MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 28 février 2013

P. 229. Boitsfort - du 10 au 17 mars 2013 - Invitation à l'exposition de MH Vander Eecken


.Six pages de ce blog ont été rédigées et illustrées par des invité(e)s :

- "Imaginez un pays", la Belgique de Jean-Charles Verlinden, P. 18

- "Haïkus du bord de mer" et de Danièle Duteil, P. 26

- "Li Bia Bouquet" de Christian Delwiche, P. 40

- "Julos Beaucarne" sur l'île aux trésors de Colo, P. 90

- "Cette si petite surface du globe" d'Isabelle C..., P. 105

- "La Mère Castor peint-et-rature", P. 159

Voici la septième page, celle de MH Vander Eecken.



MH Vander Eecken,
The Best Is Yet To Come,
2011, Acrylique sur toile,
100x150 cm.

MH a par-semé ce blog de ses commentaires particulièrement ciselés.
Ses regards venus du Nord, sans étroitesses ni paupières trop lourdes, des regards jamais en retard. Polyglotte aussi (aucun danger d'oublier une délicate traduction qu'elle m'a offerte à propos de la collaboration en Belgique).
Après l'enseignement où elle rendait vivantes des bibliothèques entières, la voici artiste. Peintre mais sans sponsor, sans attaché de presse ni agent commercial. Pour aller ailleurs et plus loin, mettre les voiles et passer derrière les toiles. Non pas les seuls dimanches mais sans cesse à ses risques et périls. Pour les couleurs libérées des heures et les heurts des odeurs. Pour découvrir des (ré)formes et des survenances toutes en nuances.

MH ne planterait aucun chevalet folklorique sur la Grand-Place nerveuse de Bruxelles ni même devant un canal un peu bancal de Bruges ou de Gand. Elle ne marchande pas. Hors des foules, elle peint sans poudre aux yeux. Sans mettre de code-barre au bas de ses oeuvres.
Son site en témoigne abondamment et excellemment. Cliquer : ICI.

Totalement sienne, cette page la remercie d'être montée courageusement en dirigeable par ces temps de rudes froidures. D'avoir surmonté sa modestie spontanée, ses hésitations, ses craintes de désillusions. D'avoir quitté le plancher des vaches et des chevaux du quotidien pour prendre cette hauteur où elle nous convie. Son exposition vous attend : un espace de créativité, de lévitation, de méditations. Une belle invitation aux têtes-à-têtes, aux coeurs-à-coeurs avec son oeuvre.





La peinture est indissociable de la personne qui la pratique. MH ?

- "Je suis une habitante de passage sur la planète Terre.
Cette Terre est complexe et elle m'octroie une triple réalité :
celle que j'imagine,
celle que je perçois
et
celle que j'éprouve.
Souvent ces trois dimensions convergent. Mon terrain d'exploration est le parcours de leur rapprochement ou celui de leur prise de distance.

Pour y arriver, les photos, les films et les documents produits par les humains sont essentiels. Car l'imagerie figurative m'inspire et le visuel semble être le moyen de communication le plus percutant actuellement ; mais "choisir", au milieu de ce flot d'images qui inonde le monde, est un vrai défi !"



Marie à tout prix,
2007, Acrylique sur toile,
225x140, 250x140, 225x140.

A pied (on dit aussi "à pinceau", en argot), à cheval réhabilité, en traineau tragi-comique, en voiture électrique, en train même envahi par des sénateurs, en sous-marin jaune par les étangs verts de Boitsfort, en hélico héliotrope, en carrosse ou sur une caraque, sur un tapis fantasque de nuages, en métro métaphorique, en (omni)bus impériaux, en âme et en conscience, en marge et en marmaille, en marche et surtout pas au pas,

du 10 au 17 mars

répondez à l'invitation de MH Vander Eecken :

- "Venez donc aux Écuries de Boitsfort pour voir quelques unes de mes images et pour les entendre. Un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout".

Ecuries de la Maison Haute
3, place Gilson à 1170 Bruxelles (Maison Communale)

Stib : bus 95 et 17 (arrêt Wiener) ainsi que tram 94 (arrêt Wiener)
Métro: Herman-Debroux + tram 94

Plus d'infos sur lesdites Ecuries ? Cliquer : ICI.

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mercredi 27 février 2013

P. 228. Stéphane Hessel : fin de la chasse à l'homme...


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(Mont. JEA/DR.).
Manfred Flügge,
Stéphane Hessel, Portrait d'un rebelle heureux,
Autrement, 2012, 288 p.

Les corbeaux peuvent mettre fin à leurs incantations. Et salir la neige en se posant sur ce linceul. Stéphane Hessel est mort

Début 2011. La clairière de Mo(t)saïques était fermée depuis juillet 2010 ou plus exactement laissée aux herbes injustement accusées d'être mauvaises et aux migrations périlleuses d'étoiles. Survint le phénomène des indignations. Un vieux monsieur - comme il se dépeignait lui-même avec lucidité -, se dressait droit DEBOUT comme un trait d'union entre les Résistances face aux barbaries d'hier et d'aujourd'hui (parfois identiques d'ailleurs).
Refusant de se laisser momifier, Stéphane Hessel devint alors le paratonnerre d'une multitudes de nullités, de médiocrités, de basses vengeances, d'outrances. D'une extrême gauche amatrice de taupes à une extrême droite nostalgique de Pétain, en passant par les blings-blings confondant le plateau des Glières avec un palais doré, la ruée fut générale. A lui seul, le renouveau du mot "indignation" souleva des fleuves d'insultes, des montagnes d'injures et pour faire bonne mesure, des décharges publiques de calomnies.

Ces cyclones hystériques prenant pour cible une personnalité en réflexion, motivèrent l'ouverture des actuelles "Mo(t)saïques... 2". Pour ne pas rester spectateur devant les jeux d'un cirque terroriste avec des lions prenant un résistant pour un pion. Parce que la solidarité, ce n'est pas un mot perdu au fin fond d'un dictionnaire.
Et donc la première page de Mo(t)saïques 2 prit le titre de : "Stéphane Hessel : La chasse bat son plein..." (17 janvier 2011).
Avec 44 commentaires dont l'un des auteurs orthographia Hessel : "Hesesel" de telle manière que l'on puisse lire deux SS ! (On en était là).

Voilà pourquoi et comment, ce jour de deuil, il m'importe d'exprimer ma gratitude envers Stéphane Hessel pour avoir involontairement lancé à la mer ce blog bis.

De cet humaniste, on se se gardera bien d'espérer qu'il repose maintenant en paix. Parce que le repos et lui n'appartiennent pas du tout au même monde. Mais il a tant et tant donné à la paix, puisse celle-ci le reconnaître comme l'un de ses plus fidèles apprentis.



Interview par Jean Cornil. Production Centre Laïque Audio-Visuel (Bruxelles).

Stéphane Hessel :

- "Les hommes ne peuvent être réduits à la survie."


lundi 25 février 2013

P. 227. Ceci n'est pas une mélodie en sous-sol...


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  Reflets sur un crayon de J-P Félix (Ph. JEA/DR).

délibérément et jusqu'à leur trentre-sixième dessous
les sous-sols sont des réserves naturelles
pour celles et ceux reconnaissables
à leurs yeux en creux
à leurs mains en vain et
à leurs chevelures victimes de bavures

des ascenseurs comme des échardes
dans la paume d'une lumière artificielle
descendent à contre courant
vers des galeries sans glaces :
à chaque niveau s'étrangle un carillon
comme s'il annonçait une heure étrange
et qui serait la dernière

la suite ressemblerait à un jeu de tarots
quand des graines de pavots
troublent l'équerre et le compas
de l'anesthésie :
le patient derviche se sent encerclé
par des uniformes verts camouflant
les ongles carminés des chaircutiers
par des blouses blanches
donnant un air innocent
aux auxiliaires des bourreaux experts en tremolos
par les habits bleus de gratte-papiers
conservant dans le formol
les infinies beautés de la bureaucratie
tout un carnaval avec ses hiboux géants
ses bouts de choux
ses (é)poux éplorés
ses cailloux écaillés
ses bijoux biodégradables
tous ces feux et ces artifices
en ces lieux privés de cieux

en haut, par ailleurs
remuent ménages et méninges
se labyrinthent allées et (a)venues
s'impassent des jardins en terrasses
se ravagent des feuilles à la pelle
et des oripeaux de chevaux remplacent
les vaches aux yeux vitreux
pour regarder passer les trains
qui sifflent trois fois la fin de la partie

...

ancien forain devenu forçat sans forces
mais pas pour autant inscrit aux abandonnés absents
il me reste encore assez d'encre indélébile
pour écrire sans machine
que je l'aime



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jeudi 21 février 2013

P. 226. Le 20 février 1724 : création du Giulio Cesare de Haendel

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Après la P. 165 : "17 juillet 1717, première de la Water Music sur la Tamise"...

(Graph. JEA/DR).

Giulio Cesare in Egitto :
Opéra en trois actes (HWV 17) de Haendel
créé au King's theatre Haymarket de Londres le 20 février 1724.

Aujourd’hui, Jules César est l’un des opéras baroques qui suscitent le plus de productions modernes, dans le respect de sa partition initiale (des contre-ténors ou sopranos dans les rôles créés pour des castrats).

Résumé

- "48 avant Jésus-Christ. En Egypte, Jules César est vainqueur de son rival Pompée. Ptolémée, Roi d’Egypte, croyant bien faire pour attirer l’attention bienveillante de Jules César, tue Pompée et lui offre sa tête. Jules César est profondément choqué et jure à Cornelia, sa veuve, et à Sextus, son fils, de le venger.
D’un autre côté, Ptolémée tente d’éloigner du pouvoir sa soeur Cléopâtre. Celle-ci va chercher de l’aide auprès de César, qu’elle séduit par intérêt, mais finit par éprouver elle aussi des sentiments.
L’action décrit la course au trône entre Cléopâtre et son frère Ptolémée, le deuil de Cornelia et le désir de vengeance de son fils Sextus, et la rivalité entre Ptolémée et son général Achille pour séduire Cornelia.
L’opéra se termine par le triomphe de César et de Cléopâtre, Achille étant mort
au combat et Ptolémée tué par Sextus."

Château de Versailles spectacles


- "Les amours de César et Cléopâtre ont inspiré à Haendel des pages splendides, et la "prise de pouvoir" de Cléopâtre faisant alliance contre Ptolémée en se servant des sentiments de César, tout en lui vouant une réelle admiration, font de la Reine d'Égypte l'un des plus forts personnages de Haendel."
(2012).



Face à face Jules César - Cléopâtre (Mont. JEA/DR).

David McVicar

- "Jules César est un kaléidoscope d'un opéra, à la fois un opéra semi-comique, et un récit d'aventures semi-tragique. On y trouve la romance, le théâtre, les moments forts de la vie politique, la complexité des relations familiales, ainsi que l'émotion vraie et la tragédie… C'est un miracle."
(Les 3 Palmes, En direct du Metropolitan Opera de New-York, 2013).

Cecilia Bartoli

- "La Cléopâtre que j’aime, c’est la femme aux mille visages, c’est probablement ça le mystère de Cléopâtre. La Cléopâtre de Händel est une femme qui est au début assez rigide, assez sévère, autoritaire, et qui est toujours en lutte avec son frère Ptolémée, c’est une femme qui a soif de pouvoir.
Et puis elle découvre l’amour, mais avec cet amour pour César tout change et donc, cette femme, qui était forte, devient une femme fragile, à cause de cet amour pour César et toutes ces vicissitudes qui en découlent. Cléopâtre est une femme merveilleuse."
(euronews, 14 juin 2012).

Benoit van Langenhove

- "Giulio Cesare in Egitto est le sixième opéra écrit à Londres par Händel pour la Royal Academy of Music. Il fut créé au King’s Theatre in the Haymarket le 20 février 1724. Pour ceux qui connaissent un peu Londres, Haymarket est une rue entre Pall Mall et Piccadilly Circus. Le bâtiment qu’a connu Händel a brûlé en 1789. Il fut rapidement reconstruit et existe toujours sous le nom de King’s Theatre in the Haymarket.
La distribution comprenait, dans le rôle de César, le castrat alto – Senesino, la soprano Francesca Cuzzoni dans le rôle de Cléopâtre, l’alto Anastasia Robinson dans le rôle de Cornelia, la soprano Margherita Durastanti dans le rôle de Pompée, le castrat alto Gaetano Berenstadt dans le rôle de Tolomeo. L’opéra fit un grand effet en raison de sa partition somptueuse et de sa richesse mélodique. L’opéra donna aussi à Sestino et à Cuzzoni l’occasion d’exploiter pleinement leur talent dramatique et lyrique.
(La Médiathèque.be, 2008).



De g. à dr. et de ht en bas: Affiches de La Monnaie (Bruxelles), du Metropolitan Opera et du Festival de Salzbourg (Mont. JEA/DR).

Opéra-online


- "Du panache, du burlesque, des grands sentiments, une poignée de personnages pleins de couleurs et de reliefs, une kyrielle d’airs tous plus magiques les uns que les autres : voilà Jules César (ou Giulio Cesare), quintessence de l’opéra dit seria (c’est à dire « sérieux », même si son sujet ne l’est qu’à moitié), forme majeure de l’opéra au XVIIIe siècle que George Friederic Haendel porte à des sommets. Jules César, l’un des quarante du genre, est le plus célèbre et populaire d’entre eux. Le principe ? Une suite d’airs tour à tour tendres, espiègles, fougueux, martiaux, majestueux, éplorés, langoureux, désespérés qui narrent l’amour de Jules César et de Cléopâtre, sur fond de guerre d’Egypte, de querelles politiques et de tumultes intérieurs. Dans ce théâtre héroïque et amoureux où tous les rebondissements sont possibles, les voix et rien que les voix sont reines, caressant les mots, s’envolant dans un tourbillon de vocalises qui entrainent l’auditeur dans une ivresse des sens.
(2012).

Opéra national Paris

- "C’est le cinquième opéra écrit par Haendel pour la Royal Academy of Music, et, de loin, le plus fastueux par la richesse mélodique, la variété des styles et l’utilisation des choeurs, originale pour l’époque. C’est aussi l’une des ses œuvres les plus dramatiques. Le caractère de Cléopâtre est dessiné avec une grande subtilité. Ses airs «Se pieta», «V’adoro pupille» et «Piangero la sorte mia» sont parmi les plus expressifs écrits par Haendel. Les airs de César le font apparaître comme un homme d’action. Le caractère poignant de la douleur de Cornélie fait contrepoids aux réactions extraverties de César et à la frivolité de Cléopâtre : la musique qui lui est attribuée révèle, derrière sa désolation, un personnage doté d’un courage à toute épreuve et d’une grande sérénité.

(2013).

Jean-François Labie

- "Homme de théâtre, Haendel est capable d’échapper aux platitudes de l’opéra de beau chant tel que le pratiquent ses contemporains. Il sait mettre en scène une belle histoire et des personnages dramatiques. Les héros mythiques qu’il présente sont rarement des rois, des amoureux ou des traîtres de convention. Sous leur accoutrement antique, ils ont les émotions d’hommes bien réels ; le triomphe ou l’échec, l’amour et la mort, ont chez eux la même réalité qu’ils auraient aujourd’hui chez des acteurs de cinéma (…).
L’histoire qu’il raconte est violente ; mais il l’entoure de la calme assurance des dieux. Ce faisant, il nous livre le plus parfait des opéras de son temps."
(Cité de la Musique, notes de programme).




Festival de Glyndebourne - 2005.




Giulio Cesare: Sarah Connolly
Cleopatra: Danielle de Niese
Sesto: Angelika Kirschschlager
Tolomeo: Christophe Dumaux
Nireno: Rachid Ben Abdeslam
Cornelia: Patricia Bardon
Achilla: Christopher Maltman
Curio: Alexander Ashworth.




Orchestra of the Age of Enlightenment
Conducted by William Christie
Stage direction by David McVicar.

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lundi 18 février 2013

P. 225. "Hiver nomade", le film


.Un premier film. Comme un feu allumé dans la neige mais qui parvient néanmoins à prendre. Tout arrive. Sans éclats de voix et dans le respect des ombres. Les séquences ? Fragiles et fécondes. A ne pas confondre avec des images d'Epinal ni avec un documentaire folklorique ni avec un tract stéréotypé. Une pure création.
"Hiver nomade" honorerait l'affiche de notre fictif Festival : "Blanches Ardennes et les 7 Neiges" ! (Cliquer : ICI).


Synopsis

- "Carole et Pascal partent pour leur transhumance hivernale avec trois ânes, quatre chiens et 800 moutons. Pour la nuit, une bâche et des peaux de bête comme seul abri. Un film d'aventure au coeur d'un territoire en mutation."

Michel Bertrou

- "Leur périple se déroule sur 600 km à travers les beaux paysages (souvent enneigés) de la Suisse romande. Quand le vaste troupeau longe une autoroute ou paît l’herbe d’une zone pavillonnaire, nous sommes pourtant loin des clichés
pastoraux.
Simple dans sa forme, le film accompagne le quotidien atypique de ce couple de bergers, dormant dehors sous une bâche près de ses animaux, quotidiennement aux prises avec les difficultés d’une vie nomade que l’évolution des territoires ne fait qu’accentuer. Le travail est rude, mais ils l’ont choisi et la satisfaction qu’ils en tirent a peu à voir avec l’argent et le confort matériel. Là est le mérite de ce documentaire qui, loin de l’évocation élégiaque d’un métier en sursis, s’attache plutôt à sa dimension de liberté. Une liberté d’aujourd’hui."
(La semaine vétérinaire, 1 février 2013).

Anne de Malleray

- "Ces deux bergers hors norme traversent des zones pavillonnaires et fascinent les habitants. Mais ils ne relèvent pas du folklore. Contrairement au documentaire Sweetgrass, sorti en 2011, qui capturait la dernière transhumance, celui-ci filme un modèle agricole en résistance, respectueux des écosystèmes et qui perdure malgré l’urbanisation qui mord sur les zones de pâturage. Rares sont ceux qui s’y destinent. Pourtant, ce film narre l’histoire d’une initiation, entre deux bergers qu’apparemment tout sépare."
(terra eco, février 2013).

Arnaud Schwartz

- "Pour Pascal, la cinquantaine, qui a appris le métier à 20 ans avec d’âpres bergers bergamasques, pour Carole qui découvre la rudesse de la vie qu’elle a décidé d’embrasser (elle est la seule femme en Europe à exercer cette activité), chaque jour est une aventure pleine de rencontres, où les déconvenues succèdent à de beaux mais rares moments d’apaisement. L’émerveillement béat de riverains très urbains s’oppose parfois à l’hostilité de paysans inquiets à l’idée que leurs terres soient foulées par la horde (…).
Nulle nostalgie antimoderne dans ce voyage-là, mais une expérience de nomadisme toute simple, riche d’enseignements et – cela ne gâche rien – souvent très drôle. Il faut courir voir Hiver nomade, et prendre son temps en revenant."
(La Croix, 5 février 2013).


Carole, originaire du Finistère, et Pascal, Corrézien (DR).

Christophe Kantcheff

- "Il n’y a rien de métaphysique ou de mystique dans le regard du cinéaste sur ses personnages (humains ou bêtes). Mais Manuel von Stürler montre que ces quatre mois de nomadisme dépassent une simple occupation de travail. C’est une expérience de vie, qui déplace les rapports avec la nature et les animaux, avec l’autre, et engage même ce qui se joue entre soi et soi. La transhumance est un rite (qui a ses rendez-vous, avec l’éleveur qui vient prélever des moutons pour les vendre, avec des amis situés sur le parcours) et en même temps une voie de ressourcement intérieur.
Quand approche la fin de la traversée, Pascal dit ne plus trouver le sommeil. Le retour proche à la vie normale est perturbant. Hiver nomade, ou le récit d’une aventure plus intense que la course du Vendée Globe."
(Politis, 7 février 2013).

Louis Séguin

- "Hiver nomade tient à la fois du Voyage d’hiver apaisé, et du Wanderer (« le voyageur », littéralement) les deux célèbres cycles de Schubert. Pascal est un berger comme on n'oserait en rêver, un berger de toujours dont le chef est recouvert d'un grand chapeau mou et dont le corps s'enveloppe dans une cape sombre. Un modèle de nomadisme romantique, convoquant le souvenir du propre à rien d'Eichendorff, de Liszt et de ses Années de pèlerinage (dont la première partie est suisse), de Caspar David Friedrich et de tant d'autres. Une puissante allégorie de la liberté naît de l'image de ces moutons non parqués dans des périmètres à rendement agroalimentaire, image assez rare pour être belle."
(TRANSFUGE, février 2013).

Laure Noualhat

- "Au fil des kilomètres, le spectateur se cale sur le rythme de la marche, écoute
les silences, savoure l'accomplissement d'une journée. Le troupeau s'amenuise.
Avec la régularité d'un métronome, le propriétaire vient prélever la commande des bouchers du coin. Ignorant leur destin, les bêtes embarquent dans la remorque, délestant d'autant la charge des bergers. On ne sait qu'une chose tout cela recommencera l'année prochaine."
(Libération, 6 février 2013).


32.000 pattes de moutons en transumance (DR).

Oscar Ranzani et Manuel von Stürler


- "O. R. : Los pastores Pascal y Carole están acostumbrados a este tipo de trabajo, pero, ¿cómo vivió usted esta experiencia? Es de suponer que debe haber sido un rodaje difícil. ¿Fue así?
– MvS. : Eso es lo interesante. Por supuesto que el rodaje fue muy difícil, pero yo quería representar la riqueza de esta dificultad y la pasión por hacer esto. Entonces, las dificultades que encontramos a lo largo del rodaje las compartimos con ellos. Por ejemplo, un día hubo una lluvia terrible con viento. Los pastores sufrieron y nosotros también, pero siempre en el contexto de querer representar esa realidad. Y eso es lo interesante en el documental."
(Página 12, 23/10/2012).

Silvia Hallensleben

- "Packesel Figaro macht irgendwann schlapp. Auch die charakterlich bewährten Leitschafe sind höchstpersönlich mit Namen bekannt.
Achthundert Schafe insgesamt hat die Herde, mit der Carole und Pascal durch die verschneite Westschweiz gen Süden ziehen. Anfangs jedenfalls, denn im späteren Verlauf der Wanderung wartet immer öfter der Transporter am Straßenrand, der die fleischigsten Tiere rechtzeitig fürs Weihnachtdinner zum Schlachthof bringt. Pascal ist ein altgedienter Lohnschäfer, die junge Carole Novizin im Gewerbe. Die Arbeit ist entbehrungsreich und schwer, von der bukolischen Entspannung, die Städter gerne aufs Hirtenleben projizieren, gibt es
hier kaum eine Spur: Schnell muss man auch sein, um die hungrige Herde am Abnagen landwirtschaftlich verwertbarer Grünflächen zu hindern. So ist die sogenannte Transhumanz ein feiner Indikator für die Veränderungen, denen Landschaften, Wirtschafts- und Lebensweisen unterworfen sind. Nach Erich Langjahrs „Hirtenreise ins dritte Jahrtausend“ vor zehn Jahren und dem US-amerikanischenSchafswestern „Sweetgrass“ 2009 ist Manuel von Stürlers „Hiver nomade“ ein neues rund erzähltes Exemplar des Genre Schafsfilm und sinnlich erfahrbare topografische Bestandsaufnahme einer Schweiz, deren ländliche Regionen längst von den Autobahnen und Industrievorstädten geprägt sind. Sie liefern hier den Hintergrundsound."
(der tagesspiegel.de, 10/02/2013).

Jay Wessberg

- "When tradition-minded Eguisier and Noblanc set out in November, they're faced with unusually heavy snowdrifts on top of the ever-increasing problem of diminishing open pasture. There's something incongruous about seeing such a large flock crossing a highway overpass, the sound of rushing traffic below, before they arrive at fields where the shepherds set up sleeping tents each night. What's so unusual is that Eguisier and Noblanc don't come from shepherd families, but chose this profession; Noblanc's independent streak adds an extra layer to the journey. Visuals don't skimp on the adorable."
(Variety, 12/02/2013).



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jeudi 14 février 2013

P. 224. Le 14 février 1895, Dreyfus : "On ne vit pas sans honneur".


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Deux autres pages de ce blog évoquent l'affaire Dreyfus
- P. 108 : "Le 13 janvier 1898, Zola accuse". Cliquer : ICI.
et
- "J'Accuse", in extenso. Cliquer : ICI.

Alfred et Lucie Dreyfus
"Ecris-moi souvent, écris-moi longuement...", Correspondance de l'île du Diable (1894-1899),

Avant-propos de Michelle Perrot, Edition établie par Vincent Duclert,
Mille et Une Nuits, 2005, 570 p.
(Couverture : composition graphique de Laurence Bériot).

4e de couverture

- "Le samedi 15 octobre 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, officier d'artillerie, est arrêté dans les bureaux du ministère de la Guerre à Paris, sous l'accusation de crime de haute trahison. Dreyfus clame son innocence, ne comprend pas le crime dont on l'accuse. Sa mise au secret lui interdit de rencontrer sa femme. Il n'est autorisé à lui écrire que le 4 décembre 1894. Commence alors avec Lucie une correspondance exceptionnelle, moyen d'une résistance à l'écrasement, principe de survie à l'enfermement, lien ultime et décisif avec l'être aimé et la civilisation. Pendant près de cinq ans, jusqu'à son retour en France le 1er juillet 1899, avant et pendant sa déportation sur l'île du Diable, ils échangent de très nombreuses lettres, malgré les obstacles qu'y met l'administration pénitentiaire. Jamais leurs lettres n'avaient été assemblées de manière à reconstruire leur correspondance croisée. Elles donnent à lire une tragédie humaine, une histoire d'amour profonde et superbe et un combat pour la justice et la vérité. Les lettres de Lucie Dreyfus, pour une grande part inédites, révèlent le rôle méconnu qu'elle tint dans l'Affaire et auprès de son époux."

Florence Rochefort

- "On doit à Vincent Duclert, éminent spécialiste de l’affaire Dreyfus et biographe d’Alfred Dreyfus, cette première édition minutieuse de la correspondance croisée des époux Dreyfus pendant la captivité du capitaine entre 1894 et 1899, à Paris, à l’île de Ré puis à l’île du Diable en Guyane, et enfin à Rennes. L’ouvrage est introduit par Michelle Perrot et par Vincent Duclert qui fournit aussi pour chaque période de très précises introductions sur le déroulement de l’Affaire et les conditions épouvantables de détention d’Alfred, notamment en Guyane où, à une justice militaire d’exception, répondait un traitement exceptionnellement dur. Sa postface est consacrée plus particulièrement à Lucie et c’est une des originalités du livre. Des annexes (chronologie des faits et des commémorations, bibliographie, sources) complètent l’appareil critique. Les présentations donnent déjà, à elles seules, un intérêt historique indéniable à l’ouvrage et nous permettent de saisir tout l’intérêt de l’échange épistolaire. La lecture émouvante des lettres, souvent répétitives – et pour cause – nous immerge dans la profonde et longue souffrance des principaux protagonistes de l’Affaire. Elle nous permet aussi de saisir les ressorts de leur capacité de résistance."
(« Alfred et Lucie DREYFUS, "Écris-moi souvent, écris-moi longuement… », CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 30 | 2009, mis en ligne le 01 février 2010, URL : http://clio.revues.org/9520).

Vincent Duclert

- "L’affaire Dreyfus, qui est avec la Révolution de 1789, l’événement historique français le plus connu au monde, demeure cependant peu étudiée. Dreyfus n’a jamais accepté son statut de victime. Il a protesté comme citoyen, comme Français, comme soldat, avant d’obtenir justice. La parution de « Correspondance croisée » contribuera, je l’espère, à une meilleure connaissance de l’Affaire."
(Le Figaro Littéraire, 13 octobre 2005).

Guitel Ben-Ishay

- "Cette correspondance aura été la bouffée d’oxygène du Capitaine Dreyfus pendant son incarcération, celle qui lui aura permis de tenir bon malgré le fait qu’il vivait totalement isolé sans même une indication relative à l’avancée de son affaire.
Elle montre le patriotisme à toute épreuve d’un homme que l’on a humilié en raison de ses origines, elle montre la volonté de se battre pacifiquement contre les machinations politiques et ainsi la victoire des consciences libres sur les esprits totalitaires."
(LPHinfo, 29 octobre 2012).


Ecriture d'Alfred Dreyfus : "Chère Lucie" (Graph. JEA/DR).

Le 22 décembre 1894, Alfred Dreyfus est reconnu coupable de trahison envers la France et condamné à la peine maximum : dégradation et détention à perpétuité dans une enceinte fortifiée.
Le 5 janvier 1895, le capitaine Dreyfus est dégradé dans la grande cour de l'Ecole militaire.
Du 5 au 17 janvier, il est incarcéré à la prison de la Santé.
Le 17 au soir, Alfred Dreyfus est transféré vers l'île de Ré. Au cours du transport, plus exactement en gare de La Rochelle, la foule veut le lyncher.
A partir du 18 janvier, il est détenu au bagne de Saint-Martin en Ré.
Avant la déportation pour les îles du Salut, le 21 février, puis pour l'île du Diable, le 13 avril, Lucie Dreyfus peut se rendre en l'île de Ré pour un parloir avec le bagnard - l'administration pénitentiaire s'étant bien gardée de prévenir ce dernier -. Cet échange de courrier en témoigne.

Lettre d'Alfred Dreyfus à son épouse Lucie
depuis l'île de Ré, le 14 février 1895


- "Ma chère Lucie,
Les quelques moments que j'ai passés avec toi m'ont été bien doux, quoiqu'il ait été impossible de te dire tout ce que j'avais sur le coeur.
Mon temps se passait à te regarder, à m'imprégner de ton visage, à me demander par quelle fatalité inouïe du sort j'étais séparé de toi (1). Plus tard, quand on racontera mon histoire, elle paraître invraisemblable.
Mais ce qu'il faut bien nous dire, c'est qu'il faut la réhabilitation, il faut que mon nom brille de nouveau de tout l'éclat qu'il n'aurait jamais dû perdre.
J'aimerais mieux voir nos enfants morts que de penser que le nom qu'ils portent est déshonoré (2).
C'est pour nous tous une question vitale, on ne vit pas sans honneur. Je ne saurais assez le répéter.
J'aurai bientôt un nouveau pas à franchir dans mon étape douloureuse.
Je ne crains pas le fatigues physiques, mais pourvu, mon Dieu, qu'on m'épargne les tortures morales ! Je suis las de sentir mon nom méprisé, moi si fier, si orgueilleux précisément de mon nom sans tache, moi qui ai le droit de regarder tout le monde en face ! Je ne vis que dans cet espoir, c'est de voir bientôt mon nom lavé de cette horrible souillure.
Tu m'as de nouveau rendu courage. Ta noble abnégation, ton héroïque dévouement me rendent de nouvelles forces pour supporter mon horrible martyr (...).

Alfred"


Ecriture ascendante de Lucie Dreyfus-Hadamard : "Mon bien cher Alfred" (Graph. JEA/DR).

Réponse de Lucie Dreyfus,
le "16 février 1895, samedi matin"


- "Mon pauvre Fred chéri,
Quelle émotion, quelle terrible secousse nous avons ressentie nous deux en nous revoyant; toi surtout, mon pauvre et bienaimé mari, tu as dû être extrêmement ébranlé, n'étant pas prévenu de mon arrivée, tu as eu une surprise trop violente. Les conditions dans lesquelles on nous a autorisés à nous voir étaient par trop pénibles. Lorsqu'on est séparé aussi cruellement depuis quatre mois, n'avoir le droit de se parler qu'à distance, c'est atroce... Comme j'aurais voulu te presser sur mon coeur, te serrer les mains, pouvoir ainsi te réchauffer un peu, pauvre solitaire !
Ah ! quel déchirement j'ai éprouvé en quittant Saint-Martin, en m'éloignant de toi ! C'était pour moi une telle joie de te voir, de te parler malgré toute la sévérité à laquelle nous étions soumis [...].
As-tu refait provision de courage ? Je t'en supplie, aies-en, supporte ton martyr vaillamment, tu n'as rien à te reprocher; tu as toujours fait ton devoir d'honnête homme, de brave soldat, tu as le droit d'être fier de ta vie. Mets-toi au-dessus de l'opinion des autres. Que t'importe le mépris. Tu sais qu'il ne s'adresse pas à toi.
Je t'ai dit que nous avions la conviction d'une réhabilitation prochaine, et tu sais que mes paroles ne sont pas dites en l'air.
Adieu, mon mari adoré, je t'embrasse de toutes mes forces.

Lucie"

Alfred Dreyfus à Lucie : "Mon temps passait à te regarder, à m'imprégner de ton visage..." (Graph. JEA/DR).

La suite est connue :


Le 13 janvier 1898, L'Aurore publie le «J'Accuse !» de Zola.
Le 27 septembre 1898, le garde des Sceaux demande la révision du jugement de 1894.
Le 8 août 1899, ouverture à Rennes du second procès de Dreyfus. Il est condamné à dix ans de prison.
Le 19 septembre 1899, le président de la République Loubet gracie Alfred Dreyfus.
Le 12 juillet 1906, Dreyfus est enfin réhabilité.

Le 31 janvier 1994 : le Service historique de l'armée de terre publie une note sur l'affaire Dreyfus.
- "L'innocence du capitaine Dreyfus est la thèse généralement admise par les historiens..."
Certes, les militaires de la fin du XXe siècle ne sont pas ceux qui complotèrent contre Dreyfus à la fin du XIXe. Mais il reste des liens si pas des héritages...

NOTES

(1) Alfred Dreyfus et Lucie Hadamard se sont mariés à Paris le 18 avril 1890 (Synagogue de la rue de la Victoire).

(2) Le couple a deux enfants :
Pierre Léon (1891-1946),
Jeanne (1893-1981).

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lundi 11 février 2013

P. 223. Invitation au Festival : "Blanches Ardennes et les 7 Neiges"...


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Route forestière des Colonies (JEA/DR).

cette année le visage maquillé
de mon village
rappelle celui d'un Auguste ambulant
on se croirait presque dans un cirque
de montagnes...
gamine
la neige joue à cache-cache
elle est survenue par le chemin
des écoliers
les paysages lui sont tombés dans l'oeil
elle ne s'est pas contentée de quelques photos
pour remonter aussitôt dans un impérial autocar
pour touristes saturés
seules quelques fumées
s'évadant malaisément des cheminées
la font hésiter
et encore...
elle tutoie même les arbres abattus
flirte avec les fenêtres sans rideaux
la neige s'est invitée à la table
des oiseaux sédentaires
et des sangliers grands glandeurs
elle boit plus volontiers un coup de blanc
que de communard
se prépare de gros édredons de plumes
pour les pépères gelées
ouvre une seule paupière
quand une chouette engourdie
la caresse avec maladresse
au passage non gardé
entre jour et crépuscule...


(Ph. JEA/DR).

Puisque la neige est bon public dans notre village vite isolé, nous ouvrons aussi et sans complexe (cinématographique), un FESTIVAL du 7ème ART :
....................."BLANCHES ARDENNES ET LES 7 NEIGES"
dont voici la modeste affiche :


- Bataille de boules de neige, Louis Lumière, 1896.

- La Neige était sale, Luis Saslavsky, 1953.

- La neige en deuil, Edward Dmytryk, 1956.

- Neige, Juliet Berto, 1980.

- La Neige et le Feu, Claude Pineau, 1991.

- Y aura-t-il de la neige à Noël ?, Sandrine Veysset, 1996.

- La classe de neige, Claude Miller, 1998.

- Le Tigre et la Neige, Roberto Benigni, 2005.

- Les neiges du Kilimandjaro, Robert Guédiguian, 2011.

Costaud, non ? Un Festival qui tient la route sans chaînes obligatoires ni barrières de dégel !

Personnellement, je voterai pour que notre flocon d'or du meilleur film soit attribuée à :
- Y aura-t-il de la neige à Noël ?
et que Juliet Berto soit saluée par le flocon de la meilleure réalisatrice pour :
- Neige.
Et tant pis si ce film cumule les récompenses mais Raymond Bussières décrocherait :
le flocon du meilleur second rôle.
Enfin un flocon spécial d'encouragement au premier court-métrage reviendrait à :
- Bataille de boules de neige...



Mais au long des entractes, quelles variétés - vous inquiéterez-vous - ?
Adamo, Anggus, Claude Barzotti, Isabelle Boulay, Brel à Liège, Pascal Danel, Serge Gainsbourg, France Gall, Marie Laforêt, Nicolas Peyrac, Tino Rossi, Michel Sardou, Mort Shuman, Anne Sylvestre ???


Que nenni. Claude Nougaro :

 
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jeudi 7 février 2013

P. 222. Mémoires malmenées, déformées des triangles roses et noirs


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Berlin : Mémorial des homosexuels persécutés par le IIIe Reich (Graph. JEA/DR).

Valéry :

- "Il y a plus faux que le faux, c’est le mélange de vrai et de faux".


Les prolongations marquant les débats actuels à l'Assemblée nationale française, avec des milliers d'amendements se bousculant pour tenter d'empêcher ou du moins de freiner que ne devienne légale l'égalité devant le mariage entre couples hétérosexuels et homosexuels, ces confrontations d'idéaux, d'arguments sont polluées par des concerts d'invectives, des manoeuvres peu honorables, des instrumentalisations au nombre desquelles la Dernière guerre mondiale a inévitablement joué un rôle trouble.
Au Parlement français, sont donc évoqués les triangles roses. Un drame essentiellement allemand et non français. A moins de réécrire l'histoire. En oubliant les lesbiennes (allemandes) qui ne connurent pas le même sort que les homosexuels hommes mais purent être contraintes à porter un autre triangle, noir celui-là. Lequel fut aussi évoqué à l'Assemblée mais en pleine méconnaissance des persécutés en l'espèce : des "asociaux" du IIIe Reich au nombre desquels ces femmes aimant des femmes.
Bref, nous assistons à un combat parlementaire dont on peut remercier la démocratie tout en déplorant que des mémoires douloureuses (et peu "travaillées" jusqu'à présent) soient la cible de confusions, d'approximations, de récupérations alors que les victimes attendent toujours d'être au moins respectées.

D'où cette tentative de mise en perspective.

Christian Assaf, Assemblée nationale, 30 janvier 2013 :


- "Après avoir souhaité que "ce débat ne soit pas une guerre" et regretté que l'opposition "joue sur les peurs et les préjugés" à l'occasion du débat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux homosexuels, le député socialiste de l'Hérault a lancé : "Le temps du triangle rose est terminé!".
(Le Huffington Post, Mariage gay, 31 janvier 2013).




Mickaël Bertrand :


- "Bien qu’il s’en défende, Christian Assaf a fait référence au triangle rose le 30 janvier dernier, notamment pour invectiver ses opposants politiques. Il s’en est expliqué ensuite en disant :
"J’ai effectivement fait référence dans un propos à cette période assez sombre. Non pas pour accuser qui que ce soit, mais pour dire : "attention, nous entamons un débat et nous avons entendu par-delà les murs de l’Assemblée autour de certaines manifestations des propos qui dépassaient les limites de l’acceptable. J’invitais l’ensemble des participants à un devoir de mémoire. À ne pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps, être homosexuel entrainait une mise à l’écart, une mise au ban".
(Le nouvel Observateur, « Triangle rose » l’instrumentalisation politique de ce symbole est malheureuse, 5 février 2013).

Triangle rose

En Allemagne, l'homosexualité masculine a été condamnée de 1871 à 1994.
Dès 1933, sur base de l'article 175, le nazisme enferme des homosexuels masculins en camps de concentration (KL) - Dachau et d’Oranienburg - avec pour les distinguer, le port d’un triangle rose. Cette persécution repose sur le motif que ces homosexuels – des « dégénérés » - représenteraient un péril pour la race aryenne car ils «refusent de se reproduire».

Himmler :

- "Si j'admets qu'il y a 1 à 2 millions d'homosexuels, cela signifie que 7 à 8% ou 10% des hommes sont homosexuels. Et si la situation ne change pas, cela signifie que notre peuple sera anéanti par cette maladie contagieuse. À long terme, aucun peuple ne pourrait résister à une telle perturbation de sa vie et de son équilibre sexuel (...).
Nous devons comprendre que si ce vice continue à se répandre en Allemagne sans que nous puissions le combattre, ce sera la fin de l'Allemagne, la fin du monde germanique."
(Discours du 18 février 1937).

Quand le IIIe Reich envahit de plus en plus largement l’Europe, il n’applique pas dans les territoires occupés sa répression spécifique de l’homosexualité (par exemple en Belgique). Pour ce qui concerne l’Alsace et la Lorraine, annexées, des citoyens ayant auparavant la nationalité allemande et/ou nés en Allemagne, furent effectivement persécutés pour leur homosexualité. Mais aussi des Alsaciens ou des Lorrains ayant des relations homosexuelles avec des Allemands…
Ceci explique cela : contrairement aux triangles rouges des politiques, dans les camps, les triangles roses ne portèrent donc pas de lettres précisant le pays d’origine des internés (F : France ; B : Belgique ; SP : Espagne etc).
En France, le gouvernement de Pétain ne veut pas rester en reste. Mais ne s’engagera pas aussi loin que pour la Shoah dans le contexte de laquelle il précéda les exigences allemandes et collabora plus qu’activement (camps pour juifs, rafles y compris en zone dite libre etc). A partir d’août 1942, un homosexuel peut être poursuivi comme tel et condamné de 6 mois à 3 ans de prison.
Détaché à Caen par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Arnaud Boulligny a publié en 2007 ce résultat de ses recherches : environ 60 Français ont été déportés pour homosexualité.
Il fallut attendre 1981 pour que la République française dépénalise l’homosexualité, sous la présidence de François Mitterrand et avec Robert Badinter au ministère de la Justice.


Rue 89

- "Disant regarder « son collègue PS de l’Hérault Christian Assaf », Elie Aboud a déclaré qu’un « pédopsychiatre reconnu (...) alerte toute la société et ce n’est pas du triangle rose qu’il parle mais d’un triangle noir », dans une allusion aux symboles utilisés par les nazis dans les camps de concentration.
Christiane Taubira a jugé « inqualifiable de faire un mot d’esprit sur une expression pareille », s’attirant applaudissements à gauche et protestations à droite.
Le chef de file des députés UMP Christian Jacob lui a répondu :
« Vous êtes indigne des responsabilités que vous exercez ! »
Et de souligner que « ce sont les socialistes qui – alors que Hervé Mariton s’exprimait [la semaine dernière, ndlr] – ont évoqué le triangle rose ».
Après une brève suspension de séance, Christian Jacob a souhaité « un mot d’apaisement de la ministre » car « jouer sur de telles références est scandaleux », prévenant que « sinon, le débat se passera mal »."
(Blague douteuse de l’UMP sur le triangle rose, Taubira et Jacob clashent,
5 février 2013).

Triangle noir

Si le triangle rose stigmatisait les seuls homosexuels hommes, le noir désignait les « asociaux ». Cette appellation recouvrait des personnalités aussi différentes que des marginaux, des vagabonds, des « rétifs au travail », des toxicodépendants, des prostituées et… des lesbiennes (car celles-ci ne relevaient pas du paragraphe 175 s’appliquant aux homosexuels hommes seuls).
Ces triangles noirs ne furent pas étendus aux pays placés sous le joug nazi.
A noter qu’au KL pour femmes de Ravensbrück, les lesbiennes ne se virent pas infliger un triangle noir mais un rose avec deux lettres : LL pour « Lesbische Liebe ».

Edna Castello :

- "Le lesbianisme n'entrera jamais dans le paragraphe 175, pour plusieurs raisons : dans la société allemande, les femmes sont exclues des postes politiques et administratifs importants. Leur influence est donc peu redoutée. De plus, d'après des conclusions médicales de la fin du XIXe siècle, l'homosexualité féminine ne serait pas antinomique avec le désir de se marier et de fonder une famille (…).
Les lesbiennes échappent ainsi aux graves condamnations infligées aux hommes homosexuels: 50 000 d'entre eux sont condamnés sous le paragraphe 175, parmi eux, 15 000 sont internés en camps de concentration et les deux tiers n'en reviennent pas. En revanche, ce silence autour des lesbiennes ne permet pas de mesurer l'étendue de leur persécution, le plus souvent cachée sous des prétextes divers, ni de dégager des chiffres."
(360° Magazine, octobre 2004).

Pour conclure, comment ne pas se poser la même question que Madame Taubira, Garde des Sceaux, à la tribune de l'Assemblée : "Que penseront les enfants du futur quand ils liront les compte-rendus des actuels débats ?"
Oui, dans ces moments de simplifications outrancières, de manichéisme brut de décoffrage, d'affrontements systématiques, un peu de poésie ne peut que nous sauver des doutes voire des désespoirs en ces progrès aussi lents soient-ils des libertés, des égalités, des fraternités ?


Mme Christiane Taubira :

- "Nous en sommes si fiers que je voudrais le définir par les mots du poète Léon-Gontran Damas :
l’acte que nous allons accomplir est
« beau comme une rose
dont la tour Eiffel assiégée à l’aube
voit s’épanouir enfin les pétales ».
Il est « grand comme un besoin de changer d’air ».

Plusieurs députés du groupe UMP :


- "Ridicule !
- C’est à pleurer !"

Mme Christiane Taubira :

- "Il est « fort comme le cri aigu d’un accent
dans la nuit longue »."

(Léon-Gontran Delmas, comme un besoin de changer d'air, Névralgies, 1966).
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lundi 4 février 2013

P. 221. Poisson pilote pour : "Crawl", un premier film...


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(DR)

Synopsis

- "En Cornouailles, dans une Bretagne de dunes et d’océan vit Martin, 25 ans.
Beau garçon, très sauvage, souvent seul et à l’air libre, il s’y entend comme personne pour attraper des mulets à la « planche ». Sa seule possession est une vieille Ford Taunus qui l’emmène un peu partout où son humeur le porte. Il ne garde aucun boulot très longtemps et vit avec peu. Il habite chez son père dans une veille maison un peu déglinguée, où il ne fait que dormir.
Mais depuis peu, il sort avec Gwen, cette fille mystérieuse qui habite seule dans un mobile home et qui nage tous les jours en pleine mer, même au plus froid de l’hiver. Gwen, 28 ans, est une jolie fille, assez bizarre, timide, mais parfois dure et jalousement secrète. Elle travaille à la conserverie de poissons et économise tout ce qu’elle peut pour partir au Mexique faire de la compétition en haute mer.
Mais Gwen tombe enceinte de Martin. Déterminée, elle accepte cette grossesse spontanément, tout en gardant en tête son rêve de partir.
Martin, lui, continue ses petits boulots et ses maigres larcins, et semble ignorer qu’il va être père bientôt... Jusqu’au jour où il est accusé de meurtre... L’arrivée de l’enfant va enfin les réunir et Martin l’indomptable se verra finalement sauvé par l’amour de Gwen."

Thomas Sotinel

- "On est dans le Finistère, en hiver. L'océan est gris ou vert, le ciel jamais très haut.
De cette lumière à la fois intense et triste, le cinéaste et sa directrice de la photo Emmanuelle Le Fur tirent un parti étonnant, donnant aux affrontements entre les personnages une couleur funèbre et une espèce de furie qui tire le film vers une fiction bien plus débridée que ne le suppose le scénario."
(Le Monde, 29 janvier 2013).

Marie-Elisabeth Rouchy

- "Un petit village de pêcheurs dans la pointe du Sud-Finistère. La conserverie de poissons va mal ; le bâtiment aussi. Confronté à sa future paternité, Martin plonge dans un engrenage qui l’entraîne en prison avant de le mener peut-être vers sa propre vérité. Hervé Lasgouttes signe un premier film social empli de poésie et de pudeur où terre et mer s’unissent pour dénouer les tourments des personnages. Dans le rôle de Martin, Swann Arlaud explose."
(CinéObs, 29 janvier 2013).


Nina Meurisse et Swann Arlaud (DR).

Christophe Carrière

- "C'est un premier film qui réjouit, malgré le ciel plombé et capricieux d'une Bretagne en hiver. Malgré, aussi, les situations anxiogènes que vivent les personnages, deux femmes enceintes et leurs hommes, l'un perdu dans ses problèmes financiers, l'autre écorché vif et inconséquent. Crawl est emballant parce que l'image est somptueuse, large, pleine d'oxygène. Crawl est enthousiasmant parce que les comédiens, habituellement brillants seconds couteaux (Gilles Cohen ou Swann Arlaud, pour ne citer qu'eux), ont ici toute latitude pour déployer leur talent. Crawl est réussi parce que le réalisateur, plutôt que se regarder le nombril, livre un film sombre, presque noir, et susceptible de plaire au plus grand nombre. C'est tout le mal qu'on lui souhaite."
(L’Express, 28 janvier 2013).

Theo Ribeton

- "Crawl reste un film fascinant dans sa façon d’intégrer les hommes à la faune littorale, à parler en sourdine de chair, de prédation : la Bretagne incarne un Far West français, une terre sauvage où le cycle vie-mort est une réalité quotidienne, celle des poissons qu’on pêche, des cadavres qu’on trouve, des grossesses inopinées. « Ici tout se bouffe », dit Martin, qui porte en lui-même une présence intensément animale, matérialisée par son visage de serpent. Les hommes mangent le fruit de leur pêche, tuent seuls – dans le bateau – ou dans une organisation industrielle qui ne fait pas l’économie de la violence du geste – la conserverie où le sang coule également quand une des poissonnières se fend la main au travail."
(Critikat.com, 29 janvier 2013).


H. Michaux : "J'avais la mer en moi..." (DR).

Arnaud Schwartz


- "À la mise en scène discrète, parfois agrémentée d’un joli sens de l’image, répond l’interprétation convaincante de Swann Arlaud (dans le rôle de Martin), Anne Marivin (Corinne), Nina Meurisse (Gwen), Gilles Cohen (le mari) et Jean-Marie Frin (le père). L’univers âpre de Crawl, son ancrage social – prégnant sans être démonstratif –, ses questions liées à la solitude, au chemin de vie, au désir d’enfant, au refus de paternité, à l’incommunicabilité familiale, sont autant d’éléments qui plaident en faveur de cette œuvre retenue."
(la Croix, 30 janvier 2013).

Guillemette Odicino

- "Une jeune fille qui nage pour partir ailleurs, un jeune homme qui navigue en eaux troubles parce qu'il n'a pas d'horizon... Ce couple, hésitant et fragile, est la force de ce premier film, ancré dans une Cornouaille mélancolique. Ses deux interprètes ont la grâce : Nina Meurisse, et surtout Swann Arlaud, nerveux et vulnérable, qui apporte à son personnage une étrange douceur. Les ouvrières au travail dans une usine de pêche, l'héroïne bravant les vagues en combinaison de natation : autant de corps que le réalisateur met en scène avec délicatesse. La scène initiale du coup de foudre où tout se joue sur le visage du jeune homme avant même qu'on découvre l'objet de son émoi en est un bel exemple. Beaucoup de talents à suivre dans ce film discrètement optimiste."
(Télérama, 30 janvier 2013).

Enfin, comme pousse-café, cette leçon qui se veut magistrale, distillant du haut de son autosatisfaction ces gouttes de mépris :
Vincent Ostria

- "Premier film qui empreinte les sentiers balisés du réalisme social. Au programme, précarité, marginalité et âpres conflits familiaux.
On ne va pas s’acharner contre un premier film comme Crawl. Il est somme toute de bon aloi et il n’y a “rien en lui qui pèse ou qui pose” (Verlaine). Tout est relatif."
(les inROCKS, 29 janvier 2013).

Ou ce clin d’œil, plus sympathique :
Le Canard enchaîné

- "Il y a vraiment du souffle sur la Breizh !"
(D. J., 30 janvier 2013).




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