MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 30 janvier 2012

P. 113. Fenêtres sur mers

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"Qui a vu Molène connaît sa peine" (Ph. JEA/DR). 

Suite de la p. 36 : 
à la croisée des fenêtres (cliquer : ICI).


La baleine cherche son petit-fils par la fenêtre indifférente (JEA/DR).

Si les fenêtres sont aussi des songes,
celles des bords de mer nous éclairent
sur bien des labyrinthes
elles ne trahissent pas les secrets
des inconnu(e)s mais les fécondent



Entre deux bras de mer (Ph. JEA/DR).


Honfleur : Satie jouant du piano pour l'ombre d'Annie Girardot (Ph. JEA/DR).

Les reflets fragiles des fenêtres
se déchirent si facilement
comme des rêves à l'aube
et comme une minute de silence




Vigie de sémaphore (JEA/DR).

Nous devenons aussi des fenêtres
quand nos ailleurs murmurent
en tournant les pages
des horizons attentifs


Marin-Marie à Chausey (Ph. JEA/DR).


La Marie Joseph à Cayeux-sur-Mer (Ph. JEA/DR).

Il suffit d'une seule fenêtre
pour que la mémoire échange
ses silences inapprivoisés
contre une photo de notre enfance


Jardeheu (Ph. JEA/DR).


"A l'ombre de nous..." (Ph. JEA/DR).

Pierre Barouh :

- "A l'ombre de nous
Restera toujours
Au nom de l'amour
Un goût d'éternité
Au nom de notre amour
Une ombre va rester.

Cette ombre de nous
Combien de soleils
Brûlant notre ciel
Ont du se concerter
Qu'au nom de ces soleils
Une ombre va rester."
 



jeudi 26 janvier 2012

P. 112. L'éternité et un jour pour (re)voir les films de Theo Angelopoulos

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"L'éternité et un jour", 1998 (DR).

Theo Angelopoulos :

- "Peut-être que c’est triste, mais mon ancêtre Aristote disait que la mélancolie est la source de la création."

Nul n'avait filmé comme lui et personne ne pensera même à l'imiter.
Son cinéma était solaire dans la mesure où il cultivait aussi les ombres. 
Il avait beaucoup de courages et c'était bien plus que la rage qui le rendait fertile comme un torrent de pellicules, ce cinéma que des prêtres promettaient aux enfers, que des polices politiques rêvaient de piétiner et pour lequel des juges auraient volontiers inventé la peine de vitriolage...
La Grèce était son studio de tournage et tous les Grecs (masc. gram.) au moins ses figurants si pas ses acteurs. Mais une Grèce redevenant un berceau de la culture et des personnages échappant aux carcans de leur âge et de leur temps. Un univers où la poésie pouvait entrer en politique et la politique ne pas empoisonner la poésie. Des histoires pour adultes pas sages, quand les échecs, les désillusions, les utopies défaites composent un fleuve ne trouvant même pas son océan. Et puis, mais encore, un cinéma de la renaissance des paysages et de la reconnaissance des silences...

Angelopoulos renversé par une moto ! On croirait un remake soft de Z. Mais ce n'était pas et ce ne sera jamais une statue. 

Plus il nous a offert de souvenirs et moins nous risquons d'oublier.
Ces jours prochains, il va pleuvoir des nécrologies noires. Et des filmographies vont être réchauffées dans les micro-ondes des médias.
En hommage, voici à l'affiche du ciné rural de ce blog, quelques séquences des six premiers longs métrages d'Angelopoulos, ceux qui seront sans doute le moins évoqués dans le brouhaha actuel...


Αυτό είναι μόνο μια "αντίο"

1970 : "La reconstitution - Αναπαράσταση".

Synopsis :
- "Avec la complicité de son amant, une femme assassine son mari de retour au foyer après une longue absence. Soupçonnés, les criminels finissent par avouer. Un juge procède à la reconstitution du meurtre. Y assistent des journalistes et Theo Angelopoulos qui prépare un film sur ce sujet. Le film s’inspire d’un fait divers sur lequel Angelopoulos a brodé un canevas de film policier qu’il désamorce aussitôt pour s’intéresser au traitement du fait divers."

Premiere.fr :
- "Salué par la critique internationale, La Reconstitution pose les bases de l'œuvre à venir d'Angelopoulos. A partir d'un fait-divers, l'assassinat d'un émigré grec à son retour d'Allemagne par sa femme et l'amant de cette dernière, le jeune cinéaste se livre à une véritable enquête sociologique, déjà très empreinte de formalisme."

"La reconstitution".

1972 : "Jours de 36 - Μέρες του ’36".

Synopsis :
- "Mai 1936. Alors que la Grèce est bouleversée par de nombreux attentats politiques, un député est retenu en otage par un jeune prisonnier, Sofianos, indicateur de police, accusé du crime d'un syndicaliste."

Art et « poïèsis » :
- "Angelopoulos s’intéresse aux origines de la dictature, au moment du basculement (la séquence où les prisonniers ont un sursaut de liberté, en tapant leur timbale contre les barreaux des fenêtres, semant une totale confusion dans le personnel de la prison obligé de faire appel aux militaires, représente à elle seule, magistralement, ce basculement). Tourné sous le régime des colonels, le film ne fait pas explicitement référence au pouvoir en place, mais c’est l’atmosphère du film, faite d’oppression, de non-dits, de violence sourde, de murmures et de chuchotements, qui évoque sans confusion possible l’étranglement d’un pays par la dictature.
(2 juin 2011).

"Jours de 36".

1975 :  "Le Voyage des comédiens - Ο Θίασος".

Synopsis :
- "Au début du film, à l'automne 1952, neuf hommes et femmes arrivent dans une petite gare du Péloponnèse. Près de quatre heures de projection plus tard, et treize ans plus tôt, les comédiens, plus jeunes et plus nombreux, apparaissent tout aussi fatigués, dans la même gare. Entre ce point d'arrivée et ce point de départ, le film s'articule sur trois plans : la représentation fragmentaire et sans cesse interrompue d'un drame pastoral, la vie d'une troupe de comédiens dont les aventures individuelles et collectives recoupent le mythe des Atrides et enfin l'histoire de la Grèce, de la dictature de Métaxas à l'arrivée au pouvoir du maréchal Papagos, en passant par l'occupation nazie et la guerre."

Larousse :
- "Le Voyage des comédiens est à la fois une des œuvres marquantes du cinéma des années 1970, le film qui a définitivement établi Theo Angelopoulos comme l'un des grands réalisateurs de son temps, et une fresque épique exemplaire, aboutissement des recherches esthétiques jointes à une interrogation politique qui ont caractérisé toute une tendance du cinéma contemporain éprise de modernité.
Angelopoulos n'a pas caché ses admirations de cinéphile – Antonioni, Jancsó, Oshima – et son style – mise en scène frontale, utilisation systématique du plan-séquence, espace off – en témoigne, mais l'œuvre n'en est pas moins unique dans sa volonté totalisante qui mêle le passé et le présent, l'imaginaire et le réel, le fantasme et le politique."

"Le voyage des comédiens". 

1977 : "Les Chasseurs - Οι Κυνηγοί".

Synopsis :
- "Au cours d'une partie de chasse, un couple de grands bourgeois grecs retrouve dans la neige le cadavre d'un maquisard révolutionnaire de la guerre civile. Groupés autour du cadavre, les chasseurs et leurs femmes se remémorent peu à peu les évènements politiques de ces trente dernières années."

Jacques Mandelbaum :
- "Tout l'arsenal poétique d'Angelopoulous se précise ici. Le refus de l'héroïsation, la parcimonie du dialogue, le goût de l'épure et de la distanciation, de l'ellipse et de l'allégorie. S'il fallait retenir un mot-clé, ce serait celui de voyage."
(Le Monde, 26 janvier 2012).

"Les chasseurs".

1980 : "Alexandre le Grand - Ο Μεγαλέξανδρος".

Synopsis :
- "Au début du XXème siècle, en Grèce. Un bandit de grands chemins, Alexandre, devient le héros du peuple pour avoir su répondre à ses besoins de justice et de vérité. Mais il se prend au sérieux, recherche la déification, et trouve les bons moyens pour y parvenir. Il abandonne ainsi ses projets initiaux et devient un tyran. Contesté, puis répudié, le despote est éliminé par le peuple."

Cinémathèque française :
- "Alexandre le Grand (1981) est une réflexion sur l'idéologie, s'appuyant sur le portrait d'un brigand grec dont le destin de héros populaire puis de tyran n'est pas sans rappeler celui de Staline."
(Fiche personnalité).

Parole citoyenne :
- «On est arrivé à la fin du siècle avec un goût amer», regrette le cinéaste. «Un siècle qui a pourtant commencé avec quelques promesses». En 1980, Angelopoulos tourne Alexandre le Grand, réflexion sur le pouvoir à travers le destin d'un libérateur devenu tyran."

"Alexandre le Grand". 

1984 : "Voyage à Cythère - Ταξίδι στα Κύθηρα".

Synopsis :
- "Après trente-deux ans d'exil en URSS, un émigré communiste rentre au pays et découvre une Grèce différente. Spyros retrouve son village, sa femme, sa maison et ses anciens amis, mais le temps a passé et a balayé les idées. Étranger dans son propre pays, il sera refoulé sur un radeau dans les eaux internationales."

Sylvie Rollet :
- "A l'instar des grandes œuvres poétiques ou romanesques de ce siècle qui mêlent prose et poésie, réflexion historique et remémoration, c'est une véritable poétique de la mémoire qu'élabore, de film en film, le cinéaste grec. Voyage à Cythère (1984), film charnière dans l'œuvre du cinéaste, oppose ainsi à l'amnésie collective de la Grèce moderne un récit dont la construction élabore une " histoire des vaincus de l'Histoire ". S'y révèle la dynamique propre au cinéma d'Angelopoulos qui allie tradition populaire et tradition savante, en agglomérant tous les matériaux de l'hellénisme, de l'épopée homérique à la poésie de Seféris ou de Baudelaire, des mythes antiques aux chansons démotiques et au rébétiko."
(La poétique de la mémoire d’Angelopoulos, L’Harmattan, 2003, 373 p.)

"Voyage à Cythère".

Deux pages du blog Mo(t)saïques proposaient ces films de Theo Angelopoulos :

- P. 40, "Le pas suspendu de la cigogne", cliquer : ICI.

- P. 83. "L'apiculteur", cliquer : ICI.

Pour se rendre en Avignon sur le blog de brigetoun rendant un bel hommage au cinéaste, cliquer : ICI.

Et lire l'In memoriam choisi par l'Astragale de Cassiopée, cliquer : ICI.


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lundi 23 janvier 2012

P. 111. Quand je suis une taupe ...

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La lune dans un cendrier (Ph. JEA/DR).

Quand je suis une taupe
dans une galerie inhospitalière
la lune de midi se métisse
et pèse le pourquoi
à contrecœur

une rivière avait souhaité
des implants mammaires
mais se retrouve envahie
par des crabes cascadeurs
la confondant avec une caserne

la solitude est une multitude
et la mémoire une périssoire

pourquoi demander à un arbre
de fermer les yeux
et surtout de se taire
quand il est converti de force
en papier pamphlet signé Céline ?

les morts sans illusions
collectionnent-ils les nôtres ?

Chevauchée fanatique (JEA/DR).

avant de monter sur
leurs grands chevaux 
invariablement castrés
ces valkyries révisent
l'histoire de l'inquisition

le langage de ces belliqueuses
en délire nourrit 
leurs orages et leurs d’outrages
comme dans un théâtre
d'ombres et de tombes

ne pas jeter sa détresse
avec l'eau de leur petitesse
les pleurs s'annulent comme
des châteaux de sable
loin des lèvres de la mer 

Oiseau médusé (Ph. JEA/DR).

médusés par le naufrage
de leurs paroles en l'air
des oiseaux originaux
ne mettent plus longtemps
à s'éparpiller en diaspora...

un nuage violoncelliste
et visionnaire découpe
le paysage en cachettes
secrètes pour les chagrins
sans fin ni freins

le soleil bohème s'est
coupé en rasant les murs


Le soleil s'est coupé (Ph. JEA/DR).

D'autres poèmes épars dans ce blog ? Cliquer : ICI.

jeudi 19 janvier 2012

P. 110. "El Gusto : l'histoire les a séparés..."

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Site du film, cliquer : ICI (DR).


Synopsis :

- "La bonne humeur - el gusto - caractérise la musique populaire inventée au milieu des années 1920 au cœur de la Casbah d'Alger par le grand musicien de l'époque, El Anka. Elle rythme l'enfance de ses jeunes élèves du Conservatoire, arabes ou juifs. L'amitié et leur amour commun pour cette musique qui "fait oublier la misère, la faim, la soif" les rassemblent pendant des années au sein du même orchestre jusqu'à la guerre et ses bouleversements.
El Gusto, Buena Vista Social Club algérien, raconte avec émotion et... bonne humeur comment la musique a réuni ceux que l'Histoire a séparés il y a 50 ans."

Marion Coquet :

"Écrivez-le bien, écrivez-le : Safinez a été un don du ciel. Elle nous a fait revivre, elle est partout à la fois, c'est une espèce de papillon." On l'écrira, donc. Et on constatera, à suivre quelques heures d'une ultime répétition fébrile, que l'image va diantrement bien à la jeune femme : Safinez Bousbia, 30 ans, principal auteur du miracle El Gusto."
(Le Point, 10 janvier 2012).

Thomas Sotinel :

- "La documentariste irlandaise d'origine algérienne, Safinez Bousbia, n'est pas pour rien dans l'existence d'El Gusto. Cet orchestre de musique arabo-judéo-andalouse, qui réunit des musiciens d'Alger et d'autres issus de la diaspora "pied noir", est né de la rencontre entre la réalisatrice et un commerçant de la casbah d'Alger, Mohamed El Ferkioui. En conversant avec lui, Safinez Bousbia a découvert qu'il était musicien, accordéoniste, et qu'il avait fait partie, il y a un demi-siècle de cela, de l'élite de la musique chaabi, genre populaire à Alger, aussi bien chez les musulmans que chez les juifs.
Mettant ses pas dans ceux de Wim Wenders (qui partit à la recherche des vieilles gloires de la musique cubaine pour son Buena Vista Social Club), Safinez Bousbia a retrouvé les survivants de cet âge d'or du chaabi, a recueilli leur parole et les a poussés à reprendre du service."
(Le Monde, 10 janvier 2012).

Tournage dans la Casbah d'Alger (DR). 

Florence Raillard :

- "Buena Vista Social Club" n’en finit plus de faire des petits. Dans "El Gusto", les papys joueurs sont les anciens élèves d’El Anka, le fondateur du chaâbi, musique populaire des bars et des bordels de la casbah d’Alger. Pour son premier film, Safinez Bousbia a voulu réunir, cinquante ans plus tard, les vieux musiciens arabes et leurs amis juifs pied noirs chassés par la guerre. Pas mal de bons sentiments, pas trop de questions qui fâchent mais des travellings superbes sur Alger et de beaux moments musicaux."
(NouvelObs).

Olivier Nuc :

- "Tout a commencé par la promesse d'une jeune femme de 23 ans à un vieux miroitier de la casbah d'Alger. «Je vais t'aider à retrouver tes vieux amis.» C'était en 2003. Émue par les souvenirs de l'homme, Safinez Bousbia se lançait sans vraiment le savoir dans une aventure qui allait changer le cours de sa vie. Huit ans plus tard, l'étudiante en architecture s'est transformée en chef d'une troupe de 30 musiciens. «Ce qui m'a poussé, c'est le côté humain (…). El Gusto, ce nom exprime la passion de ces hommes, leur sourire, leur joie de vivre». Après avoir déplacé des montagnes, et bravé de multiples obstacles, elle s'est lancée dans la réalisation d'un délicieux film qui narre l'histoire des interprètes historiques du chaâbi, la musique populaire d'Alger. Séparés par la guerre d'indépendance il y a cinquante ans, ces hommes d'âge mûr vivent aujourd'hui une seconde jeunesse grâce à l'énergie peu commune de cette femme qui est allée jusqu'à vendre sa maison afin que le projet aboutisse."
(Le Figaro, 9 janvier 2012).

Anne Berthod :

- "Le chaâbi, mélange d'influences andalouses, berbères et religieuses, se pratiquait alors dans les cafés, les mariages, les salons de coiffure ou encore les “machachas”, ces fumoirs privés de l'underground algérois. C'était une musique d'amateurs autodidactes, qui chantaient le quotidien, la misère et la romance, le printemps et la ferveur, en berbère, en arabe ou en français. 
“Toutes les communautés s'entendaient : la culture du chaâbi, c'était aussi un mode de vie basé sur le partage, le civisme et la courtoisie, explique Mustapha. On prenait un daf, des percussions bricolées et on tapait le boeuf, juste pour le plaisir d'être ensemble.” 
Comme tous les musiciens d'El Gusto, il a côtoyé le cheikh El Anka, ce musicien de légende originaire de Kabylie. Mustapha était son chauffeur, mais il lui arrivait aussi de taquiner le banjo en sa compagnie pour animer une fête. Le reste du temps, tous l'écoutaient avec respect. “Quand El Anka prenait son luth, on s'asseyait autour de lui et on jouait avec nos oreilles”, se souvient le jovial Abdel Madjid Meskoud, joueur de mandole : un instrument hybride, croisement de guitare et de luth, créé par El Anka, justement. Multi-instrumentiste virtuose, ce dernier fit du chaâbi un genre à part entière : il le modernisa et le structura en le faisant entrer, en 1957, au Conservatoire, jusque-là dédié aux courants classique et andalou."
(Télérama, 7 janvier 2012).

La musique tente d'adoucir aussi les séparations (DR).

Libération :

- «Musulmans et juifs jouaient ensemble, se rappelle l’accordéoniste. On était voisins, ils habitaient avec nous.» La guerre va interrompre brutalement cette convivialité. A partir de 1961, plus de 100 000 juifs d’Algérie prennent le chemin de l’exil. «On n’a jamais pensé qu’ils partiraient. S’il n’y avait pas eu l’OAS, ils seraient restés. Ils n’avaient rien fait», conclut Ferkioui. Aujourd’hui, il veut croire à une renaissance du chaabi après les années sombres de «cette merde de terrorisme». Lui a perdu un fils, policier, dans un attentat en 1994. Il salue le travail de Safinez Bousbia («Je la considère comme ma fille») mais aussi celui du gouvernement. «Grâce à Bouteflika et Khalida Toumi [ministre de la Culture, ndlr], il y a des fêtes un peu partout. La relève va arriver. Les artistes ont recommencé à travailler.» Et son avenir à lui ? «Je sais que je mourrai un jour, mais avant, je veux apporter du plaisir. C’est mon gusto», lance le vieil artisan en éclatant de rire.
(9 janvier 2012).

François-Xavier Gomez :

- "El Gusto est également un documentaire qui adopte la structure du conte. Dans une échoppe de la Casbah d’Alger, une jeune femme rencontre un vieux miroitier qui lui raconte sa vie de musicien. Le pouvoir des mots fait ressurgir un passé oublié, que la réalisatrice va découvrir au fil d’un enchaînement de rencontres. Comme Alice, elle traverse le miroir pour entrer dans un univers inconnu, chaque personnage lui livrant un fragment de l’histoire. Une histoire que l’Algérie indépendante a niée et enfouie sous terre, mais que les témoins font ressurgir : dans ce dédale de ruelles, il a existé une société où musulmans et juifs vivaient en harmonie, au point qu’une musique est née de leur rencontre, le chaabi.
Comme dans tout conte, les héros poursuivent un but, vers lequel convergent tous leurs efforts : ici, un concert qui réunirait, après un demi-siècle de séparation, les musiciens jadis complices. Le déchirement de l’exil, le sentiment du paradis perdu, la nostalgie d’un âge d’or sont autant de motifs universels sur lesquels brode El Gusto. La chaleur, l’émotion et l’humour président à cette galerie de personnages dont l’importance dans l’histoire culturelle (et affective) du pays est passée sous silence. Leur chaabi est aussi délaissé par les autorités que cette Casbah sale et en ruines, magnifiquement filmée par Safinez Bousbia, architecte de formation. Dans ce labyrinthe, qui est aussi celui de la mémoire, ses guides lui montrent ce qu’il reste de la maison d’enfance, le café des sports aujourd’hui muré, ou la synagogue qui n’en est plus une."
(Repris dans Le Matin DZ, 9 janvier 2012).




Pour d'autres films à l'affiche du ciné rural de ce blog, cliquer : ICI.

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lundi 16 janvier 2012

P. 109. Le 16 janvier 1738 : première du "Saül" de Haendel

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Quatre versions de l'oratorio (Mont. JEA/DR).

Médiathèque de Belgique :

- "1738 marque un tournant dans la production de Handel. Suite à des ennuis de santé suivis de problèmes financiers, il délaisse un peu l'opéra au profit de l'oratorio. Israël en Egypte, Saül connaissent d'emblée le succès, succès qui allait accompagner les autres créations de Handel jusqu'à la fin de sa vie : Le Messie, Judas Macchabeus, Jephta, Solomon ramenaient le public en pays de connaissance, ce qui explique leur succès. Il fallut néanmoins près de dix ans entre la création de la version définitive de Esther et celle du Messie à Dublin en 1742 pour que Handel, abandonnant l'opéra, impose l'oratorio au public britannique. La suite de sa production fit du compositeur un héros national.
C'est bien dans l'oratorio que Handel dessine un style plus purement insulaire grâce à la puissance de ses chœurs qui font souvent appel à une écriture fuguée. La grandeur est aussi recherchée par l'effectif orchestral, notamment par l'usage des cuivres et des percussions."

Camille de Joyeuse :

- "Alors qu'en France, Rameau fait depuis 1733 (Hippolyte et Aricie) trembler le temple lyrique royal, et ainsi, assure le renouvellement du genre (quoiqu'en dise son critique zélé et farouche, Rousseau), Haendel à Londres doit réformer son écriture vocale et théâtrale car l'opéra italien, avec ses tunnels de récitatifs et d'arias da capo, ne fait plus recette. L'oratorio Saul marque un tournant dans l'écriture de Haendel...
(…)
Le compositeur favorise dans l'oratorio, une forme dramatique continuellement expressive où les airs ne sont plus écrits de façon mécanique, en récitatifs et en arias, mais suivant les étapes de l'action et la métamorphose des caractères, en autant d'épisodes variés et nouveaux qui apportent de fait un souffle nouveau: sur un trentaine d'airs, Saul ne comporte que 4 arias da capo : Haendel a bien compris les dernières évolutions du goût à son époque."
(Classiquenews, 23 janvier 2010).

Saül :

- "Saul par Haendel (1685 - 1759, anglais/allemand) est créé en 1739 à Londres. Le livret écrit par Charles Jennens est centré sur la chute de Saul et de son fils Jonathan. L'oratorio commence directement sur la victoire de David contre Goliath et suit les chemins tortueux de l'esprit de Saul. Le roi, après avoir récompensé David en lui promettant d'abord Mérab, sa fille aînée qui méprise David, puis Mikal qui partage l'amitié de David, devient jaloux de la popularité de David et cherche à le tuer. Très peu d'actions dans cet oratorio qui fait mourir Saul juste après sa visite chez la sorcière d'Endor. L'oeuvre est remarquable par l'ajout de Merab, les airs d'amitié de Jonathan, le duo d'amour avec Mikal, les crises d'apoplexie de Saul et enfin le bijou : la marche funèbre et l'élégie de David."
(France gaie et lesbienne).

Haendel et la partition de son Saül (Mont. JEA/DR).

SAUL
Oratorio en trois actes HWV 53
création au King's Theatre de Londres, 
le 16 janvier 1738 

Pierre Degot :

- "Une célébration inconditionnelle de la musique."
(harmonia mundi, 2005). 

Synopsis :

- David revient de son combat contre Goliath. Il est accueilli par Saül, roi d'Israël, accompagné de son fils Jonathan, de ses deux filles, Michal et Mérab, et d'Abner, chef de ses armées. Saül demande en vain d'épouser Mérab alors que Michal est amoureuse de lui.
Que veut le peuple ? Célébrer David ! Ce que n'apprécie guère Saül. 
Le roi envoie David combattre les Philistins, non sans lui avoir promis la main de Michal.
Redoutable David qui revient à nouveau en vainqueur ce que ne supporte pas Saül. D'autant que Jonathan prend le parti du héros et non de son père.
Le vent va tourner. Israël ne va pas résister aux nouveaux assauts des Philistins. Saül et Jonathan vont périr par les armes.
Reste à pleurer les morts. Le peuple sacre David comme nouveau roi d'Israël. 
(Veuillez excuser les maladresses dans la rédaction de ce synopsis, elles sont dues à un manque d'expérience en la matière).

Symphonie d'ouverture.

Version du Concerto Köln et du Rias-Kammerchor
sous la direction de René Jacob
harmonia mundi, 901877 DDD, 2005
(Une publicité se trouve imposée par YT mais peut être expulsée).

Acte I, scène 5, 32, Aria David : "O Lord, whose mercies numberless..."

The King's Consort
direction Robert King
James Bowman, contre ténor

- "O Seigneur, dont les bontés innombrables
Prévalent sur toutes les autres oeuvres,
Même quand l'homme transgresse ta loi,
Ta patience n'est jamais en défaut..."

Acte II, scène 2, 46, Aria David : "Such haughty beauties rather more"

Gabrieli Consort and Players
sous la direction de Paul McCressh
Andreas Scholl

"De telles beautés altières suscitent plus
L'aversion que l'amour..."

Acte III, scène IV, 77 : Marche funèbre

The English Concert
Direction Howard Arman

Cette page est plus qu'imparfaite du fait du choix très limité des extraits figurant sur YT, votre indulgence est ainsi mise à rude épreuve...
Cette évocation de la première de Saül est dédiée à Michel S. pour son retour de clinique.

Pour écouter d'autres enregistrements sur le phono de ce blog, cliquer : ICI.

Pour batifoler dans les calendriers de ce blog, cliquer : ICI.


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jeudi 12 janvier 2012

P. 108. Le 13 janvier 1898 : Zola accuse !!!

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(Graph. JEA/DR).

Décembre 1884.
M. le capitaine Dreyfus est :
- "...accusé d'avoir pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec un ou plusieurs agents des puissances étrangères, dans le but de leur procurer les moyens de commettre des hostilités ou d'entreprendre une guerre contre la France en leur livrant des documents secrets."
Le capitaine Dreyfus est condamné au bagne à perpétuité, il purgera sa peine sur l'Ile du Diable.
Mais voilà, il est totalement innocent. Le nom du vrai coupable : le colonel Esterhazzy. Cependant Dreyfus, lui, présente des origines juives. L'armée encore porteuse des stigmates de 1870, revancharde, ne peut ni ne veut livrer à l'opinion publique un traître qui soit un bon et vieux Français, haut en grade de par surcroît. De plus, ce scandale succède à d'autres, affairistes eux, comme l'affaire Staviski.
Il fallait une cible directement identifiable, qui soit l'arbre empêchant de voir la forêt d'une partie de l'armée magouillant autant que certains politiciens pouvaient le faire et ce, au nom de "la France éternelle".

13 janvier 1898.
Zola publie dans l'Aurore une Lettre au président de la République. Pour en lire l'intégralité, cliquer : ICI.
Zola n'en peut plus de savoir un innocent condamné à une mort lente et ignominieuse. La Justice ne veut pas passer ? Elle reste complice d'un complot antisémite ? L'écrivain ne se veut pas historien. Mais démonte pièce par pièce la machination ayant transformé Dreyfus en bouc émissaire. Il précise les noms et les responsabilités de ceux qui tirent les ficelles dans l'ombre. Il casse définitivement la loi de certains silences criminels.

Henri Mitterrand :
- "La lecture de «J’Accuse…!» montre que sur l’essentiel, sur les facteurs généraux de l’Affaire, l’antisémitisme, le militarisme, le cléricalisme, la médiocrité, la lâcheté, l’arrivisme des politiques et des militaires, la raison d’Etat, le rôle de la presse de calomnie, la bêtise des foules, Zola a tout compris et tout synthétisé. Plus encore : sur la stratégie de la riposte, il déploie un véritable génie.
Au soir du 11 janvier, la défense de Dreyfus paraissait bloquée, sans issue légale. Dreyfus, l’innocent, ne pouvait plus être libéré par la condamnation du vrai coupable, que son acquittement protégeait à jamais (…). Que faire désormais ? Le coup d’audace de Zola va consister à arracher l’Affaire, sans délai, au dédale de la justice militaire, des combinaisons parlementaires et des interventions obliques, respectueuses des procédures, pour la porter sur la place publique, dans la lumière et le feu du scandale."
(Zola, Tome III, L’honneur, 1893-1902, Fayard, 2002, 860 p., pp 381-382).


A peine la Lettre de Zola est-elle publiée que des émeutes lui répondent dans plus de 20 villes dont Paris, Marseille, Lyon, Nancy, Bordeaux, Nantes, Perpignan, Angers, Rouen, Dijon, Châlons-sur-Saône, Reims... Les manifestants défilent avec des slogans tels que : "Conspuez Zola" ou "Mort aux Juifs" !

18 juillet 1898.
Zola a été poursuivi en justice pour... 18 lignes de son "J'Accuse..." Il est condamné à la peine maximum : un an de prison. Il part à Londres pour un exil qui durera onze mois.

1899.
Un nouveau Conseil de guerre réexamine enfin l'affaire Dreyfus. Ce dernier se retrouve à nouveau condamné mais à 10 ans de travaux forcés. Une grâce présidentielle lui est accordée.

1906.
La Cour de cassation réhabilite Dreyfus.

Manuscrit de la Lettre de Zola :
- "... la vérité est en marche, rien ne l'arrêtera."
(Graph. JEA/DR).

Pour saluer à ma manière l'anniversaire du 13 janvier 1898, j'ai tenté de rassembler quelques réponses se voulant des gifles à Dreyfus ainsi qu'à Zola. Les mots appartiennent aux dictionnaires de la haine, de l'extrémisme de droite, de l'antisémitisme. Le régime de Vichy et la collaboration représenteront un de leurs aboutissements. 
Ces extraits n'ont pas la prétention de dresser un tableau exhaustif. Mais ils sont autant de révélateurs. Aujourd'hui encore.

La Libre Parole :

- "Le honteux, le misérable officier qui a vendu les secrets de la défense de notre pays et qui a ainsi commis la trahison est le capitaine Dreyfus".
(1 novembre 1884).

La Croix, "le journal le plus antijuif de France" :

- "Les juifs ont pullulé dans l’Université, dans l’administration, dans la magistrature, dans l’armée elle-même, jurant que le Christ ne compte plus pour la société moderne, et que la race déicide va conquérir le monde."
(3 novembre 1894).

Edouard Drumont :

- "Judas Dreyfus ! ! !"
(La Libre Parole, 10 novembre 1894).

Claude Lourmont :


- "Depuis huit années sans trêve, sans repos, Drumont montre à la France entière le caractère juif, le danger juif, les exemples se succédant de jour en jour. Rien n’y fait. […]. C’est au français, aux électeurs seuls, qu’appartient le remède vraiment curatif; nous voulons encore espérer qu’ils réfléchiront et délivreront la France de la plaie juive en laissant sur le carreau les protecteurs invétérés de la race."
(La Libre Parole, La France aux Français, 10 novembre 1894).


Caricature en première page du Grelot, le 11 novembre 1894.
Guesde et Jaurès portent une bannière maçonnique. Dreyfus s'exclame : "Moi aussi, je fais ma bedide gommerce internationaliste, et pis après ?"
Un fantasmatique complot judéo-maçonnique qui aura toujours de beaux jours sous Vichy... Quant à prêter un accent supposé allemand à un(e) adversaire, c'est encore d'actualité en France.
(Doc. JEA/DR). 

Le Grelot :

- "Le traître Dreyfus était un homme d’affaire protégé par la haute juiverie, dont Reinach et Rothschild sont les souverains pontifes."
(11 novembre 1894).

Emile Pouget :

- "Un youtre alsacien, Dreyfus, grosse légume au ministère de la Guerre, a bazardé un tas de secrets militaires en Allemagne. Ohé, bourgeois, ne vous épatez donc pas; les militaires ont ça dans le sang."
(Le Père peinard, novembre 1894).

Léon Daudet :

- "Il n’a plus d’âge. Il n’a plus de nom. Il n’a plus de teint. Il est couleur traître. Sa face est terreuse, aplatie et basse, sans apparence de remords, étrangère à coup sûr, épave de ghetto (…). Le misérable n’est pas français. Nous l’avions tous compris part son acte, par son allure, par son visage. Il a comploté notre désastre, mais son crime nous a exaltés."
(Le Figaro, 6 janvier 1895).

1895. Chanson antidreyfusarde de Lelièvre et Spencer (Doc. JEA/DR). 

Charles Maurras :

- "Le parti de Dreyfus mériterait qu'on le fusillât tout entier… cette affaire était et est vitale pour nous. À bas les Juifs ! À bas les Juifs !"
(Lettre à Barrès, 2 décembre 1897).

Léon Daudet :

- "Derrière le cercueil de mon père, portant un des cordons du poêle, il [Zola] se contenait : mais les « A bas Zola », qui partaient de la foule parisienne (…) le rendaient pâle et titubant. Il m’apparaît, au souvenir, ruisselant de fiel, et assouvissant dans son œuvre, la rage de dégradation qui le tenait contre l’ensemble du genre humain."
(Funérailles d’Alphonse Daudet, 20 décembre 1897).

Jean Baffier :

- "La lutte doit être aujourd'hui et sera demain, en France, entre deux idées dominantes tenant de deux traditions. D'un côté, les cosmopolites dits humanitaires-libertaires, procédant de races juives ainsi que des sémites nomades du bassin de la Méditerranée, avec leur idéologie ténébreuse et anarchique, leur matérialisme outrancier ; leur rapacité mercantile et leur instinct de turpitude. De l'autre, les hommes du pays, relevant des traditions celtiques, avec leur religion basée sur l'administration et l'étude de la Nature ; leur science sociale établie sur l'équité et la Justice, l'esprit familial, le respect de l'Ïuvre ancestrale, le culte des héros, le sentiment de l'honneur, l'entente de la probité et de la dignité du travail."
(Les marges d’un carnet d’ouvrier, 1898).

Jean-François Latrique :

- "Un jour un youpin
Rencontra Zola-Pot-Bouille
Et lui dit : Malin
Viens nous donner un coup d’main
Nous payerons pour ça
Pas besoin d’avoir la trouille
A ce discours-là
Sourit la gueule à Zola

Zola répondit :
Du coup « J’en fais mon affaire »
Mais mon vieux Youdi
Faut payer avant midi
Le Youtre paya
Emile empocha l’salaire
On vit. Oh ! la ! la !
Rire la gueule à Zola"
(Chanson éditée par Léon Hayard, 18 janvier 1898).

Edouard Drumont :

- "Ecoutez le cri qui s’élève de tous les coins de France : « A bas les Juifs ! » C’est le cri du passé sans doute, mais c’est aussi le cri de l’avenir…"
(La Libre Parole, 22 janvier 1898).

Maurice Barrès :

- "Zola ? Profondément, par ses racines, il n’est pas un Français."
(Le Journal, 1 février 1898).

La Croix :

- "L’armée, en se défendant des soufflets les plus retentissants, entame ce soir le procès contre les ennemis communs du Christ et de l’Eglise. C’est donc la libre pensée, avocate des juifs, des protestants et de tous les ennemis de la France, qui est sur la sellette de Zola."
(8 février 1898).

Ernest Judet :

- "Il était inévitable que Zola ait discerné d’emblée, dans cette armée qu’il déteste, Dreyfus comme officier modèle ; il devait aller spontanément, sans efforts, à la trahison, comme les bêtes stercoraires vont au fumier et se délectent dans la pourriture. Le capitaine aux gages de la Triple Alliance représente bien le type idéal qu’il nous souhaite pour chef et dont il essaie (…) de nous infliger la satanique réhabilitation ; c’est dans cet égout qu’il lui plaît de plonger la splendeur du drapeau tricolore."
(Le Petit Journal, 23 mai 1898).

Maurice Barrès :

- "La mise en liberté du traître Dreyfus serait après tout un fait minime, mais si Dreyfus est plus qu'un traître, s'il est un symbole, c'est une autre affaire : c'est l'affaire Dreyfus ! Halte-là ! Le triomphe du camp qui soutient Dreyfus-symbole installerait décidément au pouvoir les hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre. Et moi je veux conserver la France."
(Le Journal, 4 octobre 1898).

André du Quesnay de Boisandré :

- "A l’heure actuelle, on peut dire qu’il y n’y a plus dans notre pays que deux partis en présence : d’un côté, les Juifs et les agents de l’Etranger ; de l’autre, la France."
(Petit catéchisme antijuif, 1899).

A g. : caricature de Dreyfus par Victor Lenepveu pour son Musée des Horreurs (1900).
A dr. : caricature du juif par l'Institut des Questions juives, l'antisémitisme officiel sous Vichy.
(Mont. JEA/DR). 

Charles Maurras :

- "Il faut admettre à la base du dreyfusianisme les moyens financiers de la Jérusalem terrestre ; mais la Jérusalem céleste, le chœur de ces idées juives vulgarisées de 1517 à 1789, à 1848, à 1898, explique et peut seule expliquer un succès si profond et si général de l'or juif (…).
On n'a pas voulu voir les causes, les vraies causes du dreyfusianisme. On n'a pas voulu voir qu'avant même qu'Alfred Dreyfus ne fût au monde, la France était bien infectée du virus dreyfusien. On n'a pas voulu voir que le grand secret de notre faiblesse, pendant les trois années tragiques de l'Affaire, tenait à ce que le parti national était dénué d'idées directrices qui fussent propres à balancer la doctrine des dreyfusiens. Le parti national subissait à son insu la loi d'un anarchisme fortement systématisé."
(In Madame Paule Minck, 1 mai 1901).

Maurice Barrès :

- "Dreyfus n'appartient pas à la nation... Dreyfus est un déraciné qui se sent mal à l'aise dans notre vieux jardin français (...).
Judas ! Traître ! Ce fut une tempête. Fatale puissance qu’il porte en lui, ou puissance des idées associées à son nom, le malheureux détermine chez tous des charges d’antipathie. Sa figure de trace étrangère, sa raideur impassible, toute son atmosphère révoltent (…). Il n’est pas de ma race (…). Garde à vous, patriotes ! Quand donc les Français sauront-ils reconquérir la France ?"
(Scènes et doctrines du nationalisme, Félix Juven, 1902).

1906 : Alfred Dreyfus est réhabilité (Doc. JEA/DR).

L’Action française :

- "La République est le gouvernement des Juifs, des Juifs traîtres comme Dreyfus, des Juifs voleurs, des Juifs corrupteurs du peuple et persécuteurs de la religion catholique. (...)
La République est le gouvernement des francs-maçons qui n'ont qu'une haine, l'Eglise, qu'un amour : les sinécures et le Trésor public ; fabricants de guerre civile, de guerre religieuse, de guerre sociale, ils nous mènent à une banqueroute matérielle et morale, celle qui ruinera le rentier et l'ouvrier, le commerçant et le paysan.
La République est le gouvernement de ces étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques qui, ces jours-ci, souilleront du cadavre de leur Zola le Panthéon désaffecté ; ils accaparent le sol de la France ; ils disputent aux travailleurs de sang français leur juste salaire."
(Affiche, 1908).

L’Action française :

- "Quelque jour, après lecture d'un arrêt de justice, - arrêt définitif sans merci celui-là ! - douze balles lui apprendront enfin l'art de ne plus trahir et de ne plus troubler ce pays qui l'hospitalise."
(29 janvier 1912).

Abel Bonnard, "de l’Académie française" :

- "Les juifs : pour eux, la politique, c’est la discorde à domicile. Benda dit qu’il voudrait une affaire Dreyfus éternisée : c’est là un témoignage sans prix du fait que les juifs ont besoin de la guerre civile. Ce sont les juifs qui introduisirent dans le corps de la France, dans la tour France, une âme étrangère, par le moyen de l’idéologie révolutionnaire, c’est-à-dire par la faute des Français."
(Berlin, Hitler et moi, 1937).

Céline :

- "Le capitaine Dreyfus est bien plus grand que le capitaine Bonaparte. Il a conquis la France et l’a gardée."
(Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p. 199).

Lucien Rebatet :

- "Dans le déluge de sottises de l’Affaire, Maurras écarte les mensonges, les sophismes, les jérémiades, les avocassiers, rappelle les Français au seul sentiment qui devrait les étreindre. Dreyfus victime ? Dreyfus la honte ? Non ! Dreyfus la calamité ! Pour tous les maux qui ont fondu sur notre pays en son nom."
(Je suis partout, N° spécial, février 1939).

A g. : La Libre Parole, en pleine Affaire Dreyfus (1893).
A dr. : l'affiche de l'exposition "Le juif et la France" au Palais Berlitz de Paris (5 septembre 1941-15 janvier 1942).
(Mont. JEA/DR).

Armand de Puységur :

- "Dans le dreyfusisme, nous sommes en présence non pas de deux juifs, ni de dix, ni de vingt, mais bien devant la mobilisation mondiale de la juiverie.
(Qu’était le juif avant la guerre ? Tout ! Que doit-il être ? Rien !, Baudinière, 1942, p. 51).

Lucien Rebatet :

- "L’affaire Dreyfus – à l’origine, ne l’oublions jamais, dix youtres qui jouent vingt mille officiers français !"
(Je suis partout, 28 avril 1944).

Charles Maurras :

- "C’est la revanche de Dreyfus."
(Devant la cour de Lyon venant de le condamner à la réclusion perpétuelle, 27 janvier 1945).



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lundi 9 janvier 2012

P. 107. Auschwitz, notre infini désespoir...

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Auschwitz (Graph. JEA/DR).


Françoise Delbo (déportée) :

- "On sait que ce point sur la carte
c’est Auschwitz
On sait cela
Et pour le reste, on croit savoir."

Alain Fleisher :

- "Trop souvent l'Europe considère que la Shoah est la tragédie des seuls juifs, sans réaliser qu'elle est aussi le drame de son propre effondrement, car l'Europe qui se reconstruit peu à peu, restera longtemps encore, quels que soient les régimes politiques et la prospérité, un baraquement de chantier en préfabriqué, parmi les ruines de ce qui fut l'architecture même de l'esprit."

- "Nous faisons partie de ceux qui ont continué d'exister après la destruction. De ce monde irrémédiablement perdu, chacun de nous garde des souvenirs, et chacun de nous est là avec autour de soi un monde qui s'est absenté. De ce monde devenu invisible, nous sommes les derniers dépositaires, les derniers héritiers." 

Paul Celan :

- "Les millions de morts d'Auschwitz ont une tombe au creux des nuages." 

Primo Levi :

- "Visiteur, observe les vestiges de ce camp et médite : de quelque pays que tu viennes, tu n'es pas un étranger. Fais que ton voyage ne soit pas inutile, que notre mort n'ait pas été inutile. Pour toi et pour tes enfants, que les cendres d'Auschwitz soient un avertissement : fais que l'horrible fruit de la haine, dont tu vois ici les traces, ne donne pas de nouvelles graines, ni demain, ni jamais."
(Pierre du souvenir sur le site du Judenlager des Mazures, seul camp pour juifs de Champagne-Ardenne). 

Jean Tardieu :

- "Puisque les morts ne sont pas revenus,
que reste-t-il à savoir aux vivants ?
...
Puisque les morts ne peuvent plus se taire
est-ce aux vivants à garder le silence ?"

(DR).


Cette Page ?  Ma brève réponse à cette publicité qui promet de perdre des calories (sans doute parce qu'elle est vomitive) grâce à Auschwitz. 

Les agences de presse ce 9 janvier 2012 :

- "Circuit Factory a posté une image du camp de concentration d'Auschwitz avec comme légende: "Dites au revoir à vos calories."
Le responsable du club de gym a été contraint de retirer immédiatement la pub qu'il avait postée sur Facebook. Il a bien tenté d'expliquer sa stratégie marketing mais sans succès. Il a déclaré que sa salle de sport était "une sorte de camp de concentration pour les calories".
"L'idée de cette campagne n'était pas de bouleverser tout le monde. En fait, vous voulez que les gens parlent de votre entreprise. Nous voulons qu'ils parlent de nous mais pas qu'ils le prennent mal."

L'inscription volée en décembre 2009 (Graph. JEA/DR).

Elie Wiesel :

- "Il fut un temps où tout m'incitait à la colère, et même à la révolte. Contre l'humanité complice. Plus tard, j'éprouvais surtout de la tristesse. Pour les victimes."

- "Au temps de Hitler, la vie juive était en danger. 
Maintenant, c'est la mémoire juive qui n'est plus en sûreté."


L'une de 56.000 fiches de la cartothèque juive du SIPO-SD (Arch. JEA/DR). 

A la mémoire de Charlotte Modrzewski, 3 ans
Sur sa fiche et par ordonnance allemande, déclarée "apatride d'origine polonaise". Juive "sans profession" et domiciliée à Anvers. Déportée depuis la Kazerne Dossin (Belgique), le 25 août 1942 - convoi V (n° 21). Avec sa mère Chaja Modrzewki-Herszkowicz, son frère aîné Isaak (10 ans) et Mauritz (9 ans). 
Dans ce convoi, furent emportés vers Auschwitz 229 autres enfants.
Le père, Szlama Modrzewski, disparut lui aussi à Auschwitz où il avait été déporté par le convoi XV (n° 109) du 24 octobre 1942.
Source : JEA, Mémorial des déportés du Judenlager des Mazures, Tsafon, Revue d'études juives du Nord, n°3, hors-série, 2007, 155 p.

Veuillez lire aussi la colère de Melanie, en cliquant : ICI.
Et celle de Zoë présentant cette "pub" en ces termes : "ce pur déchet n'est recyclé ici que pour mieux l'envoyer dans les poubelles du diable." Cliquer : ICI.



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P. 106. Mers de nuages

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Ault (Ph. JEA/DR).


Cirrus, cumulus, nimbus, stratus... Ils portent malgré eux des noms savants
mais heureusement, les nuages, ces somnambules-funambules, ne se prennent pas au sérieux.

Tous aiment les vagues à l'âme des rivages et bâtissent des châteaux de sable sur des plages sans marge.

Parfois, pour chasser le souvenir glauque d'un collabo belge, ils jettent quelques poignées de grêle sur le premier épouvantail venu.

Sinon, ils adorent retourner en enfance et jouer à saute-moutons avec des oiseaux de nuit insomniaques.

Des intégristes aussi troubles que troublés, leur reprochent de ne pas sortir en burka mais au contraire en tenue d'ève ou d'adam et qui plus est, de ne pas être complexés par leur âge !

Les nuages savaient bien avant Galilée que la terre est ronde sans pour autant avoir la tête qui tourne.

Par solidarité, ils lessivent jusqu'à l'os de leur matraque, les forces dites de l'ordre qui traquent les nomades à la trace !

Parole de nuage breton : me zo ganet e kreiz arr mor, je suis né au milieu de la mer (JEA/DR).

Les nuages n'arrivent jamais à bon ou à mauvais port,
eux qui ne cessent de partir...

Saint-Marcouf (JEA/DR).

Audresselles (Ph. JEA/DR).

"La chanson des vieux amants" de Brel :

- "Bien sûr, nous eûmes des orages
Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol
Et chaque meuble se souvient
Dans cette chambre sans berceau
Des éclats des vieilles tempêtes
Plus rien ne ressemblait à rien
Tu avais perdu le goût de l'eau
Et moi celui de la conquête..."


(Ph. JEA/DR).

Tristan Tzara :

- "L'orage indescriptible dont se nourrit la mer des vitres."



Ciel faisant la Manche (JEA/DR).

Utah Beach. De loin la plage de Normandie la moins sanglante : un maximum de 200 tués, blessés ou disparus le jour du débarquement (Ph. JEA/DR).

Utah Beach, juin 1944 (Doc. JEA/DR).).

Ile Chausey (Ph. JEA/DR).

Jardeheu (Ph. JEA/DR). 

Le ciel de la mer du Nord comme un(e) ora(n)ge pressé(e) (Ph. JEA/DR). 

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