MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 30 juillet 2012

P. 168. "Le Bar des menteurs" et d'Ingrid Naour

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Ingrid Naour,
Le Bar des menteurs,
cherche midi, 2012, 119 p.


4e de couverture :

- "Dans le petit monde du Bar des menteurs sur l'île de Noirmoutier, chacun s'applique à ne pas être surpris en flagrant délit d'inconduite, car, selon Baudelaire, "un homme qui ne boit que de l'eau a un secret à cacher à ses semblables".
Qu'ils soient marins du zinc, rêveurs définitifs, inactifs surmenés, ces grandes gueules au verbe haut et au coeur tendre souffrent du mal de terre. Alors ils boivent pour oublier qu'ils ont déjà trop bu. Mais qu'y peuvent-ils si leur soif s'accorde aux étoiles qui dansent derrière l'horizon et s'ils ont en permanence "le toboggan à sec" ?
Menés par Remets-moi ça, le philosophe libertaire pour qui la vie est une joute amoureuse, la Bernique, l'Ardoise magique, Y-a-pas, Riz complet, Super nana, Toubib, Béné la saunière, le Pêcheur de lune et tous les autres membres de cette joyeuse bande où l'imagination a toujours le dernier mot colorient le quotidien en racontant des histoires qui deviennent aussitôt des légendes.
Drôle, tonique, impertinent et bien arrosé, le nouveau roman d'Ingrid Naour est un hymne à la vie et à la liberté."

Ouest France :

- "L'écrivain, Ingrid Naour, est, un jour, arrivée sur l'Île de Noirmoutier. « Ch'ti » déracinée à Paris où elle ne rencontrait que des visages tristes, la grisaille, elle eut un coup de coeur pour l'île, sa lumière. Surtout pour le village du Vieil et ses habitants. Sa gouaille, son goût pour les conversations de bar et les p'tits blancs ont su séduire. Son adoption fut immédiate.
Elle raconte, dans son dernier livre Le bar des menteurs, ce coup de foudre. Mais elle tient à préciser : « Attention je fais au moins 20 mensonges par jour ». Alors, oui, le lecteur y retrouvera des figures du Vieil, devinera des lieux, mais la vérité n'est peut-être pas celle que l'on croit.
Lors de sa séance de dédicaces, elle accueille tout le monde par un surnom affectueux, celui des personnages de son roman : « Ma fleur de sel » vient l'embrasser, « Oui-oui d'amour » passe sur son vélo, « schumacher » avec sa Papa Mobil, « Tonton Fernand »... Tous se relayent pour rapporter « le ravitaillement », en l'occurrence, un p'tit verre de blanc, à « leur » écrivain."
(20 avril 2012).

JEA

- "Que les nuages aient planté leur chapiteau et fassent leur cirque dans le ciel ou que le soleil joue au dictateur : une seule et même adresse pour ne pas déprimer gravement ou brunir idiot(e) : Le Bar des menteurs d'Ingrid Naour. Si vous ne vous prenez pas pour le Menneken-pis et vous gardez de coloniser Noirmoitier, le premier risque que vous courrez : recevoir un surnom. Vous entrerez ainsi dans le cercle des menteurs non disparus tels la Bernique ("enrobé du coquillage"), Dupond et Dupont (les évadés de leur mouroir), Quinté Spot (metteur en scène et acteur de son bistrot), Remets-moi ça, Riz complet (et son chat raciste), Schumacher (refusant de rouler à-droitement), Toubib (qui par solidarité, boit avec ses patients), Y'a pas le facteur (aucun besoin d'orgues pour se faire entendre), Zigzag (le taxi-ambulance)... Et l'auteur : Ingrid Naour, la Ch'ti, une authentique "ortie libertaire". Un roman ? Une boisson pour ne plus se sentir transparent, gris et nostalgique ! A consommer nuit et jour, sans modération. Une page, ça va, deux pages, bonjour les enthousiasmes."
(Le Monde, 13 juillet 2012).


Avril dernier : Ingrid Naour dédicaçant son roman à la terrasse du Bar des menteurs à Vieil (Ph. Ouest France/DR).

Un livre "à adopter" et qui "chasse le gris qui voile les yeux".
Un roman à consommer sans modération...
Entre autres plaisirs, voici - à mes risques et périls - son "Annuaire des surnoms" au fur et à mesure des pages :


Le Bar des Menteurs

- "Le vrai et le faux y sont siamois (…). Tu devrais t’y plaire, toi qui as toujours eu un rapport difficile avec la réalité."
(P. 18).

-"Le Bar des menteurs est une oasis. Je peux y dissimuler mes larmes derrière un rideau de rires."
(P. 87).

Dupond et Dupont

- "Ils s’évadent au moins une fois par semaine de leur maison de retraite. Ils ne risquent pas de se perdre, ils viennent directement au Jardin de Noirmoutier pour faire le plein."
(P. 55).

Fleur de sel

Béné pour les intimes. Saunière.
- "Toi, quand je te vois, il y a une atmosphère de champagne. Hélas, ce n’est pas de moi, c’est une phrase de Rosa Luxemburg à son amoureux Karl Liebknecht."
(P. 70).

La Chevrette

- "Une toute ridée (…) qui se promène toujours avec ses chèvres (…). N’a qu’une chanson à son répertoire. C’est « Le Temps des cerises »."
(P. 55).

La Ch’ti

L’auteur.
- "Je préfère que l’on dise que je suis de la fosse quatre. Les terrils, je ne les ai jamais vus que de loin. Ce sont les plus belles collines du monde. Un mélange de poussière de charbon, de misère et de sueur."
(P. 52).

- "Dès que j’ouvre la bouche, c’est comme si je présentais un extrait d’acte de naissance. On m’estampille chti."
(P. 88).

- "Rebelle. Ortie libertaire."
(P. 116).

L’Ardoise magique

- "Un homme très distingué qui claque la langue pour passer sa commande (…).
C’est la plus belle descente du Bar des menteurs. Ailleurs, on refuse de le servir."
(P. 39).

La Bernique

Jean-Bernard.
- "C’est un caractère. Il a des durillons dans les oreilles. Dès qu’il entend une connerie, il hurle comme si on lui écrasait des callosités."
(P. 18).

La Veuve araignée

- "Ce n’est pas une femme mais une veuve. Elle a enterré deux maris avec ses soupes."
(P. 62).

Le Manneken-Pis

Le touriste à la Mercedes.
- "Tu viens nous polluer l’oxygène en nous couinant de travailler. Mais le travail, ignorant, c’est la machine à l’aide de laquelle on assujettit les grands animaux. Tu veux nous ferrer avec ton fric ? Ramasse ton portefeuille et va exploiter l’indigène ailleurs."
(PP. 71-72).

Marquis

Paysan.
- "Il est si voûté que ses pieds semblent avoir quelque difficulté à suivre la tête."
(P. 31).

Mon Homme

Celui de l'auteur.
- "Il a une tête à être le gros lot de la loterie des Gueules cassées (...). Il est mon tiers monde à domicile. Mon oeuvre sociale."
(PP 75-76).

Peint-Bleu

- "Nous avons un artiste-peintre sur l’île. C’est un grand mystique. Il croit que le monde sera sauvé par la couleur bleue."
(P. 30).

Pellok le chanteur

Philippe. Compagnon de Super nana.
- "Je ne suis pas un homme-sandwich et je n’apprécierais pas d’avoir pour amis des imprésarios."
(P. 92).

Quai des brumes

- "Il a un peu les neurones ailleurs. C’est un personnage magique. Un peu guérisseur aussi. Il calme les angoisses rien qu’en parlant."
(P. 88).

Quinté spot

Patron du Jardin de Noirmoutier.
- "Il serait parfait en artiste de music-hall. Après tout, un bistrot, c’est un théâtre en représentation permanente. Les tournées, c’est nos rappels."
(PP. 53-54).

Ravachol

Chat de Riz complet.
- "Si je veux le caresser, je suis obligé de mettre des gants noirs. Il ne supporte pas qu’une peau blanche le touche."
(P. 90).

Remets-moi ça

- "Un écologiste, bien avant que ce soit à la mode et récupéré par le commerce. Il ne consomme que des produits naturels. Jamais de pharmacie ! Des décennies de vie saine à entretenir sa descente. « J’ai le toboggan à sec ». Ce sont ses premiers mots le matin. Trois rasades de vin blanc et il attaque sa gymnastique : traire la vache. "
(P. 42).

Riz complet

- "Sans doute parce qu’il a la peau tachetée de points blancs."
(P. 41).

Schumacher

- "C’est un ancien marin. Il souffre en permanence du mal de mer. Il ne trouve un semblant d’équilibre que grâce au rosé. Ses verres devraient lui être remboursés par la Sécu. Tu ne l’as jamais croisé au volant de sa papamobile ? (…) Sa voiturette électrique (...). Il roule au milieu de la chaussée par phobie des trottoirs. Et quand il tourne, même les oiseaux se planquent dans le ciel !"
(P. 98).

Super nana

Compagne du chanteur Pellok.
- "C’est un bulldozer. Une terroriste de l’amitié. Elle est allergique à l’injustice. Autant dire qu’elle est de permanence sur le pied de guerre."
(P. 44).

Tête raide

Claude. Ami de l'auteur.
- "Cela lui va bien. Quand on a des idées fixes, on finit par ne plus avoir de rachis."
(P. 32).

Toubib

- "C’est un gentilhomme. Il ne laisse jamais ses malades boire seuls (…). Il partage nos vies et les prolonge."
(P. 46).

Y-a-pas


Le facteur.
- "Y-a-pas de lettres !"
(P. 42).

Zigzag

Henri. Ami de Claude. Taxi ambulance.
- "Tu fais aussi corbillard à l’occasion ?
Hélas non ! Mais c’est une bonne idée. Je devrais peut-être en parler à la mairie. Cela dit, nos vieux sont difficiles à déraciner. Ils s’entretiennent au rosé et au tabac à rouler."
(P. 29).

Deux dernières phrases

- "La mélodie de Barbara accompagne mon sourire et je me sens légère. Si légère…"




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jeudi 26 juillet 2012

P. 167. "Trois soeurs" et un film

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(Mont. JEA/DR).

Synopsis

- "Buenos Aires à la fin de l'été. Marina, Sofia et Violeta sont seules dans la maison familiale alors que leur grand-mère, qui les a élevées, vient de mourir. Chacune cherche, à sa manière, à combler cette absence. Marina se concentre sur ses études tout en prenant soin du foyer, tandis que Sofia est obnubilée par son apparence et sort avec des amis. Quant à Violeta, elle erre de la chambre au salon où elle reçoit, de temps à autre, la visite d'un homme. Désaccords, fou-rires, mesquineries et signes d'affection rythment cette période d'incertitude, jusqu'à ce jour d'automne où Violeta disparaît sans crier gare."

AFP

- "Milagros Mumenthaler dit aimer les films "d'atmosphère", qui "ne reposent pas simplement sur un scénario" et où "les petites choses prennent une assez grande place". Elle attend des spectateurs qu'"ils se laissent aller et comprennent peu à peu les relations et les personnages".
(L’Express, 13 juillet 2012).

Laura Tuffery et Milagros Mamenthaler 

Question : - "La plupart des films ayant pour thème le deuil abordent rarement la période de reconstruction. Pourquoi avez-vous choisi de traiter du deuil et de ce moment très particulier où il faut faire face à l’absence pour votre premier long métrage ?
Réponse de Milagros Mumenthaler : -  Le deuil immédiat raconte quelque chose de très différent qui m’apparaissait beaucoup moins intéressant à raconter que l’absence. Le deuil et l’absence sont des sentiments très différents. Le point central qui relie les sœurs dans le film est justement ce sentiment d’absence, ce quelque chose qui manque et qui les réunit. Ce thème me paraissait beaucoup plus riche à traiter, car c’est justement ce manque qui les pousse à rebondir plus rapidement, à accéder au monde adulte, à prendre des décisions. Je trouvais intéressant de raconter ce moment où elles se retrouvent orphelines, dans une grande vulnérabilité, ce qu’est leur relation et ce qu’elle devient quand le cœur familial n’est plus là et que l’équilibre s’est rompu."
(Mediapart, 17 juillet 2012).

Annie Coppermann

- "Ce coup d’essai d’une jeune réalisatrice née en 1977, Milagros Mumenthaler, est surtout nourri de ses propres souvenirs : née en Argentine, qu’elle a quittée à l’âge de trois mois pour la Suisse, avant de la retrouver à 19 ans pour y poursuivre ses études, elle a grandi avec deux sœurs, puis a vécu deux ans, à Mar del Plata, avec sa grand-mère pour enfin rompre avec le cocon familial en s’installant à Buenos Aires. Elle dit avoir voulu, ici, raconter « comment les changements irrévocables qui surviennent à l’adolescence ont une incidence sur les relations entre frères et sœurs : le moment où chacun tente de se construire indépendamment de la façon dont il a été élevé ». Et l’on sent bien, en effet, que bien des situations ont été vécues… Ce film « d’atmosphère » bénéficie d’un trio d’interprètes époustouflantes –des non professionnelles –…"
(LesEchos, 20 juillet 2012).

Aureliano Tonet

- "En espagnol, Trois sœurs s'intitule Abrir Puertas y Ventanas, que l'on pourrait traduire par "ouvrir les portes et les fenêtres". Empruntée à un dialogue de La Maison de Bernarda Alba, de Federico Garcia Lorca, l'expression dit avec justesse la grâce très finement chevillée du premier long-métrage de l'Argentine Milagros Mumenthaler, Léopard d'or au dernier festival de Locarno.
Car, comme la pièce de théâtre de Garcia Lorca, qui décrivait l'enfermement d'une mère et de ses filles à la suite de la mort de son mari, Trois soeurs est un faux huis clos. Même si l'action se déroule du premier au dernier plan dans une seule et même demeure, à Buenos Aires, il ne s'agit nullement d'un film d'intérieur, replié sur son pré carré.
Ce qui intéresse la réalisatrice, c'est l'air qui circule à travers les cloisons de la maison, ces portes et ces fenêtres qui claquent sans cesse, successivement ouvertes, fermées, forcées, brisées, rafistolées. Un air de fin d'été, à la fois neuf et ancien, chargé de promesses et de fantômes, où soufflent les vents contraires du grand large et des esprits frappeurs, et dont la caméra, délicatement mobile, semble guetter le moindre mouvement."
(Le Monde, 17 juillet 2012).

Jacques Morice

- "Du Tchekhov ? Presque. Comme dans la célèbre pièce de l'auteur russe, on retrouve trois soeurs et une maison, mais à Buenos Aires. C'est l'été, il fait une chaleur écrasante. Marina, l'aînée, celle qui semble la plus responsable, tente d'étudier ; Sofia passe son temps à se pomponner, sort quelquefois ; Violeta, la cadette, se traîne du lit au sofa, plongée dans une torpeur d'alligator. Les parents ? Seule la grand-mère est évoquée. C'est elle qui a élevé les filles. Elle était prof d'université, elle est morte récemment, en laissant des échos d'elle un peu partout dans la maison. Et les filles, livrées à elles-mêmes. Entre elles, on sent de l'agacement, quelques signes de jalousie, une certaine affection aussi mais comme teintée de prudence. Faut-il rester ensemble ou se séparer ?"
(Télérama, 18 juillet 2012).


Les trois soeurs (DR).

Laure Bedonnet

- "Trois sœurs joue avec délicatesse de l'ignorance de son spectateur. Il se dégage une langueur, d'abord déroutante, ensuite agréable de cette oeuvre. Les personnages se dévoilent lentement. L'opus interagit avec le temps, l'élément fondamental dans le travail de deuil et élabore une interprétation cinématographique de la sensation de durée - le pendant subjectif du temps. Dans une monotonie narrative, la réalisatrice frôle cet espace intime, ce flottement, et dépeint les difficultés de concevoir la mort. Si naturelle soit-elle. Milagros Mumenthaler ouvre la porte fictive d'une réalité, celle de la suspension temporelle au moment de la perte d'un proche et la fait vivre à son public. Les journées s'allongent, les mouvements prennent une autre saveur. Elle s'attaque à l'altération du quotidien: un changement quasi imperceptible inscrit dans la continuité."
(Ecranlarge, 17 juillet 2012).

François-Xavier Gomez

- "Que sait-on des proches qui nous ont précédés ? Connaît-on vraiment ceux qui partagent notre quotidien ? Autour de ces interrogations, l’Helvéto-Argentine Milagros Mumenthaler bâtit un film d’ambiance, dont le décor unique est le huis-clos d’une maison et de son jardin. Un huis-clos qui n’est pas pour autant claustrophobique : les espaces sont lumineux et le jardin agréable, surtout en plein été, quand commence le film. Une perception que modifie le passage des saisons, avec un automne triste et pluvieux."
(Libération, 18 juillet 2012).

Sophie Grassin

- "Milagros Mumenthaler (léopard d’or au dernier Festival de Locarno) filme en plans fixes et en lents panos une vacance de plus en plus intrigante. Elle capte de jolis moments (une chanson) et fait passer quelque chose du désarroi d’une génération qui, du fait de la dictature, a grandi sans adultes."
(CinéObs, 17 juillet 2012).

Nicolas Bardot

- "Comme le commente la réalisatrice : "Beaucoup d'enfants ont été élevés par leurs grands-parents durant les derniers jours de la dictature. Bien que ni le contexte, ni l'âge des filles ne correspondent à cette époque, je suis convaincue qu'il existe un courant de conscience, quelque chose de l'histoire récente de l'Argentine qui a laissé une marque dans la mémoire collective".
Trois sœurs fait partie de ces films qui laissent plus de place à ce qui n'apparaît pas à l'image qu'à ce que contient le cadre. Une ellipse, une absence d'explication (la disparition de la grand-mère est au centre du film mais aussi en pointillés), cachent une ellipse plus grande encore (que sont devenus les parents ?)."
(FILMdeCULTE).

Marianne Fernandez

- "Installé dans le quotidien des jeunes filles à l’intérieur de leur grande maison, Trois sœurs avance comme une série de cadres fixes, de natures mortes presque, dans lesquelles il s’agit de faire circuler, enfin, un peu d’air. Les filles sont là, les portes se ferment et se claquent, les fenêtres se brisent. Comment prendre vie dans cet espace sclérosé, comment embrasser la sensualité de l’âge adulte ? À cela, Milagros Mumenthaler répond très habilement en offrant avec ses personnages autant de possibles de la maturation de l’adolescence – dans l’amour, dans la fuite, la marche en avant s’accomplit. Elle s’incarne métaphoriquement par une manière d’habiter l’espace. Un espace plein de mystères (les silences du scénario) qui donnent au film cette surprenante vitalité : il semble ne rien se passer, et c’est là pourtant que s’accomplit le basculement vers l’âge adulte."
(Critikat,).

Camille Esnault

- "La tristesse et la douleur n'éclatent jamais dans de grands emportements, mais se fait sentir dans la tension ambiante, les lents déplacements à l'intérieur de la maison vide et l'exploration des objets ayant appartenu aux disparus. Le film n'offre pas un accès direct aux sentiments et met le spectateur à l'épreuve. Il lui laisse le temps de s'installer dans cet atmosphère, avant de pouvoir revenir encore et encore sur la difficulté de s'affranchir des liens fraternels. Trois Sœurs fait partie des longs-métrages qui vous hantent longtemps après la projection, rien n'y est évident, tout est insondable, comme le sont les sentiments humains les plus forts et ça Milagros Mumenthaler semble l'avoir bien compris."
(ToutLeCine).

David Fontaine

- "La force de ce premier film talentueux de Milagros Mumenthaler est de réussir à capter ce moment fugace qui marque le passage de l'adolescence à l'âge de femme. Dès la première scène montrant les trois soeurs alanguies dnas la torpeur de l'été comme dans un tableau de Balthus (...). Jusqu'à la dernière scène, qui les réconcilie - par-delà l'absence de la plus jeune partie au loin - avec le poids du passé, familial et national, sans qu'il soit rien besoin de préciser, sur la dictature ou la crise, hors champ.
Enrte deux, le film culmine dans un pur moment de grâce : côte à côte sur un canapé, les trois soeurs écoutent sur un vieux disque vinyle la chanson "Back to stay" de Nico. Sans mot dire. Sur leur visage se peignent l'émotion, la nostalgie, la tristesse, peut-être, d'éclore progressivement. Chacune perdue dans son monde, comme si le film montrait l'instant précis où leurs vies jusqu'ici étroitement tressées de soeurs s'apprêtaient à diverger.
Une parenthèse enchantée, dans un été indécis."
(Le Canard enchaîné, 18 juillet 2012).




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lundi 23 juillet 2012

P. 166. 70e anniversaire de la Rafle du Vel d'Hiv : les Justes n'ont pas été oubliés...

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Plaque commémorative de la Rafle du Vel d'Hiv (Doc. JEA/DR).

Le dimanche 22 juillet 2012, François Hollande a présidé la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv (1).

Cette cérémonie a été marquée par :
- les prières par le Grand Rabbin Alain Goldmann et le Rabbin Olivier Kaufmann,
- une allocution de Serge Klarsfeld, Vice-Président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Président de l'Association "les fils et filles de déportés juifs de France",
- une allocution de Richard Prasquier, Président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF),
- une allocution de Raphaël Esrail, Président de l'Union des Déportés d'Auschwitz,
- le témoignage de Mme Marie Theulot, fille et petite-fille de « Justes de France »;
- le discours du Président de la République.

La question se posait de savoir comment François Hollande allait se situer entre François Mitterrand (2) et Jacques Chirac (3) face aux responsabilités françaises dans cette Rafle qui fut l'une des faces les plus honteuses de la Shoah dans l'hexagone.
Le Président de la République ne déçut pas les attentes car il ne pouvait se montrer plus explicite ni plus précis en répétant :

- "La vérité, c'est que la police française s'est chargée d'arrêter des milliers d'enfants et de familles….
La gendarmerie les a escortées jusqu'aux camps d'internement.
La vérité c'est que le crime fut commis en France par la France…
La vérité, c'est que le crime du Vel' d'Hiv' fut aussi commis contre la France, contre son honneur, contre ses valeurs, contre son idéal… Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l'honneur
."

La presse ayant donné la priorité à François Hollande, en oublia la dernière à s'exprimer avant le Président : Marie Theulot.
De crainte que ne reste trop négligé son témoignage en qualité de fille et de petite-fille de Justes, voici quelques éléments resituant celui-ci dans son contexte.


Marie Theulot et son Grand-Père, Georges Vigoureux, Juste parmi les Nations (Mont. JEA/DR).

Marie Theulot

- "Georges Vigoureux, mon grand-père, fut commissaire de police à Rosendaël de 1938 à 1942. La Gestapo de Cassel convoqua en juillet 1942 ce résistant de la première heure. Heureusement relâché, il partit dans la journée - avec sa famille - vers le sud.
En poste à Bagnères-de-Bigorre, Georges Vigoureux poursuit ses activités de résistance. Son fils (mon père) Jacques, 16 ans, y participe.
Mon père est l'un des plus jeunes Justes de France (4).
En quelques jours, tous deux ont prévenu une quarantaine de familles juives qu'elles étaient sur les listes d’arrestations et de déportations.
Si Jacques a vécu ensuite dans le maquis, échappant ainsi à la Milice, Georges a été arrêté. Il a survécu neuf mois à Dachau.
La famille n’a su que tardivement tout ce qu’ils avaient fait. Ça a sauté une génération, la mienne et ce sont mes enfants qui ont posé les questions faisant remonter ce passé à la surface."

- "Le commissaire Georges Vigoureux, de par ses fonctions, exposé plus tôt et plus souvent que les autres Français à la réalité des persécutions antijuives, a choisi l’exception en contournant les lois. La désobéissance devient une vertu lorsqu’elle place le respect de l’autre au dessus de l’autorité aveugle. En tant qu’auteur et conférencière, c’est ce message de conviction, de courage qui rend sa dignité à l’être humain, que je m’évertue de mon mieux à communiquer aux jeunes générations."

Synthèse du dossier de ces deux Justes

- "Georges Vigoureux, commissaire de police, et son fils, Jacques, pour leurs actions en 1943-44, à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, figurent au nombre des Justes parmi les Nations. Ces Français qui, non juifs, ont sauvé au péril de leur vie des juifs, persécutés raciaux.
Dès le début de la Guerre le commissaire Vigoureux entra dans la Résistance, participant à des actes de sabotage contre l’ennemi. En juillet 1942, recherché par la Gestapo, il ne dut son salut qu’en s’enfuyant en zone libre avec sa famille. Lorsqu’en novembre 1942 les Allemands ont occupé la zone libre, Georges Vigoureux reprit ses activités de résistance. Plus particulièrement en prévenant des familles juives de l’imminence de leur arrestation. Les juifs étaient nombreux à séjourner à Bagnères-de-Bigorre, dans l’espoir de pouvoir passer en Espagne, toute proche.
Courant 1943, face au nombre croissant de persécutés à prévenir, le commissaire Vigoureux fit appel à son fils Jacques, qui n’avait que 16 ans. Tous deux sauvèrent ainsi plusieurs dizaines de familles juives d’une mort certaine. Mais en mai 1944 le commissaire Vigoureux tomba dans un piège tendu par la Gestapo et quelques semaines plus tard fut transféré au camp de Dachau par le trop célèbre « train de la mort » (5). En vue d’échapper à une probable arrestation, son fils Jacques prit le maquis dans les montagnes pyrénéennes." (6)

Ecole Nationale Supérieure de la Police


- "Le commissaire de police Georges Vigoureux se fait remarquer dès le début de la Seconde Guerre mondiale par ses actes de courage. Il communique à la Résistance des informations sur les mouvements des troupes allemandes. Il est condamné à mort par contumace pour sabotage par le Tribunal Militaire Allemand de Lille en 1942. Puis, à Bagnères de Bigorre, il s’engage rapidement dans la Résistance locale et aide des Juifs à fuir. Il est aussi chargé de la protection du maquis et des parachutages.
Il est arrêté par la SiPo le 6 mai 1944. Torturé à Toulouse, il ne parle pas et est déporté le 2 juillet 1944 vers Dachau. A la Libération, il fait arrêter des
criminels de guerre."
(Commissaires reconnus Justes parmi les Nations).

Marie Theulot, loin de tout Shoah-business, elle, est l'auteur d'un roman historique publié en 2009.


Marie Theulot
Le plongeon interdit, Stuttgart 1938,
préface de Simone Veil,
Ouriana, 2009, 200 p.

Editeur

- "Sur un mode romanesque, la dénonciation des dérives et des conséquences des idéologies totalitaires touche au plus profond lorsque ces dernières s'inscrivent dans un événement intolérable de l’Histoire: la Shoah. L’auteure met en exergue la souffrance des cibles de l'oppresseur mais aussi le courage de ceux qui résistent à l'intolérance. A un moment où le négationnisme tente de faire surface et où les sondages révèlent une poussée de l'antisémitisme (en période de crise, on cherche des coupables), écrire sur ce sujet, c'est faire oeuvre pédagogique, pour les jeunes générations en particulier."

4e de couverture

- "Elle est jeune, allemande et juive. Il est jeune, allemand et protestant. Des pancartes «Interdit aux Juifs» sont placardées sur les magasins et dans les lieux publics. C’est justement là, dans une piscine, qu’ils se rencontrent. Dans un contexte de montée du nazisme, l’horreur et la terreur croisent le fer avec l’amour et l’espoir. L’étau des lois de la dictature nazie se resserre sur une histoire d’amour interdite. Y survivra-t-elle ? A découvrir dans ce beau roman historique, préfacé par Simone Veil."

Site Françoise

- "Fille et petite-fille de Justes entre les Nations, Marie Theulot, retraitée de l'Education Nationale, croit "aux valeurs de tolérance et d'amour".
Son récit très attachant se fonde solidement sur de vrais témoignages, et se termine par de nombreuses références et documents qui peuvent aider à mieux comprendre cette époque, plus spécialement présentée à l'intention des jeunes générations.
Il est très important de rappeler , aujourd'hui en particulier, combien il est facile de glisser dans la haine et l'antisémitisme, combien de vies peuvent être brisées par l'ignorance et où mène le fanatisme ... mais aussi combien l'on peut avec patience contribuer à retourner une situation, aider les coeurs à s'ouvrir et les mains à se tendre, voir l'angoisse et la peur, la mort même reculer."
(24 septembre 2009).

NOTES :

(1) Lire la P. 164 : Le 16 juillet 1942, premier jour de la Rafle du Vel d'Hiv.

(2) En 1992, François Mitterrand est le premier président à assister à une cérémonie au Vel d'Hiv, cérémonie qui n’est pas encore organisée au niveau national mais par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Le président est hué par uen partie de l'assistance. Robert Badinter répond par un appel au respect des morts. Images INA : cliquer ICI.
En 1993, Mitterrand instaure par décret une "Journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite 'Gouvernement de l’Etat français'". A son estime, la responsabilité de la France n'a pas à être évoquée mais seule celle de Vichy...

(3) François Hollande tint à saluer la "lucidité" et le "courage" de Jacques Chirac :
- "Le grand mérite du président Jacques Chirac est d'avoir reconnu ici-même, le 16 juillet 1995, cette vérité. 'La France, dit-il, la France, patrie des Lumières et des droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable''. Et si fut historique ce discours du 16 juillet 1995 lors de la cérémonie de commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv, celui prononcé par Jacques Chirac le 18 janvier 2007 lors de l’hommage aux "Justes de France" au Panthéon, ne le fut pas moins.

(4) Au jour où est publiée cette page, 3.641 Justes ont été reconnus en France.
Consulter le site du Comité Français pour Yad Vashem en cliquant : ICI.
Trois pages de ce blog évoquent des Justes : les P. 147, P. 147 bis et, hélas, P. 151.

(5). Le "train de la mort" quitta Compiègne le 2 juillet 1944 avec 2.166 déportés. A son arrivée à Dachau, 536 cadavres durent retirés des wagons.

(6) Les Vigoureux Père et Fils, ont été reconnus Justes parmi les Nations en 1994. Leur dossier Yad Vashem porte la référence 6120.

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jeudi 19 juillet 2012

P. 165. 17 juillet 1717 : première de la Water Music sur la Tamise...

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Quatre versions : John Eliot Gardiner, Riccardo Muti, Jordi Savall et Trevor Pinnock (Mont. JEA/DR).

Présentation sur le site des spectacles au Château de Versailles


- "Parmi les œuvres les plus prestigieuses de Haendel figure la Water Music, commande royale de musique de plein air, célèbre depuis quasi 3 siècles.
Haendel avait été nommé en 1710 Maître de Chapelle de l'Electeur de Hanovre, mais demanda rapidement un congé pour se rendre à Londres, où il resta sans prévenir son employeur… qui fut couronné Roi d'Angleterre en 1714 sous le nom de Jacques II ! Haendel revint donc involontairement (mais de bonne grâce) à son service. En 1717, occasion lui fut donnée de montrer son attachement à ce nouveau souverain, qui devait effectuer un voyage sur la Tamise. Le 17 juillet, une barque royale remonta la Tamise durant 3 heures, la barque suivante interprétant les musiques de Haendel. Puis on débarqua à 23h, le Roi dîna, et le retour se fit à nouveau en musique. Le contentement royal fut acquis, et celui du public ne le démentit jamais."
(6 juillet 2012 à l’Opéra Royal).

Louis-Pierre Bergeron


- "Les trois suites pour orchestre qui composent la Water Music de George Frideric Handel font partie de ces pièces qui, par le génie de leur construction et l'énergie irrésistible qui s'en dégage, connaissent une popularité qui ne s'est jamais essoufflée depuis sa création. La quantité énorme de versions endisquées en fait foi. On en trouve de toutes les sortes et pour tous les goûts : instruments d'époque ou modernes, grand ensemble ou orchestre de chambre, esthétique baroque ou romantique, etc.
Handel, nouvellement arrivé en Angleterre, reçoit en 1717 une commande particulière : on lui demande de la musique festive, devant être jouée sur la Tamise à l'occasion d'un trajet nocturne du roi George 1er entre Whitehall et Chelsea. Le compositeur concocte alors un amalgame de pièces nouvelles et anciennes, qu'il groupe en trois suites de tonalités différentes; elles constituent de bons exemples de suite pour orchestre, genre dont la forme n'était pas fixée à l'époque. On y trouve une ouverture d'inspiration française, diverses danses et des mouvements lents. Handel fait appel, en plus des cordes, à des instruments à vent pouvant être entendus à grande distance, notamment des hautbois, des cors et des trompettes. Des comptes rendus de l'époque indiquent que le roi a tellement aimé l'oeuvre qu'il demanda aux musiciens de la rejouer entièrement deux autres fois le même soir !"
(scena, 23 janvier 2008).

Marc Vignal


- "Water Music (Musique sur l’eau) fut longtemps l’oeuvre instrumentale la plus populaire de Haendel, mais nous n’en possédons ni manuscrit autographe, ni première édition, authentique et sanctionnée par le compositeur. L’anecdote se rapportant à la composition d’un ouvrage de ce nom est dans toutes les mémoires. Haendel, directeur de la musique de l’électeur de Hanovre, avait en 1712 obtenu de ce dernier la permission de se rendre en Angleterre, à condition de ne pas y rester trop longtemps. Or Haendel était toujours à Londres en 1714, au moment où l’électeur devint le roi George Ier d’Angleterre. Selon John Mainwaring, auteur des « Mémoires sur la vie de feu Georg Friedrich Haendel » (1760), le compositeur aurait évité tout contact avec le nouveau souverain jusqu’au 22 août 1715, jour où à l’occasion d’une procession royale sur la Tamise, il aurait fait exécuter une oeuvre nouvelle, s’arrangeant pour que le roi ne put manquer d’en être ravi : d’où pardon immédiat."
(Livret Alia Vox).


Le 17 juillet 1717 sur la Tamise (DR).

Musicologia

- "Haendel a composé ses trois suites de « musique sur l’eau » pour une fête-promenade du roi sur la Tamise en 1717. Ces trois suites, dont on n’a pas gardé le manuscrit original mais seulement une copie de 1740, ont été jouées probablement l’une pour la promenade « aller » (suite en fa avec cors), la seconde, plus calme, pour le repas qu’il prenait chez un Lord (suite en sol pour flûtes), et la troisième pour le trajet de retour vers Saint James Palace (suite en ré pour trompettes et cors)."

Suite n°1, HWV 348

Ouverture (Largo – Allegro)
Adagio e staccato
Allegro – Andante – Allegro da capo
Menuet
Air
Menuet
Bourrée
Hornpipe
Allegro
Allegro (variante)
Alla Hornpipe (variante)

Suite n°2, HWV 349


Ouverture (Allegro)
Alla Hornpipe
Menuet
Lento
Bourrée

Suite n°3, HWV 350


Allegro
Rigaudon
Allegro
Menuet
Allegro

Philippe Venturini


- "On sait que "la musique spécialement composée par le fameux Handel" fut si appréciée du souverain qu'elle fut jouée trois fois. En l'absence d'un manuscrit autographe, on ne sait exactement quelle Water Music le roi entendit, peut-être sous la direction de Haendel. Avant une première intégrale en 1788, il faut composer avec des manuscrits incomplets et une réduction pour clavecin éditée en 1743.
Mouvement et durée : on compte vingt-deux numéros disposés depuis le milieu du XXe siècle en trois suites selon les tonalités et l'instrumentation : fa majeur et les cors, sol majeur et les flûtes, ré majeur et les trompettes. L'ensemble atteint les cinquante minutes.
De l'ouverture et des danses françaises (menuet, bourrée) au mouvement anglais (hornpipe) en passant par une polyphonie serrée à l'italienne, de l'éclat claironnant du ré majeur à la mélancolie du sol mineur, Haendel teinte sa Water Music de mille couleurs. Aux interprètes de ne pas se perdre dans ce vaste arc-en-ciel."
(Classica, 15 avril 2012).

Quelques versions





Academy of St-Martin in the Fields, John Elliot Gardiner.




Amsterdam Baroque Orchestra, Ton Kopman.




Le Concert des Nations, Jordi Savall.




Le Concert Spirituel, Hervé Niquet.

Autres pages : "A la date du..." ? Cliquer : ICI.


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lundi 16 juillet 2012

P. 164. Le 16 juillet 1942 : premier jour de la Rafle du Vel d'Hiv...

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A g. : échange de bons procédés... A dr. : seule photo connue de la Rafle, ces autobus alignés le long du Vél d'Hiv (Mont. JEA/DR).

Les 16 et 17 juillet 1942, 9.000 français des "forces de l'ordre" ont préparé puis procèdent aux arrestations à Paris de :
- 3118 hommes,
- 5919 femmes
- et 4115 enfants.
Au total : 13.152 juifs.

27.388 fiches individuelles ont notamment permis cette mise en application de "la solution finale". Une opération de police qui porta le nom de : "Vent printanier" !!!

Cinq témoignages


Robert Bober
(1)

- "C'est par le commissariat de police de la rue Bobillot, à qui mon père faisait des chaussures sur mesure, que nous avons appris, un après-midi, qu'une grange rafle aurait lieu le lendemain matin.
Rendus prudents par les premières persécutions dont furent victimes les Juifs, mes parents n'avaient pas jugé utile de déclarer à la préfecture une petite pièce qu'ils venaient d'acquérir et qui servait essentiellement à entreposer le cuir. C'est dans cette pièce que nous nous étions cachés.
Mon père avait couru avant le couvre-feu prévenir les Beck, mais soit qu'ils n'y croyaient pas réellement, soit qu'ils ne savaient pas où aller, ils restèrent chez eux. Des voisins, plus tard, ont raconté qu'ils avaient vu des policiers emmener toute la famille Beck. On les emmenait au Vel d'Hiv. C'était le jeudi 16 juillet 1942 au matin.
Pour Henri Beck, il n'y a plus eu de rentrée des classes."

Hanna Kamieniecki
(2)

- "Pour la première fois à Paris, des femmes, des enfants et des vieillards ont été arrêtés. Ma mère et moi y avons échappé. J'avais été prévenue par une camarade de classe dont le père était policier qu'il ne fallait pas dormir à la maison cette nuit-là, et des amis non juifs nous ont cachées (...).
Quelques jours après la rafle, j'ai fait le tour de la famille et des amis. Chaque fois leurs concierges répondaient à mes questions par : "On est venu les chercher... elles ont été emmenées..."

Raymond Kojitsky
(3)

- "J'avais seize ans. Dans la maroquinerie de M. Weinstock, nous étions tous Yids, sauf bien sûr les administrateurs, Marguerite et son mari (...).
Je travaillais dans le fond de l'atelier. Deux flics français en civil sont entrés. Ils se sont avancés de quelques pas. Ils n'avaient pas besoin de parler. On savait ce qu'ils voulaient mais ce qu'on ignorait, c'était "qui" ils voulaient.
Ils se sont approchés de M. Weinstock. J'étais sidéré. J'avais vu des tas et des tas d'arrestations et je ne m'y habituais pas. Les deux flics étaient assez jeunes, de taille normale, mais ils paraissaient minuscules à côté de M. Weinstock qui avait l'air d'une montagne (...). L'un des deux flics s'est tourné vers lui. Il était obligé de lever la tête pour lui parler.
- Le dénommé Weinstock, c'est vous ?
- Oui, oui, c'est moi ! a répondu mon patron.
- On vous emmène.
(...)
Il y a un silence de mort. Personne ne bouge. Tout à coup, M. Weinstock se met à pleurer. Il pleure comme un enfant, sans un mot, les sanglots le secouent et le font gémir. Je suis là, un outil à la main, et ça donne envie de pleurer à moi aussi."


Extrait de la couverture du catalogue de l'exposition : "C'étaient des enfants". 26 juin au 27 octobre 2012. Salon d'accueil de l'Hôtel de Ville de Paris  (DR).

Annie Kriegel (4)

- "15 juillet. Ce jour-là, j'affrontais à la Sorbonne l'oral de mon baccalauréat, première partie (...).
Je n'avais pas encore terminé les épreuves que je vis inopinément arriver ma mère. Elle me fait signe de la rejoindre dans un angle (...).
Elle m'exposa d'une voix nette, dépourvue de toute théâtralité - un frémissement secret disait seul l'angoisse et la tendresse -, la rumeur qui courait dans notre quartier, le quartier des Enfants Rouges et le Carreau du Temple : on disait que se préparait pour la nuit suivante une grande rafle. Il ne fallait donc pas que je rentre à la maison ; je devais aller chez mon amie Jacqueline et lui demander de m'abriter pour la nuit (...).
Quand j'exposai à Hélène, qui faisait fonction de chef de famille, la requête de ma mère, celle-ci (...) réfléchit puis, sans aucune aménité, avec cette pleine confiance qu'il y avait entre nous, m'objecta qu'elle ne pouvait y consentir (...). Quand elle me suggéra d'aller demander conseil à ma tante qui habitait non loin de là, je trouvai l'idée excellente.
Tante Mimi me reçut très gentiment (...) et me dit que la rumeur l'avait atteinte. On lui avait en outre signalé que des personnes, dont elle ne connaissait pas le nom mais qui habitaient rue de Sévigné, étaient disposées à accueillir des juifs à la recherche d'un abri provisoire. Elle m'invitait à y aller voir (...).
De l'hôtesse qui le reçut, je n'ai gardé aucun autre souvenir que celui d'une voix attentive et chaleureuse. Oui, je n'avais qu'à entrer, et d'un doigt elle me montra au bout du corridor étroit une petite pièce. Celle-ci était déjà pleine de monde et il y régnait un silence morne comme, en ce temps-là, dans un salon d'attente de dentiste (...).
Je m'éveillai très tôt le lendemain matin. Avec précaution, j'enjambai quelques corps enlacés, et j'allai jeter un coup d'oeil par la fenêtre. Tout était calme. Bah, pensai-je, ça devait être encore un faux bruit. Je résolus donc de retourner chez moi. J'avais déjà épuisé les charmes de l'escapade (...).
A peine cependant avais-je tourné l'angle de la rue de Turenne que m'apparut un spectacle effarant. Dans l'encadrement d'une de ces portes d'immeuble qui, basses et étroites, donnaient sur ce sombres corridors et des escaliers (...), je vis un agent de police en uniforme qui, à chaque bout de ses deux bras, portait une valise et pleurait (...).
Il s'avançait dans la rue, suivi d'une petite troupe indistincte, enfants et vieilles gens mêlés et portant ces ballots de toile noire dans laquelle tailleurs ou casquetiers livraient aux façonniers leur ouvrage. Je regardai avec plus d'attention : et en effet je vis de plusieurs autres immeubles sortir des groupes semblables.
C'était bien la rafle. Je poursuivis néanmoins mon chemin quand, au carrefour de la rue de Turenne et de la rue de Bretagne, j'entendis s'élever jusqu'aux cieux des hurlements. (...) comme on entendait naguère dans les salles d'accouchement. Toute la douleur humaine que procurent la vie et la mort. Un garage servait là de point de rassemblement local et on y séparait hommes et femmes."

Frida Wattenberg (5)

- "Le 15 juillet, j'ai passé l'oral de la première partie du bac. Je rentre heureuse à la maison, mais ma mère me dit "on parle de rafle pour demain" (...).
Le 16 juillet 1942 au matin, les policiers ont frappé à la porte. Ils venaient arrêter ma mère. J'ai demandé si j'étais sur la liste moi aussi, et on répondu "non, toi tu es française". Les deux policiers ont dit à ma mère qu'elle avait une heure pour préparer ses affaires avant qu'ils ne viennent la chercher.
"Viens, on s'en va", lui ai-je dit dès que nous nous sommes retrouvées seules.
"Non, ils doivent être partout. Nous n'avons pas d'argent, ni où aller. De toute façon, je n'ai rien fait de mal, je vais revenir à la maison."
Les policiers sont revenus comme prévu et l'ont emmenée."


Claude Lévy et Paul Tillard
La grande rafle du Vel d'Hiv
Robert Laffont, coll. Ce jour-là, 1967, 271 p.
La couverture porte en illustration une photo non pas de juifs raflés les 16 et 17 juillet 1942, mais... de collaborateurs arrêtés à la libération de Paris (DR).

Autre blogs évoquant la Rafle :

- Haïkud'aile, cliquer : ICI.

- Les mots de Melanie, cliquer ICI.

Notes :


(1) Robert Bober, Berg et Beck, folio 3496, 2001, 251 p., p. 23.

(2) Mémoire de la Shoah, photographies et témoignages, Editions du Chêne, 2005, 207 p., p. 95.

(3) Raymond Kojitsky, Pivert, Histoire d'un résistant ordinaire, Ecrit par Daniel Goldenberg, Calmann Lévy, 1990, 142 p., pp. 38-39.

(4) Annie Kriegel, Ce que j'ai cru comprendre, Robert Laffont, 1991, 842 p., pp. 152-154.

(5) Mémoire de la Shoah, op. cit., p. 78.

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jeudi 12 juillet 2012

P. 163. Troisième page de fenêtres...

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Après la P. 36 : A la croisée des fenêtres

et la P. 113 : Fenêtres sur mers


suite du Tour de France des fenêtres... 



Fenêtre du Rouge Ventre (Ph. JEA/DR).


Apollinaire :

- "Et maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre
Araignées quand les mains tissaient la lumière
Beauté pâleur insondables violets
Nous tenterons en vain de prendre du repos
On commencera à minuit
Quand on a le temps on a la liberté..."



Fenêtre sur un Nil ardennais (Ph. JEA/DR).



Félicien Rops à la fenêtre de la bourgeoisie parisienne (Ph. JEA/DR).



Fenêtre donnant (presque) sur le Mont Saint-Michel (Ph. JEA/DR).



Pluie sur une fenêtre de Sainte-Marie-du-Mont (Ph. JEA/DR).



Saint-Genest : fenêtre de passeur (JEA/DR).



Fenêtre-hortensias de La Quenauderie (Ph. JEA/DR).



Volets bleus à Liesville-sur-Douve (Ph. JEA/DR).



A l'orée du bois de Thel (Ph. JEA/DR).



Bergerie à La Colle (Ph. JEA/DR).



Ane condruzien (Ph. JEA/DR).


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lundi 9 juillet 2012

P. 162. Carax revient enfin...

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A lire régulièrement ce blog, du moins les pages cinéma, on pourrait croire qu'ici deux critères prévalent pour que des films soient à l'affiche. D'une part, qu'ils renouvellent le 7e art et ne soient donc pas du lard commercial jeté au public confondu avec des consommateurs manipulés. D'autre part que ces films restent handicapés par une distribution minimaliste.
Eh bien, voici une exception.
Pour le moins un sacré cinéaste ne sacralisant en rien les 25 images/seconde, Carax est actuellement à l'écran d'une centaine de salles obscures. Le festival de Cannes avait, paraît-il, été sérieusement secoué par Holy Motors. Il est temps que le public, celui qui "fait" aussi le cinéma, puisse croire ses propres yeux en se plongeant dans ce labyrinthe...

Synopsis

- "De l'aube à la nuit, quelques heures dans l'existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille... M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier - mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l'immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l'action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où sont sa maison, sa famille, son repos ?"

Denis Lavant

- "Dès la lecture du scénario, c’est déjà extraordinaire. C’est un point de vue de poète du cinéma qui est aussi un modèle de lucidité."
(L’Humanité, interview par Jean Roy, 4 juillet 2012).

Julien Gester

- "D’Oscar, Holy Motors accompagne la course agitée de l’aube au cœur de la nuit. D’une extrémité à l’autre de cette journée l’attendent neuf rendez-vous, commandités par on ne sait quelle instance obscure, pareils à ceux d’un tueur à gages, mais qui sont autant de rôles à jouer et de costumes à endosser au milieu des autres pour les besoins d’une caméra invisible. Le film le cueille au matin, alors qu’il est encore à son dernier rendez-vous de la veille, grimé en banquier arrogant et grisonnant habitué du Fouquet’s. Puis, il sera successivement une mendiante cassée en deux sur le pont Alexandre-III, un ouvrier spécialisé en motion capture, un patriarche autoritaire en 205, un faune monstrueux sorti des égouts, l’assassin et l’assassiné, un vieillard agonisant dans un palace tombeau…
Chacune de ses exténuantes incarnations transfigure le film lui-même, dans la clarté éblouissante de ses effets comme l’intensité mate de son mystère, en un jeu de dupes et de doubles."
(Libération, 3 juillet 2012).

Jacques Morice

- "Moteur ! Pas de meilleur sésame pour symboliser le caractère dynamique du cinéma. Moteur ô combien sacré (holy motor) pour Leos Carax qui voue un culte au cinéma. Rite de passage, théâtre d'ombres projetées, c'est sur cette thématique ténébreuse que s'ouvre le film : un dormeur — joué par Carax en personne — se lève de son lit et trouve une porte dérobée, qui donne sur une salle de cinéma remplie de spectateurs fantomatiques. Le démiurge disparaît ensuite, laissant la place à Denis Lavant, son alter ego favori depuis son premier film, Boy meets girl. Souvent présent, ce jumeau angélique et satanique devient, ici, omniprésent, puisqu'il enchaîne une dizaine de rôles. Tout un répertoire, à la hauteur de son talent protéiforme.
Chargé d'une étrange mission, il se nomme Monsieur Oscar (clin d'oeil au vrai prénom de Leos Carax), nom prononcé avec déférence par Céline (formidable Edith Scob, tout en S, silhouette serpentine...), sa fée protectrice."
(Télérama).


Edith Scob (DR).

Emmanuel Cirodde

- "On tremble souvent à l'idée que le film sombre dans une folie stérile, que se rompe ce mince filin qui le relie encore au spectateur. Mais Carax récupère toujours son récit et étaye précisément son édifice. Dans un chaos magnifique, il nous livrera ses visions pour "la beauté du geste", comme le répète son héros protéiforme et alter ego. Attention, Carax est de retour."
(Studio Ciné Live, 3 juillet 2012).

Jean Roy

- "Au volant de la limousine blanche qui fend la nuit parisienne, l’impavide 
Édith Scob, inoubliable interprète des Yeux sans visage, de Franju, dont elle porte le masque, ce qui suffit pour y penser constamment. À l’arrière, Denis Lavant, le comédien fétiche et le double du cinéaste, ici dans onze rôles quoique interprétant le même personnage, monsieur Oscar, homme d’affaires très riche, dans une suite d’avatars à transformations, tel un héros de Feuillade poursuivant ses missions. Un film d’une liberté suprême, le seul à avoir divisé Cannes entre thuriféraires et dédaigneux n’en retenant qu’une photo exceptionnelle."
(L’Humanité, 4 juillet 2012).

Romain Le Vern

- "Malgré les multiples métamorphoses et la volonté de jouer sur la confusion fertile entre réel et imaginaire, on n'est jamais perdu. Tout simplement parce que ce conte enchanteur passe par tous les états du cinéma, toutes époques confondues. Denis Lavant, lui, est capable de provoquer toutes les émotions (l'effroi, le rire, la tristesse). Carax a construit ce dédale méandreux en considérant le cinéma comme une forme artistique libre, un élément fondamental de l'inconscient collectif en même temps que le plus grand travailleur de la mort."
(excessif.com).

Guillaume Loison

- "Dérive poétique, délire narcissique prophétisant la mort du cinéma, éructant (avec humour) le pourrissement du monde occidental, « Holy Motors » est forcément plus que cela, œuvre buissonnière débordant sans cesse de son programme (la succession de « missions », toutes plus iconoclastes les unes que les autres exécutées par Lavant), Carax investissant chaque interstice pour y déployer une idée de cinéma. Ici, un mur que le cinéaste fait lui-même voler en éclats, là, les pièces nues des magasins de feu la Samaritaine, où beauté des ruines et lyrisme noir se donnent la main – séquence d’anthologie. Une œuvre-somme qui, en dépit de son absence au palmarès du dernier Festival de Cannes, appartient déjà à l’Histoire."
(CinéObs, 3 juillet 2012).

Thomas Agnelli

- "Loin de sombrer dans la mélancolie facile, il rappelle que le cinéma permet de rendre le réel vivable, qu’il faut en faire pour la beauté du geste, au même titre qu’il faut apprendre à revivre. Derrière l’aspect ludique de ce dédale tortueux, Leos Carax ne masque pas son désenchantement, son impuissance face à une industrie cinématographique sclérosée. On aimerait tant lui dire que son Holy Motors est triste et euphorisant comme une fête de fi n du monde, d’une puissance désarmante, à en redonner le goût du cinéma aux morts et aux blasés. Que tout ce qui s’y joue, s’échange, se montre et se murmure nous bouleverse. Et que, grâce à lui, les limousines vrombiront encore longtemps."
(PREMIERE).


Denis Lavant (DR).

Quelques phrases encore, dispersées dans les média

Simon Riaux

- "Un long-métrage d'une intensité renversante, un de ces objets indéfinissables, capables de transformer durablement le medium auxquels ils appartiennent. Holy Motors est une œuvre débutée bien avant son premier photogramme pour hanter bien après une conscience collective qui ne pourra que l'embellir et la faire grandir."
(ECRANLARGE.com, 23 mai 2012).

Jean-Baptiste Thoret

- "Holy Motors" navigue sur cette crête étroite qui sépare le kitsch de l'éblouissement et évite presque tous les écueils de sa structure éclatée."
(Charlie Hebdo).

Danièle Heymann

- "Carax, pactisant avec l'ennemi - le numérique -, réussit à nous entraîner dans un carrousel d'images aussi étrangement émouvantes que celles du cinéma des premiers âges, et, multipliant les réminiscences, les rémanences (...) nous fait monter sur son vertigineux manège des métamorphoses."
(Marianne).

Thomas Sotinel

- "Holy Motors est à la fois un film fauché et une superproduction - une vue d'ensemble de l'histoire du cinéma (du chronographe de Marey aux capteurs numériques des tournages sans caméra) et le portrait intime d'un cinéaste qui n'a pas réalisé de long-métrage depuis 1999."
(Le Monde, 3 juillet 2012).

Pascal Merigeau

- "Enfin du cinéma qui ne va pas avec tout ! Et même, tiens, qui ne va avec rien, peut-être bien. Par là il faut entendre surtout que « Holy Motors » ne cherche pas à plaire à tout le monde, c'est ce qui le fait si hardi, c'est ce qui déjà le rend unique absolument."
(CinéObs, 5 juillet 2012).

Jean-Marc Lalanne

- "Conquérant souverain, faussement mélancolique, incroyablement ludique, sidérant d'originalité et d'invention : Carax décoche un film génial."
(Les Inrockuptibles).



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jeudi 5 juillet 2012

P. 161. Quelques mois de juillet dans les parcours d'Henri Guillemin

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Henri Guillemin
Parcours
Seuil, 1989, 494 p.


Henri Guillemin

- "Et si l'on me demandait à présent : "Alors pratiquement la vie, d'après vous, c'est pourquoi faire ?" Je dirai que ma pauvre technique, ma toute petite loi, c'est de tacher, si je suis incapable de faire grand bien, c'est de tacher oui, au moins de ne pas faire de mal; travailler comme je peux dans mon coin, à dire ce qui me semble vrai. Essayer d'être bon, de ne pas me tromper sur le sens de ce mot : "aimer".

Biographie

- "D’abord élève au lycée Lamartine de cette ville, puis au lycée du Parc de Lyon, et ensuite à l’Ecole normale supérieure d’où il sort diplômé en 1924. Agrégé de Lettres en 1927, il se lie d’amitié avec Jean-Paul Sartre et François Mauriac. À trente-trois ans, il est nommé professeur à l’université du Caire, d’octobre 1936 à juin 1938, puis à l’université de Bordeaux de 1938 à 1941. La guerre et l’occupation mettent fin à ce parcours jusque-là académique. Dénoncé par ses écrits (1), Henri Guillemin fuit la France en juillet 1942 et se réfugie en Suisse à Neuchâtel. A la libération, après avoir tenté, en vain, d’obtenir un poste à la Sorbonne, il devient attaché culturel à l’ambassade de France à Berne jusqu’à sa retraite, en 1962. Il partage ensuite sa vie entre la France et la Suisse.
Auteur prolifique de nombreux ouvrages historiques, narrateur hors pair et passionné, il excelle dans l’art de la conférence et enregistre plusieurs sujets historiques pour la télévision suisse romande ; radio Canada, et L’ORTF (ancienne appellation des chaînes françaises dans les années 60). Tous les sujets le passionnent, de Napoléon à Jeanne d’Arc en passant par Jaurès, Tolstoï, Pétain, Vichy, Charles de Gaulle."
(Cercle d’Histoire Henri Guillemin, 18 mars 2012).

4e de couverture :

- "Les détails de ma vie privée n'ont d'intérêt que pour moi et les miens. Rien ici - pas une ligne - concernant mon enfance ou mon propre foyer, les joies et les peines d'un destin banal.
Mais il se trouve que j'ai eu la chance de voir d'assez près en 1939-1940 d'abord, à Bordeaux, puis entre 1945 et 1963, quand j'appartins au "service culturel" de l'ambassade de France à Berne, quelques personnages diversement "historiques". La chance aussi - et très particulièrement - d'avoir, très bien ou assez bien, ou un peu connu trois hommes qui ont compté dans la vie spirituelle de ma génération : Marc Sangnier, François Mauriac, Paul Claudel (Massignon et Bernanos, je les aurai seulement côtoyés). J'y ajoute quelqu'un d'inattendu mais dont le souvenir me reste très cher : Maurice Chevalier. Il ne m'a pas été indifférent non plus de voir mon parcours se croiser avec les trajectoires de Sartre, d'Etiemble, de Georges Simenon, de Romain Gary, de Pierre-Henri Simon, et du "prieur" de Taizé.
Des réflexions, de-ci, de-là, des notes de lectures, des citations que j'aime relire. Au total, quelque chose comme la déposition, émiettée et sans éclat, d'un témoin de notre temps.
H. G."


Signature d'Henri Guillemin (Graph. JEA/DR).

Il fit sortir du sommeil au moins une future génération d'historiens. Les étranges lucarnes répandaient ses angles de vue parfois iconoclastes, ses analyses souvent originales, ses enthousiasmes toujours sincères. Que ce soit pour la télévision ou pour l'enseignement (plus souvent ennemis que vivant en bonne harmonie), Henri Guillemin suscita ou du moins conforta (parfois a contrario d'ailleurs) bien des vocations.
Le voici loin des mass-médias, décrivant quelques premières étapes de son parcours.

18 juillet 1928. Concarneau.

- "Passant en revue, au port, par curiosité les petits bateaux appartenant à des marins-pêcheurs qui vont en mer tous les jours, je relève les noms suivants :
Deo Juventute. Le Berceau de l'Exploité. La Pluie de Roses. L'Esclave des Riches. Amour du Sacré-Coeur - et même : Châtiment de l'Impureté."
(P. 26).

Juillet 1939. Bordeaux.

- "Et, tout à coup, Gide me dit : "Ainsi vous voilà parti pour l'Académie." Je m'attendais si peu à pareille assertions que je crus à une plaisanterie et regardai Gide en riant. Il était sérieux, et cordial, disant "Voyons, c'est l'évidence ! Rappelez-vous Barrès lançant Mauriac (...). La préface que Mauriac (2) a donnée à votre Flaubert (3) et qu'il publia dans le Figaro, c'est à l'imitation de Barrès, en votre faveur. Vous voilà sur les rails". Je n'en revenais pas (...).
Je ne prenais pas la bonne route, traitant systématiquement de sujets interdits, écrivant ce qu'on n'écrit pas quand on veut réussir."
(PP. 51-52).

4 juillet 1940.

- "Le commerce n'a jamais été plus florissant. Quelles belles ventes ! La sur Sainte-Catherine connaît, du matin au soir, une affluence telle que les plus hauts records de la foire sont battus. On ne voit que des soldats verts, les bras encombrés de paquets. Ils achètent ! Ils achètent ! Payant "recta" du reste, et "bien corrects, il faut le dire".
(P. 69).

10 juillet 1942.

- "Fabre-Luce (4) se déshonore à présent dans la "collaboration". Les "Français libres" de Londres, il les qualifie de "déserteurs" : des gens qui vont rejoindre "un général factieux" (5) et "des propagandistes juifs" (p. 36). Il m'apprend que Laval et Georges Bonnet - ce dont j'aurais dû me douter - ont, en vain, "tenté d'arrêter l'Amérique sur la pente de l'intervention" où la poussaient "nos émigrés" (p. 105 et 107). Et il salue Giono pour avoir écrit, paraît-il, "Qu'est-ce qu'Hitler sinon un poète en action ?"(p. 155).
Des textes qu'il conviendra de garder en mémoire (6)."
(P. 78).

21 juillet 1945.


- "Valéry disparaît à soixante-quatorze ans.
"Tous vos ordres sont là, qui attendent l'Histoire". C'est un alexandrin glissé par Paul Valéry dans le discours qu'il prononça à l'Académie française le 22 janvier 1931, lorsqu'il y "reçut" Pétain (...).
De quoi plaire à l'antiparlementarisme qui, en 1931, commençait à s'épanouir du côté des "honnêtes gens", ceux-là mêmes que Pétain comblera d'aise, le 3 décembre 1934, au banquet de la Revue des Deux mondes, par un discours nettement "politique" où les instituteurs étaient par lui dénoncés comme malfaisants (...).
Quand l'Académie, après la Libération, étudia les cas conjugués de Maurras (7) et de Pétain (8), Henry Bordeaux vit avec une surprise suffoquée (...) Valéry se prononcer pour la radiation du Maréchal, son exclusion immédiate et sans appel (9)."


Henri Guillemin : présentation (n° 1) de l'affaire Dreyfus (Janvier 1965).

NOTES


(1) Henri Guillemin :
- "En juillet 1942, le Je suis partout de Brasillach me désigna comme "gaulliste" aux autorités d'occupation." (P. 81).

(2) Pour lire la page 54 de ce blog, cliquer : ICI.

(3) Flaubert devant la vie et devant Dieu, Plon, 1939, 235 p.

(4) Alfred Fabre-Luce (1899-1983). L'un des responsables entre 1936 et 1939 du Parti Populaire Français qui prônait une alliance franco-allemande. Pétainiste, il écrivait en juin 1941 un appel à la France "non pas à commander mais à collaborer..."

(5) Pour lire la page 44 de ce blog, cliquer : ICI.

(6) Henri Guillemin critique le tome 2 du Journal de la France publié avec la bénédiction de l'occupant".

(7) Charles Maurras, le même dont NKM vient de déplorer que la dernière campagne électorale de Nicolas Sarkozy ait trop pris les dimensions d'une réhabilitation.

(8) Pour lire la page 62 de ce blog, cliquer ICI.

(9) Le fauteuil de Pétain à l'Académie restera forcément vide mais à son nom jusqu'à son décès.







lundi 2 juillet 2012

P. 160. Toponymie normande : de l'Athée à la Ville perdue.

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(Ph. JEA/DR).

Athée

Beau Bouleau, Soleil
Bel Air
Belle Chaise, Etoile, Hôtesse

Haute Devise, Haut Vespres

La Balerie, la Barberie, la Beaugarderie, la Bourlourderie
La Blanchetière, la Boussardière
la Bonne Soupe
La Caqueterie, la Chaiserie, la Courterie
La Chauvinière, la Crémière, la Couardière, la Courcière,
La Dalinière la Duretière
La Dodemanerie, la Ducharderie,
La Frugerie
La Gilberdière, la Ginganière, la Gourdelière
La Grange Carrée
La Hatterie
La Hélonnière
La Hérissais
La Herpoterie, la Huverie
La Jollerie
La Langronnière, la Lieutière, la Lunerie
La Maindochère, la Moulardière
La Planche Jumelle, la Porte aux Dames,
La Péchardière, la Pigassière, la Postelière,
La Préfontainerie
La Reboudinière
La Roche qui Boit
La Sennelée, la Soiterie
La Turcaserie
La Videlais, la Videlouvère, la Vieille Patuelle

Le Bois Brissac, Chicot, Janvier, Rouland

Le Château de la Paluelle, le Château Jaune, Le Manoir au Court

Le Chemin à Rebours

Le Clos de Laine, Pékin

Le Fouteau de la Renaudière

Le Gras d’Eve

Le Mée Godefroy, Provost

Le Moulin de l’Ange, de Quincampois

Le Bec à l’Ane, le Pas à L’Ane
Le Pont à l’Anguille,
La Lande aux agneaux,
La Baleine, Carrefour de la Bécassière, la Bélière, le Fief aux Bœufs, la Brebis Noire,
Moulin du Tertre à la Caille
Carrefour du Cerf, le Hamel aux Cerfs, Sape du Cerf, le Val ès Cerfs
la Chatte Pochère, la Lande aux Chats, le Pas du Chat, le Trou aux Chats, la Ville ès Chats


(Ph. JEA/DR).

le Noir Cheval, le Cimetière aux Chevaux
la Fieffe aux Chèvres, le Ruisseau du Gué de la Chèvre,
le Pertuis aux Chevreuils
le Creux Chien, le Grand Chien, Ville Chien
la Ferme au Coq, la Ville ès Coqs, le Champ du Coq,
la Colombe
Carrefour du Faisan
La Noë aux Geais
La Hérissonnais, la Héronnière, la Fontaine aux Hirondeaux, l’Hirondelle
La Chevalerie aux Lièvres, la Lièvrerie, l’Etre aux Lièvres, l’Hôtel aux Lièvres, la Mort aux Lièvres
La Loutre
la Fontaine aux Merles, le Rocher au Merle
les Quatre Moineaux, les Mouettes,
la Butte au Loup, Le Champ au Loup, la Lande Chanteloup, la Fosse ès Loups, Haut-Loup, le Hamel aux Louveaux, l’Hôtel ès Loups, le Pas au Loup, Roche aux Loups, Saint-Michel-des-Loups, Tourelle du Loup
Mare aux Oies, les Oies Lande
la Lande aux oiseaux, l’Oiselière
Le Pélican,
Chante-Pie, Huche-Pie
La Pigeonnière, la Touche aux Poissons, Hameau Poulain, le Poulet
Le Pont au Rat,
Les Châteaux Renards, La Renardière
Moque-Souris, le Nid de Souris, Trompe-Souris
La Truiterie

La Grande Bauduinais, Chopinière, Guyardière, Tournicotière
Le Grand Désert


(Ph. JEA/DR).

La Petite Botterie, Boulaie, Cannuet, Chevaucherie, Ferrandière, Garderie, Gravelle, Hanterie, Maison Neuve, Mériennière, Pierlée, Sauvagerie, Vairie

Le Petit Atilé, Chanier, Clou, Eplus, Monthorin, Mont Leval, Lustucru, Plessis

Les Petites Andouillères, Ruettes

Le Poissonnet

Le Pont à la Rose, de la Goutte, du Gros Chêne, Rognon

Le Sot Soin

Le Val d’Oir, le Valhubert,

La Ville Deux, Les Deux Epicéas
Les Trois Croix
Polder des Quatre Salines, les Quatre Cheminées, les Quatre Chemins, les Quatre Chênes, les Quatre Vents,
les Cinq Journées, les Cinq Vergées,
Chêne des Six Frères,
Carrefour des Sept Frères, les Sept Perques, les Sept Vergues
les Huit Jours

Les Boutoires, les Contents, les Crétaudons, les Fléchets, les Goutils, les Landelles, les Quenettières, les Rochelles, Les Vigneronnières

L’Etre Anjou, Bidault, Chauvière, Chochon, Cornu, Ferrière, Fourré, Jobard, Laizé

L’Hôtel au Bon

L’Isle Manière

Moisrenard

Touche Durand, Touchegatte, Touche Villeberge

Tournebride, Tournières

Ville Perdue.



(Ph. JEA/DR).


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