MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 26 août 2013

P. 260. Le 26 août 1970 : hommage à la femme inconnue du soldat inconnu, acte fondateur du MLF


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L'histoire en marche, leur histoire : celle de la libération des femmes (Graph. JEA/DR).

Quelques militantes féministes choisissent l'Arc de triomphe pour (p)oser la première pierre de leur Mouvement...

Françoise Picq (1)

- "Elles étaient dix ce 26 août 1970 à déposer une gerbe à «la femme du Soldat inconnu», plus inconnue encore que le célèbre soldat sous l’Arc de triomphe. C’est ce jour-là, que les journalistes, copiant le «Women’s Lib» américain, ont parlé pour la première fois en France d’un mouvement qu’ils ont baptisé Mouvement de libération de la femme. Le singulier «la femme» a été réfuté, le mouvement de libération des femmes est alors devenu le MLF. Héritier rebelle de mai 1968, c’est un mouvement d’un type radicalement nouveau, qui s’inventait dans la rencontre des femmes sans prétendre les représenter et refusait d’être représenté par quiconque. Nulle ne devait s’approprier le nom collectif. Les tracts étaient signés «quelques militantes» ou «des militantes du MLF» ; les articles de prénoms ou de pseudonymes (…).
Le mouvement des femmes existait déjà aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, dans les pays du nord de l’Europe… Il fallait bien qu’il arrive en France, sur un terrain fertilisé par mai 1968. Si on considère généralement 1970 comme l’année initiale, c’est que la première publication collective, un numéro spécial de Partisans (mai) titrait - en toute innocence historique - «Libération des femmes, année zéro». C’est aussi que l’année 1970 fut riche en événements et manifestations."
(Libération, 7 octobre 2008).

France Soir

- "Un petit commando en jupons n’a pas réussi à déposer ses fleurs sous l’Arc de Triomphe."
(27 août 1970).

8 mars info

- "Le 26 août 1970, une douzaine de militantes anonymes déposent une gerbe sous l’Arc de Triomphe, à la gloire de la Femme du soldat inconnu. Sur leurs banderoles, il est écrit : Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme.
Elles sont aussitôt arrêtées par la police, mais dès le lendemain la presse annonce « la naissance du MLF ». « La libération des femmes, année zéro » titrait une revue.
Le MLF ne se veut ni une organisation ni un parti ; aucun leader n’est toléré. Le mouvement se compose de collectifs et groupuscules. Les militantes féministes veulent se battre sur tous les terrains, en vertu du principe que le privé est politique. Elles rejettent les canons de beauté imposés par le diktat patriarcal, réclament crèches et garderies, demandent à leurs conjoints de partager les tâches domestiques. La révolution sexuelle est passée par là : elles dénoncent viol, inceste et agressions sexuelles, luttent pour l’avortement.
C’est tout un mode de vie et de pensée que les féministes des années 70 veulent changer. Elles ne veulent rien moins que tout le droit pour toutes les femmes, comme l’avait superbement formulé Olympe de Gouge en 1792, ce qui lui valut la guillotine."
(En France, le MLF n’émerge qu’à partir de 1970).



Articulet de Combat, le 27 juillet 1970. La  militante américaine interpelée serait Namascar Shaktini (DR).

Lily Wonderverden

- "26 août 1970 : mais que font ces quelques femmes réunies devant la flamme du soldat inconnu, à Paris, sous l’Arc de Triomphe ?
Elles sont une dizaine. L’une d’entre elles porte une gerbe de fleurs où l’on peut lire : "À la femme inconnue du soldat".
Huit autres déploient des banderoles :
- "Un homme sur deux est une femme" ;
- "Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme" ;
- "Solidarité avec les femmes en lutte aux USA" :
- "Libération des Femmes".
Autour d’elles virevoltent quelques photographes et journalistes prévenus pour l’occasion. Le lendemain, leurs articles paraissent dans les journaux souvent à la Une.
Le mot de désordre est lâché : LIBÉRATION DES FEMMES. Il va courir tout au long des décennies, parfois ouvertement, souvent en sourdine, pour passer, tel un furet, d’une vie à l’autre."
(Blog Aliceswonderverden, 24 août 2010).

Sylvie Duverger


- "Le 26 août 1970, quelques rebelles insensées s'en allèrent déposer une gerbe à cette effacée de la grande histoire, plus inconnue encore que son peut-être digne et tendre époux, le fameux soldat, celui qu’on ne connaît pas, mais quand même. Le célèbre soldat inconnu… Oxymore à la hauteur du désordre symbolique, qui donne place généalogique aux hommes et efface les noms des femmes ; oxymore à la profondeur des trous de mémoire de l'Histoire, qui s'évertue à ne garder de traces que des hommes, petits ou grands soldats, et jusqu'à ceux dont nulLE n'est venuE chercher la dépouille au champ des morts.
Le 26 août 1970, 9 ou 10 jeunes insolentes – le nombre dépend des récits – signalaient à l’attention qu’ « un homme sur deux est une femme », et qu’il était temps, en somme, que les femmes jouissent des droits de l’homme : celui de disposer de son corps, en premier lieu, celui d’être reconnu comme un corps-sujet à part entière."
(Le Nouvel Observateur, Féministes en tous genres, 28 août 2012).



Photo dans France Soir. De galants policiers se proposent de porter obligeamment gerbe et banderoles. Le journal évoque "un commando en jupons", cette formule choc des mots se trouve contredite par son propre cliché ne montrant que deux robes (DR).

Benoite Groult

- "Il faudra attendre le reflux de la vague gauchiste en 70 et la déception des lendemains d'utopie, surtout pour les femmes, traditionnelles flouées de ce genre d'aventure, pour que toute une génération de filles nées après guerre comprennent que le salut ne viendrait que d'elles-mêmes et prennent conscience de la nécessité d'une lutte spécifique.
A toute révolution il faut un acte de naissance symbolique. Le nôtre date du 26 août 1970, jour où quelques militantes anonymes eurent l'idée de déposer à l'Arc de Triomphe une gerbe en hommage à la Femme du Soldat Inconnu."
(Ainsi soient-elles au xxie siècle, Grasset, 2000, 228 p.)

Parmi ces "quelques militantes anonymes" :

Cathy Bernheim (2), Julie Dassin, Emmanuelle de Lesseps (3), Christine Delphy (4), Christiane Rochefort (5), Namascar Shaktini (6), Monique Wittig (7), Anne Zelensky (8)...
(Sauf erreurs involontaires mais après croisements de documents et de témoignages).




Le Figaro, 27 août 1970, compare les femmes américaines et leurs " manifestations monstres" avec les françaises soit "un groupe d'une dizaine de militantes" (DR).

Anne Zelensky

- "L’initiative à l’Arc de triomphe a  concentré l’essence de ce qui serait notre mouvement, sa pensée, sa démarche, ses formes d’intervention. Toute la griffe MLF était là. Sauf que le label, nous ne l’avons jamais choisi, il nous a été plaqué de l’extérieur, par analogie avec le Women’s Lib américain. Nous, notre nom, c’était le Mouvement."
(L’Humanité, 26 août 2010).

Cathy Bernheim

- "Quand la libération des femmes a été à l’ordre du jour, en 1970, année surnommée par quelques-unes l’année Zéro, nous sortions de ce guêpier qu’avait été le « devenir femme ». Nous avions perdu quelques plumes quand nous avions dû nous arracher à la cage (plus ou moins dorée et confortable), de LA femme. La Femme, entité censée nous mettre à l’abri de la sauvagerie de la condition humaine, et des hommes en particulier, s’était révélée à nos yeux pour ce qu’elle était : une forteresse où l’on enfermait les petites filles pour qu’elles soient sages, avant de les lancer toutes crues, toutes nues, dans l’enclos de la foire.
Des tas de filles venues d’on ne sait où (et même si on le sait un jour, qu’importe ?) se sont liguées, liées, déliées ensemble pour se débarrasser du modèle d’armure encombrant et stérile qu’elles auraient dû revêtir avant d’oser arpenter les rues de la cité."
(Ce que l’histoire fait aux femmes, Multitudes 3/2010 (n° 42), p. 54-58).



Dans la dynamique de cette première manif à l'Arc de Triomphe, un groupe de militantes écrivent en mars 1971 un "Hymne" (des femmes, du MLF). Tant qu'à cultiver la symbolique, la musique est celle du Chant des Marais (7)...

Hymne



Nous, qui sommes sans passé, les femmes,
nous qui n'avons pas d'histoire,
depuis la nuit des temps, les femmes,
nous sommes le continent noir.

Refrain
Levons-nous, femmes esclaves
Et brisons nos entraves,
Debout ! Debout !

Asservies, humiliées, les femmes
Achetées, vendues, violées ;
Dans toutes les maisons, les femmes,
Hors du monde reléguées.

(R)

Seules dans notre malheur, les femmes
L'une de l'autre ignorée,
Ils nous ont divisées, les femmes,
Et de nos sœurs séparées.

(R)

Reconnaissons-nous, les femmes,
Parlons-nous, regardons-nous,
Ensemble on nous opprime, les femmes,
Ensemble révoltons-nous.

(R)

Le temps de la colère, les femmes,
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes,
Découvrons-nous des milliers.



N° double de partisans, juillet - octobre 1970 (Graph. JEA/DR).
 

NOTES

(1) Françoise Pics, Libération des femmes, 40 ans de mouvement, Ed. Dialogues, 2011, 529 p.

(2) Cathy Bernheim, Naissance d'un mouvement de femmes, 1970-1972, Ed. Félin Poche, 2010, 231 p.

(3) Emmanuelle de Lesseps, coauteure avec Christine Delphy et et Monique Piazza de Questions féministes, Ed. Syllepse, 2012, 1022 p.

(4) Christine Delphy, Un universalisme si particulier : Féminisme et exception française (1980-2010), Ed. Syllepse, 2010, 348 p.

(5) Christiane Rochefort, Oeuvre romanesque, Grasset et Fasquelle, 2004, 1493 p.

(6) Namascar Shaktini, On Monique Witting, Theoretical, Political and Literary Essays, University of Illinois Press, 2005, 288 p.

(7) Monique Witting, La pensée straight, Ed. Amsterdam, 2013, 135 p.

(8) Anne Zelensky, Histoire de vivre : mémoires d'une féministe, Calmann-Lévy, 2005, 404 p.

(9) En 1933, le "Chant des marais" fut composé au camp de Börgermoor (Basse-Saxe) où les nazis expérimentaient le système concentrationnaire. Trois des internés politiques ont signé ce Chant : Johann Esser et Wolfgang Langhoff pour les paroles ainsi que Rudy Goguel pour la musique.

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35 commentaires:

  1. n'y était pas mais ai jubilé (avec une pensée émue pour toutes les femmes inconnues des soldats)

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    1. et les enfants inconnus...
      à lire ?
      Manon Pignot, Allons enfants de la patrie, Génération de la Grande Guerre, Seuil, Univers historique, 2012, 448 p.

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  2. Comme Brigitte ce souvenir me donne le sourire et je me rappelle encore mon excitation du moment

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    1. à la rentrée scolaire de septembre 1970, je donnais cours dans une Ecole Moyenne de l'Etat pour jeunes filles (à Marchienne-au-Pont) : avec cette manif si récente et à Paris en plus (ville phare ou paillettes ?), nul besoin de chercher de la matière à moudre, surtout dans la classe la plus vivante où brillait déjà une future femme écrivain

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  3. Le féminisme était en marche depuis le XIXe siècle, le MLF lui a donné dans les années 70 élan et visibilité. Merci, JEA, de rappeler cette date très symbolique.
    Avec quel enthousiasme nous lisions Les Cahiers du Grif, Des femmes en mouvements, Voyelles (en Belgique), F magazine (première mouture), Sorcières... Quel bonheur de vivre cette libération ! Mais il reste tant à faire : un homme politique sur deux n'est pas encore une femme, le plafond de verre n'a pas encore disparu, et que de femmes opprimées encore dans le monde !

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    1. et de réécouter sans se lasser le 45t d'Anne Sylvestre :
      - "...Ce n´est que moi
      C´est elle ou moi
      Et c´est l´ancêtre ou c´est l´enfant
      Celle qui cède ou se défend
      C´est Gabrielle ou bien Éva
      Fille d´amour ou de combat
      Et c´est mon cœur
      Ou bien le leur
      Celle qui est dans son printemps
      Celle que personne n´attend
      Et c´est la moche ou c´est la belle
      Fille de brume ou de plein ciel
      Et c´est ma mère
      Ou la vôtre
      Une sorcière
      Comme les autres..."

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  4. Un merci en plus, JEA, de nous remettre en mémoire des événements fondamentaux. Je ne connaissais pas cette initiative de l'Arc de Triomphe ni cet hymne touchant. A travers la femme que nous aimons, nous les hommes masculins, à travers les femmes que nous apprécions, nous sommes touchés en effet par ce mouvement de "libération". Une femme, généralement, est porteuse, le plus souvent silencieuse, de valeurs que nous ferions bien d'adopter, nous, hommes du "premier sexe". Par bonheur, les choses évoluent dans nos sociétés, mais ailleurs dans le monde, que de chemin encore à parcourir! Le plus troublant est que, bien souvent, les femmes intériorisent et assimilent cette domination masculine comme faisant partie de la tradition - le dangereux mot !.

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    1. quelques mots personnels :
      s'il y a des moments forts à pas ne regretter dans mon itinéraire, ce sont ceux où j'ai risqué des poursuites judiciaires pour le féminisme en mouvement (à l'époque notamment de l'incarcération du Dr Peers à Namur et alors que les hommes étaient ultra-minoritaires mais pas rejetés par principe)
      ces souvenirs atténuent des commentaires plus récents signés par d'éminentes féministes blogueuses, lesquelles me réduisent à un "type machiste, enfin, dans la mentalité faisant partie de ceux qui ne voient que d'un oeil, persuadés que le sexisme n'existe pas ou alors ailleurs, très loin..."

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  5. Combats d'hier, combats d'aujourd'hui, vêtements différents pour un hymne à la liberté, celle qui commence où commence celle de l'autre, dès le premier regard ...

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    1. en n'oubliant pas Simone de Beauvoir :
      - "Une liberté qui ne s'emploie qu'à nier la liberté doit être niée..."

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  6. On oublie souvent que la vie n'est pas toujours facile pour les veuves des soldats, inconnus ou non... les femmes restent bien trop souvent dans l'ombre même dans nos sociétés qui se veulent égalitaires !

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    1. Sur les rayons des bibliothèques :
      E. Morin Rotureau, Combats de femmes 1914-1918, Ed. Autrement, 2004, 204 p.
      4e de couverture :
      - "Aux champs, dans les usines, dans les hôpitaux, les femmes ont répondu massivement dès 1914 à l'effort de guerre : c'est le travail, même "bénévole", le quotidien du foyer à gérer seule, le soutien moral au soldat, avec l'aide des enfants embrigadés comme "graines de poilus"... Les femmes de la Grande Guerre ont aussi subi, dans les territoires du Nord, les douleurs de l'occupation. D'autres ont décidé de résister au patriotisme aveugle en s'opposant au militarisme et à la guerre ou en dénonçant des conditions de travail pénibles, dangereuses et sous-payées. En 1918, 800.000 veuves noircissent le paysage, mais le grand nombre de morts et de mutilés met une chape de plomb sur leur douleur et leurs difficultés de vie.
      La Grande Guerre a marqué un tournant dans l'émancipation féminine. Ce livre montre comment les rapports hommes/femmes s'en sont trouvés bouleversés, mais aussi comment, dès l'armistice, chaque sexe se plie aux injonctions de l'ordre social. Danoises, Allemandes, Hollandaises, Russes, Tchèques, Américaines, Suédoises, Anglaises, entre autres, obtiennent le droit de vote, mais les Françaises demeurent exclues de la citoyenneté. Une nouvelle silhouette de femme émerge cependant : cheveux courts, jupes moins longues et corsets jetés aux orties."

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  7. j'ai pleinement vécu cette période. J'ai eu la chance d'être élevée dans une famille où les femmes étaient les égales des hommes. C'était donc pour moi une évidence d'aller se battre pour l'émancipation des femmes.
    Le 26 Août 2010 j'ai posté sur mon blog un petit texte " lettre à Olympe ", où il était question de la femme du soldat inconnu ( ma petite-fille ne connaissait pas cet épisode de l'arc de triomphe et cela l'a beaucoup amusée.).

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    1. c'est chouette ces passages de témoins de blog en blog, à deux années d'intervalle...
      blogspot empêche la mise de liens directs dans les commentaires, voici néanmoins celui qui conduit à vos archives, le 26 août 2010 :
      http://sabledutemps.canalblog.com/archives/2010/08/26/18901598.html
      votre billet débutant par ces phrases :
      - "Chère Olympe,
      Il y a 40 ans aujourd'hui, des femmes ont eu la lumineuse et rigolote idée ... de déposer une gerbe de fleurs, sous l'arc de triomphe à Paris, à la mémoire de la femme du soldat inconnu. Des banderoles indiquaient " il y a plus inconnu que le soldat inconnu ... sa femme !
      ... c'était l'après-68, les premiers balbutiements du MLF... droit à disposer de son corps ... et de son esprit, droit à s'exprimer en tant que femme libre et responsable, droit à la contraception, droit officiel à avorter ( finies les séances d'avortement pratiquées bénévolement sous le manteau par les étudiants en médecine à G. et ailleurs! )."
      La suite sur votre blog...

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    2. Oui JEA c'est chouette ! "passages de témoin " j'aime cette expression comme un fil rouge. Nos mots dits et redits sont notre force.
      Merci JEA

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    3. Cartier-Bresson :
      - "Ne pas être un propagandiste, mais un témoin du transitoire..."
      nb : "témoin" au masc. gram.

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  8. Je me souviens très bien du début de ce mouvement, il est arrivé à point pour me sortir d'une avenir tout tracé et bien enfermant. Enfin, on pouvait penser et vivre autrement. Il y a encore tellement à faire et les jeunes femmes me font quelquefois peur, elles semblent retourner d'elles-mêmes à d'anciens schémas. Est-ce si dangereux l'autonomie, la liberté ?

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    1. la liberté : vertigineuse, donnant une voix à qui en fut toujours privé(e), sans modèle, inlassable, nous fait exister quand nous n'existons plus pour personne, visionnaire, prodigue, vagabonde, féconde, en dangers, en marche, rebelle, angoissante, rayonnante, éclairante, à méditer, à chanter, à songer...

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  9. Moi non plus je ne connaissais pas cet épisode fondateur ; merci de l'avoir si bien documenté.

    Pour poursuivre sur le commentaire d'Aifelle, je me demande s'il ne faut pas éprouver (un peu) l'enfermement (quelque soit sa forme) pour aspirer enfin, un jour, à la vraie liberté.

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    1. une légende voudrait que certains maçons mis en chantier sur des prisons, décidaient de laisser deux barreaux d'une fenêtre plus écartés que les autres
      il est certain dans un cas au moins, prouvé historiquement, celui de Mme M-M Fourcade, que cette résistante, chef de réseau, ait pu s'évader en se souvenant que des maçons républicains espagnols désignés parmi les détenus de sa prison, avaient auparavant remis en état les barreaux de sa cellule...
      l'enfermement les avait inspiré(e)s

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  10. Loin de connaître cet épisode de la lutte des femmes, je leur en suis éternellment reconnaissante.
    Arrivant tout juste à point pour profiter de la jeunesse post-soixante huit, lorsque je prends conscience que les jeunes femmes devaient demander la permission à leur père d'ouvrir un compte en banque, ou biendevaient obtenir l'aval de leur mari pour travailler, je me dis que j'ai bien eu de la chance, grâce à toutes leurs luttes!

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    1. Rebecca West :
      - "Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson..."

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  11. N'oublions pas Madame Simone VEIL qui s'est battue quand elle était Ministre, Elle a subi la foudre de tous ces hommes machos de l'époque . Nous les femmes, nous lui devons beaucoup. J'ai eu l'honneur de la remercier et j'en suis contente.

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    1. Merci de rappeler sa figure. Nous n'avons pas oublié Simone Veil à la tribune du Parlement et défendant l'interruption volontaire de grossesse. Face à elle, des élus (hommes) méprisables (tous de droite si pas de son propre parti) et qui pour arguments abjects, comparaient l'avortement à un génocide. Quand ils ne lui disaient pas de retourner à Auschwitz !!!

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  12. J'ai travaillé dans une organisation de défense des travailleurs qui pour aller dans le sens du temps avait permis de créer un service pour les femmes. Sous des dehors de condescendance, mon parcours ne fut que semé d'embûches, ce service n'était qu'un alibi, ma position était souvent inconfortable et les moyens mis à disposition quasiment inexistants. J'étais en contact avec des mouvements de femmes qui revendiquaient l'égalité, leurs propos étaient fort sensés mais dans les faits, c'étaient presque exclusivement des intellectuelles qui pouvaient se permettre de critiquer la société sans mettre leur gagne-pain en péril. Moi, je rencontrais surtout des femmes de milieu modeste qui n'avaient que peu de formation et dont les emplois étaient déconsidérés et lorsque l'on revendiquait l'égalité de salaire pour un travail égal, on poussait les hauts cris en se retranchant derrière la concurrence. La concurrence aujourd'hui a pris un tour international et globalement les femmes restent bien moins payées et lorsqu'on parle de restructuration, ce sont d'abord les femmes mariées qui partent les premières. Si le MLF a eu le mérite d'exister, il est encore aujourd'hui un concept idéaliste. La véritable libération doit d'abord se faire au sein de la famille et au sein du couple. Les femmes portent une lourde responsabilité dans la manière dont elles éduquent leurs enfants.
    J'ai une très belle photo d'un soldat et de sa femme, je pourrais vous l'envoyer ...
    Je ne sais pourquoi je pense à cette très belle chanson de Lucio Battisti http://www.youtube.com/watch?v=2bcjGfp7stQ
    où une femme doit assumer la solitude de son autonomie ...

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    1. soyez remerciée pour ce témoignage
      pourrais-je y ajouter celui des femmes de la FN ?
      le 16 février 1966, elles sont 3.000 à déclencher à la FN (Fabrique Nationale) de Herstal, la première grève en Belgique, avec cette revendication : "A travail égal, salaire égal"
      la grève va durer 12 semaines !!!
      ces femmes représentent 30% des ouvriers de la FN et seulement 6,5% des déléguées du syndicat de gauche, la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB)
      les grévistes doivent attendre 7 semaines avant que les structures syndicales les laissent enfin manifester en rue (non qu'elles étaient passives mais une preuve qu'elles devaient se battre à l'intérieur et à l'extérieur de leur mouvement)
      sans un pauvre sou, épuisées, trop souvent isolées, les femmes de la FN finirent par voter le résultat d'une âpre négociation syndicat/patronat leur accordant un supplément de 2 francs/l'heure mais bine entendu pas, et de loin, l'égalité des salaires
      dans leur chanson sur l'air du "travail, c'est la santé", les femmes de la FN ne cessèrent de se plaindre de devoir rappeler aux syndicats leurs responsabilités (la FGTB mais aussi la Confédération des Syndicats Chrétiens - CSC - qui brilla par son suivisme permanent)
      voilà en très bref résumé, comment j'ai découvert de l'intérieur, la condition des femmes-machines outils
      revanche de l'histoire ? aujourd'hui, c'est une femme, Anne Demelenne, qui est secrétaire générale de la FGTB...

      votre photo ? l'adresse du blog : motsaïques2(arobase)skynet.be
      hélas blogspot empêche la mise de liens actifs dans les commentaires mais aussi les photos (à moins que je ne sois trop homme des cavernes face à la technique)

      et d'autres remerciements encore pour lien

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    2. pour la photo de Saravati :
      - voir la colonne de droite de ce blog
      - s'arrêter à "Dans le grenier de ce blog"
      - cliquer sur "Album photo"
      - fin de chasse au trésor en bas de cette page...

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  13. C'était hier! et c'est déjà devenu de l'histoire. Malheureusement il semble que tant reste à faire!

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    1. homme juste, du moins à ma profonde estime, Maxime Steinberg rappelait :
      - "L'histoire n'est jamais écrite..."

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  14. Pour avoir rappelé le parcours unique de Willy Peers, merci!
    Je me souviens de tout.
    La cause des femmes avance, certes, mais lentement, si lentement!

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    1. Willy Peers, synthèse par l'Institut Destrée :
      - "C'est le 16 janvier 1973 qu'éclate l'Affaire Peers : le gynécologue est arrêté sur dénonciation anonyme pour avoir procédé à l'avortement d'une jeune femme de 27 ans, débile mentale. Or l'avortement est interdit par une loi de 1867. Incarcéré pendant 34 jours, Willy Peers défend un triple combat : l'introduction de la méthode de l'accouchement sans douleur, la lutte en faveur de la contraception moderne et de la modification de la législation. Le soutien au médecin est impressionnant. Pour sa défense, Willy Peers invoque le respect de la vie et de la personne humaine; il disait aussi ne pouvoir tolérer que des femmes soient mutilées ou meurent des suites d'un avortement clandestin.
      L'emprisonnement d'un médecin qui exerce sans esprit de lucre et dans des conditions maximum d'hygiène a le mérite de poser clairement le problème de la dépénalisation de l'avortement, en discussion au Parlement depuis 1971 et qui le sera encore pendant 20 ans.
      Directeur du service gynécologique et obstétrique de la Maternité provinciale de Namur, Willy Peers, médecin communiste, était aussi chargé de conférences à l'Ecole d'Infirmières et maître de stage à l'ULB. Après sa mort, la Cour de Cassation donnera raison au docteurs Peers, en annulant toutes les décisions prises contre lui, du fait qu'aucun débat n'a été public."

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  15. Merci à toutes celles qui ont mis leurs convictions et leur énergie dans cette lutte, qui ont fait avancer les choses, même s'il reste encore beaucoup à faire, et merci à toi pour ce rappel nécessaire.

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    1. il est vrai que ce rappel n'a été publié qu'après hésitations, celles-ci s'expliquant par le refus de risquer de ranimer les flammes de bûchers allumés par des inquisitrices féministes certes, mais inquisitrices quand même, m'ayant condamné en tant que "personne prétendument non sexiste, se permettant de faire la morale pour déverser son fiel, sa vérité toute faite..."

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  16. J'ai pris beaucoup de plaisir à (re)chanter l'hymne féministe qui reste un chant de ralliement chaque fois que les femmes se retrouvent ensemble pour manifester leur droit à l'égalité. merci pour ce rappel riche en informations.

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    1. Juliette :
      - "Tous voiles dehors ou en chantant
      Avec l'une d'elles me révoltant
      Flora Tristan
      Yvonne Printemps
      Ou la farouche Isadora Duncan

      Pour toute arme ayant leur fierté
      Et pour amante la liberté
      Les soeurs Brontë
      Louise Labbé
      Ou Lou-Andréas Salomé..."

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Les commentaires sont modérés dans la mesure où les spams ne sont pas vraiment les bienvenus (ils ne prennent pas de vacances)