MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 29 octobre 2012

P. 193. Messages personnels...


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Une aube comme une auberge espagnole (Ph. JEA/DR).


toujours pas de permis d'inhumer la mer morte

quand la terre s'arrête trop longtemps de tourner, je m'invente une balançoire dans le cerveau

les négateurs vivent toujours à l'heure allemande

sur la carlingue du charter, ils dessinent une valise par famille expulsée

une sirène tuant le temps dans un sablier

l’ahurissement de chauves-souris aux ailes plombées par la douane

les corneilles mangent les pissenlits par les racines

les pièges et les poisons et les chasses gardées des mélancolies

un horizon décidément dissident

une dernière énigme sous le premier paillasson venu

un marécage rustique et misanthrope

un renard a pris la clé des champs et ne l'a pas rendue

un aria à la mémoire des parias

un soleil si singulier et sirupeux

une bartavelle se prenant pour une dugazon

une lanterne sourde et muette

un récif récidiviste en naufrages

un hippopotame hystérique sur les bords de la Tamise


(Ph. JEA/DR).

hédonisme d’un hérisson accro aux champignons hallucinogènes

et la palme de l'huile la plus exécrable revient à... l'huile de palme !!!

le dernier mot d’une rose morose

la lune a perdu ses lunettes en faisant des claquettes

un pavé de Mai 68 dans un coffre de banque

mille poches sous les yeux d'un bouillon de culture

les heurts et les bonheurs détricotés par une horloge

élever comme il faut une statue au tchador inconnu

une aube comme une auberge espagnole

le chagrin d’une chimère en chômage

marcher par les chemins surchargés de ratures

les nuages et les coquillages, ces colporteurs de rumeurs

un seul caillou discourtois et la fenêtre éclate en sanglots

ne tirez pas sur le pigeon pianiste

un crépuscule sans scrupules a scalpé la colline

des historiens confondent les tiroirs de la mémoire avec des tirelires

les fermières d'hier ont été remplacées par des ouvrières dans ces usines qui, aujourd'hui, ferment à leur double tour

dépassé par son passé, il marche à reculons

la solitude a mis des gants blancs pour traverser le désert


Ombrelles (Ph. JEA/DR).


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jeudi 25 octobre 2012

P. 192. Octobre 1945 : le procès de Pierre Laval


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Maître Maurice Garçon,
Le procès Laval,
Compte-rendu sténographique du procès,

De Vecchi, 2007, 317 p.


4e de couverture

- "4 octobre 1945 : l'ancien vice-président du gouvernement de Vichy doit s'expliquer devant la Haute Cour pour son rôle pendant la collaboration et son alliance avec le régime nazi. Le procès se déroula à la hâte et dans la précipitation, Laval devant souffrir les insultes des jurés. Il se défendit avec force et vigueur, ironisant parfois, contre-attaquant sans cesse, répliquant à leurs invectives : " Vous pouvez me condamner, vous pouvez me faire périr. Vous n'avez pas le droit de m'outrager. "
Condamné à mort le 9 octobre, il fut exécuté six jours plus tard à la prison de Fresnes après avoir tenté de se suicider.

Le compte-rendu sténographique minutieux et exhaustif, présenté par Maurice Garçon, reprend l'intégralité de ce procès à l'organisation controversée parce que précipitée, qui se déroula pendant l'épuration, dans l'atmosphère encore brûlante des exactions commises durant l'Occupation."

Claude Mandel


Après l’assassinat, par des miliciens, de Georges Mandel, sa fille écrivit ces phrases prémonitoires à Pierre Laval :

- "Je suis encore bien petite et bien faible à côté de vous qui avez les Allemands pour vous défendre. Moi, j’ai les Français, c’est vrai, et c’est pourquoi je ne vous demande pas de comptes comme j’en aurais le droit. Ils s’en chargeront." (1)

Patrice Gelinet

- "Pierre Laval (…) à la tête du gouvernement de Vichy, aux pires moments de l'occupation, était devenu l'homme le plus détesté de France. Un an après la libération, quelques mois après le retour des prisonniers des rescapés des camps de concentration, Pierre Laval incarnait ce que la politique de collaboration avait pu faire de pire : la déportation des juifs, le service du travail obligatoire, les exactions de la Milice, la lutte contre la résistance et ces mots tristement célèbres que Laval avait prononcés en juin 1942, quelques jours après avoir été nommé chef du gouvernement par le maréchal Pétain :
«Je souhaite la victoire de l'Allemagne car sans elle, bientôt, le communisme s'installera partout en Europe »."
(France Inter - Émission "2000 ans d'Histoire" - 2010).

Extradé d’Espagne le 1er août 1945, enfermé à Fresnes le 2, Pierre Laval est témoin au procès Pétain dès le 3 août.
Le 4 octobre débute son propre procès.


Propagande vichyste (Doc.JEA / DR).

Un procès limité à cinq audiences seulement après une instruction squelettique (cinq interrogatoires, pas un de plus). Avec en aboutissement la salve d'un peloton d'exécution - épargnée à Pétain - comme pour mettre une pierre tombale sur la collaboration.
La Justice, un pouvoir qui avait servi Vichy puis tournait avec les vents de la politique. Personne n'en sortit grandi...

Première audience, le 4 octobre 1945.

Le banc de la défense est vide (2), celle-ci conteste l'instruction même. Le premier président Mongibeaux passe outre. Il rappelle à Laval "la poursuite des patriotes, la Milice, les cours martiales..."
quand Laval l'interrompt : "Mais vous étiez tous aux ordres du gouvernement à cette époque, vous tous qui me jugez, magistrats, et vous, Monsieur le Procureur général [Mornet]".
Le premier président : "Si vous dites quoi que ce soit qui puisse constituer un outrage à l'égard des magistrats, nous passerons outre aux débats..."
P. Laval : "Je suis français, j'aime mon pays, je n'ai servi que lui" (Bruits dans la salle).
M. Demusois, juré : "Un peu plus de modestie, fourbe."
Le procureur général : "Je vous prie de maîtriser votre indignation, Messieurs les Jurés. Elevez-vous au-dessus de ce qu'elle vaut."
(PP. 13-14) (3).

P. Laval : "Que pouvez-vous craindre d'une instruction véritable ? Elle était nécessaire non seulement pour l'exercice de mon droit naturel de me défendre, mais aussi par la contribution qu'elle aurait apporté à l'histoire de notre pays.
(...) Je n'accepte pas mais je subis la procédure arbitraire que vous m'imposez."
(P. 16).

Lecture du réquisitoire définitif. Pierre Laval est poursuivi pour :
- crime d'attentat contre la Sûreté intérieure de l'Etat;
- intelligences avec l'ennemi.
(PP. 29 à 36).

Procédant à l'interrogatoire de l'accusé, le premier président :
- "Je fais un exposé assez long..."
P. Laval : "Un peu inexact, mais cela le rend plus pittoresque."
(P. 40).
P. Laval se défend : "Vous êtes dans l'ignorance des faits (...). On me fait reproche pour les Juifs (...). Je souhaiterais n'être jugé que par des Juifs français, parce que maintenant qu'ils connaissent les faits, ils se féliciteraient de ma présence au pouvoir et ils me remercieraient de la protection que leur ai accordée. Voilà une parole que je prononce; elle peut choquer ceux qui l'entendent, mais quand ils sauront pourquoi j'ai le droit de la prononcer, elle ne choquera plus"
(P. 50).
Autre extrait du long monologue de Laval : "Vous parliez tout à l'heure de mes origines modestes (...). Savez-vous, Monsieur le Premier que la plus grande blessure dont je souffre, c'est de savoir que parmi ces humbles, parmi ces travailleurs que j'ai tant aimés, que j'ai voulu tant servir, il en est qui sont trompés, qui m'en veulent, parce que, moi, je n'ai pas changé de sentiments à leur endroit."
(P. 51).
Retournant sa veste par rapport à Pétain, Laval s'exclame : "Pour la maréchal Pétain, je me suis trompé, j'en fais humblement l'aveu devant le public. Où il eût fallu le maréchal Lyautey, nous avons eu le maréchal Pétain. C'est fait, je n'y peut rien."
(P. 55).
Après une interruption d'audience, P. Laval poursuit : "Voulez-vous que je vous dise le fond de ma pensée ? Je ne suis pas petit devant vous. J'ai occupé les plus hautes fonctions; j'ai représenté mon pays quand il était fort, victorieux; J'ai eu cette fierté. Je ne me suis jamais senti aussi grand que sur ce banc, quand vous m'accusez car c'est pour ma patrie que je souffre et que j'ai souffert."
(P. 94).
Laval monopolisant la parole, le premier président le questionne : "Est-ce que vous me laisserez parler ?"
P. Laval : "Evidemment, je n'ai pas le moyen de vous empêcher."
Un jeune homme applaudit.
Le premier président : "Arrêtez immédiatement le perturbateur."
Un juré, M. Prot : "C'est la Cinquième Colonne, la clique."
Un autre juré : "Il mérite, comme Laval, douze balles dans la peau."
Fin de cette première audience.


Caricature de Laval par Philip Zec, The Daily Mirror, 31 oct., 1940 (DR).

Audience du 5 octobre 1945.

Les trois avocats de Pierre Laval assurent sa défense. Ils déposent des conclusions selon lesquelles il y a lieu de saisir à nouveau la Commission d'instruction ou de renvoyer le procès. Conclusions rejetées par la Cour.
P. Laval provoque : "Je me tourne vers les jurés. Je ne les ai pas choisis. Il y a beaucoup de communistes, m'a-t-on dit, parmi eux. Cela m'est absolument égal. Ils sont, pour moi, des Français, et ils sont du pays de Descartes."
Un juré : "Ils l'ont prouvé."
P. Laval : "Parce qu'ils sont du pays de Descartes (...), ils savent qu'on ne peut rien contre la vérité. Eh bien, la vérité est simple. Me reprocher l'armistice, ce n'est pas une injustice, c'est plus grave qu'une injustice : (...) c'est une offense à la vérité."
(P. 151).

Le procureur général Mornet : "Si vous n'aviez aucune autorité sur le maréchal et s'il ne vous consultait jamais, s'il n'avait aucune confiance en vous, comment se fait-il qu'au lendemain du 10 juillet [1940] vous ayez été appelé à la vice-présidence du Conseil et qu'il ait fait de vous son héritier présomptif ?
P. Laval : "Vous croyez avoir dit l'histoire en disant cela ? (...) Il était mortel, le maréchal (...). Je manque de modestie aujourd'hui ? C'est possible, mais je dis qu'aucun autre nom à ce moment-là ne pouvait apparaître dans un acte constitutionnel autre que le mien."
(PP. 159-160).

P. Laval décrit Pétain : "Le maréchal (...) était un homme sans expérience politique et il avait, néanmoins, le goût de la politique, en tout cas, très certainement, le goût du pouvoir personnel, un goût immodéré. Je m'en suis rendu compte trop tard. J'ai pensé qu'en restant, j'accomplissais mieux mon devoir qu'en m'en allant, que peut-être je pourrais, à la longue et le plus rapidement possible, exercer une parcelle d'autorité ou empêcher certains actes de s'accomplir."
(P. 172).
P. Laval charge Pétain : "Un jour, excédé par l'usage de ce pouvoir personnel, je dis au maréchal : "Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l'étendue de vos pouvoirs ?" Il me dit : "Non". Je dis : "Ils sont plus grands que ceux de Louis XIV, parce que Louis XIV devait soumettre ses édits au Parlement, tandis que vous, vous n'avez pas besoin de soumettre vos actes constitutionnels au Parlement, puisqu'il n'est plus là." Il me dit : "C'est vrai." (...) Eh bien, oui, il avait le goût du pouvoir personnel, et je n'étais pas assez fort pour l'empêcher de l'exercer dans es limites."
(P. 173).

P. Laval évoque la Légion : "Le maréchal n'avait pas l'idée de faire un parti unique à l'image et à l'instar du parti national-socialiste. Je me garderai bien de le prétendre, ce serait ridicule. Le maréchal avait l'intention de supprimer les partis politiques qui existaient (...). Il ne voulait qu'un parti du maréchal ; cela est clair. Eh bien, ce part du maréchal s'appelait la Légion.
(...) La Légion n'avait pas les faveurs de l'autorité d'occupation. Elle était un organisme politique à tendance réactionnaire dans la zone sud. Elle m'a gêné dans mon action gouvernementale; elle m'a obligé parfois à prendre des décisions que je n'aurais pas voulu prendre."
(P. 186).


Laval justifiant le Service de Travail obligatoire en Allemagne : "La guerre qui se poursuit à l'Est met en cause doute la civilisation européenne, dans des combats gigantesques, le Reich engage tous ses hommes, l'Allemagne a besoin de main-d'oeuvre." (DR).

Audience du 6 octobre 1945.

Le procureur général Mornet : "Si, au lendemain de la Libération, au mois d'août ou au mois de septembre 1944, Pierre Laval avait été appréhendé et conduit devant un tribunal militaire - qui ne juge pas avec toutes les formes extérieures auxquelles vous étiez astreints - eh ! bien ! sa condamnation suivie de ce que vous savez, n'eût pas été une erreur judiciaire."
P. Laval : "Cela m'aurait privé du plaisir de vous entendre !
Le procureur Mornet : "Cela aurait donné satisfaction à la conscience de tous les Français."
(PP 204-205).

Très vite, cette audience devient tellement tumultueuse que le premier président annonce une suspension. Les sténographes notent alors, en provenance des jurés et visant P. Laval :
- "Provocateur... Salaud... Douze balles... Il n'a pas changé..."
Réponse de P. Laval : "Non, et je ne changerai pas maintenant... Les jurés !... Avant de me juger !... C'est formidable..."
Un juré : "On vous a déjà jugé, et la France vous a jugé aussi !"
(P. 211).

Conséquence de cet incident de séance, l'accusé décide de ne plus comparaître et refuse de se présenter à la reprise du procès (4).
Ancien président de la République, Albert Lebrun est appelé à témoigner :
- "Il eût mieux valu pour la France et pour lui-même [P. Laval] que le pays fut administré directement par un gauleiter plutôt que par un gouvernement français qui n'allait plus avoir du pouvoir que l'apparence et dont le rôle essentiel consisterait, en somme, à avaliser toutes les décisions des autorités d'occupation."
(P. 215).

Audience du 8 octobre 1945.


Le fauteuil de Pierre Laval est vide, de même que le banc de la défense.
Déposition du général Doyen :
- "Toute politique ayant pour objet d'aider l'ennemi sous une forme ou sous une autre dans sa lutte contre l'Angleterre et ses alliés, ne pouvait que favoriser l'Allemagne dans l'obtention de ses buts de guerre, qui étaient, en premier lieu, le démembrement et la destruction de la France. Par conséquent, toute politique ayant cet objet, qu'elle s'appelle collaboration ou autre, était une politique criminelle contre le pays.
Or, il s'est trouvé une homme pour se faire le père de cette politique et l'imposer au pays. Cet homme a été M. Laval."
(P. 226).
- "Son intimité avec les Allemands était totale. Je dirais même qu'elle était indécente à un moment où nous avions plus d'un million et demi de prisonniers qui souffraient derrière des fils barbelés."
(P. 228).

Déposition du secrétaire général honoraire du Sénat, M. de Lapommeraye :
- "Cinq ou six semaines après [juillet 1940], il [P. Laval] me dit : "Et voilà comment on renverse la République".
(P. 232).

Le procureur général Mornet
: "Pierre Laval a fait notifier 33 témoins qui appartiennent à la Haute Cour, en tant qu'il peut y avoir intérêt à recevoir leurs dépositions. Je vais vous demander de prier M. l'Huissier de faire appel de ces 33 témoins."
Aucun ne répond à l'appel de son nom.
(P. 242).

A défaut d'entendre Pierre Laval devant la Cour, il est donné lecture de ses interrogatoires lors de la brève instruction.
Question : "Le 22 août 1942, c'est le débarquement manqué des Britanniques à Dieppe (5). Que dites-vous des félicitations adressées par le maréchal et par vous-même au haut commandement allemand pour le "rapide nettoyage" et du télégramme de Pétain qui faisait l'offre au Chancelier du Reich d'une collaboration militaire ?"
Réponse de P. Laval : "Je n'en ai aucun souvenir. Je n'avais pas coutume de correspondre avec les militaires allemands."
Question : "Antérieurement au 24 août 1942, se place un acte dont on a beaucoup parlé : c'est le défi qui est sorti de votre bouche le 22 juin précédent, et que la radio a diffusé aux quatre coins du monde. C'est le "Je souhaite la victoire de l'Allemagne."


"Le 15 décembre 1942, au cours d'une conférence de presse à Vichy, vous vous écriez : "Assez d'hypocrisies, il s'agit de choisir son camp sans équivoque et sans ambiguïté : je veux la victoire de l'Allemagne... Ceux qui escomptent la victoire américaine ne veulent pas comprendre que M. Roosevelt apporte dans ses bagages le double triomphe des Juifs et des communistes. Libre à certains de le souhaiter, mais je suis résolu à les briser, coûte que coûte."
Réponse de P. Laval : "Si je n'avais pas fait certaines de ces déclarations verbales, je n'aurais pas pu résister à certaines exigences allemandes, plus dures encore que celles que nous avons connues. Ces propos qui n'engagent que moi, m'ont permis de mieux accomplir ma tâche."
(P. 251 à 254).

Question : "La loi mettant les Juifs hors du droit commun n'était qu'un premier pas dans l'imitation servile de nos vainqueurs. (...). N'y eut-il jamais de Juifs arrêtés en zone libre, notamment en juillet et août 1942 ?
(...). Aussitôt après votre reprise du pouvoir en 1942, la politique soi-disant française devient une politique tout allemande : persécution contre les Juifs, on l'a dit, persécution contre les francs-maçons, qui se traduit part de nombreuses listes de noms à l'Officiel, ce qui les marque pour servir d'otages, persécution contre les communistes et résistants de tous les partis; la police française mise au service de la Gestapo; des arrestations innombrables (25.000 à Paris dans la nuit du 15 au 16 juillet) (6). Les lois d'exception toutes calquées sur le régime hitlérien et au rebours de nos traditions, vous ne laissez même pas aux vainqueurs le soin de les appliquer ?"
P. Laval : "Je répondrai par une note."
PP. 255-256).
Question : "Un article dit "loi" n° 1077 du 11 décembre 1942" publiée au Journal Officiel du 12 décembre, et signé par vous, prescrit l'apposition de la mention "Juif" sur les cartes d'identité délivrées aux Israélites français et étrangers. Voulez-vous vous expliquer sur cette prétendue loi qui est signée par vous seul ?"
P. Laval : "Je suis fatigué; exceptionnellement sur ce point je vous ferai parvenir une note."
(P. 258).


Pierre Laval à la une du magazine Time (DR).

Audience du 9 octobre 1945

En l'absence de Pierre Laval et de ses trois avocats, réquisitoire du procureur général Mornet :
- "Dans la France diminuée on espérait, avec l'aide d'hommes comme Laval, trouver (...) un pays subordonné à la politique du Reich. Aussi bien est-ce le pays où, pour mieux le mater, le nombre de déportés a été le plus élevé : déportés raciaux, cent vingt mille, sur lesquels il en est revenu quinze cents (7); déportés politiques, cent vingt mille également (8), dont beaucoup sont restés dans les camps de Dachau, de Buchenwald, et dans les chambres à gaz, sans compter les cent cinquante mille fusillés sur le sol de France (9). Je me demande dans ces conditions de quel droit Laval peut dire que s'il n'eût pas été là, la situation eût été pire.
Mais il faut considérer les choses de plus haut. La politique de Laval a fait aux Français une situation pire au point de vue moral; elle a exposé la France au soupçon de trahison envers ses alliés comme envers la cause dont elle était le champion dans le monde."
(PP. 105-106).

- "Aujourd'hui il (...) refuse de se présenter devant vous pour se défendre. C'est sa suprême ressource, et je dirai même sa suprême tactique.
Vous avez pu constater que chaque fois qu'on lui pose une question précise, il l'élude, ou promet de répondre par une note qui n'est qu'une nouvelle façon d'éluder une réponse qu'il ne peut pas faire. Alors, devant l'impossibilité de répondre à une question précise, lui, qui est un joueur, il a joué jusqu'au bout en se disant : "Ils n'oseront".
Eh bien, pour ma part, et quelque rôle pénible que dans ces conditions la loi et mon devoir m'imposent, je suis de ceux qui disent : "J'oserai" (...).
Je vous demande de prononcer la peine de mort contre Pierre Laval."
(P. 307).

Après une très longue délibération, la Haute Cour condamne Pierre Laval à la peine de mort, le déclare convaincu d'indignité nationale et prononce la confiscation de ses biens.



Signature de Pierre Laval au bas d'une lettre datée de mai 1945 (Doc. JEA/DR).

Le 13 octobre 1945, le général de Gaulle entend Mes Naud et Baraduc, lesquels demandent non pas la grâce de Pierre Laval mais de recommencer le procès. Si le chef d'Etat pouvait effectivement accorder sa grâce, juridiquement, il ne pouvait casser une décision judiciaire et ordonner la révision du procès.

Le 15 octobre, quand la cellule de Laval est ouverte à la prison de Fresnes pour le conduire à la mort, il est découvert empoisonné.
Ranimé, la majeure partie de la substance toxique éliminée, Pierre Laval est fusillé devant une butte de Fresnes où les Allemands passèrent par les armes des résistants...

NOTES

(1) Bénédicte Vergez-Chaignon, Vichy en prison, Les épurés à Fresnes après la Libération, Gallimard, 2006, 425 p., P. 22.
Georgaes Mandel (1885-1944). Ministre des PTT, des Colonies et de l'Intérieur sous la IIIe République. Voulut continuer la guerre au Maroc où l'arrêtent les autorités obéissant à Vichy. Condamné à la prison à vie par un tribunal français. Livré aux Allemands quand ils envahissent la zone dite "libre". Enfermé successivement à Orianenbourg puis à Buchenwald. Reconduit à la prison de la Santé à Paris pour être livré le 4 juillet 1944 à la Milice. Abattu par des miliciens en forêt de Fontainebleau le 7 juillet.

(2) La pagination est celle du compte-rendu sténographique.

(3) Avocats de la défense : Mes Barraduc, Joffrey et Naud.

(4) Dans une présentation tendancieuse, l'article de Wikipédia consacré à Laval affirme sans sourciller : "il [Laval] est de fait empêché de parler et de se défendre. Il est exclu de son procès." Les références demandées ne sont pas fournies, et pour cause. Le procès-verbal reproduit sous le nom même de l'un des avocats de la défense montre que celle-ci est volontairement absente, que Laval monopolise les débats en marquant son mépris aux magistrats et au jury. L'accusé ne cesse de se dérober aux questions puis il refuse de lui-même de comparaître. Par contre, il est insupportable d'entendre des jurés l'insulter en pleine audience et le condamner avant la fin du procès.

(5) L'opération Jubelee à Dieppe date plus exactement du 19 août 1942. 913 militaires venus d'Angleterre perdirent la vie dans cette tentative de tester les capacités du Mur de l'Atlantique qu'élevaient les Allemands.

(6) Allusion à la Rafle du Vel d'Hiv. Sans préciser que les victimes : 13.152 sont uniquement juives qui tombèrent dans les filets de ce "Vent printanier"...

(7) En réalité, près de 76.000 déportés raciaux dont environ 2.500 revinrent des camps.

(8) Sur un total de près de 66.000 déportés non raciaux, on dénombre 42.000 résistants reconnus. 23.000 de ces déportés étaient encore en vie à la Libération.

(9) Lors du colloque sur la Répression en France, 1940-1944, à Caen (2005), le chiffre de 4.549 fusillés a été retenu.

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lundi 22 octobre 2012

P. 191 bis. Octobre 2012 : quelques brèves...


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Ces derniers jours : ouvrir quelques livres et quelques journaux, les oreilles, son encrier, un peu de lumière, des rideaux, des poubelles mais aussi des boîtes à surprises...


A gauche : Bart De Wever étudiant gentiment ses classiques avant de se lancer en politique (Ph. RésistanceS).
A droite : le même, méchamment emporté par sa victoire aux élections communales anversoises.
(Mont. JEA/DR).

Bart De Wever

Octobre 2007. Le Bourgmestre (Maire) d'Anvers, Patrick Janssens, présente officiellement les excuses des Autorités communales pour leur collaboration active sous l'occupation, et d'abord dans les rafles de juifs déportés ensuite vers Auschwitz.
Une évidence est enfin admise : les troupes allemandes à elles seules n'auraient pu envoyer tant de victimes vers l'extermination si elles n'avaient reçu les aides volontairement efficaces des uns (les collabos volontaires) et la complicité ou la passivité des Autorités morales, judiciaires, politiques du pays. Des quatre villes du Royaume où furent enfermés les juifs : Anvers, Bruxelles, Charleroi et Liège, celle d'Anvers - à commencer par sa police - se distingua des trois autres par une efficacité supérieurement abominable !
Dirigeant d’un parti nationaliste flamand, la N-VA, Bart De Wever s’opposa aussitôt à de telles excuses. Au quotidien de Morgen, De Wever précisa :
- "Ce n'est pas la ville d'Anvers qui a organisé la déportation mais elle fut elle-même une victime de l'occupation. Ceux qui la dirigeaient à l'époque ont dû prendre des décisions délicates dans des circonstances difficiles. Je ne trouve pas très courageux de les stigmatiser maintenant…
Si l'on doit commémorer la Shoah, l'on ne peut perdre de vue la situation des territoires palestiniens occupés où certains ont recours à des techniques qui me font penser à un passé noir, plutôt que de tirer les leçons du passé"...
Et sur les antennes d’une télévision flamande (VTN) :
- "Quand j'ai dit que les excuses de Patrick Janssens était "gratuites", je faisais seulement allusion au fait qu'elles arrivent trop tard... Soixante ans après les faits, alors que tout le monde est mort, le fait de présenter des excuses n'est évidemment pas un acte de grand courage politique."

La méthode est systématique. Les bourreaux et leurs affidés sont présentés comme les vraies victimes. On excuse la collaboration comme étant un moindre mal. Des juifs ont peut-être payé mais combien d’autres n’ont-ils pas été épargnés ?
Et puis foin des anachronismes, la Shoah de 40-45 est mise en parallèle avec l’actuel conflit Palestinien. Comme pour banaliser la première et mettre le second à charge des disparus dans les camps d’extermination.
Enfin, juste une petite touche supplémentaire d’antisémistisme "classique" en assimilant les victimes juives et l’argent (De Wever reproche à Patrick Janssens des excuses "gratuites", jouant pleinement avec les équivoques).

Octobre 2012. Bart De Wever emporte les élections communales (municipales) à Anvers. Il en devient le nouveau bourgmestre.
Son premier geste à la proclamation de ces élections : organiser une marche de deux kilomètres sur l’Hôtel de Ville.
Octobre 1922. La marche sur Rome des chemises noires.
Le parallèle choqua aussitôt. Mais ce soir de victoire, De Wever ne voulait pas parler à la presse francophone. Vous n'entendrez donc pas ses tours de passe-passe verbaux pour nier la moindre ressemblance (tout en s'en réjouissant dans les coulisses de son théâtre nationaliste).



Jean Echenoz,
14
,
Minuit, 124p.


Jean Echenoz

Son dernier roman : 14. Extrait :

- "Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas tellement l'opéra, même si comme lui c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux."

Colin Farmer


Le 12 octobre, ce grand-père de 62 ans marchait dans Chorlay, localité du Lancashire. Cet aveugle s’aidait de sa canne blanche pour se déplacer (et signaler son handicap).
Las, à force de s’entendre seriner (ou de colporter) des discours populistes sur l’insécurité, de «braves gens» firent appel à la police. Au début d’une rue de Chorlay, cet aveugle s'avançait donc, canne blanche devant lui. Au milieu de la rue, des passants ne virent, eux, qu’un sabre de Samouraï tendu par Colin Farmer. Et à la fin de la rue, un policier dégaina son Taser pour offrir à l’aveugle une décharge de 50.000 volts. La fée électricité envoya le malheureux à l’hôpital.
Une "bavure".
Pas question de délation de notre part, mais la vue de ce policier ne laisserait-elle pas à désirer pour en arriver à confondre canne blanche et sabre japonais ?

Michaël Foessel

Interview par Alexandra Schwartzbrod et Cécile Daumas dans le Libération du 15 octobre :

- "Pour de nombreuses raisons, la catastrophe s’est substituée au paradigme du progrès : épuisement du modèle de croissance, sentiment révolutionnaire perdu, perception de plus en plus négative de la technique, dépolitisation… L’idée de catastrophe revient dans la modernité tardive de sociétés fatiguées d’elles-mêmes. C’est pourquoi la fin du monde est une perception très occidentale, symptomatique d’un certain psychisme européen : une impression d’avoir passé son tour dans l’histoire universelle, d’avoir essayé de transformer le monde mais d’avoir abouti à une catastrophe (URSS, nazisme).

L’homme sans monde, c’est l’homme séparé de ce qu’il peut."

Ma Guhl

20 ans. Afghane. Décapitée pour avoir résisté à sa belle-mère, laquelle voulait l’obliger à des rapports sexuels avec un autre homme que son mari.
Les deux « beaux »-parents, le mari et l’assassin ne seraient plus en liberté. Le tueur affirme avoir été manipulé par la belle-mère accusant Ma Guhl d’être une prostituée.
Directeur régional de la commission des droits de l'homme, Abdul Qader Rahimi confirme qu’en 2012, une centaine de cas de violence contre les femmes ont déjà été enregistrés dans l'ouest de l'Afghanistan…
Les faits se sont déroulés à Hérat. A quand un jumelage avec Sète ?

Le maire et la mère des batailles contre le mariage d'homosexuels

François Commeinhes, gynécologue. Maire de Sète, il vient d’accoucher de cette élégante formule :
- "les gays femelles"
en expliquant qu’il ne procèderait pas à des mariages entre lesbiennes.
Voilà, si elle convole en « justes » noces avec un homme, une femme est une femme. Si elle préfère conjuguer sa vie avec une autre femme et non avec un homme, nous retournons dans le règne animal et ce n’est plus qu’une histoire de "femelles".

Mo Yan

Prix Nobel de Littérature 2012.
L’Académie suédoise :
- "Avec un réalisme hallucinatoire, Mo Yan unit le conte, l'histoire et le contemporain.
Il a créé un univers qui, par sa complexité, rappelle celui d'écrivains tels William Faulkner et Gabriel Garcia Marquez, tout en s’ancrant dans la littérature ancienne chinoise et la tradition populaire du conte."

J’ignorais que Mo Yan est en vérité un pseudonyme. Sa signification : « Ne parle pas… ».
Sur les registres d’état civil chinois, les parents du futur prix Nobel l'avaient déclaré sous le nom de Guan Moye.



Leib Rochman,
A pas d'aveugles de par le monde,
Préface d'Aharon Appelfeld,
Denoël & D’Ailleurs, 831 p.


Aharon Appelfeld


Préface. Extrait :

- "Après l'expérience de l'Anéantissement, il n'y a plus de surprise. L'harmonie est ridicule. Coutume signifie lieu commun. L'explication psychologique n'est plus qu'une mince pellicule (...). En d'autres termes : les convenances esthétiques, morales, religieuses sont mortes, et celui qui s'en tient encore à elles pèche par anachronisme."

Leïb Rochman

A pas d’aveugles de par le monde. Extrait :

- "C’est nous qui écrivons la Chronique du monde. Elle se divise en chapitres selon les persécutions, les massacres, les expulsions et, rarement, selon la bienveillance à notre égard. Nous sommes l’arbre dont se nourrit le monde.
Quand ils brûlent nos livres, c’est leur propre Chronique qu’ils brûlent.
(…)
Peut-être serait-il plus intéressant de décrire le lien entre le destin d’un peuple et celui de ses livres. On ne cesse de brûler le corps des uns et des autres, mais les lettres et l’âme prennent leur envol et demeurent."



Sur fond authentique de manifestation appelant à la mise à mort du "chien" Rushdie, graphisme JEA (DR).

Salman Rushdie

En pleine paupérisation, la prime pour la mise à mort (par lent égorgement, empalement progressif, empoisonnement subtil etc, le choix est libre) de Salman Rushdie, vient d’être portée par les mollahs iraniens à 3.300.000 dollars.
Vous hausserez les épaules en murmurant : bof, c’est en l’Iran, chez ces Iraniens-là.
Mais à Paris, chez ces Français-ci, l’Institut du monde arabe annonçait un Festival : « Vingt-cinq ans de créativité arabe ». Avec notamment une vidéo de Mounir Fatmi : « Sleep ».
Qui dort ? Salman Rushdie. Quoi, il trouve le sommeil malgré la fatwa le frappant de plein fouet ? Scandalisés rien qu’à l’idée de voir Rushdie dans les bras de Morphée (sans voile), les intégristes de service ont rappelé que la vidéo, ça ne sert qu'à faire chanter en montrant des otages terrorisés.
Aussitôt, l’Institut a déprogrammé « Sleep » au motif que cette vidéo était effectivement « trop sensible »…
Morale de cette fable authentique : méfiez-vous de l'écrivain qui dort, un bon écrivain est un écrivain mis à mort !!!
Qu’il nous soit permis une humble remarque. Le Festival se serait grandi en remplaçant ce « Sleep » par un long métrage pakistanais : «Guérillas internationales ». Voilà un chef d’œuvre du 7e art. Salman Rushdie s’y trouve décrit en alcoolique diabolique (quelle richesse dans la rime) complotant contre l’Islam. Mais la justice divine va passer et l’écrivain trépasser.

NB : Vient de paraître son Joseph Anton, Plon, 736 p.



Gonçalo M. Tavares,
Un voyage en Inde,
Ed. Viviane Hamy, 492 p.


Gonçalo M. Tavares

Un voyage en Inde. Extraits :

- "Qu’est-ce qu’un jour sinon un jeu de dés entre la volonté et la matière ?"

- "Il est indispensable de donner à connaître les actions terrestres
avec la longueur du monde et la hauteur du ciel,
mais il importe également de parler de ce qui n’est
ni si long ni si haut.
Certes, les Grecs tentèrent de porter à leur perfection
aussi bien la Vérité que le geste ;
pour autant, ce sont de loin les idées qui furent le plus
profondément bouleversées.
Aussi le temps est-il venu de mettre la Grèce
la tête en bas
et de lui vider les poches..."

- "La journée de demain n’est pas un musée."

Olga Tokarczuk

Sur les ossements des morts. Extrait :

- "Il n’est pas simple de discuter avec certaines personnes, surtout de sexe masculin. J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle «autisme testostéronien». Il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme [...] s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et aux biographies de gens célèbres, politiciens et criminels en tête."


Olga Tokarczuk,
Sur les ossements des morts,
ED. Noir sur Blanc, 304 p.



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jeudi 18 octobre 2012

P. 191. Le 18 octobre 1812 : un hussard à Winkovo

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Les hommes de Napoléon, Témoignages, 1805-1815,
Présenté par Christophe Bourachot,
omnibus, 2011, 941 p.

4e de couverture :

- "Ceux qui l'ont suivi jusqu'au bout racontent. 900 pages de souvenirs, extraits de Mémoires, de Souvenirs et de lettres intimes choisis de façon à raconter toute l'histoire de la Grande Armée depuis 1805 jusqu'à 1815.

Silvain est un soldat de seize ans, engagé volontaire. Jean-Marie est un briscard de trente ans, grognard de la Vieille Garde. Adam est officier d'ordonnance auprès de l'Empereur. La Flize est chirurgien major. Ils viennent de Provence, du Jura, du Nord, de toute la France. Tous, ils l'ont suivi jusqu'à Moscou en passant par Austerlitz, Iéna, Wagram, mais aussi Madrid et Baylen. Ils le suivront encore au-delà de la Bérézina et, pour finir, à Waterloo... Ce sont les hommes de Napoléon.
Un jour, ils ont posé les armes. Ils ont vieilli. Et, par chance pour nous, ils se sont finalement décidés à écrire leurs souvenirs, les meilleurs ? ah ! le soleil d'Austerlitz ! et les pires : la boue, la glace, le sang.
Ces souvenirs sont une mine d'or de la mémoire. Voici les plus émouvants d'entre eux, extraits et agencés de façon à écrire l'histoire de la Grande Armée. Mis bout à bout, ces documents devenus introuvables, dénichés au fond des archives, font l'effet d'un grand film épique. Pour un peu, on entendrait cliqueter les sabres !
Présenté par Christophe Bourachot (1)."

Laurent Lemire :

- "Cette anthologie nous fait entendre des voix inconnues, venues des douleurs de la guerre. Pas des penseurs, pas des généraux, mais des grognards qui grognent, de jeunes officiers qui officient, des soldats qui bavardent, des hommes qui marchent près de 40 kilomètres par jour et qui, harassés mais portés par un dessein et un destin qui leur échappent, semblent toujours prêts à crier «Vive l'Empereur!».
Nous avons tellement lu les témoignages des poilus de 14-18 sur la violence des tranchées que nous en avons presque oublié le carnage derrière la grande geste napoléonienne, les convois qui roulent sur les cadavres et font craquer les corps des cuirassiers, les mares de sang et de boue mêlés, les mutilés qui continuent de ramper sous le tonnerre des canons, le jeune chirurgien qui résume Eylau à «une vraie boucherie» ou cet officier qui avoue avoir tué 242 ennemis à l'arme blanche.
Lors de la campagne de Russie, qui fit 200.000 morts côté français, les grognards mangèrent pour la première fois du cheval. En Espagne, où le typhus s'invita, ce fut pire. Sur l'île de Cabrera, dans l'archipel des Baléares, quelques prisonniers français tirèrent au sort des «volontaires» qui acceptèrent de mourir pour servir de nourriture aux autres. «On enlevait à ceux désignés par le sort, les cuisses, jambes et bras que l'on faisait rôtir sur un feu avec du bois de sapin.»
Tous ces textes ont été publiés, dans des livres, dans des revues, puis oubliés depuis la fin du XIXe siècle. Au terme de dix ans de recherche, Christophe Bourachot leur redonne vie en montrant la permanence de la bravoure et de la mort dans cette conquête impériale. D'Austerlitz à Waterloo, tout cela est raconté par ceux qui ont vécu et souffert pour le Petit Caporal, dans une dévotion quasi sacrificielle. Une épopée que l'on reçoit comme un vrai choc."
(Le Nouvel Observateur, 28 avril 2011).

Bataille de Winkovo (Winkowo) - ou de Tarutino (2) sous les pinceaux de Piter von Hess (DR).

Grièvement blessé,
le lieutenant Danel (3) du 9e hussards
se disposait à
"quitter philosophiquement ce monde"...

Le combat :

- "Ce combat fut excessivement meurtrier : le point où se trouvait le régiment (9e hussards) fut vigoureusement attaqué, d'abord par diverses batteries d'artillerie légère russes masquées par des bouquets de taillis qui se trouvaient de distance en distance dans la plaine.
Nous n'avions à leur opposer que trois pièces, qui n'ayant chacune que trois gargousses à mitraille à tirer, ne ripostaient point (...).
Notre colonel fit sonner la charge que nous enlevâmes aussi bien que possible, avec des chevaux qui ne pouvaient soutenir un temps prolongé de galop, exténués qu'ils étaient faute de nourriture : par notre première charge, nous dépassâmes avec succès les escadrons de cosaques réguliers de la Garde Impériale qui nous assaillaient, mais ceux-ci dispersés, de frais escadrons reprirent la charge et nous repoussèrent à notre tour. Nos chevaux épuisés ne pouvant soutenir assez vigoureusement ce nouveau choc, nous fûmes bientôt entourés par l'ennemi...
(P. 374).

La blessure :

- "Pour mon compte, au milieu de quatre ou cinq cosaques, après avoir fait usage de mes pistolets et rompu la lame de mon sabre sur le manteau de feutre de l'un de ces Scythes, je tombai atteint d'un coup de pistolet tiré à bout portant. Le projectile me frappa immédiatement au-dessous de la pommette de la joue droite, m'emporta tout le bord dupérieur alvéolaire et les dents, dans leur trajet, labourèrent ma langue et la déchirèrent en plusieurs parties. L'os maxilaire fut également touché, d'où s'en suivit la perforation du palais."
(PP. 374-375).

"Il faut savoir finir" :

- "J'éprouvai une douleur sourde avec tintement et un fort engourdissement. Le cerveau, néanmoins, fonctionnait ; me croyant blessé mortellement par l'effet de l'artillerie, me figurant avoir la moitié de la tête emportée et craignant d'y porter les mains, je me disposais mentalement à quitter ce monde assez philosophiquement, ne regrettant de la vie que ma bonne mère qui avait ma dernière pensée... Après tout, me disais-je, le champ de bataille doit être lit de mort d'un soldat, depuis bientôt sept années je les parcours dans toute l'Europe (4) ; il faut savoir finir avec résignation."
(P. 375).

Clairon du 9e hussards (DR).

A l'ambulance :

- "A ma grande satisfaction, j'y trouvai le chirurgien-major du régiment, M. Cuynat, mon ami, qui me viyant la face dans cet état, ne put dissimuler l'impression qu'il en éprouvait. Son regard scrutateur me donna à penser que ma blessure pouvait être mortelle (...).
Je m'empressai de prendre dans ma sabretache (5) mon carnet de service sur lequel avec mon crayon je traçai, à la hâte, la phrase suivante :
"Cuynat, tu es mon ami, tu me diras franchement ton opinion sur la gravité de ma blessure, je fais appel à ton humanité ; s'il y a danger dis-le-moi, n'oublie point que nous sommes à sept cent lieues de la France, ton dire me fixera. C'est convenu, j'ai encore dans mes fontes le remède infaillible à tous nos maux..."
(P. 376).

"L'amour de la Patrie" :

- "C'est grave, sans doute, mon ami, mais mortel, non ! Les blessures de tête se guérissent promptement ; avec ta bouillante imagination, tu prendras encore bientôt part à ces grandes actions où la vie est l'enjeu, c'est vrai, mais où l'homme prouve que la puissance du devoir et l'amour de la Patrie sont des nobles sentiments qui animent le soldat français."
Le premier appareil posé, om me dirigea vers le village de Winkowo ; on m'y abrita sous une hutte restée debout, où mon domestique, peu après, vint me rejoindre avec mes bagages et mes chevaux."
(P. 377).

André Grétry joué à Moscou :

- "Quand je suis seul, je ferme les yeux, je me recueille et reportant ma pensée à ce moment [une parade devant Napoléon sur la place du Kremlin], je crois entendre encore les vibrations de cette musique guerrière et surtout l'air touchant : "Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille" (6), aux paroles et aux accords duquel plusieurs milliers de vois répondaient par le cri enthousiaste et d'amour de "Vive l'Empereur !"... Ah ! C'était magique, c'était enivrant, entraînant... Mes pleurs coulent en y pensant... Quelle époque, quelle grande époque !"
(P. 378).

Uniforme de chirurgien-major des armées napoléoniennes, gravure de Pauquet (DR).

Une "nourrice" inattendue après l'abandon de Moscou :

- "Après l'établissement de notre bivouac, Aumont [un ami] me préparait lui-même une bouillie claire, seul aliment que je pouvais prendre ; encore pour l'ingurgiter, étais-je obligé de me servir d'une théière que nous appelions "Ma nourrice", dont je plaçais le col de cygne dans la gorge, en levant la tête, car il m'était impossible de conserver aucun liquide dans ma bouche, la perforation du palais donnant cours aux aliments qui s'écoulaient par les narines."
(P. 381).

Retraite de Russie :

- "Le mauvais temps survint. La leige, le vent, le froid nous dispersèrent ; la briska ou drokki, une sorte de calèche dans laquelle nous voyagions, fut abandonnée. Chacun chercha à se faire vivre (...). Peu sont revenus à Paris où l'on s'était donné rendez-vous.
A partir de ce moment-là, commencèrent pour tous les misères de tous genres.
(...) Sur nos flancs, par-derrière et aussi à notre avant-garde, où des divisions russes nous précédaient quelquefois pour nous barrer et nous disputer le passage, dans toutes les affaires partielles, la victoire restait notre constante alliée. Les pauvres blessé étaient recueillis et placés sur toutes les voitures qu'on avait fait décharger pour les recevoir. Nous cheminions péniblement..."
(P. 382).

Une campagne de Russie qui se termine en déroute et coûte 200.000 morts aux armées de Napoléon (DR).

NOTES :

(1) Voir son blog : L'estafette

(2) S-E de Moscou.

(3) Date de naissance et prénom inconnus. Décédé après 1854. Il fallut attendre 1952 pour que son témoignage soit enfin publié pour la première fois et par le Carnet de la Sabretache.

(4) Danel fut d'abord gendarme de la Garde Impériale, en 1806. Campagnes de Prusse et de Pologne. En 1808, campagne d'Espagne mais sous l'uniforme des chasseurs à cheval de la Garde. En 1809, Autriche. Lieutenant en 1811 au 9e hussards...

(5) Sac suspendu au ceinturon des cavaliers, près du sabre.

(6) André Grétry (Liège 1741 - Montmorency 1813). Protégé de Napoléon. Composa "La victoire est à nous" (air de la Caravane du Caire) et le quatuor vocal "Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ?" (extrait de la comédie musicale Lucile).


(version un rien militaro-cliquante, mais à défaut...)

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lundi 15 octobre 2012

P. 190. Pays des Montagnes du Matin : toponymie...


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Les Montagnes du Matin (Ph. JEA/DR).

Le chant des Alouettes
pour une Vieille Morte...

Les Alouettes,
Les Fonts de l’Ane, Bois Baudet,
Le Bœuf,
La Chèvre, La Goutte Chevreau,
Roche Coucou,
Les Grillons,
Crêt du Garde Lièvres,
Bois de Grippe Loup, Creux du Loup, Grataloup, Passe-Loup, Pin du Loup,
Chantemerle, Font Merle,
Chante-Perdrix, Chez Perdrix,
La Terre aux Pies,
Chez Poulet,
La Renardière,
Bois de la Vache,

L’Aubépin,
Crêt des Chênes, Plat du Chêne,
Châtaignier Bayard, Les Châtaigneraies,
La Croix du Frêne,
Bois du Noyer,
L’Orme,
Les Peupliers,
Au Sapin, Ferme du Pin, Pin du Sage, Les Pins Gantet, Pins du Monsu, Les Grands Sapins,
Bois du Sorbier,

Bois de Chenevoux, de Favasse, de Montchervet, de Ronfin,
de la Vétérine,
des Gouttes, des Lanières, des Tanières,
du Néron, du Nevert,
Bois Charrette, Pottier,

Bonnamour,
Bord d’Huile,
Bouchouchette,
Boussuivre,

Cache-Piou,

Chez Béroudiat,
Canne, Chapeau Rond, Clavel, Cœur, Coing, Cordonnier, Coton,
Fiotet, Frogel des Bois, Furin,
Gampaloup, Giroud, Goujat, Grampaloup, Grandgeard,
Legras, Ligue,
Marietton,
Paradis, Pardon, Pelousa, Pollon,
Remède, Rochand,
Terraillon, Trappe,
Chez Vermare, Viallon des Bois,

Les Trois Bornes, Trois Marterets, Fontaine des Trois Notaires, Trois Pierres,
Les Quatre Pierres,
Savigny-Trente Côtes

Champ Blanc, Croix Blanche, Font Blanc, Le Caillou Blanc, la Pierre Blanche, Places Blanches, Roches Blanches,
La Croix Jaune, Maison Jaune,
Terre Noire, les Gouttes Noires,
Barbe Rouge,
Le Moulin Vert, le Pré Vert,

Champs de Bost,

(JEA/DR).

Crêt de l’Ail, de Rochefort,
Cuissard, Fleur de Lys, Jacob, Midon, Néron,
Pélerat, Pioche,
Suchet,

Croix Armide, Chalus, Gravillon, Rochon, Salée,
de Bard, de Charmette, de Malle, de Monsieur Jean,
de la Main, de la Roue,
des Aliziés, des Cieux,
du Fol, du Sec,
Col de la Croix Casard,

Echansieux,

Goutte Fougère, Sourde,

Guigne-Queue,

Jeu de Quilles,

La Baratonière, la Barbarie, la Beauverdière,
La Charretière, la Chevrolière,
La Demi-Lune,
La Foi (ruines), la Font du Cercle, la Fouillat,
La Gailloudière, la Gandaillère, la Goutardière, la Grenade,
La Julianerie,
La Moissonnière, la Moussière,
La Parolière, la Pelleraie, la Perretière, la Philiponnière, la Pimpia, la Pontchonnière, la Poyée,
La Rouillère,
La Servageonne,
La Teissonière, la Tracole, la Tremblotte, la Truche,
La Verpille, la Voisinée Marsande,

La Petite Bigaudière, Petite Botte, Petite Roche,
Le Petit Panissières, Petit Robert,

Le Bar d’Huile, le Béroudiat, le Bigot, le Bossu, le Bras de Fer,
Le Chanasson, le Chapelier, le Chevalier,
Le Feuillata,
Le Grenouillat,
Le Martichon, le Millord, le Montmeterme,
Le Paillasson, le Pied de Vindry,
Le Radix,
Le Satinaire, le Souzy,
Le Vacheron,

Les Barges, les Barlètes, les Barricades, les Bonnêtes, les Bottières, les Brouilles,
Les Chaudures, les Chazottes, les Cornières, les Couteaux,
Les Egaux, les Entressières, les Envers, les Escurbins,
Les Flachisses,
Les Gourdes, les Granges d’Espagne,
Les Hébrons,
Les Odiberts, les Œufs,
Les Paturgées, les Pinachons, les Pinattes, les Planties,
Les Ratis, les Ronzières,

Malagoutte,

Mont du Crépier, Potu,

Pierre à Futte, Pierre Plantée, Pierre-sur-Autre,

Pirepoint,

Pré Monfou, Sury,

Réveille-Matin,

Taillis de Montchervet,

Tire-Cul,

Trinque-Barra,

Vieille Morte...

Vieille épicerie morte (Ph. JEA/DR).

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jeudi 11 octobre 2012

P. 189. Documentaires à l'affiche du Festival des Libertés


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Site internet ? Cliquer : ICI.

Thématique 2012 du Festival des Libertés

- "Politique et artistique, métissé et créatif, festif et subversif, le Festival des Libertés mobilise, chaque automne, toutes les formes d'expression pour se faire le témoin de la situation des droits et libertés dans le monde, alerter des dangers qui guettent, rassembler dans la détente, inciter à la résistance et promouvoir la solidarité."

"Political and artistic, intercultural and creative, festive and subversive...
Elke herfst doet het Festival van de Vrijheid een beroep op alle mogelijke uitdrukkingsvormen om een situatieschets te geven van de rechten en vrijheden van de mens in de wereld. Hierbij wordt gewaarschuwd voor gevaren die op de loer liggen.
Het festival wil aanzetten tot verzet en beoogt solidariteit te bevorderen."

Thème 2012 : L'Antécrise

- "Le Festival des Libertés 2012 invite les citoyens à voir dans les crises multiples, non plus des catastrophes paralysantes et aveuglantes, mais des opportunités d'affiner la critique, de prendre conscience de l'essoufflement de nos systèmes économiques, politiques, sociaux et culturels pour ouvrir le champ des possibles à d'autres façons de voir, de faire et d'articuler les libertés, les solidarités et l'égalité. Une invitation à prendre le risque de la nouveauté, de la complexité et de l'incertitude afin de sortir des impasses, des crispations et des replis."

Du jeudi 18 au samedi 27 novembre 2012, ce Festival alchimiste et cosmopolite rassemble, mélange, orchestre, propulse, transfigure 16 concerts, 4 spectacles de la scène, 30 documentaires, 18 débats et 2 expositions.

Cette page se "limitera" à la "Compétition internationale de documentaires". Non pour l'aspect "compétition" et les 5 prix à décerner, mais pour saluer les organisateurs et illustrer leur projet :
- "La programmation a retenu les trente documentaires qui paraissent les plus pertinents tant par leur propos proche des préoccupations du Festival que par leur qualité cinématographique et par la démarche investigatrice, engagée et humaine de leur auteur. Couvrant les cinq continents, ces films primés par d'autres festivals, reflètent l'état d'une planète en crise et la détermination de celles et de ceux qui tentent de lui donner un avenir. Dans la mesure du possible, les films sont suivis d'une rencontre avec le réalisateur ou des personnes ressources."

Four Horsemen de Ross Aschroft (DR)

JEUDI 18 novembre, 19h, Théâtre National, salle J. Huisman


Four Horsemen
de Ross Ashcroft, USA, 2011, 97'
- "Terrorisme, réchauffement climatique, pauvreté et monde de la finance... Kes crises sont-elles liées ? Vingt-trois penseurs invitent à comprendre les noeuds d'un systèle élitiste (...). Les cavaliers de l'apocalypse nous invitent à l'espoir en nous expliquant les éléments clés de "la machine".

21h30

The tiniest place de Tatiana Hueso Sanchez
, Mex, 2011, 104'
- "En 1979, une terrible guerre civile éclate au Salvador, faisant 80.000 morts et disparus en douze ans. De nombreux villages furent à l'époque abandonnés. Des années plus tard, les survivants font renaître ces lieux des cendres.

Vendredi 19, 16h

De Charybde en Scylla
d'enlignedirecte.be
, Be, 2012, 26'
- "Début mai 2012, le Délégué général aux droits de l'enfant a pris la direction de la Serbie sur les traces d'une famille rom éloignée de Belgique (...). A partir de ce cas concret, le documentaire fait état des persécutions, des violences et des discriminations dont sont victimes les Roms."

19h

A people uncounted de Aaron Yeger, Ca, 2011, 99'
- "L'histoire des Oms, quand elle n'est pas romancée, s'étale sur des siècles de rejets, d'incompréhensions et de massacres. 500 000 Roms ont été tués par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce film traverse onze pays à la rencontre de leur histoire, passée et présente."

22h15

Solo andata, il viaggio di un Tuareg de Fabio Caramaschi, It, 2010, 52'
- "Le jeune Sidi est touareg mais il a grandi en Italie, où son père a trouvé du travail. Sidi agrippe une caméra et interroge les membres de sa famille, les passants, les Italiens... La migration vue de l'intérieur, par ceux qui la vivent."


Hell ans back again de Dennis Danfung (DR).

Samedi 20, 14h

Hell and back again de Dennis Danfing, UK/USA, 2011, 88'
- "Embarqué au sein d'une compagnie de Marines US en Afghanistan, le réalisateur révèle l'impact dévastant de la présence militaire américaine sur les populations locales prises entre deux feux, mais également la charge psychologique subie par les soldats américains."

16h

In my mother's arms de Mohamed Al-Daradji, UK/Iq, 2010, 86'
- "Après avoir découvert l'horreur des orphelinats gouvernementaux à Bagdad, Husham a créé sa propre maison d'accueil pour garçons exclusivement. Le propriétaire décide de les expulser. Ce film suit en particulier le parcours de deux de ses pensionnaires..."

17h45

Los Herederos d'Eugène Poglovsky, Mex, 2009, 79'
- "Dans les campagnes mexicaines, la pauvreté se transmet le plus souvent par héritage. De génération en génération, le jeunes reproduisent les gestes des anciens dans un même combat pour survivre."

19h15

Generation Kunduz de Martin Gerner, De/Af, 2011, 80'
- "A Kunduz, rencontre d'une génération afghane tiraillée entre la peur des attaques talibanes et les conséquences de la présence militaire étrangère. Mirwais, Nazanin, Hasib, Ghulam et Khatera au milieu du conflit armé."

Dimanche 21, 14h

Taste the waste de Valentin Thurn, De, 2011, 88'
- "Incroyable mais vrai : entre le lieu où ils sont produits et celui où ils sont consommés, la moitié des aliments finissent à la poubelle. Quelles sont les initiatives mises en place à travers le monde pour tenter de parer à cette aberration ?"

16h

Malta Radio de Manuel Menchon, Es, 2009, 60'
- "Dans les eaux internationales, au large des côtes de Malte, un bateau de pêche se rapproche d'une embarcation en difficulté. Cinquante et un migrants sénégalais sont à la dérive..."

17h30

They call it Myanmar. Lifting the curtain de Robert H. Lieberman, USA, 2011, 85'
- "La Birmanie est isolée du monde par la junte militaire au pouvoir depuis les années 1960. Avec audace et discrétion, R. H. Lieberman lève une partie du voile à la rencontre de ce peuple étouffé (et aussi de Aung San Suu Kyi)."

19h30

Bitter seeds de Micha X. Peled, USA, 2011, 88'
- "L'Inde connait une crise sans précédent dans son histoire. Toutes les trente minutes, un fermier s'y suicide sous le poids des exigences de la multinationale Monsanto. Après le suicide de son frère, une jeune Indienne prend la caméra et mène son enquête."

21h15

My land de Nabil Ayouch
, Fr/Ma, 2011, 90'
- "De vieux réfugiés palestiniens qui ont fui en 1948 et ne sont jamais retournés sur leur terre, se livrent à la caméra. L'enregistrement est ensuite montré à de jeunes israéliens de vongt ans qui habitent sur cette terre sans vraiment connaître l'histoire qui les a précédés en ces lieux."


Voices of transition de Nils Aguilar (DR).

Lundi 22, 16h

Voices of transition de Nils Aguilar
, Fr/De, 2012, 65'
- "En France, des agriculteurs et des agronomes soulignent le potentiel énorme des techniques dites d'agroforesterie. Autre solutions innovantes en Angleterre (les "villes de transition") et à Cuba..."

21h15

Access to danger zone de Eddie Gregoor et de Peter Casaer, Be, 2012, 70'
- "Les travailleurs humanitaires vont sur tous les terrains et même dans les zones de guerre es plus dangereuses. Comment gèrent-ils le risque ? Quelles limites posent-ils à leur action dans des contextes politiques comme l'Afghanistan, la RDC, la Somalie ou le Kenya ?"

Mardi 23, 19h

Russian libertine d'Ari Matikainen, Fi, 2012, 75'
- "Construit sur le mode du "thriller" et narré par l'écrivain russe dissident Victor Erofeyev, ce documentaire révèle les nombreux mensonges dissimulés par l'Etat russe afin de se construire une image officielle attrayante."

20h45

Better this world de Katie Galloway et de Kelly Duane de la Vega, USA, 2011, 89'
- "L'histoire de deux jeunes Etasuniens, accusés d'avoir planifié un attentat à l'occasion de la conversion nationale républicaine en 2008, est un conte dramatique sur l'idéalisme, la radicalisation, la loyauté, le crime et la trahison dans l'Amérique post 11 septembre."

Mercredi 24, 19h

Call me Kuchu de Malika Zouhali-Worrall et de Katherine Fairfax Wright, USA, 2012, 87'
- "En Ouganda, une nouvelle loi menace de faire de l'homosexualité un délit punissable de mort. David Kato, le premier Ougandais à assumer publiquement son homosexualité, et d'autres luttent pour abriger cette loi..."

20h45

Mama illegal d'Ed Moschitz
, At, 2011, 95'
- "La Moldavie, sinistrée économiquement, voit ses femmes quitter leurs enfants et risquer leur vie pour aller travailler en Europe de l'Ouest."


Speed - In search of lost time de Florian Opitz (DR).

Jeudi 25, 19h

Speed - In search of lost time de Florian Opitz, De, 2012, 97'
- "Jamais la technologie qui nous entoure ne nous a fait gagner autant de temps et pourtant nous sommes sans cesse pressés jusqu'à n'avoir plus le temps rien. Sommes-nous devenus des esclaves de nos machines et de leur vitesse ? A moins que ce rapport au temps ne soit symptomatique d'une société en crise ?"

21h

Le piège de Dublin de Bryan Carter, Be, 2011, 51'
- "L'histoire d'un demandeur d'asile afghan défendu par un avocat belge qui a remporté une victoire historique à la Cour européenne des droits de l'homme, sert de point de départ à une mise en perspective et en question des politiques d'asile..."

Vendredi 26, 19h

My Neighbourhood de Judith Bacha et de Rebekah Wingert, Il/USA, 2012, 25'
- "Le jeune Mohamed, 11 ans, vit avec sa grand-mère dans Jérusalem-Est. Une loi israélienne permet aux colons juifs de jeter des familles palestiniennes à la rue et de s'approprier leur maison. Mais le jeune Mohamed rencontre aussi pour la première fois des Israéliens qui luttent pour la paix."

21h

The Argentina experiment de Yorgos Avgeropoulos
, Gr, 2011, 100'
- "Dix ans après y avir tourné au plus fort d'une grave crise économique, le réalisateur grec retourne en Argentine pour y autopsier la situation économique, sociale, et politique actuelle. Les leçons de la crise ont-elles été retenues ?"

Samedi 27, 15h15

Facebook follies de Geoff D'Eon, Ca, 2011, 52'
- "Le partage d'informations privées sur des réseaux sociaux peut avoir des conséquences inattendues. Certaines personnes en ont perdu leur travail, leur conjoint, voire leur liberté. "Vous cherchez le produit sur Facebook, ne cherchez plus, vous êtes le produit !"

17h30

Crises en vues.
- "Deux courts métrages à l'initiative du Bureau International Jeunesse avec des jeunes provenant des cinq continents."

19h

Forbidden voices de Barbara Millet, Ch, 2012, 96'
- "Bravant la censure, trois femmes hors du commun se sont emparées d'Internet pour dénoncer les exactions de leur gouvernement et faire avancer la démocratie dans leur pays : Cuba, l'Iran et la Chine."

21h

Five broken cameras
d'Emad Burnat et de Guy David
, Pal, 2011, 90'
- "Emad vit avec sa famille dans le petit village de Bil'in, en Cisjordanie. En 2004, pour la naissance de son quatrième fils, ses amis lui offrent sa première caméra. Sept années de témoignages intenses... et cinq caméras brisées."



Le Festival des Libertés est porté par
Bruxelles Laïque asbl - deMens.nu.



Adresse : Théâtre National, Bd Emile Jacqmain 111-115, B 1000 Bruxelles.
Billetteries du Théâtre National : du mardi au samedi, de 12h à 18h.

Par téléphone : TN 32 (0)2 203 53 03.
FILMPAS à 30 Euros : Bruxelles Laïque, 32 (0)2 289 69 00.

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lundi 8 octobre 2012

P. 188. "Después de Lucia", le film


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Synopsis

- "Lucia est morte dans un accident de voiture il y a six mois ; depuis, son mari Roberto et sa fille Alejandra, tentent de surmonter ce deuil. Afin de prendre un nouveau départ, Roberto décide de s’installer à Mexico. Alejandra se retrouve, nouvelle, dans une classe. Plus jolie, plus brillante, elle est rapidement la cible d’envie et de jalousie de la part de ses camarades. Refusant d’en parler à son père, elle devient une proie, un bouc émissaire.

Michel Franco


- "Je n’ai pas étudié le cinéma à l’école, je suis un autodidacte, ma carrière dans la com et dans la pub a été cinq années de loisirs. Ça m’a permis d’avoir le matériel et le temps pour faire deux ou trois courts métrages. J’essayais des trucs, bien et moins bien, peu importe."
(Interview dans Libération, 2 octobre 2012).

- "J’ai voulu bâtir un scénario avec plusieurs couches de récit. Un scénario que l’on ne peut pas résumer en quelques mots, ce qui, à mon sens, est toujours mauvais signe. Le point de départ, c’est le deuil d’un homme et sa cohabitation silencieuse avec sa fille. Ensuite, sont apparus les thèmes du bullying et de la violence. Ce qui m’intéresse en premier lieu dans “Después de Lucia”, ce n’est pas tant le harcèlement dont est victime Alejandra que le fait qu’elle choisisse de ne pas se défendre. L’acceptation et jusqu’où l’acceptation : telles sont les questions centrales posées par le film
(…)
Dans “Después de Lucia”, il n’y a ni glorification de la violence, ni dénonciation moralisatrice, ni discours pédagogique. Je tente de montrer objectivement un processus et ses conséquences. Ma démarche est aux antipodes de la représentation pseudo-réaliste de la violence telle qu’on peut la voir quotidiennement à la télévision, sans recul ni distance et qui suscite une fascination aussi suspecte que dangereuse."
(Rue 89).

Isabelle Regnier

- "Alejandra : victime expiatoire de toutes les frustrations [qui] sont celles de la société tout entière, envisagée ici comme une cocotte minute au bord de l'explosion, tiraillée entre une modernité imposée par la mondialisation et les nouveaux moyens de communication, et la prégnance dans ce pays catholique des structures patriarcales et autoritaires."
(Le Monde, 2 octobre 2012).


Alejandra - Tessa Ia (DR).

Arnaud Schwartz

- "L’itinéraire d’Alejandra est terrible. L’issue sera tragique – quoique inattendue. Michel Franco, qui signe aussi le scénario du film, décrit avec justesse la mécanique infernale qui mène de la fragilité du deuil à une forme de mutisme, d’une douleur à une autre, du jeu pervers à l’entreprise de déshumanisation.
Le cinéaste n’a pas voulu faire du harcèlement l’unique sujet – mais plutôt le contexte – de son film. Il offre au spectateur une salutaire distance, qui évite tout voyeurisme et préserve d’une brutalité trop crue.
Très bien maîtrisé, d’une remarquable sobriété, ce film – certes éprouvant – ouvre sur un vertigineux abysse. Interprété avec force par de jeunes comédiens non professionnels (à commencer par l’actrice principale, Tessa Ia)."
(La Croix, 2 octobre 2012).

Jacques Morice

- "Il arrive que le cinéma soit un calvaire en même temps qu'une traversée palpitante. Le second long métrage de Michel Franco, cinéaste mexicain remarqué avec Daniel et Ana (2009), procure cette double sensation, avec un art très maîtrisé de la mise en scène. Un homme, qui a perdu sa femme dans un accident de voiture, tente désespérément de refaire surface. On le voit souvent allongé, le corps lourd, fatigué, déprimé. Auprès de lui, il a sa fille, Alejandra (Tessa Ia), une quinzaine d'années, visage avenant. Il semble qu'elle surmonte mieux l'épreuve. C'est presque elle qui soutient son père. Leur relation est touchante, faite de complicité et d'attention tendre — on dirait parfois un couple. Ils ont l'air de bien s'entendre. Mais se parlent-ils vraiment ?
Des cadrages à la durée des plans, du jeu des comédiens au scénario, tout est précis, dense, déroutant, mais de manière étonnamment fluide. On ne sait jamais ce que réservera la séquence suivante, le genre lui-même (une chronique, un drame, un polar ?) demeurant incertain un long moment. Ce qui est certain, en revanche, c'est la tension extrême quoique souterraine, créée par Michel Franco, de la première à la dernière minute. Une tension qui dit à la fois la souffrance, le tumulte intérieur et l'éloignement progressif. Tandis que le père s'enfonce dans la dépression, la fille, elle, subit une série d'agressions physiques et psychologiques perpétrées par des élèves de son lycée."
(Télérama).


Le cercle des agresseurs se refermant sur leur victime (DR).

Didier Péron

- "Il s’agit d’une dramaturgie tendue qui puise sa force d’attraction d’un processus inexorable. Ici, Alejandra subit brimades, insultes, gifles. Elle est de plus en plus isolée, enfermée dans sa condition de paria. Les adultes autour ne voient rien et les ados rigolards paraissent dénués de tout sens moral, de toute empathie. On a beau savoir que la réalité nous abreuve de faits divers sordides où se coalisent des individus dans le seul but de faire souffrir quelqu’un par le harcèlement moral ou sexuel, on en veut quand même au film de nous attacher à une fiction qui se nourrit de l’éclat révoltant du supplice de la jeune fille (…)
Tel quel, le film demeure étrangement opaque et persistant, une fable contemporaine qui agace les nerfs et laisse pantois grâce à un long dernier plan séquence particulièrement réaliste dans sa brutalité."
(Libération, 2 octobre 2012).

Serge Kaganski

- "Comme son aîné Pasolini, Franco (aucun lien de parenté avec le défunt caudillo) regarde la barbarie en face pour mieux nous en faire ressentir la perversité, mais en restant toujours du côté de la victime : impossible de jouir en compagnie des lycéens tortionnaires, de ne pas être révulsé par leur comportement.
(…)
Pas besoin d’aller chercher les repoussoirs nazis ou fascistes, les graines du mal sont potentiellement au bout du couloir, ou en nous.
Thème qui n’est certes pas nouveau, mais que Michel Franco traite avec clarté et frontalité, sans en rajouter dans le spectaculaire, allant jusqu’au fond de son sujet et d’un dénouement dont on ne dévoilera rien, si ce n’est qu’il nous laisse au bord d’un abîme de réflexion, sonné et songeur."
(les inRocKs, 2 octobre 2012).

Stéphane Argentin

- "Dire que Après Lucia va loin dans le registre du harcèlement (sans pour autant sombrer dans le voyeurisme) serait un doux euphémisme tant le spectateur aura littéralement envie d'exploser et / ou de se rebeller aux côtés / à la place de l'adolescente. D'autant que, pour son deuxième long-métrage, Michel Franco va jusqu'au point de non retour, ne laissant à ses protagonistes aucun échappatoire possible. C'est donc littéralement sonné que le spectateur ressort lui-aussi de ce brillant et cruel Après Lucia."
(Ecranlarge).

Romain Le Vern

- "Pour raconter cette trajectoire effrayante de beauté ruinée (une adolescente maltraitée par ses camarades de classe et son père à sa recherche pour la défendre), Michel Franco recompose un puzzle en le compliquant de différents niveaux chronologiques et propose une incroyable étude de cas sur les thèmes de la culpabilité et de la vengeance. Au-delà du sujet qui peut faire peur, "Despues de Lucia" se révèle l'alliance d'une mise en scène viscérale et d'un script raisonné. Le spectateur peut avoir la sensation d'être pris en otage et pour peu que l'on ne soit pas amateur des expériences malaisantes du réalisateur autrichien Michael Haneke ("Funny Games"), on peut trouver ça insoutenable. Pourtant, c'est du vrai et grand cinéma, pas un énième reportage racoleur sur la violence à l'école.
Tragique et puissant, "Despues de Lucia" témoigne de la vision du monde noire de son auteur et dresse un constat cruel, très contemporain (l'alienation des adolescents aux réseaux sociaux, la vindincte envers le marginal dans un groupe de monstres) qui ne sombre jamais dans la démonstration, la putasserie ou la mélodramatisation. La dernière image - terrible - prend à la gorge et hante longtemps après la projection."
(TF1 news).

Claire dans les salles obscures
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