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Louis Pergaud, Carnet de guerre, Edition établie par Françoise Maury;suivi de
Jean-Pierre Ferrini, Un tombeau pour Louis Pergaud,
Mercvre de France, coll. Le petit Mercure, 2011, 158 p.
4e de couverture :
- "Louis Pergaud a 32 ans lors de la mobilisation générale du 2 août 1914.
Il a déjà publié au Mercure de France De Goupil à Margot (prix Goncourt en 1910), La Guerre des boutons (1912) et Le roman de Miraut (1913). Il part à Verdun le 3 août 1914. Dans la nuit du 7 au 8 avril 1915, lors de l'attaque de la cote 233 de Marchéville, il disparaît dans la boue de la Meuse. En recevant la cantine militaire de son mari, sa femme Delphine trouva à l'intérieur le Carnet de guerre. Pergaud y rend compte de sa vie quotidienne : les corvées, les revues, la solidarité, les mesquineries de la vie en commun, la bonne santé et la crainte des maladies, la qualité du sommeil, la nourriture...
Les phrases sont interrompues, heurtées, dictées par une urgence, comme hachées par l'éclat des obus ou les rafales de mitrailleuses. Enfin disponible dans son intégralité, ce Carnet éclaire la guerre d'une lumière brute et factuelle."
Le Monde :
- "Ces pages constituent un formidable et effarant témoignage de la guerre vue et vécue de l'intérieur."
(8 novembre 2011).
Jérôme Garcin :
- "Cette fois, ce ne sont plus des coups de pied, des jets de cailloux, des blouses arrachées et des cris de joie, mais des orages d'acier, des pluies de bombes, des corps broyés et des hurlements d'effroi. Ce n'est plus, dans la jolie campagne française, la troupe de Longueverne contre celle de Velrans, mais, dans un paysage d'apocalypse, l'armée des poilus contre celle des boches. On ne rigole plus. On a cessé de jouer à la guerre. On la fait. On y crève.
Deux ans après avoir publié «la Guerre des boutons», et alors qu'il commence à en rédiger la suite, l'instituteur Louis Pergaud, 32 ans, prix Goncourt 1910 pour un recueil de nouvelles animalières, «De Goupil à Margot», part pour Verdun, le 3 août 1914. Pendant huit mois, sans jamais quitter la côte 233 de Marchéville où son régiment, le 166e, est enlisé, Pergaud se bat. Il sera tué le 7 avril 1915. Son corps, noyé dans la boue de la Meuse, ne sera jamais retrouvé."
(Le Nouvel Observateur, 20 novembre 2011).
Mohammed Aissaoui :
- "C'est un texte d'une force incroyable. On se demande comment le Prix Goncourt 1910 a pu résister à la vue de tous ces moments horribles et avoir la force de les restituer dans son Carnet de guerre. Ces pages constituent un formidable et effarant témoignage de la guerre vue et vécue de l'intérieur. Rarissime et bouleversant."
(Le Figaro Littéraire).
Printemps 1915 : première ligne en Woëvre (Doc. JEA/DR).
18 mars 1915 au matin :
"toutes les cinq minutes on risque de finir la tête fracassée..."
Louis Pergaud :
- "Ma section est placée en attente dans une fausse tranchée très basse, recouverte par des claies (...). Mes poilus sont en train comme tout. Larant fit un petit drapeau avec un carton et je ne sais quoi encore pour le planter dans Marchéville - attente - il fait un peu froid et j'ai mal à l'estomac - mais le temps se réchauffe et une goutte de rhum me remet à peu près - canonnade - quelques obus percutants de 77 tombent à 5 ou 6 m de nous et sur P prolongé sans toucher personne - repérage de notre artillerie.
A 3h coup de canon - la grande canonnade se déclenche. Les 75 rasent notre tranchée pour aller éclater en ceinture noire sur les tranchées allemandes - 10 mn et on va se lancer. La fusillade commence et nous partons (...). La batterie de Maizeray nous tire dessus et les mitrailleuses allemandes non réduites nous fauchent. Notre tir d'artillerie a été inefficace. Tant pis.
(...)
La mitrailleuse nous fauche (...) et les 77 nous éclatent devant le nez nous brûlant les yeux. Des quantités de cadavres gisent déjà.
(...)
La 8e a été fauchée en s'élançant sur la tranchée boche. La 4e entrée par l'entonnoir de mine a disparu mitraillée dans la tranchée ennemie. La 7e en débouchant a été arrêtée net (...). Le soir est sanglant - les râles - les appels - un moribond à côté de nous gémit sans cesse. Il pleut. Le ciel d'orage (...). Les fusées, les obus, les crapouillots, la pluie, la veille, l'éreintement. Toutes les 5 mn on risque de subir le sort de Ferret.
(...)
Vers 2 ou 3h on nous relève - la marche dans la boue sanglante par le boyau central plein d'eau où l'on se coince avec ceux qui montent. Danvin manque se noyer dans un trou plein de boue, d'eau, de pissat, de merde et de sang. Je saute dedans pour le retirer et j'en ai jusqu'aux genoux. L'odeur me poursuivra 3 jours durant."
(PP 109 à 111).
Louis Pergaud sur le front de Verdun. Sa signature au bas d'un courrier en date du 6 décembre 1914 et par lequel il précise être sergent au 166 RI, 2e C. (Mont. JEA/DR).
19 mars :
"Pour que le con sinistre" ait sa 3e étoile...
- "Canonnade - le beau temps revient - nous recherchons nos blessés (...). On est en admiration devant nous, n'empêche qu'il y a 111 morts - 250 blessés et autant de disparus. Et pourquoi, pour que le con sinistre qui a nom Boucher de Morlaincourt (1) ait sa 3e étoile. La prise de Marchéville ne signifie rien, rien. Il est idiot de songer à prendre un village et des tranchées aussi puissamment protégés avec des effectifs aussi réduits, chaque poilu fût-il brave comme 3 lions. Le soir, la 1re Cie seule doit recommencer l'opération. C'est ridicule et odieux ! Et le 75 nous a tapé dessus achevant les blessés de P3. Deux malheureux avaient réussi à se rouler dans la même couverture attendant des secours. Un 75 les fait sauter en miettes. C'est horrible.
(...)
A 5h, après la canonnade, la 1re doit se lancer en colonne d'assaut. A 5h moins 1/4, le contrordre arrive - on dépêche un cycliste là-haut, c'est Chetelard de la 2e avec celui de la 3e qui partent à découvert au triple galop jusqu'au poste de commt. Arriveront-ils à temps. Anxiété générale - l'artillerie qui devait prolonger son tir ne continue pas. A 5h moins 3 mn le contrordre arrive à la P 3. La 1re était déjà massée en colonne d'assaut. Comment aurait-elle été reçue ? L'aspirant Miquel qui met la tête hors de la tranchée a le nez traversé. Il y a eu plusieurs tués encore."
(PP. 112-113).
Fiche de Louis Pergaud, disparu à Fresnes en Woëvre le 8 avril 1915 (DR).
Emmenant sa section, Louis Pergaud repartit à l'assaut des lignes allemandes dans la nuit du 7 au 8 avril 1915. Encore et toujours près de Marchéville. Blessé, il fut fait prisonnier. Le secteur fut alors écrasé par l'artillerie française, ne laissant aucune chance à l'écrivain, en effaçant même toute trace ...
(Photo Noël Desmons/DR).
Sur cette sinistre cote 233, une stèle rappelle cette disparition :
A LOUIS PERGAUD
Reverrons-nous
les champs
reverdir
et les
fleurs repousser
Avril 1915
Parti d'ici à la tête
de ses hommes
Louis Pergaud
prix Goncourt 1910
auteur de La Guerre des boutons
disparut la nuit
du 7 au 8 avril 1915
dans l'attaque
de la cote 233
de Marchéville.
1882 - 1915
Carte situant Marchéville par rapport à Verdun. A l'ouest, les troupes françaises. A l'est, les Allemands. La flèche rouge situe l'assaut fatal du 7 au 8 avril 1915.
(Doc. JEA/DR. Sur base d'une carte publiée en 1922).
NOTE :
(1) Ne pas lire comme un surnom péjoratif. "Boucher de Morlaincourt" est bien le nom de famille du général mis en cause par Louis Pergaud.
Autres pages "à la date de..." ? Cliquer : ICI.
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l'horreur indicible (pourtant transmise par certains) de cette guerre
RépondreSupprimerensuite, la commune de Gentioux éleva, elle aussi, son monument aux morts de 14-18
Supprimerun écolier en tablier montre le poing droit à cette inscirption gravée dans la pierre :
- "Maudite soit la guerre"...
Qu'ajouter ? Sinon, hors de propos, que j'ai revu hier soir sur Arte "Le crabe-tambour", avec beaucoup d'émotion. Une autre guerre.
RépondreSupprimerCe Crabe-là : un roman puis un film inspirés de la vie de Pierre Guillaume (qui passe très brièvement en images dans le rôle d'un avocat lors du procès consécutif à la défaite de l'OAS)
Supprimerle César de la meilleure photographie à Raoul Coutard, un artiste comme le cinéma en compte peu, l'oeil des caméras de Truffaut
le César du meilleur acteur à Rochefort et du meilleur second rôle à Dufilho...
J'ai un gendre passionné par la première Guerre je vais me faire un plaisir de lui offrir ce livre avec celui de Genevoix qui vient de paraître
RépondreSupprimerj'aime énormément vos revues de presse JEA
et "La Peur" de Gabriel Chevalier, page 117 de ce blog :
Supprimerhttp://motsaiques2.blogspot.com/2012/02/p-117-le-13-fevrier-1915-lucien-bersot.html
Je suis horrifié de lire ce texte. Comment est-il possible que certains officiers ont poussé ces hommes à la mort pour obtenir une étoile supplémentaire ??
RépondreSupprimerconfirmation : le bouquin promis suite à ton commentaire précédent, quitte mon antre condruzienne ce jeudi 22, grâce passage d'un ami commun qui te le remetrta en mains propres...
Supprimer"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles" a écrit Valéry au lendemain de cette guerre qui serait bientôt suivie d'une autre pire encore.
RépondreSupprimerLa barbarie et l'horreur nient une civilisation, la nôtre pourtant, occidentale, européenne. Mais qu'est-ce donc qu'une civilisation ? Où nous situons-nous aujourd'hui par rapport à ce concept ?
Saint-Exupéry perdit la vie après avoir répété :
Supprimer- "Une civilisation est à sauver en permanence..."
Emouvants ces carnets du premier grand massacre à l'échelle mondiale.
RépondreSupprimerD'autres suivrons, d'autres carnets, des photos, des films, la guerre en direct.
Tu n'en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j'ai vu battre le cœur à nu
Quand j'ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n'en reviendras pas vieux joueur de manille
Qu'un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu'il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l'ancien légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux
On part Dieu sait pour où ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n'être plus du jeu
Les bonshommes là-bas attendent la relève
Roule au loin roule train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secouent
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac la laine et la sueur
Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées
Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit
Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s'efface
Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri
Aragon
Une guerre qui provoqua des insomnies perpétuelles. De ces pages trop lourdes pour être tournées. Et que des poètes ne laissèrent pas dans des armoires condamnées aux poussières.
SupprimerToute ma gratitude pour cet Aragon. Plus émouvant et authentique qu'une sonnerie aux morts.
J'admire profondément ces gens qui ont eu le courage de transmettre le témoignage des horreurs vécus... et je déplore tout autant que cela ne serve à rien !
RépondreSupprimerPutain d'humanité de merde... voilà ce que j'ai envie de dire à la lecture de tout ça et puis les titres des journaux sur la guerre, les tueries... je suis en colère ! une colère tellement stérile mais qui fait du bien parfois (à moi seule bien sûre... pour le reste elle est inutile !)
Elie Wiesel :
Supprimer- "Il fut un temps où tout m'incitait à la colère et même à la révolte. Contre l'humanité complice. Plus tard, j'éprouvais surtout de la tristesse. Pour les victimes."
Un récit émouvant , les mots comme une empreinte dans notre mémoire , ne plus voir ça ? Et l'on sait que ça continue encore plus fort , encore plus violent pas loin de chez nous ....
RépondreSupprimerOn ne peut rester insensible à cette écriture comme un cri face à la connerie humaine ...
Au cimetière de Crest (Drôme), la tombe de Georges Bardonnanche (1895-1914) tombé au front, porte cette inscription :
Supprimer- "Mort pour rien"
Quand le film "La Guerre des boutons" est ressorti au cinéma à la faveur (si l'on ose dire) des deux récents "remakes" mis au goût du jour et des couleurs, je ne me souviens pas avoir lu la moindre allusion au sergent Pergaud.
RépondreSupprimerMerci pour les extraits de son livre et le rappel de cette guerre : on a fini par confondre les boutons de l'histoire avec ceux de guêtre de l'autre, celle qui tue.
Sauf erreur involontaire de ma part, les deux pâles copies ciné sont sorties sur les écrans français à partir de début septembre 2011.
SupprimerTandis que le Carnet de Louis Pergaud n'a été proposé en librairies qu'à partir de mi-novembre. Mais vous avez raison, je n'ai pas trouvé trace d'un lien entre les boutons du 7e art et la guerre du Carnet...
Jea, je crois qu'on a quelques lectures croisées... Avez-vous lu "la peur" de Gabriel Chevalier reparue récemment au Dilettante (puis en poche?). Longtemps oublié, c'est un "témoignage" époustouflant et juste que je vous recommande
RépondreSupprimerC'est la première partie de la page 117 de ce blog...
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