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Aveu : je suis incapable mentalement et physiquement d'enfermer en chambre noire des visages.
Visages de passants même très lents voire s'enlaçant,
d'inconnus habillés d'uniformes monotones,
de religieux mondains et même ultramontains,
de dormeurs du val avec sur leur valise en carton, l'autocollant : "Souvenir de l'eden d'Aden"
d'empailleurs et d'orpailleurs,
de magiciens sortis de leur chapeau par un lapin agile,
de collectionneurs de bras ou, à défaut, de doigts d'honneur,
de forts des foires vainqueurs du concours des plus grands mangeurs de tartes aux poires,
de délateurs se prenant pour des dératisateurs,
de plumitifs nous supposant des lecteurs primitifs,
de vaniteux admirateurs de la statue de leur commandeur armé d'un sécateur,
de fulminants fumeurs de pipe alors que ceci n'en est même pas une,
de gosses en larmes et d'adultes en armes,
de tyranneaux portant un chapeau tyrolien,
de vedettes en paillettes et de leurs claudettes,
de chasseurs fiers de leurs maximes,
de maréchaux ferrant les chevaux de soldats inconnus,
de quarante nains jalousant le quarante-et-unième, seul à pouvoir squatter les jardins de l'Elysée au bras de Brune Neige,
de gens de la lune,
de monstres de piété,
de tripatouilleurs de l'histoire avec leurs trousseaux de clés truquées,
de dompteurs avant le festin des félins
et de docteurs ès bricolages apocalyptiques...
Cette impossibilité de photographier des visages est heureusement compensée par la fréquentation assidue de façades. Elles parlent sans cocorico d'une douce France qui hausse les épaules quand elle entend la voix intérieure d'un ministre discourant comme un lièvre à travers les champs de l'extrême droite.
Une autre France...
Façades : album photos (2)
Ardennes de France, torchis (Ph. JEA/DR).
Ancienne gare de Bosmont-sur-Serre (ph. JEA/DR).
L'école sans élèves de l'Ile Chausey (Ph. JEA/DR).
Place d'Eygalayes. A l'époque de cette photo, le nom de cette place était mis aux enchères à condition que ce nom soit féminin (Ph. JEA/DR).
Sur un quai du port de Fécamp (Ph. JEA/DR).
Beuquette à Flaignes (Ph. JEA/DR).
Havys, à la population disparue (Ph. JEA/DR).
Meillant (Ph. JEA/DR).
Ongles (Ph. JEA/DR).
La dernière boucherie de Plomion (Ph. JEA/DR).
Rue des Esquiche-Mouches à Sault (Ph. JEA/DR).
Simiane-la-Rotonde (Ph. JEA/DR).
Stué (Ph. JEA/DR).
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superbes les façades - quant aux visages, à mon avis, à défaut d'être capable de prendre leur image (je vous comprends), vous les avez joliment et férocement photographiés en mots
RépondreSupprimer@ brigetoun
RépondreSupprimerà la campagne, des façades périssent à leur rythme car leur temps est dépassé tandis qu'en bousculades urbaines, elles sont fracassées pour cause de spéculations hystériques...
Quel texte magnifique ET féroce comme dit Brigetoun, derrières ces façades on devine malgré tout les hommes, les femmes, qui ont vécu là parfois une vie heureuse parfois une vie dure, façades et visages ne font plus qu'un
RépondreSupprimerLes façades sont des visages, à leur façon.
RépondreSupprimerLa fougue de votre inventaire à la Prévert se suspend lorsque s'ouvre l'album où portes et fenêtres parlent votre langue.
Bonne journée, JEA.
@ Dominique
RépondreSupprimerFéroce, à peine, peut-être pour qui se contenterait d'un théâtre de boulevard, avec le vide derrière les décors, et des rôles de pitres supposés faire rire mécaniquement...
@ Tania
RépondreSupprimerQuelle honte, je profite lâchement de votre venue à la sortie des Serres royales de Laeken. Pour me pincer grâce à vous : des policiers et des militaires qui chouchoutent de manière désintéressée les handicapés ?!? Les chansons des fleurs et les harmonies d'autres plantes adoucissent donc les moeurs.
Et vous comme guide, comme hôtesse de ces lieux prestigieux...
Elles ont une sacrée personnalité, toutes ces façades.
RépondreSupprimerElles sont vivantes elles aussi, elles racontent...
Quand je sors de mon île je me déplace toujours en train et je vois défiler ces gares désertes, ces maisons vides, ces commerces jadis animés.
RépondreSupprimerCe midi, grâce à vous, je les revois et me plais à les imaginer, dans un futur proches, entourés d'enfants qui courent et crient. Qui sait?
Belle journée à vous.
@ Pastelle
RépondreSupprimerElles ne peuvent vous répondre et je ne vais pas jouer au porte-paroles abusif mais quelques-unes d'entre elles se sentent parfois un peu seules...
et des regards, des égards comme les vôtres ne peuvent que les encourager à rester des conteuses inimitables
@ Colo
RépondreSupprimerLes architectures des chemins de fer portent leurs parts spécifiques d'évasions rêvées (gares, maisons de garde-barrières, dépôts, cabines d'aiguillages etc).
Et comme vous le soulignez, dans les petits pays où les rails sont rendus aux herbes dites folles, prolifèrent le long des rails les façades qui par belle politesse, tentent de ne pas rendre trop tragiques des abandons répétés...
Superbe série ! Du beau travail !!! Vraiment !
RépondreSupprimerPour les visages, il me semble avoir un peu la même maladie ! C'est grave docteur ?
Je dois écrire "samflame" pour envoyer le comm. Chouette jeu de mot...
Toutes ces façades sont très belles. elles prennent qui un coup de fard sur les murs, qui, un coup de blush sur les volets, qui une farandole d'enseignes. La plus triste à mon goût étant l'école sans élèves car immédiatement mon esprit se met à gamberger dans le passé.
RépondreSupprimerEt toutes ces façades sont des visages aux yeux ouverts sur le monde et aux éléments.
Alors qu'importent les visages humains que vous auriez pu croquer dans leur cadre de vie dépassant le cadre des façades choisies! Ils sont là en filigrane, ils sont là en fantômes bienheureux ou malheureux.
Je ne photographie pas non plus les visages; Bien que quelquefois, il me vienne l'idée de les croquer, par exemple dans le tram. Mais cela reste à l'idée de rêve. idée germée aussitôt oubliée.
Et puis reste votre inventaire facétieux, malicieux, grinçant avec des remarques im-polies parce que trop vraies.Vive Prévert! Qu'il vive encore longtemps avec impertinence par sa plume ou la vôtre!
@ le blög d'Otli
RépondreSupprimerpour les recoins d'Ardennes et d'Aisne, et sans sombrer dans le misérabilisme, force est de déplorer la disparition des écoles, des épiceries, des boulangeries, ne parlons pas de librairies ni même de bistrots avec casse-croûtes, pas de transports en commun...
restent parfois des boulangeries
mais sûrement des pharmacies en veux-tu en voilà et des coiffeurs (masc gram.)
quant aux docteurs, s'il en survit de vieux de la vieille, ils ne se déplacent plus
le pire pour une façade ce sont ses volets clos
RépondreSupprimerLes façades n'invoquent pas le droit à l'image, les visages font parfois face les yeux dans les yeux.
RépondreSupprimerBelle série (mais vous les retouchez parfois, comme un fard pour une femme ?).
@ Maïté/Aliénor
RépondreSupprimerL'école de Chausey est recyclée en gîte dépendant de l'OT de Grandville (attention, il n'y a pas d'eau potable).
Il est vrai qu'une île sans enfants en âge scolaire, tous en internat sur le continent, ça donne un vilain coup de vieux à l'atmosphère générale...
Pour les visages, l'explication est simplissime. J'ai payé en partie mes études en journalisant, y compris des clichés de presse. Et là, trop de visages à la dérive, déchirés et déchirants. Une sursaturation qui persiste.
@ Gérard
RépondreSupprimerPour Choderlos aussi ?
@ Dominique Hasselmann
RépondreSupprimerMais à propos des parties de touche-touche, il vous fut déjà répondu sur la page de l'abbaye de St-Michel-en-Thiérache.
Pour revenir à l'école de Causey, j'y ai forcément ajouté quelques splatchs sur fond sépia...
Finalement, l'appareil s'imagine capturer des images. Je les libère tout en gardant des souvenirs partagés ici.
@ JEA : j'aime revenir sur certains sujets (ce n'est pas une critique, une constatation plutôt car je serais bien incapable d'ajouter quoi que ce soit à une de mes propres photos !).
RépondreSupprimerLes vôtres, ce jour ou d'autres, ont un charme particulier.
Misanthrope ? :) on pourrait presque chanter :
RépondreSupprimerC'est vrai qu'ils sont plaisants tous ces petits villaaaages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plaaaages
Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est être habités
Bien belles photos !!!
@ Dominique Hasselmann
RépondreSupprimerAvis très personnel : vous ne reviendrez jamais assez sur feu la Rue des Rosiers...
@ Miss K
RépondreSupprimerMisanthrope ? C'était l'avis (sans doute mûri) de mon premier prof de Grec...
Quelle belle idée de nous proposer ce thème des façades. Que d'histoire(s) derrière leurs volets clos ! Et votre oeil, auquel rien n'échappe décidément, grand ouvert lui...
RépondreSupprimerLes photos sont très belles.
Des façades comme des barricades pour contrer la désescalade de ce monde en marmelade... Elles s effritent laissant ses lézardes comme de vieilles bavardes. J aimerais changer de chat ..pitre :) Pour ma part je suis en séjour thérapeutIque avec les mômes de l hôpital ou je travaille et je profite d une bonne réception avec mon téléphone pour vous écrire :) a très bientot ... J oubliais elles sont très belles vos photos . Je les contemplerais plus aisément a mon retour sur grand écran ;)
RépondreSupprimer@ Danièle Duteil
RépondreSupprimerUn oeil avec des tétards qui s'y prélassent depuis quelques années déjà. Nous nous sommes habitués les uns aux autres. Mais c'est parfois perturbant...
@ Marie
RépondreSupprimerSi vous trouviez ici des décors vous rendant le quotidien moins pesant...
Et une pensée pour chacun(e) de ces mômes. Avec en cadeau quelques surfaces de couleurs loin des murs parfois trop blancs, trop lisses, trop hauts.
L'important c'est d'ouvrir l'oeil non???? Peu importe qu'il s'agisse de visage ou de façade, c'est un sensiblement la même chose... Un vécu, des imperfections, des rides, etc...
RépondreSupprimerD'ailleurs, les enfants ne dessinent-ils pas, au début, les façades des maisons comme des visages?
@ Le Journal de Chrys
RépondreSupprimerVous avez tout dit... Merci.
vous faites bien de photographier les façades, car vous réalisez là de beaux portraits de vie.
RépondreSupprimerEt comme on dit au Gabon : "On ne joue pas du tam-tam sur la poitrine d'autrui" ;-)
@ Lautreje
RépondreSupprimerSur votre blog, grand merci d'offrir un tour du monde en 80 "comme on dit au..."
oh ! je ne suis pas professeur, ni de grec, ni de rien et c'était juste une plaisanterie... D'ailleurs le misanthrope, je l'aime bien, Alceste, n'a-t-il pas le défaut de ses grandes qualités ?
RépondreSupprimer@ Miss K.
RépondreSupprimermais ce prof, je l'aimais bien, pour toutes ses qualités mais aussi parce qu'il a avait été déporté et mis dans une mine de sel (je regardais souvent ses mains en y pensant)
c'était un de ceux qui personnifiaient l'humanisme, jamais un mot de haine...
Bon sang !
RépondreSupprimerUne autre bombe atomique ?
Et on ne m'aura rien dit ?
Mauvais sang !
;-
Ces façades sont des yeux ouverts sur deux mondes, elles parlent le langage des pierres qui réchauffent les coeurs !
RépondreSupprimer@ Dom A.
RépondreSupprimerEtaient au courant ceux qui faisaient la java et appréciaient Boris...
@ saravati
RépondreSupprimerElles ont leur part de deuils, elles aussi...
les façades c'est comme les gens, il y en a de toutes sortes, celles qui vous attirent au premier regard et puis celles qu'on ignore, celles devant lesquelles on passe sans un regard, c'est triste... toi, tu as su t'arrêter devant les plus inattendues, les plus simples !
RépondreSupprimer@ MARIE
RépondreSupprimeret puis des façades ont aussi des accents régionaux
elles sont parfois comme des personnes âgées qui acceptent de raconter des histoires passées
elles ont des coquetteries inattendues, des dignités, des noblesses aussi même dans l'extrême pauvreté...