MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 30 mai 2011

P. 39. Charles Belmont ne sera plus censuré

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Charles Belmont sur fond de salle de cinéma programmant "Histoires d'A" (Mont. JEA/DR).

Page 34 de Libération, le 25 mai 2011, ce bref écho :

- "Charles Belmont est mort volontairement à Paris le 15 mai, à 75 ans (...) réalisant le Fratricide (1967), l’Ecume des jours (1968), Qui de nous deux (2006) et, surtout, Histoire d’A avec Marielle Issartel, film interdit et diffusé coûte que coûte en 1973, une date dans l’histoire du droit à l’avortement en France. Il a été inhumé lundi à Montparnasse."

Sauf erreur ou omission involontaires, pas d'autres articles dans la presse ni sur des blogs de cinéphiles et/ou de féministes.

Charles Belmont :
clap volontaire de fin

Les lampions viennent à peine de s'éteindre à Cannes. Des lauriers vont fâner.
Le temps va continuer à collectionner ses naufrages.
Alors, juste cette page, comme un arrêt sur image.
Un au revoir à Charles Belmont qui filma ailleurs et autrement, ne mettant jamais ni ses pellicules ni le public en boîte. Pas un pilier de festivals ni un invité des émissions à paillettes. Un témoin incorruptible et un acteur engagé. Un homme libre et probe ne nous faisant pas du cinéma mais amoureux du septième art.

Retour en arrière.
Les féministes ne sont pas seules à s'être indignées quand en France, le Ministre des Affaires culturelles, le pacha Druon, censura les "Histoires d'A". Car ce film prenait sa part difficile dans les chocs de blocs composés par :
- celles et ceux réclamant pour la femme la liberté de choisir une interruption volontaire de grossesse,
- et un pouvoir estimant que des lois rédigées autrefois à l'eau bénite étaient intouchables !!!
C'était en 1973.
Voici presque quarante ans, certes.
Depuis, sur le chemin des oublis, "Histoires d'A" a même perdu son S final...

Synopsis :

- "Un jeune couple dans un cabinet médical. Il s’agit d’une consultation précédant un avortement dans le centre d’orthogénie d’une grande ville de province. Cet avortement va se dérouler devant les spectateurs dans tout son réalisme.
Au-delà de ce qui devait être une court-métrage sur une méthode abortive, le film est l’histoire de la lutte des femmes pour rompre le silence."

Le synopsis du même film selon Toutleciné.com :

- "Après une "efficace" démonstration de la méthode de l'avortement dite "par aspiration", un enchevêtrement de témoignages sur les problèmes sexuels, et spécialement sur l'avortement. Film fourre-tout ne traitant aucun aspect du sujet à fond, et dont la volonté militante en faveur de l'avortement ne peut être acceptée par les chrétiens."
Que ce site n'apprécie pas "Histoires d'A", représente le moindre de ses droits. Par contre, maquiller un avis critique et négatif en synopsis officiel, se veut une manipulation assez grossière. Enfin, "les chrétiens" relève de l'abusif, de la généralisation à la recherche d'un affrontement brutal.  

Annie Buron :
 
- «Histoire d'A» (1973), A comme avortement, interdit pendant un an, jusqu'à la loi Veil, marque l'aventure Belmont. «Une partie de cache-cache avec les copies. Un vrai western», se rappelle-t-il."
(L’Express, 24 octobre 1994).


Affiche du film de Charles Belmont et de Marielle Issartel (DR). 

Bruno Frappat :
 
- "L’avortement, décidément, vaut bien des tracas à ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, si désuètes soient-elles. Qu’il s’en pratique tous les jours — plus ou moins clandestinement — passe encore ! Mais qu’on y consacre un film, qu’on l’interdise et qu’il soit malgré tout diffusé, voilà qui dépasse l’entendement. Cela s’explique pourtant aisément. Il faut, en effet, se souvenir de l’importante mobilisation d’une partie de l’opinion en faveur de la liberté de l’avortement qui a abouti à ces centaines d’interruptions de grossesse qui ont lieu chaque semaine à partir de permanences bien connues et dont certains journaux, comme Actuel, ont même publié les adresses. Ces militants sont les mêmes qui assurent aujourd’hui le succès d’Histoires d’A. Rarement film aura bénéficié d’un réseau de distributeurs aussi nombreux et bénévoles."
(Le Monde, 22 février 1973).

MLAC :

 
- "Le film de Marielle Issartel et Charles Belmont, Histoire d’A, qui filme un avortement et des débats du MLAC, est interdit en novembre 1973 au motif de troubles à l’ordre public. Mais les réseaux militants vont permettre sa large diffusion. Pendant un an, le film est projeté illégalement dans les locaux du MLAC ou de syndicats, et dans des usines en grève."
(Copernic, 2005).

Ciné-Club de Caen :

- "Histoires d'A
de Charles Belmont et Marielle Issartel, est un film emblématique de la lutte féministe pour la libéralisation de l'avortement. Réalisé en 1973, il est l'un des tout premiers à montrer un avortement réalisé selon une nouvelle méthode beaucoup moins dangereuse qu'auparavant, la méthode par aspiration, dite méthode Karman. Quoiqu'aussitôt interdit, il est diffusé malgré tout et fait un grand nombre d'entrées, s'inscrivant dans le grand mouvement de désobéissance civile de l'époque."
(Le cinéma français des années 70).

Laura Laufer :

- "Le film Histoire d’A de Charles Belmont et Marielle Issartel, en 1973, signe la plus grande affaire de censure de l’époque. Son interdiction par le ministre de la Culture, Maurice Druon, soulève l’indignation. Les luttes de femmes, les acquis nés de la grève générale de mai 68 ont le vent en poupe. Devant la saisie des copies du film par la police, les groupes femmes, le MLAC (Mouvement de la libération de l’avortement et de la contraception), les organisations politiques de gauche et d’extrême-gauche (à l'exception notoire du Parti communiste) organisent projections et diffusion militante. 200 000 spectateurs « sauvages » sont revendiqués.
(LCR, Montreuil).

Clémentine Autain :

- "Fin 1973, la méthode Karman pour avorter est popularisée par la projection militante du film Histoire d’A., réalisé par Charles Belmont et Marielle Issartel. L’interdiction du film fait scandale. Face à toutes ces manifestions, des voix s’élèvent de l’Eglise catholique, virulente, du conseil de l’ordre des médecins, plus nuancé, ou de l’association « Laissez-les vivre », pour qui « tout avortement est criminel »."
(Blog, 12 septembre 2006).

Films de femmes 70 :

- "S’inscrivant au cœur de la lutte pour l’avortement, les auteur-e-s montrent un avortement réalisé avec la méthode Karman, loin des clichés sordides et des préjugés sur les risques encourus. Transgressif, cru, le film est aussi une réflexion sur la condition des femmes et leur aliénation, faisant le lien entre la lutte pour l’avortement et la nécessité d’une lutte féministe globale."


Affiche de "L'Ecume des jours"
Un générique époustouflant : Annie Buron, Bernard Fresson, Samy Frey, Alexandra Stewart, Jacques Perrin, Claude Piéplu, Marie-France Pisier, Sacha Pitoëff, Delphine Seyrig… (DR)

Impossible, semble-t-il, de vous proposer un extrait des Histoires d'Avortements. La rareté même de "L' Ecume des jours" atteste du peu d'intérêt que Charles Belmont reçut en retour de ses créations.

Annie Buron :

- "En 1967, Belmont réalise «L'Ecume des jours», d'après le roman de Boris Vian (60 000 exemplaires vendus à l'époque; 4 millions aujourd'hui). Bertrand Blier, entre autres réalisateurs, s'y était en vain essayé. «C'est le coeur qui est resté», écrit Jacques Prévert. Dans cette comédie drôle et poétique, envahie par les nénuphars et louée par Jean Renoir, Sami Frey et Marie-France Pisier se disputent les brouillons de Jean-Sol Partre, Jacques Perrin s'agrippe à son pianocktail, et Godard veille. Il faut redécouvrir cette petite merveille."(L’Express, 20 octobre 1994).

Jean-Louis Bory :

- "Il faut retenir le nom du décorateur Auguste Pacé. C'est lui le triomphateur du film. Dans les beiges et dans les bleus, il a composé les harmonies du goût le plus exquis. Je ne suis pas près d'oublier la fabuleuse chambre aux nénuphars où Chloé meurt tout doucement du nénuphar qui l'étouffé : pièce où d'incroyables fleurs flottent dans des bulles de verre parmi des luisances d'aquarium, et, sur le lit, une belle au bois dormant sous enveloppe plastique qui nous propose, avec un pathétique atténué par l'humour, une image de la mort considérée comme une immersion douce dans un monde glauque et nacré."
(Le Nouvel Observateur, 13 mars 1968).

Nezumi :

- "L'adaptation au cinéma de ce roman complétement atypique était une entreprise folle.
Charles Belmont, réalisateur discret et presque inconnu réalise cependant l'exploit de rendre la poésie du livre, à l'aide de grands acteurs, alors débutants. Le film eut peu de succès, en parti éclipsé par les évènements prenant naissance en mars 1968. Même Charles Belmont, le réalisateur, préfère l’ambiance des barricades à celle des salles obscures et ne défend pas son film, baisse les bras. Il se sent à peine concerné par la présentation de son film au Festival de Venise."
(Blog, 6 mai 2011).



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jeudi 26 mai 2011

P. 38. Mai 1877 : "Le Seignelay" devant Tahiti...

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Paul-Emile Lafontaine,
Campagne des mers du Sud,
Texte inédit,
Edition établie, préfacée et annotée par Dominique Delord,
le Temps retrouvé,
Mercvre de France,
2006, 456 p.

Mercvre de France :

- "Paul-Emile Lafontaine est né en 1829 à Nieul, près de la Rochelle. Il commence sa carrière comme mousse en 1844 dans la marine marchande, sur le Ville de Bordeaux, gravit les échelons et, à partir de 1850, effectue divers voyages au long cours en Amérique du sud et du nord, en Asie, en Afrique, et dans la Méditerranée. Son port d'attache est Rochefort.
Il a rédigé La Campagne des mers du sud alors qu’il était officier sur Le Seignelay. Ce croiseur a navigué pendant quatre ans dans le Pacifique (qu'on appelait encore les « mers du sud »), de la Terre de Feu à San Francisco. Si ce navire a fait de longues stations au Chili et au Pérou, c'est surtout l'Océanie qu'il a sillonnée: Ile de Pâques, Tahiti, Futuna, Samoa...
Ce texte est une mine de renseignements et d'anecdotes pris sur le vif sur l'histoire des pays et des hommes rencontrés : Lafontaine est aux premières loges pour observer le développement enfiévré du Chili, le sort de l'Ile de Pâques, la prise de possession réussie de Tahiti ou de Futuna par la France... Républicain convaincu (ce qui n'était pas si évident dans une Troisième République présidée par Mac-Mahon), il est résolument anticlérical, et la complaisance, voire la complicité, de la marine française et des religieux en Océanie le fait grincer des dents. Son récit est également passionnant d'un point de vue ethnologique et sociologique : à Tahiti, les fêtes de la reine Pomaré – dont le fils va abandonner Tahiti à la France en 1880, sont bien séduisantes, alors qu'est tragique la vie misérable des indiens de Terre de Feu, et impressionnante la dépouille du conquistador Pizzaro à Lima. Certaines scènes sont aussi parfois cruellement cocasses – Offenbach et Labiche ne sont pas loin quand Lafontaine décrit les fêtes somptueuses organisées par le Seignelay pour impressionner les chefs de tribu.
Lafontaine est mort en 1887, à Rochefort, miné par les fièvres rapportées de ses voyages. Le manuscrit original visiblement préparé par l’auteur dans l’espoir d’une publication n’a jamais été édité."

Dominique Delord :

- "Le 17 décembre 1875, le Seignelay quitte Toulon pour rejoindre la Division du Pacifique, avec à son bord un lieutenant de vaisseau, Paul-Émile Lafontaine [1829-1887]. Durant quarante mois de campagne, le croiseur naviguera de la Terre de Feu à San Francisco […] jetant l'ancre dans la myriade des îles de la Polynésie, dont l'île de Pâques. De retour en France, Lafontaine racontera cette Campagne des mers du Sud, dont les cinq cahiers viennent seulement de sortir de l'ombre.
Lafontaine fut aux premières loges pour observer […] le sort mélancolique de l'île de Pâques ou la déliquescence de Tahiti. La mission du Seignelay reflétait une des orientations majeures de la Troisième République : des expéditions de colonisation s'appuyant sur une meilleure connaissance de la géographie et des cultures étrangères.
Bon observateur sans prétentions, volontiers sarcastique, le républicain Lafontaine vit cette campagne avec lucidité, mais elle est aussi pour lui une aventure personnelle. Comment ne pas imaginer l'enthousiasme de Lafontaine, quand on lui confie une exploration de l'île de Pâques ? […]
Après d'autres campagnes, Lafontaine finira modestement sa carrière au port de Rochefort, puis comme trésorier des Invalides à La Rochelle, où il est mort en 1887. On ne connaît de lui d'autre texte qu'un amusant vaudeville joué sur le Seignelay."
(Nouvelle Revue Française, n° 576, janvier 2006, pp. 332-333).

Voici pour les présentations "officielles". Les extraits qui vont suivre, induisent à tout le moins quelques nuances. La "colonisation" ainsi décrite se limite à une sorte de dolce vita sans grandes préoccupations culturelles. Les relations avec les populations semblent s'incrire dans une réelle superficialité condescendante. Le protectorat français et l'humanisme ne se parlent que du bout des lèvres... 

Carte de "Taïti", 1843 (DR).

Paul-Emile Lafontaine :
"L'Ile enchantée de Tahiti"

- "Nous vîmes d'abord dans le sud-est la presqu'île de Taiarapu, séparée du massif le plus important par un isthme de 2 200 mètres de large, et dont la plus grande hauteur est de 14 mètres au-dessus du niveau de la mer (point où a été bâti le port de Tarano).
Bientôt nous pûmes admirer la magnifique vallée de Papenoa, avec son cours d'eau, le plus important de toute l'île, et sa magnifique végétation de goyaviers, cocotiers, filaos, pandanus, bananiers, arbres à pain, etc., puis la pointe Vénus, joli plateau célèbre pour le débarquement du capitaine Cook (1). Sur cette pointe il a été construit un phare (...).
C'est à partir de la pointe Vénus que commence la ceinture de récifs qui fait presque le tour de l'île, et en dedans de laquelle se trouve un chenal profond, mais parfois si étroit qu'une embarcation peut à peine y passer. D'autres fois ce chenal s'élargit assez pour former de superbes ports, tels ceux de Papeete et de Papeurii. Plusieurs coupures dans le récif donnent accès à ces différents ports.
Après avoir passé la pointe de Vénus, on voit l'île Moorea, cette soeur de Tahiti, placée presque en face de la baie de Papeete, à une distance de 8 milles, dans l'ouest-nord-ouest.
Un des plus beaux spectacles de Tahiti, c'est de voir le soleil se coucher derrière Moorea. Il semble alors que tout l'horizon soit en feu, lorsque l'astre radieux disparaît derrière les montagnes si capricieusement découpées de cette île.
(...)
Cette baie de Papeete est vraiment admirable avec la ville en amphithéâtre s'étendant sur la plus grande partie du contour de la baie. Ses maisons blanches se mirent dans les eaux de la mer tranquille, où elles se reflètent comme dans un miroir, et quelques flèches de clochers et de monuments surgissant d'un massif de verdure complètent l'aspect de Papeete, lorsque l'on vient de la mer. Sur la gauche en entrant est l'arsenal de Faré-uté, dont les nombreux cocotiers agitent leur panache sous l'effort de la brise, et au centre de la baie, sortant du sein des eaux, un délicieux bouquet de fleurs : c'est l'île Motu-ita ! Un îlot minuscule où la reine Pomaré (2) avait établi il y a une vingtaine d'années sa résidence d'été."
(PP. 238-239).

"Notre existence à Papeete" :

- "Notre service sur la rade de Papeete étant très peu astreignant, nous prîmes le parti pour la plupart de louer des cases à terre. Cela nous permettait d'aller dès le matin prendre des bains soit au cercle, soit à la Fata-Hua, ou à Piré, ou ailleurs. Car à Papeete on trouve à se baigner de tous côtés et toujours dans une eau courante et limpide.
Après le bain, on faisait une longue course dans la campagne, et on rentrait à bord pour déjeuner. A onze heures, on retournait à la case y faire la sieste, pendant les heures trop chaudes de la journée, et le soir, après le bain, on allait au cercle attendre l'heure du dîner qui avait lieu à six heures. Après on retournait au cercle jusqu'à dix heures ou bien on allait courir les hyménés (sortes de concerts vocaux que donnent plusieurs fois la semaine les jeunes gens des deux sexes dans les districts voisins de Papeete). Puis vers onze heures du soir on allait dormir dans sa case, portes et fenêtres ouvertes, n'ayant que sa moustiquaire pour se garantir du froid, des animaux nuisibles, et des voleurs.
Disons qu'à Tahiti, il n'y a ni voleur, ni bête malfaisante, ni température obligeant les Européens à se couvrir. Il n'en est pas tout à fait de même pour les habitants, qui grelottent toutes les nuits pendant les mois de juillet et d'août, qui sont les mois d'hiver du pays."
(PP. 243-244).

Montagnes de Tahiti peintes par Gauguin en 1891 (DR).

Le 25 mai, "Fête canaque" :

- "Je ne m'arrêterai pas à décrire les splendeurs d'ornementation de cette table canaque, c'était une féérie ! Il y avait des arbres entiers entrelacés de fleurs, qui figuraient des bouquets sur la table (...). Vraiment il faut reconnaître que les Canaques sont d'habiles metteurs en scène et de grands artistes décorateurs.
Notre table, placée sur une estrade à l'un des bouts de la salle et protégée par une balustrade, dominait les choeurs, qui étaient allés s'asseoir dans les herbes sèches (...). Aussitôt que nous eûmes tous pris place, les jeunes filles se levèrent et vinrent se placer debour en cercle, autour de la table.
Là, entonant un himéné, elles placèrent sur la tête de chacun d'entre nous une couronne de fleurs; puis elles retournèrent à leur place et continuèrent à chanter pendant tout le repas.
(...)
Comme nous n'avions pas laissé chanter les malheureux Canaques pendant deux heures sans les rafraîchir un peu, trop, peut-être ? il s'en suivit que les danses commençaient à tourner un peu à la houpa-houpa, danse essentiellement canaque, mais prohibée par le gouverneur Michaux (3). Alors intervint le mutoÿe, représentant de l'autorité, qui est l'hôte indispensable de toute réunion (comme chez nous le sergent de ville), et il intima aux Canaques l'ordre de cesser leurs danses; il va sans dire qu'ils s'y conformèrent aussitôt.
(...)
Le lendemain de cette petite fête un de nos matelots nommé Husquellec mourait à l'hôpital du tétanos, qui lui était venu à la suite d'une légère blessure au petit doigt de la main.
C'était le premier décès de la campagne, cela nous attrista un peu, mais fut bien vite oublié dans le tourbillon des plaisirs océaniens dans cette île Tahiti, où le fleuve Oubli semble prendre sa source."
(PP. 250 à 252).

La reine Pomaré IV (DR).

"Voyage à Moorea avec la reine Pomaré" :

- "Nous eûmes l'honneur, ou la corvée, d'aller conduire la reine Pomaré à l'une de ses propriétés, sur l'ïle Moorea; elle était accompagnée de son fils Tamatoa et de la princesse Moë, femme de ce dernier. Plus tout le personnel de sa cour, interprètes et dames d'honneur ou suivantes.
Pomaré est toujours suivie d'une jeune fille, portant un petit coffret, qui ne la laisse pas plus que son ombre. Cette précieuse cassette contient... les feuilles de pandanus et le tabac dont la jeune Huahinée fait continuellement des cigarettes pour sa vieille souveraine, qui ne cesse de fumer que pour dormir; car elle fume même pendant ses repas.
(...)
Pomaré parle très peu, et c'est toujours en langue canaque. On dit pourtant qu'elle connaît très bien le français et l'anglais, mais je crois que cela est un peu exagéré, car elle ne dit jamais un seul mot de français et cherche quelques fois à se faire comprendre en anglais - quoiqu'elle ne le parle pas purement.
(...)
Nous présentâmes nos salutations à Sa Majesté, et nous allâmes terminer la soirée avec le prince Tamatoa, qui depuis longtemps nous faisait des signes désespérés, nous montrant des cigares de La Havane et de la bière de San Francisco.
Le lendemain, nous revînmes à Papeete, où l'existence était encore plus agréable qu'à Moorea."
(PP. 268 à 270).

NOTES :

(1) James Cook (1728-1779). A bord de l'Endeavour et après avoir franchi le cap Horn, atteint l'île le 13 avril 1769.

(2) Aimata Pomare IV Vahine-o Ounuatera'itua (1813-1877). Reine de Tahiti dès 1827 et jusqu'à sa mort. Sous son règne, les Français l'emportèrent sur les Anglais, eux aussi soucieux de placer cette île dans leur sphère d'intérêts.

(3) Tahiti étant sous protectorat français, gouverneur de l'île depuis avril 1876.

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lundi 23 mai 2011

P. 37. Les Frères Dardenne remportent le Grand Prix cycliste de Cannes

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Affiche du film de Jean-Pierre et de Luc Dardenne (DR).

Il y a du dérisoire et une inutile confusion des genres quand l'un ou l'autre blog dérivent en tentant de concurrencer les agences d'informations, les chaînes de tv, les vampires de la presse écrite. Et donc, sur ces Mo(t)saïques 2, aucune page n'était prévue sur ce gamin et son vélo qui prouvent, avec les Géants de Bouli Lanners (Quinzaine des réalisateurs), que le cinéma belge d'expression francophone n'est certes pas un nain dans le jardin du 7e art, ce jardin fut-il "à la française".
Mais la ligne éditoriale de France2 à propos des récompenses remises au dernier Festival de Cannes, laisse pantois. Ce qui traduit en Français de Paris donne : "laisse scandalisé". Pas un mot, pas une image sur le Grand Prix remis aux Frères Dardenne. Ni pour rappeler que ces derniers, de toute l'histoire épique du Festival, en sont devenus les cinéastes les plus honorés (excusez du peu : cinq participations, cinq récompenses) ...
Nous n'aurons pas le très mauvais goût ni la mesquinerie de nous interroger quant à savoir si le même traitement dédaigneux eût été infligé à un film et à un cinéaste français en situation comparable...

Au JT de 20h, ce 22 mai 2011
France 2 n'a pas souhaité
vous l'annoncer :

"Le gamin à vélo"
des Frères Dardenne
a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes
ex-aequo avec "One upon in Anatolya"
de Nuri Bilge Ceylan

Synopsis :

- "Cyril, bientôt 12 ans, n'a qu'une idée en tête : retrouver son père qui l'a placé provisoirement dans un foyer pour enfants. Il rencontre par hasard Samantha, qui tient un salon de coiffure et qui accepte de l'accueillir chez elle pendant les week-ends. Mais Cyril ne voit pas encore l'amour que Samantha lui porte, cet amour dont il a pourtant besoin pour apaiser sa colère..."

Barbara Théate :

- "Nos films viennent de Belgique… et de Cannes !" Entre le Festival et les Dardenne, c’est une formidable histoire d’amour. Depuis Rosetta, en 1999, tous leurs films y ont été présentés en compétition et les frères ne sont jamais repartis bredouilles de leur passage sur la Croisette. Bilan : deux Palmes d’or, un prix du scénario, des récompenses pour plusieurs de leurs comédiens… De quoi faire pâlir de jalousie les confrères. Mais pas de quoi donner la grosse tête aux sympathiques, et reconnaissants, cinéastes. "Cannes a offert à nos petites productions belges une vitrine mondiale", raconte Luc Dardenne." On a tellement été gâtés jusqu’ici que si on n’a rien cette année, on n’ira pas se jeter dans la Méditerranée ! Mais si Robert De Niro et ses jurés décident de nous attribuer encore un prix, on prend ! Surtout pour ce film que nous avons voulu très différent."
(JDD, 14 mai 2011).

Christophe Kantcheff :

- "Combien de jeunes acteurs extraordinaires Luc et Jean-Pierre Dardenne découvriront-ils ? Depuis la Promesse (1996), où apparaissait pour la première fois Jérémie Renier, devenu depuis leur comédien fétiche, Émilie Dequenne (Rosetta), Morgan Marinne (le Fils), Déborah François (l’Enfant), Arta Dobroshi (le Silence de Lorna) ont été révélés par les frères cinéastes. Et c’est encore le cas avec Thomas Doret dans leur nouveau film, le Gamin au vélo, en compétition officielle, et en salles mercredi.
Thomas Doret interprète Cyril avec une évidence incroyable, petit blond de 12 ans sans mère et, au début du film, à la recherche de son père (Jérémie Renier, désarmant en père fuyant son fils, incapable de lui faire une place, de lui offrir un peu de lui-même). Un gamin résolu tel un poing fermé, à la détermination sans entraves, un « pitbull », comme le surnomme un mauvais garçon que Cyril sera amené à côtoyer."
(Politis, 15 mai).

Thomas Doret et Cécile de France (DR).

Olivier De Bruyn :

- "Dans « Le Gamin au vélo », conte initiatique contemporain tendu à l'extrême (à peine une heure trente minutes de durée et pas un plan en trop), les frères filment à l'os et à l'énergie une relation essentielle. Et ils dynamitent tout sur leur passage : la psychologie (pourquoi Samantha est-elle touchée par le môme ? Mystère), les conventions, le pathos, la mièvrerie et les bons sentiments.
Au final, un film dont la simplicité et l'énergie, incroyablement bien servies par le jeune Thomas Doret (sidérant néophyte) et Cécile de France (à qui la Dardenne's touch va bien au teint), rappelle que les frères, si atypiques et si exigeants, font plus que toujours partie des cinéastes majeurs de l'époque."
(Rue 89, 15 mai).

Olivier Séguret :

- "Depuis la Promesse, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont regardé avec une attention particulière les jeunes personnages, dont ils ont créé toute une petite légion inoubliable (le Fils, Rosetta, et même les parents de l'Enfant sont tous des ados ou très jeunes adultes). Avec Cyril (très remarquable Thomas Doret), ils ajoutent à cette lignée son spécimen le plus jeune, mais pas le moins remuant. Ses scènes de fugues répétées, sa crise terrible d’autoviolence lorsqu’il mesure, après l’avoir dénié, l’abandon de son père, les expressions brutales de sa souffrance d’enfant perclus d’angoisses trop adultes pour lui, sa lente reconnaissance du rôle que pourrait jouer Samantha dans sa vie (Cécile de France, impeccable femme moyenne en laquelle l’enfant allume un flambeau imprévu)… Tout cela est assumé avec une étonnante maturité par un jeune corps têtu, un jeune visage que la colère n’a pas désarmé, un jeune acteur qui évoquera fortement le Jérémie Rénier des débuts (celui de la Promesse, donc, et qui joue ici fort bien le rôle du père renonçant)."
(Libération, 16 mai).

Samuel Douhaire :

- "Avec Cyril, les frères Dardenne ont donné un petit frère, d'âme et de coeur, à leur inoubliable Rosetta. Même énergie indomptable, tendue par une idée fixe (l'obtention d'un travail pour elle, la quête de l'amour pour lui) que les cinéastes belges saisissent, à leur manière, dans un mouvement d'urgence documentaire. Leurs films donnent toujours l'impression que le cameraman découvre « en direct » les mouvements de colère des personnages, avant de les accompagner avec un bref temps de retard. Puissance de la mise en scène : cette sensation « sur le vif » repose, en vérité, sur un minutieux travail de répétitions..."
(Télérama).

Thomas Doret (DR).

Jean-Luc Douin :

- "La magie exemplaire du cinéma des Dardenne (deux Palmes d'or, pour Rosetta en 1999, L'Enfant en 2005) est celle d'un scénario et d'une mise en scène qui privilégient l'ellipse, font avancer l'histoire sans dialogues explicatifs, sondent la douleur en la filmant de biais. Elle est suggérée, plus que montrée, par des lieux, des objets - le vélo, une porte fermée, une vitre derrière laquelle se profile l'ombre d'un homme insensible, un téléphone portable qui sonne en vain -, mais aussi par de poignantes métaphores. Ainsi, un robinet qui coule à flots figure le chagrin de l'enfant, qui ne lâchera pas une larme.
Sans temps morts, sans psychologie, sans pathos, osant, pour la première fois chez les Dardenne, quelques lumineuses envolées musicales, Le Gamin au vélo suscite une émotion d'autant plus pure qu'elle échappe au discours édifiant. Les armes utilisées par les deux frères sont hitchcockiennes autant qu'humbles et humanistes, à l'affût d'une rédemption. La messe est rude, le héros est au désespoir, mais résonne en filigrane la soif avide d'un Pater noster."
(Le Monde, 17 mai).

Fabienne Bradfer :

- "Ce conte de notre temps a les vertus d'une caresse. Car il est grand temps d'apaiser les colères et trouver sa grâce intime parce que quelqu'un vous regarde, vous écoute, vous serre contre son coeur. Plus sereins les gars de Seraing ? Totalement même si leur film inscrit dans ici et maintenant contient toujours les fondamentaux d'un cinéma dur et frontal et poursuit sans esbroufe le constat violent du monde dans lequel on vit. Mais on peut parler de changement dans la continuité. Avec du soleil dans tous les plans, une actrice connue en guise de bonne fée et de la musique ici et là. Le tout d'une maîtrise sans faille."
(Le Soir, 16 mai).




Et une dernière pour la route...

David Fontaine :

- "Avec leur limpidité coutumière, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne ont l'art de partir d'une situation toute simple et de happer le spectateur dans un drame social bouleversant. La caméra portée n'est pas ici un tic de mise en scène, mais elle communique l'urgence vitale qui pousse l'enfant, le sentiments d'injustice absolue qui l'anime, la révolte à l'état pur qu'il incarne."
(Le Canard enchaîné, 18 mai).


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vendredi 20 mai 2011

P. 36. A la croisée des fenêtres...

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Après le porte à porte de la page 21
et
les visages de façades de la page 29


Fenêtre-soleil levant une armée des ombres dans les Ardennes de France (Ph. JEA/DR).

En sympathie avec les photos du Blög d'Otli, de Brigetoun, des Eclats de mots, de l'Irréductible, du Journal de Chrys, de Lautreje, de Photoclap, du Regard de Femme et de tant d'autres blogs découpant des Myriades de fenêtres dans la voûte de la blogosphère...

Fenêtres : album photos (3)

Baies de genèvitriers, Julos Lucarne, lunettes de reproches, oeil-de-boeuf sur la langue d'un toit, volets traités comme des valets et obsédés par l'heure, persiennes perce-murailles, croisées infidèles, tabatières anatomiques, vasistas talismans, carreaux cardiaques, vitres toujours plus vitres, vitrail rai-de-coeur...


Fenêtre-rideau d'un théâtre aux projecteurs branchés sur l'énergie solaire (Ph. JEA/DR).

Dorures d'une fenêtre-cadre aussi provisoire que l'aurore (Ph. JEA/DR).

Fenêtre et son noeud papillon (Ph. JEA/DR).

Buvard-fenêtre pour garder quelques traces de l'écriture tourmentée d'un printemps délirant (Ph. JEA/DR).

Fenêtre à larmes (Ph. JEA/DR).

Fenêtre-chagrin (Ph. JEA/DR).

Epines rouillées d'une fleur-fenêtre fânée (Ph. JEA/DR).

Fenêtre au caractère ombrageux (Ph. JEA/DR).

Fenêtres-mille feuilles de reflets (Ph. JEA/DR).

Fenêtre condruzienne pensant à celles et à ceux qui perdent des forces mais pas leur dignité (Ph. JEA/DR).

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mardi 17 mai 2011

P. 35 ter. Pétition contre l'amnistie des collaborateurs belges

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Tombes de résistants dans le bois de Bagatelle - Prov. de Liège (Ph. JEA/DR).

Estimant inacceptable la proposition de loi du Vlaams Belang portant sur une amnistie et un dédommagement des inciviques belges ayant collaboré avec les occupants nazis,

proposition objet des pages 20, 35 et 35 Bis de ce blog

l'Association des Territoires de la Mémoire,
Centre d'éducation à la résistance et à la citoyenneté,

prend l'initiative d'une pétition
dont vous pouvez prendre connaissance
en cliquant : ICI.

Pour "les Territoires de la Mémoire" :
- "Amnistier n’est pas réconcilier mais bien nier le passé. C’est un désaveu de l’action et de l’engagement de ceux qui, au péril de leur vie, ont mené des actions de résistance contre l’occupant et ont contribué à aider les victimes du nazisme."

Ce 30 mai à 6h15 : 2.350 signatures.


Webbekom - Prov. du Brabant Flamand : lieu d'exécution d'Hilaire Gemoets, commandant au sein des Partisans belges, mort "pour le peuple et sa terre natale" (Ph. Tania/DR).

P. 35 ter. Petitie tegen amnestie voor belgische collaborateurs

Omdat het wetsvoorstel van het Vlaams Belang rond
amnestie en schadevergoeding van belgische incivieken die met de nazibezetters hebben samengewerkt onaanvaardbaar is,
voorstel die het onderwerp is van de paginas 20, 35 en 35 bis van dit blog

neemt de
Vereniging "Land van Herinnering"
Centrum voor opvoeding van weerstand en burgerlijkheid

het initiatief tot een petitie
waarvan jullie kennis kunnen nemen
Hier

Voor " Land van Herrinnering" : 
                            
- "Amnestie verlenen (amnestiëren) is niet verzoenen maar wel het verleden negeren. Het is een ontkenning van de actie en de onderneming van al de personen die hun leven op het spel hebben gezet om de bezetter te bestrijden en de nazislachtoffers te helpen". 

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lundi 16 mai 2011

P. 35 bis. Un ministre belge oublie qu'il a en charge la Justice !!!

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Stefaan De Clerck, ministre de la Justice (Caric. JEA/DR).

Aucune comparaison possible avec Robert Badinter dont "Les épines et les roses" furent évoquées sur la p. 33 de ce blog.
En 1986, voulant marquer la fin de sa vie politique, il prononça à Marseille un discours rappelant Zola :
"Un peu plus de justice sur cette terre nous aurait fait plaisir."
(P. 247).

L'actuel ministre belge de la Justice, vient ce week-end de jeter aux orties des milliers de jugements rendus au nom du peuple belge. Il marque clairement son choix de marcher au même pas et à la même musique du style "Horst-Wessel-Lied" que le Vlaams Belang dont une scandaleuse proposition de loi figure sur les pages 20 et 35 de ces Mo(t)saïques 2.

En résumé, le ministre retire quelques fagots de paille du bûcher sur lequel le VB veut brûler la Résistance. Pour nous enfumer. Avec un seul mot à la bouche : "oubli". Et attention, plus question d'histoire ni de mémoire, de devoir ou de travail. C'est trop infantile à l'estime du ministre.
Oubli donc. Mais à sens unique !
Etre adulte serait reprendre le vocabulaire nazi pour désigner les résistants sous les vocables de "terroristes", de "lâches", d'"assassins"... Tandis que les collabos récupèreraient à leur seul profit tous les honneurs, la gloire d'avoir servi le nazisme plus des indemnités sonnantes et trébuchantes.
Le ministre, grand homme d'Etat, prône la réconciliation : celle où les bourreaux et leurs affidés feraient taire une deuxième fois leurs victimes.
Enfin, il cautionnerait ce passage de la proposition de loi du VB insultant la Justice belge :
- "Des milliers de personnes [poursuivies pour collaboration] ont été condamnées sur la base de lois à effet rétroactif, ce qui constitue une violation flagrante de tous les principes de l’État de droit.
Des fraudes ont été commises systématiquement lors de la constitution des dossiers : les éléments qui plaidaient en faveur du prévenu étaient écartés. Les témoins de la défense étaient intimidés, menacés de poursuites ou n’étaient tout simplement pas autorisés à s’exprimer. Des milliers de témoignages accablants ont été fabriqués, bien souvent avec la complicité des magistrats.
C’est surtout le pouvoir des auditeurs militaires qui était démesuré et grotesque."

Nous en sommes là.

La croix gammée et le lion des Flandres... Image du film "Modus operandi" d'Hugues Lanneau (DR).

Stefaan De Clerck :

- "A un certain moment, on doit être adulte et prêt à en discuter. Et peut-être aussi à oublier, parce que c’est du passé. C’est nécessaire pour rétablir une société."

Christine Defraigne, libérale francophone (PRL), présidente de la commission Justice au Sénat :

- "La classe politique flamande dans son ensemble, à l’exception de Groen ! s’est associée aux thèses nauséabondes du Vlaams Belang, un parti d’extrême droite nationaliste, raciste et xénophobe.
Aujourd’hui, M. De Clerck, un homme politique que je respecte, critique mon propos mais c’est le monde à l’envers. Il n’est pas question ici de réconciliation nationale mais plutôt de division. Tout cela est non négociable, ‘onbespreekbaar’. Ce serait une insulte et une gifle à tous les patriotes morts pour des valeurs universelles, à toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale, à toutes les victimes de la Shoah."

Francis Delpérée, chef de groupe des catholiques francophones (cdH) au Sénat :

- "C’est la négation des faits alors qu’il y a eu des condamnations…
C’est chaotique, car Stefaan De Clerck, ministre de la Justice de surcroît, mêle des faits d’incivisme avec des crimes contre l’humanité, or le lien n’est pas évident… sauf à vouloir minimiser les premiers.
Ensuite, le ministre suggère l’oubli, alors que ce à quoi nous sommes plutôt invités c’est un travail de mémoire, le souvenir des patriotes et des résistants.
Nous pouvons pardonner, peut-être, à ceux qui regrettent, qui reconnaissent les faits, etc. mais parler d’oubli n’a aucun sens. Par ailleurs, nous n’appelons pas à la vindicte à l’égard des enfants et petits-enfants ; à leur endroit, l’Etat belge s’est souvent attaché à réparer un certain nombre de condamnations."

Philippe Mahoux, chef de groups des socialistes francophones (PS) au Sénat :

- "Entendre dire de la part d’un ministre de la Justice, censé savoir que ce qui a été jugé appartient à la vérité judiciaire, qu’il faudrait pouvoir remettre en question des condamnations pour collaboration, c’est aberrant et scandaleux.
Depuis jeudi, lorsque nous avons mis au jour cette proposition du Vlaams Belang, certains ont décidé de ranimer la confusion entre collaborateurs et résistants, et parmi les collaborateurs, nombreux ont été ceux qui ont livré des résistants, c’est abject.
Ce qui sous-tend la proposition du Vlaams Belang, parti d’extrême droite, à l’origine du débat, c’est le négationnisme de l’existence de la collaboration. C’est autre chose que de s’intéresser à quelques cas individuels qui subissent les conséquences liées à un passé familial…"

Jacky Morael, chef de groupe des écolos francophones au Sénat :

- "Le climat politique en Flandre est devenu extrêmement puant, malsain et antidémocratique.
Les déclarations du ministre De Clerck interrogent notre passé et notre actualité. Une certaine Flandre doit reconnaître qu’elle s’est fourvoyée avec l’occupant nazi, avec la Gestapo, qu’elle a permis l’arrestation de résistants, sous prétexte de faire avancer son projet nationaliste.
Par ailleurs, il y a l’actualité, celle de partis comme le VB et la N-VA qui mettent toute la classe politique flamande sous chantage et à cet égard, je dois saluer le courage immense de Groen, à part eux je ne vois plus aucun parti démocratique flamand qui résiste à cette pression terrible La situation est limpide, tous les partis flamands s’alignent sur le pape du Vatican flamand, Bart De Wever, seul le VB, en perdition, essaye encore de faire du bruit."

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samedi 14 mai 2011

P. 35. A ces 30 sénateurs flamands qui veulent "parler" des "prétendus" collaborateurs...

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Le collabo néerlandophone par excellence : Staf De Clercq (1) posant à la Hitler et se complaisant au milieu de sa clique de SS Flamands (Mont. JEA / DR).

"L'instant est historique"

La Libre Belgique :

- "Trente sénateurs (les groupes Open Vld, CD&V, N-VA, sp.a, tous à l'unanimité) ont voté pour la prise en considération d'une proposition de loi "effaçant, pour l'avenir, tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d'actes d'incivisme "prétendument" commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 et instituant une commission chargée d'indemniser les victimes de la répression d'après-guerre ou leurs descendants pour le préjudice financier subi à la suite desdites condamnations et sanctions", vingt-six ont voté contre (les élus francophones du PS, du MR, du cdH et d'Ecolo ainsi que Groen !). (2)
Ce type de proposition est régulièrement déposé au parlement et leur prise en considération rejetée, les élus francophones exigeant un vote sur leur recevabilité.
Jeudi, ils ont renouvelé cette exigence, faute de quoi la recevabilité est accordée automatiquement, mais le vote leur a été défavorable.
Les sénateurs Philippe Mahoux (PS), Jacky Morael (Ecolo) et Francis Delpérée (cdH) ont particulièrement dénoncé l'évocation d'actes "prétendument" commis, tel que le libèle la proposition du VB, qu'ils ont considérée contraire à l'Etat de droit."
(12 mai 2011).

Le Soir :

- "L’instant est historique : c’est la première fois que l’amnistie franchit une marche au parlement. Les chefs de groupes flamands (CD&V, N-VA, Open VLD et SP.A) ont justifié leur attitude : ce vote se limite à accepter la recevabilité technique du texte. « Le parlement est le seul lieu où l’on peut parler de tout, nous explique Bert Anciaux (SP.A). Notre vote n’a pas porté sur le contenu, simplement sur le fait que l’on peut en débattre. C’est la première fois que cela se passe ? Ah bon… Mais c’est la seule raison et la juste raison."
(12 mai 2011).

Francis Delperée (sénateur cdH) :

- "C’est la première fois que cela se passe depuis la seconde guerre mondiale. C’est un coup de canif dans l’histoire et la mémoire des Belges. Le texte proposé est, en outre, une violation de la foi donnée à des décisions de justice. C’est une négation de l’Etat de droit. C’est consternant ! Cela ne restera pas sans suite et cela n’aidera pas les négociations gouvernementales."

Le "journal de combat" des SS Flamands titre :
"Pousser de petits cris de joie est une chose, Vaincre c'est tout !"
Ils n'y sont pas parvenus en 1940-1945. Leurs descendants et nostalgiques ont pris le relais.
(Doc. JEA/DR).

Officialiser le révisionnisme flamand

P. 20, sous le titre : "Collaboration et Résistance", ces Mo(t)saïques 2 décrivaient l'échec devant la Chambre des députés belges du dépôt d'une proposition de loi déposée par l'extrême droite flamande du VB et visant à l'amnistie des collaborateurs sous l'occupation nazie.
Le Vlaams Belang vient de récidiver devant le Sénat. Avec succès cette fois. Grâce aux élus des partis démocratiques flamands, à la seule exception des Verts. Des sénateurs majoritaires car Flamands, vont donc pouvoir refaire l'histoire, la distordre, la défigurer, fouler à leurs pieds cloutés la résistance, encenser les collabos, envoyer vers d'autres chambres à gaz la mémoire des victimes des persécutions raciales.
Car que prétend le VB ? Rien de moins que d'officialiser le révisionnisme :
- "Les auteurs proposent qu’un terme soit mis, pour l’avenir, à tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d’actes d’incivisme prétendument commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils proposent par ailleurs d’instituer une commission qui indemniserait les victimes de la répression d’après guerre ou leurs descendants."

Une majorité de sénateurs a donc décidé de s'interroger doctement quant à savoir si comme l'affirme le VB :

- "Il est (…) pratiquement impossible de tracer une ligne de démarcation nette entre collaboration et résistance. Il y avait même, dans un certain sens, une part de résistants parmi ceux que l’on a qualifiés de collaborateurs."

Les sénateurs vont participer à cette ignominie. Débattre d'une inversion des valeurs. Les ennemis de la démocratie, les persécuteurs vont être présentés comme des victimes. Ceux qui ont étouffé les libertés, dénoncé,  torturé, déporté, fusillé aux côtés des occupants nazis, les voici qui deviendraient par une grâce flamingante les... "résistants". Celles et ceux qui portèrent jusqu'ici ce nom mérité, redeviendraient eux des "terroristes" ! 

Pour rappel et très concrètement, le Sénat belge accepte de prendre en considération une proposition de loi comprenant des perles noires telles que celles-ci :

- "On pèche par simplisme en assimilant les collaborateurs à des acolytes de la Gestapo. Telle n’était pas la collaboration."

- "Les meurtres inutiles, les vols et les incendies criminels (...) étaient des excès de la résistance."

- "Il est malveillant d’assimiler tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à la collaboration à des délateurs et à des tortionnaires. Cette remarque est particulièrement vraie pour la Flandre, où de nombreuses circonstances atténuantes peuvent être invoquées pour justifier la collaboration."

- "La répression de la collaboration n’a été qu’un prétexte dont on s’est servi pour frapper le mouvement flamand."

La page 20 de ce blog tentait de démonter chacun de ces arguments fallacieux. Chiffres à l'appui car le projet du VB les fuit à raison. Mais à quoi bon ? Les collabos bis n'ont que leur vengeance comme obsession. La seule histoire qu'ils tolèrent est celle qu'ils ne cessent de réécrire.

De "prétendus" collabos flamands posant pour la postérité et défilant à Gand dans des uniformes certes SS mais ce n'est là aussi peut-être qu'un "détail" de l'histoire (Mont. JEA/DR).

Tant qu'à "parler de tout" au Sénat

Certes, la presse francophone belge précise :
- "Les chefs de groupe Bart Tommelein (Open Vld), Sabine de Béthune (CD&V), Liesbeth Homans (N-VA), et Bert Anciaux (sp.a) ont justifié le feu vert accordé à la prise en considération en faisant valoir que le vote se limitait à accepter la recevabilité technique du texte."

Nous sommes en démocratie, n'est-ce pas ? Ceux qui aspirent à abattre cette démocratie n'ont pas d'élus francophones. Mais Flamands, oui. Cette minorité de la minorité vient néanmoins d'imposer des débats sur des thèmes fondamentaux pour l'extrême droite. Et les autres élus flamands du Sénat leur emboîtent le pas. Mais seulement d'un point de vue "technique" rétorquent-ils. Au contraire cependant des élus des mêmes partis flamands à la Chambre des députés. Cherchez l'erreur...

Imagine-t-on le seul camp de concentration de Belgique, Breendonk, perdre son statut de lieu du souvenir des résistants et des juifs persécutés pour être "réhabilité" comme lieu de "répression de la collaboration" (ce qu'il fut provisoirement à la fin des hostilités) ?
On pourrait multiplier les exemples. A commencer par tous les monuments, stèles et plaques qui sur tout le territoire du Royaume, tentent de sauver de l'oubli les mille et une formes de résistances face à l'occupant, mais aussi les horreurs de la Shoah.

Aux quelques élus si soucieux de voir le Sénat utilisé comme auguste enceinte où l'on puisse "parler de tout", nous suggérons très humblement de se pencher ensuite sur la Première guerre mondiale.
Nul doute que les rédacteurs du Vlaams Belang prolongeront ainsi leur oeuvre de salubrité si pas publique, du moins flamingante. Car en 1914-1918 déjà, il y a largement matière à ignominies.

Au VB reviendrait par exemple cette lourde mais si noble tâche de rétablir la vérité sur le comportement de la soldatesque allemande lors de l'invasion de la Belgique en 1914. Les massacres de civils en août, firent plus de 5000 victimes rien qu'en Wallonie. Au nombre des localités martyres, figurent :


Andenne : 218 victimes civiles
Battice : 33
Dinant et Neffe : 674
Ethe : 218
Latour : 71
Monceau-sur-Sambre : 63
Soumagne : 118
Tamines : 383
Tintigny : 120.

On attend du VB qu'il remette les pendules des atrocités à l'heure. Qu'il retrouve dans des archives aisément accessibles les documents au long desquels des autorités allemandes affirment que ce ne sont pas des civils qui furent alors passés par les armes. Que non ! Uniquement des francs tireurs. Dont certains, hélas, travestis en femmes ou en enfants, contrairement à toutes les lois de la guerre.
Alors triompherait enfin la vérité. Les bourreaux allemands retrouveraient leur honneur. L'Etat belge verserait des indemnités réparatrices aux descendants, y compris à ceux des rares Belges s'étant mis aussitôt au service des envahisseurs dans chacune de ces villes ensanglantées. Il serait veillé à corriger les livres d'histoire, à commencer par les manuels scolaires (s'il en existe encore).

Depuis la Citadelle, vue de Dinant après les massacres et incendies d'août 1915 (Doc. JEA/DR).

Le Sénat pourrait "parler" tout particulièrement d'une ville flamande emblématique : Louvain.
Les 25 et 26 août 1914, les "libérateurs" allemands fusillent 29 Belges et mettent le feu autour d'eux. Ces actes barbares entraînent notamment la perte irréparable de la bibliothèque de l'Université catholique, un phare de culture.

Lettre pastorale du Cardinal Mercier (3) :

- "A Louvain, le tiers de l'étendue bâtie de la cité est détruit ; 1.074 immeubles ont disparu. Dans cette chère cité louvaniste, dont je ne parviens pas à détacher mes souvenirs, la superbe collégiale de Saint-Pierre ne recouvrera plus son ancienne splendeur ; l'antique collège Saint-Yves ; l'Ecole des Beaux-Arts de la ville ; l'Ecole commerciale et consulaire de l'Université ; les halles séculaires ; notre riche bibliothèque, avec ses collections, ses incunables, ses manuscrits inédits, ses archives, la galerie de ses gloires au spectacle desquelles maîtres et élèves d'aujourd'hui s'imprégnaient de noblesse traditionnelle et s'animaient au travail : toute cette accumulation de richesses intellectuelles, historiques, artistiques, fruit de cinq siècles de labeur, tout est anéanti..."

Au VB de balayer cette vision trop "simpliste" de l'histoire. Et d'y substituer les signatures de 93 "intellectuels" allemands qui, en 1914, rédigèrent ce manifeste :

- "Il n'est pas vrai que nos troupes aient brutalement détruit Louvain. Perfidement assaillies dans leurs cantonnements par une population en fureur, elles ont dû, bien à contrecœur, user de représailles et canonner une partie de la ville. La plus grande partie de Louvain est restée intacte. Le célèbre Hôtel de Ville est entièrement conservé ; au péril de leur vie, nos soldats l'ont protégé contre les flammes."

Et le VB de faire ériger à Louvain un monument en l'honneur de ces vaillants soldats allemands qui "au péril de leur vie" tentèrent de sauver une ville digne de figurer au patrimoine de l'humanité ? Sur ce monument, brilleraient également en lettres d'or les noms des quelques Flamands collaborateurs ayant accueilli à bras ouverts les incendiaires malgré eux.

Les plaies béantes de Louvain, fin août 1914 (Doc. JEA/DR).

Quant à la résistance, en 14-18, le VB aura l'embarras du choix pour tenter de la dénoncer.
Peut-il lui être évoqué un nom parmi tant d'autres ?

Yvonne Vieslet :

Un mois avant la fin de la guerre, soit le 12 octobre 1918, Yvonne Vieslet est abattue à Marchienne-au-Pont. Cette enfant de 10 ans voulait jeter un bout de "couque"(4) à des prisonniers de guerre français affamés et parqués derrière des grilles. La puissance du coup de feu fut telle que l’on dénombra trois blessés par la même balle de mauser ayant traversé le corps de la fillette.

Les cérémonies en sa mémoire s'estompent. Il n'empêche. Le VB peut encore s'élever contre une contre-vérité. Les prisonniers français de Marchienne-au-Pont recevaient une nourriture largement supérieure - en quantité et en qualité - à celle des soldats allemands, n'est-ce pas ? L'un de ceux-ci a légitimement craint que la fillette ne déteste les Français au point de vouloir les empoisonner avec une friandise trafiquée. Ce Prussien n'écoutant que son devoir, fut obligé de sauver les Français au prix d'un seul coup de feu tiré sans viser quiconque. Hélas, le hasard mit la gamine sur le trajet de la balle... Et on ne dit rien des Belges qui applaudirent ce brave soldat, le félicitèrent et le consolèrent en lui répétant qu'il n'avait fait que son devoir ? Il serait grandement temps que le VB veille à modifier de fond en comble le monument (5) jadis élevé en mémoire d'Yvonne Vieslet !


Aux lectrices et aux lecteurs d'accepter ou non cette forme de réponse mêlant l'absurde à un désespoir certain devant le révisionnisme, version flamande (6).

(Graph. JEA/DR).

NOTES :

(1) Jeroom Gustaaf De Clercq (1884-1942). Fondateur, en 1933, de la Ligue Nationale Flamande (Vlaams Nationaal Verbond - VNV). Espérait, grâce à l'occupation, prendre la tête d'une Flandre "indépendante" et nazie.

(2) Open Vld : libéraux flamands.
CD&V : catholiques flamands.
N-VA : nationalistes flamands.
sp.a : socialistes flamands.
PS : socialistes francophones.
MR : libéraux francophones.
cdH : catholiques francophones.
Groen : écologistes flamands.

(3) Désiré-Joseph Mercier (1851-1926). Primat de Belgique et évêque de Malines. Publia sous l'occupation des lettres pastorales prônant une résistance passive de la population.

(4) Biscuit dur à base de miel et de farine, enfourné dans des moules en bois.

(5) Les hasards et les nécessités de la vie professionnelle firent que mes deux premières années d'enseignement se déroulèrent dans les deux établissements officiels de Marchienne-au-Pont (Athénée et Ecole Moyenne pour jeunes filles)..

(6) Sur ce blog, il a toujours été scrupuleusement veillé à ne pas sombrer dans les caniveaux nationalistes. Sur la page 20, par exemple, figuraient autant d'affiches appelant à la collaboration de Wallons que de Flamands.
Mais aujourd'hui hélas, l'évidence s'impose. Un seul parti extrémiste flamand impose sa vision manipulatrice via le Sénat. S'y opposer, n'est pas oublier l'éthique et les devoirs de rigueur mais l'histoire n'est pas une tour d'ivoire et ici, elle court le grand danger d'être prise en otage !  

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