère insupportable.
Chaque versant dissimule une autre vérité, chaque personne est porteuse de sa propre zone d'ombre... Elise trouvera-t-elle sa route parmi ces enchevêtrements d'épines égayées malgré tout par les splendeurs printanières ... ou par l'une ou l'autre rencontre tout-à-fait inattendue?
Les chapitres, entremêlés les uns dans les autres, traduisent aussi bien la quiétude naïve du passé d'Elise que sa découverte étonnée et souvent déçue de la réalité de ces personnes qui, en fait, ne sont ni meilleures, ni pires que les autres : elles sont, tout simplement , dans l'ordinaire de leurs jours, et dans l'extraordinaire de leurs chagrins; les hommes sont-ils tous les mêmes ? Les femmes ont-elles toutes les mêmes attentes et les mêmes désillusions ? Elise parviendra-t-elle à franchir le pas ? Son propre comportement la déroute : elle fuit les hommes et pourtant les recherche, elle s'isole et pourtant sort le soir, seule, pour espérer une rencontre...
Le lecteur va suivre, pas à pas, le lent cheminement de l'héroïne vers elle-même, vers la découverte de ses propres besoins, de ses propres élans, ... de ses retours aussi, de ses refus... chacun va retrouver dans ce roman une part de lui-même, peut-être d'une manière éclatante, peut-être simplement en filigrane, mais jamais, jamais, totalement absente.
Un livre empli de finesse et de vérité."

Laurence Thirion
(4e de couverture) :

- "Née à Bruxelles en 1978, romaniste et professeur de français, Laurence Thirion enseigne depuis douze ans. Elle a principalement travaillé dans les Hautes Ecoles de Tournai, Namur et Liège.
Mère de deux petites filles, elle vit actuellement dans la région namuroise, en Belgique. « Les Ombres de l’Adret » est son deuxième roman."


Professeur, écrivain, photographe, céramiste : Laurence Thirion (Ph. JEA/DR).

La page 100 de feu le blog Mo(t)saïques soulignait que : "deux années durant, Laurence fut élève sur le banc de l'une mes classes. Et plus encore, embarquée comme louve de fleuves sur une péniche au pavois marquant la fin des examens. Pour deux navigations illustrant la "douceur mosane" et pour une échappée en pays parallèle de Loire. Elle lisait comme d'autres respirent. Tête dans les nuages des pages. Ombre glissant sur l'eau complice, Παντα ρει και ουδεν μενει. Jusqu'à cette fête de la musique, dans un Charleville méconnaissable, où elle disparut vraiment. Partie à la recherche d'un Rimbaud peut-être de retour, incognito et resté aussi inspiré que désespéré.
En résumé, en notre Athénée, sa classe dégustait avec un appétit juvénile le Boris Vian du Goûter des généraux puis, avec elle, la péniche devenait bateau livre.
Depuis, il nous arrive volontairement d'accoster encore aux mêmes rives. Le temps d'apprendre que nous ne rajeunissons pas et que là n'est point l'essentiel.
Mais voici qu'elle publie pour, à son tour, offrir à lire à de futures louvettes, elles qui pousseront d'autres fleuves à quitter leur lit."

Terminé en octobre 2007, son deuxième roman est enfin publié. Un jeu savant de miroirs communicants et déconcertants. Quand l'un de ces miroirs se brise, les éclats ne laissent pas intactes les mains qui tiennent le livre. Mais pas un roman qui s'accroche à un mur, se glisse dans une bibliothèque. Le livre se métamorphose aussi parfois en "une eau écumeuse". Celle qui emporte sans prévenir les mots, les images trop faussement sages, les points d'interrogations, les passiflores, les Ombres d'un Adret : théâtre souvent tragique, jamais comique.

Au pays de Cornillac , voici quelques passages que seule la lecture du roman permet d'emprunter.


La fontaine de Cornillac (Ph. Laurence Thirion/DR).

Première phrase ?

- "Train à destination de Valence. Quai numéro 7. Départ : 9h41."
(P. 5).

Le couple Elise-Pierre ?

- "Elise n’envisageait pas la vie sans homme mais cette vie commune ne lui convenait pas. Ces trois dernières années ne l’avaient pas épanouie. Elle s’était enfoncé dans un quotidien dominé par les tâches ménagères et les obligations (…). Après l’achat de la maison et la naissance de l’enfant, les problèmes financiers étaient nés. Afin d’éviter de terminer chaque mois en négatif, ils s’étaient progressivement passés de restaurants, de cinémas, de sorties. Ces privations les frustraient l’un et l’autre et ils ne pouvaient s’empêcher de se le reprocher mutuellement. Ils ne parlaient plus d’amour, seulement de griefs. Chaque repas ou presque se terminait avec les larmes d’Elise et la colère irritée de Pierre. Les désespoirs d’Elise ne le touchaient plus maintenant qu’ils étaient quotidiens."
(P. 66).

Cornillac ?

- "A Cornillac, il n’y avait plus aucun natif à l’exception de deux vieux garçons.
(…)
Une petite Renault grise s’arrêta sur la place, deux femmes en descendirent, elles grimpèrent à pied l’unique route de Cornillac. La fontaine surplombait la mairie, Elise put donc les suivre des yeux. Elles étaient chacune chargée d’une encombrante caisse. Elles arrivèrent à leur hauteur, saluèrent Elise et déposèrent leur chargement empli de vivres. Elles étaient mère et fille, on ne pouvait en douter, la ressemblance était incontestable. La mère embrassa la vieille femme [venue faire sa vaisselle à la fontaine] qui, étonnée, répondit : « Bonjour Madame, je vous connais ? » La dame avait le visage las et résigné, « Je suis ta fille, Maman ! » La vieille s’offusqua « Ce n’est pas possible, ma fille ne vient jamais me voir ! » La dame l’arrêta dans sa complainte en lui rappelant sèchement qu’elle passait tous les jours lui apporter ses repas."
(PP. 31-32).

Dieu ?


- "Laure demanda : « Mamou, ça veut dire quoi dedieu ? » Sa grand-mère ouvrit les yeux et la reprit : « Tu veux dire Dieu ? » Elle était à présent complètement réveillée. Sans hésitation, la biologiste répondit : « C’est une invention des Hommes. »
(P. 46).

Elise ?

- "Elise parle un peu d’elle-même, de sa nature soucieuse et Isa l’interrompt : « Tu ferais bien de te désangoisser avant de faire des enfants… Sinon tu seras incapable de gérer ta vie ! »
(…) A chaque retour de vacances, quand il s’agit de reprendre une vie normale, elle est la petite fille qui n’a pas envie de sa rentrée de classes. Elle redoute ses clients mécontents, les nouveaux projets d’architecture à gérer, le travail excessif, les heures supplémentaires, la fatigue et les aubes frissonnantes."
(P. 43).

- "Elise parfois prenait conscience de son ambivalence. Elle détestait les hommes et les aimait avec élan. Cette contradiction la déchirait, elle se sentait écartelée par ce double « moi ». Elle ne trouvait jamais le repos, le contentement, le plaisir d’être là simplement puisque son être bouillonnait soit de rage et de révolte, soit de passion amoureuse. (…).
Gide lui aurait murmuré… Entre le désir et l’ennui, notre inquiétude balance. Et la nature entière se tourmente, entre soif de repos et soif de volupté."
(PP. 77-76).

- "Les yeux d’un homme, un désir mutuel et elle avait des ailes. Sa mère était contente de voir enfin un peu de jeunesse chez sa fille. Hélas ! la joie était cyclique (…).
Elise, elle, avait toujours eu en horreur les maris qu’elle imaginait vieux, bourgeois et moustachus. Raides et figés comme sur les photos d’un autre siècle."
(P. 127).

- "Elle a toujours eu peur de la folie.
Elle ne craint pas le mot s’il désigne la joie, l’euphorie, la passion. Elle craint la vraie folie, celle qui métamorphose un être, qui le rend dangereux, étranger à lui-même.
D’où lui vient cette terreur ? Aussi loin que remontent ses souvenirs, depuis l’enfance, elle côtoie cette fièvre, la graine sournoise, le gène tordu…"
(P. 191).


Cornillac (PH. Laurence Thirion/DR).

Sa fille, Laure ?

- "Je me plains, tu ne peux pas dormir, une fois de plus. Je t’explique que je suis triste et découragée de te voir si « rebelle », si peu raisonnable et tu me dis, sur un ton de conseil, « Pleure, Maman, pleure ! » Du genre « Tu verras, ça te soulageras ». J’en grince des dents !"
(P. 114).

- "Je t’ai trouvée vautrée sur une montagne de vêtements : tu avais vidé une bonne partie de la commode. Ton linge patiemment repassé et plié, jonchait le sol en un fatras épouvantable. Les larmes aux yeux, je n’ai même plus le courage de me fâcher… Je me suis assise, découragée.
Et pourtant, il t’arrive d’être merveilleuse, tu me répètes « Je te taime, Maman chérie, je te taime » mais au milieu de cette marre de vêtements chiffonnés, tes phrases ont peine à apaiser ma lassitude. Tu t’approches de moi et d’un air angélique d’enfant qui se soumet à la raison, tu me dits : « Pardon, Maman chérie à moi. » Je te demande : « Tu mens ? » Et tu réponds en souriant : « Oui, un peu ! »
(P. 139).

Son père ?


- "Il ne lui reste que des images figées : un visage tordu par la rage, une main terrible enserrant le genou de sa sœur, une baguette qui s’agite dans l’air, des hurlements, des injures et des jurons."
(P. 134).

- "Tout ce qui lui rappelle son père, elle rejette, elle déteste, instinctivement.
(…) Elle ne supporte rien qui soit lui. Elle ne supporte pas les cris, les injures, les colères folles, la violence, le bruit d’une radio dans la cuisine, les traces de bottes dans un living encore humide de nettoyage. La nausée la prend au souvenir du son d’une radio française en plein été dans une voiture surchauffée. Elle craint les fêtes d’anniversaire, elle les fuit, elle a peur de sa détresse passée… Elle se souvient trop bien de ses années d’enfance où tout se terminait toujours dans le drame, les cris, les larmes."
(P. 182).

Son ancien compagnon, Pierre ?

- "A l’instant où la lumière s’enfuyait, Elise aurait voulu que Pierre soit là, à ses côtés, comme avant, apaisant, réconfortant. Regretter Pierre, c’était le paradoxe d’Elise : elle ne cessait de le critiquer, elle ne le supportait plus, elle avait besoin pourtant de ses bras et de son corps pour la protéger d’elle-même, de ses peurs, de ses angoisses, de ses délires.
Pierre s’était lassé des problèmes d’Elise. Elle, de son côté, n’avait plus vu en lui que les défauts des hommes."
(P. 52).

- "Encore une fois, Elise se battait avec elle-même et ses contradictions. Pourtant, quand elle entendit la voix de Pierre au téléphone, elle en fut étrangement heureuse (…). Il prenait des nouvelles. Les rancoeurs d’Elise s’étaient évanouies. Elle cherchait au fond d’elle les raisons de leurs cris, de toutes les larmes versées et elle ne trouvait plus le véritable motif de leur séparation. Il est vrai qu’elle supportait seule l’ensemble des tâches ménagères, qu’elle occupait un temps plein et que, le soir, les colères de Laure achevaient de l’épuiser. Ne pouvait-elle pas avoir la force d’assumer « en toute liberté » toutes ses responsabilités ? Elle aurait le bonheur d’être indépendante et amoureuse. Mais dans ces conditions, pourrait-elle l’être ? Elise se voulait pragmatique et chassait ce doute car, à choisir, ne valait-il pas mieux la présence d’un homme à ses côtés plutôt que la même vie surchargée et un lit froid la nuit venue ? Pierre avait raison. Il était inutile de s’épuiser à modifier les gens. Qu’elle prenne ce qu’il donnait et accepte, avec philosophie, sa vie de femme."
(PP. 143-144).

Un maçon drômois, un autre Pierre ?

- "Pierre descendit du véhicule, lui fit signe de la main, il fronçait les sourcils, le soleil l’aveuglait. Dans ces plis sur le front, dans cette grimace à la lumière, Elise lisait l’âge de cet homme. Il était beaucoup plus vieux qu’elle. Sans doute était-ce cela qui lui plaisait chez lui. Cette maturité qui rassure qui semble au-dessus des inquiétudes existentielles.
Pierre était à l’aise. Elise, d’emblée, se faisait charmeuse et rougissait de ce rôle qui s’imposait à elle (…). Elle se débattait avec elle-même, avec ce rejet des hommes et cette envie, pourtant, de se jeter sur ce corps qui l’attirait."
(PP. 104-105).

- "Un chien aboya, une porte claqua. Elle entendit les cailloux du chemin crisser sous un pas de bottines. Le village était plongé dans l’ombre, seuls quelques réverbères éclairaient, ça et là, les façades des maisons mais Elise reconnut la silhouette de Pierre. Il la salua, le sourire moqueur, pensa-t-elle à nouveau. Pierre devait lire sur son visage le désir qu’elle tentait de dissimuler. Elise se sentait vulnérable. Elle prit un ton détaché pour lui faire remarquer que sa femme devait s’impatienter à cette heure… Pierre se contenta de rire, de ce rire un peu rauque et d’ajouter « Elle attendra encore un peu » et il s’assit sur le muret à côté d’Elise. Dans leur dos s’ouvrait le précipice. Il fit mine de l’y renverser. Elle hurla, vraiment effrayée. Il riait encore !"
(P. 116).

Un villageois, Rainer ?

- "Rainer leur confia qu’il n’osait penser à un hiver seul à l’Adret. Il deviendrait fou. Il partirait si Isa ne revenait pas. Il n’avait pas l’envie de finir comme le Gérard de Tamizat qui s’était tiré une balle dans la tête. Il s’était raté et n’avait pas eu le courage de recommencer. Défiguré, son visage aujourd’hui était un masque grimaçant. A présent, on le trouvait assis au comptoir à Rémuzat, dès dix heures du matin. Rainer redoutait cette solitude. Cornillac n’avait aucun charme pour les célibataires."
(P. 181).

Dernière phrase ?


- "Elle se surprend parfois à envier ses filles qui n’ont pas connu cet homme-là."
(P. 207).


Cornillac sous l'objectif de Laurence Thirion (DR).

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lundi 26 mars 2012

P. 129. Toponymie autour des "Ombres de l'Adret", roman de Laurence Thirion

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Surplombant Cornillac, le Rocher du Caire (Ph. Laurence Thirion/DR).

La page 100 - et ce n'était pas un hasard- de la version initiale de ces Mo(t)saïques présentait le premier roman de Laurence Thirion : "Absences" (Ed. Memory Press). La même maison d'édition propose enfin le second roman de Laurence : "Les Ombres de l'Adret".

4e de couverture :

- "L’adret : versant de la montagne la plupart du temps ensoleillé... Le titre nous révèle déjà le paradoxe : les ombres de cet adret, ces endroits où nul ne s’aventure impunément et ne ressort intact, ces zones stagnantes en nous où nous risquons parfois de nous enliser... L’Adret est aussi le nom du hameau qui surplombe Cornillac, ce village isolé de la Drôme où Elise est venue passer quelques semaines sabbatiques. Mais qui a-t-elle fui ? Son compagnon ? Son père ? Les hommes ? Sa propre vie ?
Et que cachent les façades sereines et ensoleillées comme déchirures, tristesse, regrets, déceptions, désillusions ?
Chaque versant dissimule une autre vérité, chaque personne est porteuse de sa propre zone d’ombre... Elise trouvera-t-elle sa route parmi ces enchevêtrements d’épines égayées malgré tout par les splendeurs printanières..."

La page 130 de ce blog proposera une lecture personnelle de ce roman. Pour l'introduire, voici quelques cartes de randonnées (Laurence Thirion est une grande marcheuse aux semelles de vent) traversant les paysages autour du village central du livre : Cornillac en Drôme.


Adret de la Lionne

Bergerie de Mal Passe, de Pierre Molle, du Clos de Barral, du Rusquet, les Rabassières, Plan de Loubes

Bois d’Aiguille, de Chabrette, de Trou, de la Chabanne, des Faures, du Coucourdier, du Travers

Bouligou

Champ de la Grave, des Maris, Fourgon, Frérand, la Somme

Chapelle de Saint-Secret

Chez-le-Roi

Clot Chouvins, Courtel, Furmy, Sibeyra, de Mie, des Cosses, des Mèges, des Poiriers

Col de la Fromagère, de la Loubière, de la Maure, de la Saulce, de la Sausse, de Chaudebonne, de Font Combran, de Maréoux, de Marjariès, de Pensier, de Pré Guittard, de Sanguinet, des Jillons, des Pourcieux, des Trousses
Col du Bouton, du Buisson de Derbon, du Fau, du Rocher Percé, du Tarras
Col Laratte, Lauchauvin

Combe de Brame-Fam, de Champ Féri, de Comentige, de Tire-Cul, de la Fontaine de la Roche, de la Galone, du Grand Barbeirol, du Fau, du Loup, du Peirolet, du Sap, Chabri, Obscure, Oursière

Coste Rastre

Côte Râclée, Semouille

Coucourdier

Crête des Escassauds, des Planes, du Bœuf, du Jas de l’Aye

Ferme Béal Noir, Clos l’Estelle, Marafit, Souchanier, Villardon
Ferme de Fontbarno, de Fortio, de la Lance, de Plan Chalard, de Salavel, du Colombier, du Laup, du Pérou, du Saule
Ferme la Canarde, la Cavalière, la Condamine, la Crotte, la Piboulier, la Soupe, le Chapeau, le Muret, le Théron, les Angelettes, les Treilles

Granges de Pichouvet

L’Arboudaysse

La Barthalasse, la Basse Caisse, la Bayassière, la Boule d’Or
La Chabanne, la Combette, la Fendarasse, la Font du Loup
La Jassine, la Lèche, la Merline, la Montée des Vignes
La Pattaque, la Pluie, la Plumée, la Pousterle, la Reboule, la Sidoine
La Valdoule, la Villasse

Le Bâtie Fity
Le Châtelard, le Clapas, le Coup d’Huery, le Courpata
Le Grand Désert, le Grand Plumel
Le Partivour, le Pla de Pierre Vieille

Le Plan de la Croix, de Loubes

Les Alazards
Les Barlandiers, les Basses Graves, les Blaches, les Boissets
Les Chabeaux, les Chauvins, les Clops, les Coinches, les Courlisses, les Courtasses
Les Estouves, les Eyguières, Les Figaniers
Les Landerots, les Laurons, Les Lichières
Les Margillères, les Montarines, les Mottettes, les Moulières
Les Noyarets, Les Olivières, les Ozias
Les Paillonnes, les Pommarets, les Posterles, les Priourets
Les Rabassières, les Ramassiers, les Rastelets, les Richiers, les Rustres
Les Safrières, les Siarres
Les Tahuches, les Taillayonnes, les Tessonnières, les Touches
Les Viandoux, les Vourments

( Ph. Laurence Thirion/DR).

Montagne d’Autuche, de Bègue, de Dindaret, de Grimagne, de l'Archier, de Lirette, de Piaud, de Raton, de Roubiouse, des Tunes, Doule, du Plus Haut Laup

Montlahuc

Moulin de Mange-Fèves

Nais de Piérou

Pas de la Lune, de l’Echaillon, de l’Echelle, de l’Essartier, de Pousterle, des Ondes, d’Ode, du Roure, du Terme
Passage de Rochesourde
Passière de la Sapie

Pié Léger, Miat

Pré Barnou, du Cros

Ravin de la Combe Cristol, de la Fontaine de Luzerne, de la Font du Vège, de la Milassore, de la Riaille, de la Roussonne, de la Touvière, de la Tuile
Ravin de Chabriane, de Chabrol, de Chante-Duc, de Chaperon, de Chaussène, de Combe Cristol, de Combe Lucette, de Combevoune, de Conubas, de Devant Vialle
Ravin de Féringuande, de Fillara, de Fontaine Pute, de Francagnole
Ravin de Jullias, de Laranie, de Maure, de Mioufaux
Ravin de Pérouse, de Pont de Seille, de Rachas, de Rocher Rouge
Ravin de Saute Argaux, de Sémenon, de Tarroche
Ravin des Courbis, des Eychirolles
Ravin du Bec de l’Ase, du Col de la Pause, du Roure de l’Homme, du Saule

Roche Colombe, Longue, Pourrie, Rousse
Rocher Barlet, de Banne, de Jusclas, de l’Aiglier, de l’Abîme, de l’Abrot, de l’Ours, de Bramard, de Tête Vieille, du Caire, du Gros Pata, du Maupas, du Merle, la Borgne, Pointu

Ruisseau d’Aiguebelle, de la Tourière, de Bourboutane, de Champanin, de Combe Obscur, de Piconnet, de Volvent

Serre de Champ d’Habit, de Chai, de Côte Roux, de Côte Maillet, de Rousarache
Serre de la Croix de Fer, de la Grande Jasse, de la Molle, de l’Homme, de l’Orme
Serre des Auberts, des Culiers, des Istans, des Testes, des Ubacs
Serre du Bannié, du Châtelas, du Fumier, du Miral, du Pontillard
Serre Amande, Bonnenuit, Cabaniau, Gibous, Glaise, Embouc, Epervière, Malivert, Merville Rochasson, Rousarache, Sablon, Saint-Bœuf, Sarasin
Serre l’Aîné

Souchon Rima

Source de l’Escondue, de l’Etoile, des Pechiers, Font Bruant, la Gargolle, la Greffe, le Tourisson, les Bouisses, les Sorgues

Tête de Boïchi, du Mouret

Tire-Coueste

Torrent d’Arnayon, de Cruel, de Maraval

Ubac de l’Estang, de Piegros

Vallon de Baume du Chat, des Paillasses, de Tricou, du Bonnet de Capelan...

(Ph. Laurence Thirion/DR).

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jeudi 22 mars 2012

P. 128. Le 22 mars 1832 : le choléra à Paris !

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Mémoires de Canler
ancien chef du service de sûreté
(1797-1865)
le Temps retrouvé
Mercvre de France
2006, 812 p.

Mot de l’Editeur :

- "Canler est un ancêtre du commissaire Maigret, à l'époque où s'organisait la Brigade de Sûreté qui devait devenir la Police judiciaire du Quai des Orfèvres. Ses Mémoires sont indispensables à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la police en France. On y trouvera une exacte description du monde du crime dans la première moitié du XIXe siècle et le récit de maintes affaires célèbres.
Ce contemporain d'Eugène Sue nous donne à lire de nouveaux Mystères de Paris où tout est vrai.
Canler nous enseigne aussi sur les réalités quotidiennes de son temps, aux divers échelons de la société, et sur les événements historiques transfigurés par la légende. Témoin privilégié des divers régimes qui se sont succédé au Premier et au Second Empire, il dévoile les dessous de la vie politique : menées des agents provocateurs, épurations, complots, attentats, émeutes, révolutions. Ce n'est pas l'aspect le moins passionnant de ces Mémoires."

Notice biographique :

- "Né le 4 avril 1797 à Saint-Omer (Pas-de-Calais). Mort le 24 octobre 1865 à Paris, rue des Charbonniers Saint-Antoine, n° 34. Père sergent des Armées de la République, puis chef de prison militaire à Namur. Admis dans le corps des enfants de troupe en qualité de tambour le 18 juin 1805. Soldat, puis caporal (1813) de l'armée napoléonienne, présent lors du siège d'Anvers (1814), à la bataille de Fleurus et, avec le 28ème de ligne, à la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815. Quitte l'armée en décembre 1818. Marié le 24 décembre 1817 à la mairie de la Place Royale à Paris avec une demoiselle Marie Adélaïde Denisot. Employé dans une fabrique de papiers peints. Entre comme inspecteur à la préfecture de police le 25 avril 1820, sous les ordres de l'officier de paix Dabasse. Inspecteur à la 6ème brigade de la sûreté parisienne au traitement de 1200 francs annuels en 1825. Officier de paix de la préfecture de police en 1844. Nommé chef de la sûreté de la préfecture de police le 3 mars 1849. Quitte ses fonctions le 15 novembre 1851 après "31 ans et 7 mois de services administratifs". Père adoptif en janvier 1856 de deux nièces de son épouse (dont Adélaïde Louise née en avril 1834). Objet d'une "double inculpation" en 1862 après la publication de ses Mémoires dont la vente est interrompue. Adresse une supplique à l'Empereur Napoléon III à ce sujet le 9 août 1862."
(Société française d’Histoire de la Police).

Benoît Pivert :

- "Le texte est riche, savoureux, le style enlevé et le contenu propre à réjouir tous ceux pour qui l’Histoire n’est pas que le récit des hauts faits de grands hommes à la manière de Plutarque mais la somme de tous les faits culturels et sociaux jusques et y compris la vie dans ces bas-fonds rarement fouillés par la lumière des historiens. Quiconque souhaite connaître la vie du petit peuple parisien dans la première moitié du XIXème siècle, ses heurs et ses malheurs, mais aussi les turpitudes des classes plus aisées se régalera à la lecture de Canler qui possède indéniablement le sens du pittoresque. Il faut dire qu’un policier a ceci de commun avec un confesseur que rien de ce qui est humain ne lui est étranger. C’est ainsi que les mémoires de Canler offrent à l’occasion des points de convergence avec le journal plus tardif de l’abbé Mugnier également publié au Mercure de France."
(Lettres vagabondes, 14 novembre 2009).

Affiche de 1832 (Graph. JEA/DR). 

"22 mars 1832 !!!
Jour à jamais néfaste...
Le choléra fit son apparition à Paris !"

Canler : ces bruits à propos d'un empoisonnement des habitants de la capitale...

- "Inconnu dans ses causes, implacable dans ses effets, le fléau avait parcouru le nord de l'Europe et couvert de deuil une partie du vieux monde. Des bruits, des fables ridicules se répandirent bientôt dans la multitude et acquirent tout à coup une importance regrettable. Suivant ces on-dit : des hommes infâmes, soudoyés par uen puissance infernale, auraient formé le projet d'empoisonner les habitants de la, capitale, en jetant sur les aliments et dans les liquides des substances vénéneuses et mortelles. Ces bruits, quelques absurdes qu'ils paraissent, reçurent cependant en quelque sorte une sanction officielle;
Le préfet de police crut faire cesser les craintes de la population, à l'égard des prétendus empoisonneurs, en publiant une ordonnance tendant à calmer les esprits surexcités par la malveillance.
(...) Cette proclamation produisit malheureusement l'effet contraire de celui qu'on en attendait.
(...) La malheureuse circulaire ne servit, hélas ! qu'à accréditer dans l'esprit du peuple les bruits ridicules et alarmants déjà répandus."
(PP. 392-393).

"Episode déplorable" :

- "Des cris discordants (...) furent bientôt répétés partout :
- C'est une empoisonneur ! à mort !
- Il a été pris sur le fait ! à mort !
- Echarpons-le !
- Pendons-le au réverbère !
- Oui, c'est cela ! pendons-le ! ils servira d'exemple aux autres !
- Oui, mais avant de le pendre, déchirons-le un peu en morceaux, pour qu'il sache ce que c'est que d'empoisonner le peuple !
A ces vociférations, mon inspecteur s'élance (...) il trouve un homme qui, balloté de mains en mains, la figure couverte de contusions et les habits en lambeaux, semblait offert en holocauste à la fureur populaire.
- Arrêtez ! (...) Je suis agent de police et je me charge de lui, il servira d'exemple pour les autres.
(...)
Hélas ! l'infortuné, victime de l'erreur populaire, ne put survivre aux émotions et aux mauvais traitements qu'il avait subis."
(PP. 393-394).

Affiche de 1832 (Graph. JEA/DR).

Mourir pour une boule de gomme :

- "Voyez ces deux hommes qui descendent le faubourg en causant de leurs affaires ou de leurs plaisirs, et se tenant cordialement par le bras ; l'un est gros, l'autre est maigre, et ce dernier vient de fouiller sa poche, d'y prendre un sac de papier contenant des boules de gomme et d'en offrir à son ami qui, étant en train de fumer un cigare, refusa.
(...)
Un petite mendiante nu-pieds, à peine couverte de quelques lambeaux de toile figurant des vêtements, vint leur demander l'aumône. L'homme au cigare lui donna un sou, l'homme au sac lui en donna également un et lui offrit une boule de gomme.
- N'prends pas ça, p'tiote, cria un chiffonnier qui passait, ça t'ferait mourir !
- Comment ! mourir ? s'exclama l'homme aux boules.
Ces mots avaient été entendus; quelques hommes s'arrêtèrent, on les entoura, on les pressa (...). On interpella les deux individus, on leur fit des questions et des menaces, on cria, on vociféra, puis des paroles on passa aux actions, on les poussa, on les ballotta, puis ensuite on parla de les pendre ou de les massacrer, et passant de la menace à l'exécution, on finit par les rouer de coups.
Mais détournez un instant les yeux; voyez cet homme qui accourt et se presse : vient-il aussi prendre part à la curée ? vient-il donner un coup, arracher une poignée de cheveux ? Non ! (...) Cet homme fouille dans sa poche, non pour chercher une arme, mais pour y prendre une égide protectrice; il en tire une écharpe tricolore qu'il ceint tout en courant; c'est un commissaire de police : M. Jacquemin. A sa vue les rangs pressés s'ouvrent pour se refermer immédiatement sur lui; mais lorsqu'il parle de délivrer ces deux malheureux, sa voix est couverte par des cris de mort.
(...)
M. Jacquemin voit que les deux victimes vont périr sous ses yeux; mais heureusement un piquet de gardes municipaux à cheval vient à passer, et le commissaire de police, les requérant aussitôt, réussit à faire mener à son bureau ces deux infortunés et leur sauve ainsi la vie."
(PP. 395-396).

François-Nicolas Chifflart, Le choléra à Paris (Doc. 1865/DR).

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lundi 19 mars 2012

P. 127. Louis Pergaud : de la guerre des boutons à celle des tranchées...

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Louis Pergaud, Carnet de guerre, Edition établie par Françoise Maury;
suivi de
Jean-Pierre Ferrini, Un tombeau pour Louis Pergaud,
Mercvre de France, coll. Le petit Mercure, 2011, 158 p.

4e de couverture :


- "Louis Pergaud a 32 ans lors de la mobilisation générale du 2 août 1914.
Il a déjà publié au Mercure de France De Goupil à Margot (prix Goncourt en 1910), La Guerre des boutons (1912) et Le roman de Miraut (1913). Il part à Verdun le 3 août 1914. Dans la nuit du 7 au 8 avril 1915, lors de l'attaque de la cote 233 de Marchéville, il disparaît dans la boue de la Meuse. En recevant la cantine militaire de son mari, sa femme Delphine trouva à l'intérieur le Carnet de guerre. Pergaud y rend compte de sa vie quotidienne : les corvées, les revues, la solidarité, les mesquineries de la vie en commun, la bonne santé et la crainte des maladies, la qualité du sommeil, la nourriture...
Les phrases sont interrompues, heurtées, dictées par une urgence, comme hachées par l'éclat des obus ou les rafales de mitrailleuses. Enfin disponible dans son intégralité, ce Carnet éclaire la guerre d'une lumière brute et factuelle."

Le Monde :

- "Ces pages constituent un formidable et effarant témoignage de la guerre vue et vécue de l'intérieur."
(8 novembre 2011).

Jérôme Garcin :

- "Cette fois, ce ne sont plus des coups de pied, des jets de cailloux, des blouses arrachées et des cris de joie, mais des orages d'acier, des pluies de bombes, des corps broyés et des hurlements d'effroi. Ce n'est plus, dans la jolie campagne française, la troupe de Longueverne contre celle de Velrans, mais, dans un paysage d'apocalypse, l'armée des poilus contre celle des boches. On ne rigole plus. On a cessé de jouer à la guerre. On la fait. On y crève.
Deux ans après avoir publié «la Guerre des boutons», et alors qu'il commence à en rédiger la suite, l'instituteur Louis Pergaud, 32 ans, prix Goncourt 1910 pour un recueil de nouvelles animalières, «De Goupil à Margot», part pour Verdun, le 3 août 1914. Pendant huit mois, sans jamais quitter la côte 233 de Marchéville où son régiment, le 166e, est enlisé, Pergaud se bat. Il sera tué le 7 avril 1915. Son corps, noyé dans la boue de la Meuse, ne sera jamais retrouvé."
(Le Nouvel Observateur, 20 novembre 2011).

Mohammed Aissaoui :

- "C'est un texte d'une force incroyable. On se demande comment le Prix Goncourt 1910 a pu résister à la vue de tous ces moments horribles et avoir la force de les restituer dans son Carnet de guerre. Ces pages constituent un formidable et effarant témoignage de la guerre vue et vécue de l'intérieur. Rarissime et bouleversant."
(Le Figaro Littéraire).


Printemps 1915 : première ligne en Woëvre (Doc. JEA/DR).

18 mars 1915 au matin :
"toutes les cinq minutes on risque de finir la tête fracassée..."


Louis Pergaud :

- "Ma section est placée en attente dans une fausse tranchée très basse, recouverte par des claies (...). Mes poilus sont en train comme tout. Larant fit un petit drapeau avec un carton et je ne sais quoi encore pour le planter dans Marchéville - attente - il fait un peu froid et j'ai mal à l'estomac - mais le temps se réchauffe et une goutte de rhum me remet à peu près - canonnade - quelques obus percutants de 77 tombent à 5 ou 6 m de nous et sur P prolongé sans toucher personne - repérage de notre artillerie.
A 3h coup de canon - la grande canonnade se déclenche. Les 75 rasent notre tranchée pour aller éclater en ceinture noire sur les tranchées allemandes - 10 mn et on va se lancer. La fusillade commence et nous partons (...). La batterie de Maizeray nous tire dessus et les mitrailleuses allemandes non réduites nous fauchent. Notre tir d'artillerie a été inefficace. Tant pis.
(...)
La mitrailleuse nous fauche (...) et les 77 nous éclatent devant le nez nous brûlant les yeux. Des quantités de cadavres gisent déjà.
(...)
La 8e a été fauchée en s'élançant sur la tranchée boche. La 4e entrée par l'entonnoir de mine a disparu mitraillée dans la tranchée ennemie. La 7e en débouchant a été arrêtée net (...). Le soir est sanglant - les râles - les appels - un moribond à côté de nous gémit sans cesse. Il pleut. Le ciel d'orage (...). Les fusées, les obus, les crapouillots, la pluie, la veille, l'éreintement. Toutes les 5 mn on risque de subir le sort de Ferret.
(...)
Vers 2 ou 3h on nous relève - la marche dans la boue sanglante par le boyau central plein d'eau où l'on se coince avec ceux qui montent. Danvin manque se noyer dans un trou plein de boue, d'eau, de pissat, de merde et de sang. Je saute dedans pour le retirer et j'en ai jusqu'aux genoux. L'odeur me poursuivra 3 jours durant."
(PP 109 à 111).

Louis Pergaud sur le front de Verdun. Sa signature au bas d'un courrier en date du 6 décembre 1914 et par lequel il précise être sergent au 166 RI, 2e C. (Mont. JEA/DR).

19 mars :

"Pour que le con sinistre" ait sa 3e étoile...

- "Canonnade - le beau temps revient - nous recherchons nos blessés (...). On est en admiration devant nous, n'empêche qu'il y a 111 morts - 250 blessés et autant de disparus. Et pourquoi, pour que le con sinistre qui a nom Boucher de Morlaincourt (1) ait sa 3e étoile. La prise de Marchéville ne signifie rien, rien. Il est idiot de songer à prendre un village et des tranchées aussi puissamment protégés avec des effectifs aussi réduits, chaque poilu fût-il brave comme 3 lions. Le soir, la 1re Cie seule doit recommencer l'opération. C'est ridicule et odieux ! Et le 75 nous a tapé dessus achevant les blessés de P3. Deux malheureux avaient réussi à se rouler dans la même couverture attendant des secours. Un 75 les fait sauter en miettes. C'est horrible.
(...)
A 5h, après la canonnade, la 1re doit se lancer en colonne d'assaut. A 5h moins 1/4, le contrordre arrive - on dépêche un cycliste là-haut, c'est Chetelard de la 2e avec celui de la 3e qui partent à découvert au triple galop jusqu'au poste de commt. Arriveront-ils à temps. Anxiété générale - l'artillerie qui devait prolonger son tir ne continue pas. A 5h moins 3 mn le contrordre arrive à la P 3. La 1re était déjà massée en colonne d'assaut. Comment aurait-elle été reçue ? L'aspirant Miquel qui met la tête hors de la tranchée a le nez traversé. Il y a eu plusieurs tués encore."
(PP. 112-113).

Fiche de Louis Pergaud, disparu à Fresnes en Woëvre le 8 avril 1915 (DR).

Emmenant sa section, Louis Pergaud repartit à l'assaut des lignes allemandes dans la nuit du 7 au 8 avril 1915. Encore et toujours près de Marchéville. Blessé, il fut fait prisonnier. Le secteur fut alors écrasé par l'artillerie française, ne laissant aucune chance à l'écrivain, en effaçant même toute trace ...

(Photo Noël Desmons/DR).

Sur cette sinistre cote 233, une stèle rappelle cette disparition :


A LOUIS PERGAUD

Reverrons-nous
les champs
reverdir
et les
fleurs repousser

Avril 1915

Parti d'ici à la tête
de ses hommes
Louis Pergaud
prix Goncourt 1910
auteur de La Guerre des boutons
disparut la nuit
du 7 au 8 avril 1915
dans l'attaque
de la cote 233
de Marchéville.

1882 - 1915

Carte situant Marchéville par rapport à Verdun. A l'ouest, les troupes françaises. A l'est, les Allemands. La flèche rouge situe l'assaut fatal du 7 au 8 avril 1915.
(Doc. JEA/DR. Sur base d'une carte publiée en 1922).

NOTE :

(1) Ne pas lire comme un surnom péjoratif. "Boucher de Morlaincourt" est bien le nom de famille du général mis en cause par Louis Pergaud.


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jeudi 15 mars 2012

P. 126. Si la brise ventriloque...

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Orchain (Ph. JEA/DR)


Les arbres montés sur la colline
rongèrent jusqu’à l’os
les rumeurs évadées
d'un ruisseau épuisé

une marée haute de freux
repoussait sans ménagement
les sciures de tristesse 

abandonnées sur l’horizon

notre nuit n’était jamais
qu’une alchimie dépassée
avec l’or des rêves rouillés
redevenu le plomb des douleurs

une étoile défenestrée
gisait moribonde
entre le monde des soudards
et celui des mélodrames

un malentendu puéril
égarait pêle-mêle les ombres
vers les tournants des tourments
et des renoncements

si la brise ventriloque
finissait par se taire
elle nous poserait encore 

des questions sidérales et sidérantes…


(Ph. JEA/DR).

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mardi 13 mars 2012

P. 125 bis. Selon Le Parisien, l'occupation de la Belgique débuta en... 1942 !

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Capture d'écran du Parisien en date du 7 mars 2012 :


Nous ne résistons au plaisir de vous proposer de partager de visu et avec les lecteurs du Parisien, ces perles agrémentant la nécrologie de M. Carette-Marceau telle que publiée avec le plus grand sérieux par ce quotidien.

- "Chroniqueur à la radio-télévision belge de 1936 jusqu'à l'Occupation allemande (1942), il s'exile en France à partir de 1944".

Et voilà ! Carette n'est point à la tête du service actualités de Radio Bruxelles dès que celle-ci nait des oeuvres de la Propaganda Abteilung. Il reste gentiment un "chroniqueur" et n'a forcément pas été collabo. L'aurait-il même envisagé que le temps lui aurait manqué. Car il quitte la radio en 1942, année de... l'occupation allemande de la Belgique. Le Parisien va devoir exiger sans plus de retard une révision de tous les manuels scolaires. Et attendre des historiens un peu plus de rigueur, eux tous qui jusqu'à cette révélation du Parisien, retenaient mai 1940 comme date de la mainmise du IIIe Reich sur le Royaume.

Au passage, ne craignant visiblement pas le ridicule, Le Parisien écrit que la Belgique bénéficiait déjà à l'époque d'un service officiel de... télévision.

C'est du tout grand n'importe quoi. Le bonnet d'âne au fond de la classe des nécrologies !

Une dernière précision. Contactée à propos de ces deux grossières erreurs, la rédaction du quotidien a répondu texto : "hors sujet" !!!

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lundi 12 mars 2012

P. 125. M. Carette-Marceau prouve que l'on peut avoir été déchu de la nationalité belge pour collaboration et finir ses jours en doyen de l'Académie française...

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Signature de Louis Carette (Doc. JEA/DR).

Louis Carette-Félicien Marceau vient de mourir. Eu égard à son âge et à sa notoriété, nul doute que sa nécrologie fut longuement et depuis longtemps peaufinée par la presse francophone. Laquelle passa plus ou moins l'éponge sur le passé collaborationniste de l'académicien.

En voici quelques échantillons.

Le Soir :

- "La vie de Félicien Marceau est cependant entachée de zones sombres. On lui a en effet enlevé la nationalité belge car il était considéré comme sympathisant allemand durant l'Occupation. Il doit alors fuir en Italie, puis en France où il sera naturalisé français."
(DZ, 7 mars 2012).

Que d'approximations en si peu de lignes !
En 1946, Louis Carette a été officiellement déchu de la nationalité belge (1) et condamné par contumace à 15 ans de prison non pour "sympathie" mais pour collaboration active avec les nazis. Auparavant, soit en 1942, le Gouvernement belge en exil à Londres avait modifié le code pénal - art. 113, 117, 118 bis et 121 bis - pour permettre de "châtier les traîtres" à la Libération. Cette même année 1942, Carette sentant le vent de l'histoire tourner, va se placer sous la protection des murs du Vatican. Il décrochera la nationalité française en 1959, grâce à un lobby d'intellectuels plus à la droite de la droite les uns que les autres...
La frilosité de cette nécrologie du Soir est confirmée par la fermeture des commentaires sur le site du journal. Circulez, il n'y a rien à (d)écrire. Tout le contraire de Saint-Just : "Osons !"

Libération :


- "L’écrivain d’origine belge Félicien Marceau, naturalisé français en 1959 et doyen de l’Académie française, est mort mercredi à l’âge de 98 ans. De son vrai nom Louis Carette, il avait collaboré avec les nazis durant l’Occupation et été condamné à quinze ans de prison à la Libération."

Constat : un journal parisien se montre plus précis que Le Soir de Bruxelles quant au motif et à la peine ayant frappé Carette. Ménageant moins la chèvre Marceau et le choux Académie que le quotidien belge.

Brigitte Salino :

- "En 1939, quand commence la seconde guerre mondiale, Louis Carette travaille comme journaliste à la radio belge. Appelé sous les drapeaux, démobilisé en 1940, il reprend son travail, dont il démissionne en 1942. Il part alors pour l'Italie, où il veut, dit-il, apprendre le métier de bibliothécaire au Vatican. En fait, il gravite dans le milieu des affaires.
A l'issue de la guerre, il est jugé par contumace par le gouvernement belge, qui le condamne à quinze ans de travaux forcés pour collaboration. Pour échapper à sa peine, Louis Carette s'installe en France, en 1950, et se fait naturaliser. Il n'acceptera jamais "l'injustice", selon lui, de sa condamnation."
(Le Monde, 8 mars 2012).

Madame Salino nous épargne des généralités et le communiqué de l'AFP pour une approche plus scrupuleuse. Celle-ci appelle néanmoins quelques mises au point.

En effet que recouvre en réalité la formule : "il reprend son travail" ?
Avant guerre, Louis Carette fait effectivement partie du personnel de l'INR (Institut National de Radiodiffusion). Lors de l'invasion de la Belgique, aucune des stations radio du pays ne tombera aux mains des Allemands (fait unique en Europe). Reste aux nazis à imposer dans le Royaume leur instrument de propagande radiophonique. L'INR devient "Radio Bruxelles" (tout comme ce "Radio Paris" dont vous vous souvenez : "Radio Paris ment, Radio Paris est allemand").
"Radio Bruxelles" est contrôlée par la Militärverwaltung (Administration militaire), et manipulée par la Propaganda Abteilung
, via un "commissaire gérant" nazi. Dès mai 1940, un Kommissaricher Verwalter Sonderführer se tient donc à la tête de la Radio et chaque service de celle-ci est placé sous une responsabilité bicéphale belgo-allemande (2). Louis Carette possède dès lors le titre de "chef du service actualités" en parallèle avec son équivalent nazi... Il ne "reprend pas son travail" mais monte opportunément en grade en se plaçant au service des occupants.
Et si doute on pouvait éprouver, la date du 11 décembre 1940 marque une étape dans le processus de la Shoah en Belgique. Tous les Belges soupçonnés d'être d'origine juive sont expulsés de Radio Bruxelles. Carette ne peut l'ignorer. Il ne lève pas le plus petit doigt...
Enfin, une rectification : l'intéressé n'a évidemment pas été "jugé par le gouvernement belge". Le Royaume est une démocratie avec la séparation des pouvoirs. C'est donc un Conseil de guerre, avec comme président un magistrat civil, qui a condamné Carette par contumace.


Tract de Gabriel Lhoir, 1942 : année du sauve-qui-peut vers Rome de Louis Carette (Doc. JE/DR).

La Libre Belgique :


- "Apatride déchu de la nationalité belge, il est naturalisé Français en 1959, après que le général de Gaulle, peu soupçonnable de complaisance en la matière, ait pu s’assurer de l’inanité des accusations qui l’avaient fait condamner à quinze ans de prison à la Libération. Dans "Félicien Marceau" (La Table Ronde), l’étude majeure qu’il lui consacra en 1996, l’étincelant mais redoutable et redouté Pol Vandromme annonçait la couleur dès les premières lignes : "Finissons-en tout de suite, c’est la meilleure façon de commencer. Un paragraphe suffira pour ouvrir et fermer sur-le-champ la parenthèse controversée des années courtes. Félicien Marceau, qui s’appelait alors Louis Carette, n’a eu de biographie que pendant ces années-là. Encore fut-elle d’une irréprochable banalité. Fonctionnaire à la radio dès 1936, il reprit ses activités après l’exode de 1940 sur le conseil et la caution de son ministre de tutelle, il fallut l’acharnement de l’esprit de vindicte et l’affabulation légendaire de l’ignorance. Tout ce qui devait être dit là-dessus l’a été en appendice du livre de mémoires".
(J. F. et Fr. M., 8 mars 2012).

L'argument d'autorité a largement fleuri à l'ombre d'un de Gaulle utilisé comme caution ! De Gaulle n'aurait quand même pas honoré un collabo ! De Gaulle ? Lui qui, à la Libération, choisit un certain Maurice Papon comme préfet de la Gironde. Puis le plaça en 1958 à la tête de la Préfecture de police de Paris. Ce même Papon condamné ensuite pour "complicités de crimes contre l'humanité" ? Au terme d'un procès de six mois où ne manquèrent pas des témoignages de complaisance - notamment de quelques Gaullistes venus vainement tenter de le faire passer pour un héros -...
Si "inanités des accusations" contre Louis Carette il y avait, que ne les a-t-il point fait prévaloir devant la justice belge ? Jamais un appel. Mais au nombre de ses défenseurs idéologiques (toujours un peu plus à droite) figure certes Pol Vandromme. Lequel rejoint Carette-Marceau quand il résume sa guerre en une étrange formule : "les années courtes". Comme si l'occupation avait été "courte" pour les déportés, pour les résistants dans la clandestinité, pour qui se retrouva dans les prisons espagnoles avant d'aller porter l'uniforme belge à Londres, pour les victimes civiles... Bien au contraire, de trop longues années marquées par les usures, les lassitudes, les doutes, les accès de désespoir devant une guerre qui tardait à prendre fin par l'effondrement du IIIe Reich. Sans parler du temps définitivement arrêté pour les victimes de la Shoah, pour les triangles rouges jamais revenus des camps, pour les fusillés, pour les militaires tombés sur les champs de bataille tandis que Carette restait dans ses pantoufles à Radio Bruxelles puis au Vatican.
Mais pour M. Vandromme, le parcours de Carette, "bon sang mais c'est bien sûr", ne relève que d'une "irréprochable banalité".
Tous les journalistes belges dignes de ce nom "brisèrent leur plume" sous l'occupation. Refusant aux nazis le moindre article, le plus petit reportage. Une résistance pure et nette. Et quand ils entraient dans la clandestinité, c'était avec la mort comme destin prévisible - ainsi Léopold De Hulster -. Mais d'autres profitèrent du régime nazi. Et leur collaboration active, selon M. Vandromme, ne relèverait que d'une "irréprochable banalité" (du mal, dès lors ?). Ces deux termes s'inscrivent tristement mais sciemment dans une perspective révisionniste !
Enfin, affirmer pour le dédouaner, que Carette reçut la "caution de son ministre de tutelle" est grotesque. Le Gouvernement belge était à Londres, aucun ministre ne resta au pays pour se mettre à la table des nazis. Les émissions de Radio Belgique à la BBC (indépendantes du gouvernement) s'opposaient à celles de Radio Bruxelles tout comme les émissions des "Français parlent aux Français" à celles de Radio Paris. C'était la "guerre des ondes" (3) et Carette s'y plaça au service des nazis.


Tract distribué en Belgique dès 1940 et dénonçant la collaboration-servitude de qui se met aux ordres de l'Ordre Nouveau (Doc. JEA/DR).

David Caviglioli :

- "Autant le dire tout de suite : pendant les années de guerre, l’occupation allemande ne heurte pas ses convictions, qu’on situera très à droite. Il travaille à la radio pendant les années noires, jusqu’en 1942. La chose lui vaut d’être regardé de travers quand les Allemands s’en vont. Il quitte la Belgique et se réfugie en France."
(BibliObs, 8 mars 2012).

M. Caviglioli mérite sans conteste la palme de la nécrologie la plus désinvolte si pas la plus cynique.
Carette-Marceau est "regardé de travers quand les Allemands s'en vont" ? D'abord les occupants ne "s'en vont" pas. Ils sont chassés. Et cette Libération, à quel prix ! Ensuite la justice belge est passée. Les lecteurs de M. Caviglioli l'ignoreront pour n'en retenir qu'un anecdotique "regard de travers" (4)...

Sabine Audrerie :

- "Il [Marceau] quittera la RTB alors qu’il en est directeur des actualités en 1942, refusant de servir «  les desseins de l’ennemi ». Il s’exile."
(La Croix, 7 mars 2011).

La boucle est bouclée. Par un traditionnel retournement de situation révisionniste : le collabo se retrouve dépeint in fine sous les traits d'une sorte de... résistant grâce à une phrase entre guillemets et qui sert de justificatif mais sans la moindre référence. Personne d'autre que cette journaliste de La Croix n'a, semble-t-il, osé pousser aussi loin la réhabilitation hagiographique de Carette-Marceau.
Pour rappel : la RTB (Radio Télévision Belge) citée par Mme Audrerie n'existait pas encore. Ne serait-ce que par absence de télévision en 1940-1942. Plus précisément, l'INR de la Libération ne deviendra RTB qu'en 1960.

Louis Carette, Le Péché de complication, Ed. de la Toison d'Or, 1942, 234 p. (Doc. JEA/DR).

Sauf erreur involontaire, aucune nécrologie ne cite un roman de Louis Carette, publié en 1942 à Bruxelles et dont le contenu, lui aussi pose question. Ce "Péché de complication" figure en ces termes dans le "Rapport du Jury chargé de régler l'attribution du Prix Triennal du Roman (1940-1941-1942)" de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises :

- "Dans son Péché de complication, Louis Carette s'efforce de placer sur un plan idéologique et politique une histoire qui, en réalité, reste une simple histoire d'amour. Bien entendu, cet amour souffre du très actuel péché de complication et s'en délivre par une rupture, qui ne paraît même pas tout à fait certaine" (5).

Ah, un roman idéologique et politique ? Comment lire entre les lignes de ce Rapport officiel d'une Académie qui maintient son prix malgré l'occupation ?

Fabrice Schurmans :

- "Carette, lui, dans Le Péché de complication, (...) publié à la Toison
d'Or, livre le récit d'une passion amoureuse entre deux adolescents sur fond d'ascension du national-socialisme. Le jeune héros, Paul-Jean, plonge la sève bouillonnante de ses vingt ans dans un ordre nouveau qu'il estime révolutionnaire.
Assez souvent au cours du roman s'engagent des discussions philosophico-politiques où la réflexion sur les fascismes tient une grande place. Ainsi, au cours d'une conversation enflammée, le narrateur s'interroge sur la position de Dick
vis-à-vis des extrémismes de droite. « En fait, il ne sait pas très bien ce qu'il reproche au fascisme. Il sait bien ce que les autres lui reprochent, c'est surtout d'avoir réussi. Mais lui, il se sent pour la réussite un respect dont il n'arrive pas à penser qu'il soit malhonnête ou malsain. Certes, ce qu'il vient de dire ne lui paraît pas faux, mais pourtant, si une nation avait des droits à une suprématie sur les autres ? » (pp. 80-81).
Le futur Félicien Marceau devait au long de ce roman énoncer d'autres propos eux aussi dans l'air du temps. Pas seulement au sujet du fascisme - chacun défend ses opinions politiques comme il peut - mais aussi, malheureusement pour sa postérité, au sujet du « danger juif » (cf. pp. 151,202)" (6).

Le même Louis Carette-Marceau fut donc élu à l'Académie française. Autre argument d'autorité retrouvé dans des nécrologies et des commentaires. Car enfin, l'Académie ne peut quand même pas être soupçonnée de complaisance vis-à-vis d'un collabo !
Comme si l'Académie française n'avait pas compté parmi ses affirmés "immortels" :
- Abel Bonnard, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sous Vichy (à partir d'avril 1942) ;
- Pierre Gaxotte, rédacteur en chef de Je suis partout ;
- Abel Hermant, condamné à la dégradation nationale mais subsidié par l'Académie jusqu'à sa mort en 1950 ;
- Henri Massin, auteur de discours de Pétain et attaché au secrétariat général de la jeunesse sous Vichy ;
- Thierry Maulnier, Action Française et Je suis partout ;
- Charles Maurras, condamné à la dégradation nationale mais dont l'Académie laissa le siège vacant jusqu'à son décès.
- Philippe Pétain, idem...

Comme si Pierre Emmanuel (Noël Jean Mathieu) était tombé dans un oubli absolu. Elu à l'Académie français, le 25 avril 1968, au fauteuil 4, il succéda au maréchal Juin. Sa réception officielle se déroula le 5 juin 1969. Après l'élection de Félicien Marceau, il en dénonça l'attitude collaborationniste.
Ancien résistant, toujours poète, catholique engagé à gauche, Pierre Emmanuel se déclara "démissionnaire" de l'Académie en 1975 et cessa d'y siéger. Il restait ainsi fidèle à son Hymne à la liberté, publié à Alger en 1942 grâce à Max-Pol Fouchet, et clandestinement en 1943 par les Editions de Minuit :

- "O mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et surtout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l'éther.

Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu."
(Jour de colère).





NOTES :


Site de référence : http://www.pierre-emmanuel.net/

(1) La déchéance de plein droit de la nationalité belge frappa ceux qui, après avoir commis des crimes contre la sûreté de l’État, se sont soustraits, au moment de la libération du pays, à l’action de la justice. Celui qui était condamné à une peine criminelle pour faits d’incivisme par un arrêt ou jugement prononcé par défaut non frappé d’opposition et demeuré inexécuté sur sa personne, était déchu de plein droit de la nationalité belge dès l’expiration du délai d’opposition.
Cf GEGESOMA, Bull. 38, Dossier Répression et archives judiciaires : problèmes et perspectives, 2003, 66 p.

(2) La radio constitue une des huit sections de la Propagande nazie à Bruxelles. Lire une étude récente : Céline Rase, Les ondes en uniforme, Presses Universitaires de Namur, 2011, pp 40-41.

(3) Dans une émission du 15 mai 1941, Victor de Laveleye saluait sur les ondes de Radio Belgique "les milliers et les milliers d'oreilles collées aux postes de T. S. F. pour écouter la voix de Londres, la voix qu'on interdit d'entendre, car le mensonge ne peut pas lutter à armes égales avec l'honnêteté."
Ici Radio Belgique, Ed. Ad. Goemaere, Bruxelles, 1949, 388 p., p. 48.

(4) Cette nécrologie attira des commentaires on ne peut plus complaisants pour Carette-Marceau. Avec des affirmations péremptoires : l'intéressé ne fut "ni pro-nazi ni antisémite". Le pauvre aurait même été victime d'un "tribunal d'exception". Et malheur à qui ose opposer des faits et des arguments aux zélateurs de l'ancien collabo. L'accusation fusera aussitôt : "Vous crachez sur la tombe de Marceau"... Par contre, Bibliobs vous censurera, si vous répliquez à un commentaire comparant "l'innocence" de ce Marceau à... celle de Dreyfus !
Ce 12 mars à 16h, tous les commentaires avaient été effacés sous cet article de Bibliobs. Sans un mot d'explication pour ce nettoyage par le vide.

(5) Bulletin, Tome XXIII, n°3, Annexe : p. 94.

(6) Fabrice Schurmans, Les débuts du Nouveau Journal sous l'occupation (1940-1941), Analyse critique du témoignage de Robert Poulet, Université de Coimbra, Centre d'étude des lettres belges, Textiles 15, 1998, pp 33-45.

jeudi 8 mars 2012

P. 124. De réverbère en réverbère...

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Caseneuve (Ph. JEA/DR).


On frôlerait l'overdose de nostalgie en se remémorant tant de métiers engloutis dans notre passé décomposé. Ainsi, pour n'en citer que quelques-uns, les :

aboyeur, agrimanteur, ajoureuse, amadoueur, anysetier, archer des gabelles, atournaresse, avaleur de nef,
baconnier, balaiseur, baracanier, batour de loton, baudrucheur, bordeur de galetoires, boutavant, boyaudier, chableur de pertuis,
chapelier de paon, chignoleur de lavoirs, commissaire aux montres de la maréchaussée, contreporteur de jusses, couvreur en esseurions, cueilleur de simples,
déjarreuse de chapeaux,
échenilleur, écorcheur de tan, écouteuse de trépassés, écrivain de barque, emballeur de refroidis,
fabricant de moules à boutons, faiseur d’aubalestes, faiseur de vaisseaux vissoire, fendeur d’échalas, fougeur de rôtisses, frotteur de lunettes,
garde-excentrique, graveur en camée,
huissier de la huche,
juré moleur de bûches,
lanternier de corne, lieutenant criminel de robe courte,
maître de cuite, marchand d’arlequins, martchoti, mouronnier,
ouvrier en fantaisie, ouvrier en conscience,
pangoussier, patenostrier d’os, patron d’escaffie, plieur de cercles, porteur de rogratons,
rhabilleur de meules, rapporteur du point d’honneur, rebiqueur, regardeur de larmes, renardier, roucheux,
sartre, saute-ruisseau, scoliaste, souffleur de perles, sueur de vieil,
taponnier, tendeur de basse eau, terre-neuva, tisseur de trosse, trieur de crottes,
vendeur de pierre à feu, vermaillou, vertugadier, visiteur des métiers,
wapeur,
ymagier, yoleur...

mais, grâce notamment au Petit Prince de Saint-Exupéry, un de ces métiers perdus dans les sables, persiste néanmoins à éclairer faiblement nos regrets
cette page est dédiée aux allumeurs (masc. gram.) de réverbères


Charolles (JEA/DR).


Crissey (JEA/DR).


Balcon sur le Ventoux (Ph. JEA/DR).




Noyers-sur-Serein (Ph. JEA/DR).


Saint-Martin-de-Cast (Ph. JEA/DR).


Simiane-la-Rotonde (JEA/DR).


Honfleur (Ph. JEA/DR).


Céreste, un réverbère qui éclaira René Char (Ph. JEA/DR).


Eygalayes (Ph. JEA/DR).

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mercredi 7 mars 2012

P. 124 bis. Chanson des allumeurs de réverbères à Namur (1889)

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A peine les réverbères s'allumèrent-ils sur la page 124, que mon ami Christophe ajoutait un son, lui aussi nostalgique, aux lumières.  Sous la forme de cette Chanson (forcément en Wallon) des allumeurs de lampes à Namur, Chanson composée pour célébrer le premier jour de l'an 1889 :


(Doc. CdB/DR).

REFRAIN :

Les allumeurs
Sont des gens bienheureux
Vous les voyez joyeux
Vivre en frères
Le coeur content
Ils viennent de temps en temps
Vous faire des compliments
A leur manière...


lundi 5 mars 2012

P. 123. De mémoires d'ouvriers, le film.

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Pour le site du film, cliquer : ICI.

Synopsis :

- "Ce film commence par une histoire locale et finit par raconter la grande histoire sociale française. De la naissance de l'électrométallurgie, en passant par les grands travaux des Alpes et la mutation de l'industrie, jusqu'au déploiement de l'industrie touristique, c'est l'histoire ouvrière en général que racontent les hommes rencontrés par Gilles Perret.
Dignes et lucides, ils se souviennent de ce qu'ils furent et témoignent de ce qu'ils sont devenus dans la mondialisation."

Xavier Depraz :

- "Après le salutaire Walter, Retour en Résistance, Gilles Perret est de retour sur les écrans savoyards avec un nouvel opus : De mémoires d’ouvriers.
A l’origine, le film est une commande de la Cinémathèque des Pays de Savoie qui, souhaitant valoriser son fonds important de films d’entreprise ou institutionnels, avait lancé un appel à projet.
Heureuse initiative ! A mille lieues des images d’Épinal des Pays de Savoie, qui n’ont jamais été si présentes dans la perspective d’Annecy 2018, Perret, tel un guide, nous emmène dans la face sombre des deux départements, ces usines devant lesquelles tant de touristes (mais aussi d’autochtones) passent sans se demander qui travaille là et ce qu’on y fabrique.
Cluses, Ugine, la Maurienne : des images étonnantes surgies du passé, entrecoupées de témoignages d’ouvriers (retraités ou en passe de l’être), lucides et nostalgiques d’une époque où, si les conditions de travail étaient plus difficiles, il y avait une réelle conscience politique chez eux. « On a pas su éduquer les jeunes » déplore un ancien du Barrage de Roselend....
Perret n’en finit pas de tracer son chemin de documentariste, local et universel, avec une grande pugnacité."
(Rictus.info).

Jacques Mandelbaum :

- "De mémoires d'ouvriers, le nouveau film de Perret, entre dans l'épure des précédents : s'emparer d'une histoire locale et dévider la pelote qui la relie au vaste monde. C'est aussi le plus réussi et le plus émouvant. Ouvert sur un fait divers politique qui en dit long - le massacre de grévistes à Cluses (Haute-Savoie) en 1904 par les quatre fils du maire de la ville - le documentaire esquisse en un peu plus d'une heure une histoire de la présence ouvrière dans la région. A travers elle, il ressuscite aussi une mémoire sociale et industrielle en passe d'être balayée par les mutations contemporaines. Essor du début du XXe siècle lié au développement de l'hydroélectricité, développement de la production de l'aluminium et de l'acier, construction de cités ouvrières, mouvement des ouvriers paysans, rôle de l'immigration sur les chantiers, travaux d'Hercule des grands barrages dans les années 1960..."
(Le Monde, 28 février 2012).



Luc Peillon :

- "Une véritable épopée : celle de ces milliers d’hommes et de femmes qui ont transformé de leurs mains, au cours des dernières décennies, une région entière, montagneuse et hostile. Celle d’une Savoie agricole devenue industrielle par la grâce de l’électricité hydraulique, et qui a vu affluer, «comme un coup de tonnerre», entreprises et travailleurs au cours du siècle dernier. De mémoires d’ouvriers, film documentaire de Gilles Perret, enfant du pays, retourne ainsi la carte postale des verts pâturages et des stations de ski pour nous faire découvrir l’histoire enfouie de cette partie des Alpes, de «ces gens qui ont façonné la pente, ouvert des routes, construit des barrages, bâti des usines, pour faire ce que la Savoie est aujourd’hui», explique l’historien Michel Etiévent.
(…)
Entre images d’archives et témoignages d’anciens ouvriers, Gilles Perret redonne la parole à des hommes qui représentent, dit-il, «23% des actifs mais seulement 2% de l’espace médiatique». Un film en forme d’hommage à une classe sociale placée, malgré elle, au cœur de la campagne électorale, et que le réalisateur refuse de voir mourir dans la mondialisation."
(Libération , 29 février 2012).

Cécile Mury :

- "Des machines, des pistons, des chantiers... La Savoie telle que la filme Gilles Perret (Ma mondialisation), avec ses vallées plantées d'usines et ses barrages hydroélectriques, tranche avec les clichés à base de pistes enneigées. Le but de ce collage d'entretiens et d'archives : retracer l'histoire ouvrière et sociale d'une région qui fut l'un des fleurons industriels français, avant d'être rongée par la mondialisation. Plusieurs témoignages sont forts - en particulier ceux des travailleurs âgés, qui ont connu des conditions de travail dures, mais aussi la vigueur d'une solidarité aujourd'hui disparue."
(Télérama).

Aude Carasco :

- "Les ouvriers avaient aussi la fierté de travailler à « des choses utiles pour la société », notamment lors de la grande aventure des barrages hydrauliques. La Haute-Savoie s’est depuis reconvertie dans l’économie touristique. « Tout le génie humain, toute la force de travail sont mis au service d’une petite catégorie de gens, les plus riches. Nous faisons fausse route », déplore un prêtre-ouvrier."
(La Croix, 28 février 2012).


La Cinémathèque des Pays de Savoie protège des documents essentiels au sauvetage des mémoires d'ouvriers, ici : en métallurgie (DR).

Christophe Carrière :


- "A l'heure où le conflit ArcelorMittal bat son plein, De mémoires d'ouvriers est d'une brûlante actualité et apporte un éclairage passionnant sur un milieu dont on ne sait finalement pas grand-chose. Reste la forme du documentaire, totalement dénuée d'originalité esthétique. C'est de l'info, pas du cinéma."
(L’Express, 28 février 2012).

Antoine Oury :

- "Six millions de représentants, de quoi faire rêver n’importe quel candidat : curieusement, l’électorat ouvrier a été relégué au second plan, derrière les fonctionnaires et les salariés. Pour réaliser la fusion entre mémoires ouvrière et collective, Perret remonte les années en interrogeant ceux qui ont fait la généalogie d’une catégorie socioprofessionnelle. Laquelle n’était d’abord qu’un métier d’appoint pour les agriculteurs les moins fortunés : afin d’acheter leurs machines, ils faisaient fonctionner celles de la métallurgie. Une solution forcée qui pouvait coûter un bras, au sens propre : malgré une société des loisirs de plus en plus critiquée, difficile de regretter des conditions ahurissantes qui faisaient travailler douze heures d’affilée les ouvriers sur le chantier d’un barrage. « Pas plus d’un litre de vin par jour pour un ouvrier manuel » impose une affiche : moins d’interdits, mais il le fallait bien pour supporter le statut de bête de somme. Un plan sur des pieds qui se balancent dans le vide : Marcel Eynard survit mais doit se harnacher au plafond pour redresser ses vertèbres. Étrange situation que celle de l’époque : l’usine et l’aciérie étaient des pivots sur lesquels on construisait sa vie. Michèle Eynard, barmaid à l’époque, se souvient d’une « camaraderie formidable ». Tout le monde se connaît, on se suit jusqu’à la mort (les cercueils sont fabriqués par les menuisiers de l’usine). La construction est curieusement linéaire, la plupart des intervenants sont aujourd’hui à la retraite, et regardent avec nostalgie un temps où l’avenir chantait encore. Ou pas : quand des élections scellent frauduleusement l’alliance entre patronat et politique à Cluses (Haute-Savoie) et mènent à l’assassinat de trois ouvriers en 1904, on regrette l’absence de mise en parallèle avec le présent, car la situation n’a pas vraiment changé.
Pour saisir le point de bascule qui condamne les travailleurs, Perret passe des affiches du début du siècle aux vidéos mi-cyniques, mi-idéalistes des années 1980 : « L’acier est mort, vive l’acier » proclame sans y croire un film d’entreprise. Quand le temps de travail est (enfin) réduit, les cadences sont revues à la hausse : libéralisme sauvage et insidieux. La convivialité disparaît, la conscience politique aussi : impossible de réfléchir quand on mène une vie de galères. « Les gens avaient une conscience politique, aujourd’hui la culture, elle est plus tournée vers le foot, le téléphone portable » constate amèrement un ouvrier, trente-huit ans d’ancienneté. Oui, Gilles Perret descend dans la rue, mène son enquête avec un pragmatisme à tout épreuve : il interroge directement ses interlocuteurs, souvent des individus lambda, à dix milles lieues des « spécialistes » habituellement convoqués."
(Critikat).

Frédéric Pagès :

- "Voilà des sujets lourds traités en finesse et sans nostalgie, grâce à de vivants témoignages, drus, savoureux, et de saisissantes images d’archives. Comme dans une nouvelle guerre du feu, une flamme fragile passe de main en main et résiste au déluge de la mondialisation.
A l’heure où le « peuple » est un thème quasi obligatoire de la campagne électorale, ce documentaire est à mettre au programme des réjouissances !"
(Le Canard enchaîné, 29 février 2012).



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