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L'un des dix films les plus éblouissants de l'histoire du cinéma ?
A noter que son titre français : "Le grand Chemin" s'est perdu dans les sables du temps, même si André Claveau en fit un titre de chanson.(DR)
Synopsis
- "Zampanò, un homme à la nature violente, s’exhibe sur les places et dans les foires de village comme cracheur de feu. A la vue d’une pauvre paysanne submergée par ses enfants, il lui achète Gelsomina pour dix mille lires, une fille ingénue et ignorante pour qu’elle devienne son bras droit dans ses spectacles. Gelsomina, qui sera forcée de devenir sa maîtresse, étant une créature sensible, tente en vain de lui échapper puisqu’il la maltraite sans cesse. Après être passés à un cirque pour y travailler, Gelsomina fait la connaissance de Matto, étrange figure d’équilibriste errant, gentil et placide qui ne rate pas une occasion pour se moquer de Zampanò et l’humilier. Ce dernier va le tuer de manière involontaire lors d’un litige. La tragédie rend Gelsomina définitivement folle car elle va être troublée nuit et jour par le souvenir de Matto. Zampanò alors la quitte pour poursuivre sa vie vagabonde car il craint d’être découvert et arrêté. Quelques années après, il découvre par hasard que Gelsomina est morte et soudainement il prend conscience de sa solitude. Puisqu’il est abandonné par tout le monde pleure sur une plage déserte."
André Bazin
- "C'est l'histoire d'un homme qui apprend à pleurer..."
Jean De Baroncelli
- "C'est un film qui console de bien des déceptions. C'est un film qui nous raffermit dans notre conviction que le cinéma est un moyen d'expression unique."
(Le Monde, 15 mars 1955).
Le Canard Enchaîné
- "C’est un des quatre ou cinq chefs d’œuvre que le cinéma nous ait donnés depuis sa naissance. Un film qui nous force à remettre en question tout ce que nous avons vu au cinéma depuis des années. Une fable humaine et lyrique d’où l’on sort enivré, après quoi le jour même n’a plus la même couleur."
(23 mars 1955).
Yvon Toussaint
- "Fellini traite ce pathétique dans un dépouillement absolu, avec une sainte horreur du pittoresque spectaculaire. Les éléments constitutifs des situations, des images, sont semblables à ceux du néo-réalisme. Mais une infime transposition, une sublimation légère fait naître une poésie douce-amère, tendre et désolée."
(Le Soir, 7 octobre 1955).
Témoignage chrétien
- "La Strada est le chef d’œuvre d’un poète, d’un peintre d’états d’âme ; le chef d’œuvre d’un homme généreux qui, par le don même de sa générosité, provoque la générosité des êtres et des choses ; le chef d’œuvre où la réalité, nourrie et sublimée par la poésie et la spiritualité, est plus réelle que le réel ; le chef d’œuvre où la réalité refuse de se réduire à des symboles tout en étant cependant débordante de signes ; le chef d’œuvre où le quotidien balance dans l’instant du présent au passé, du futur à l’éternel."
(25 mars 1955).
Larousse
- "Les intellectuels, interloqués, ont applaudi, le public populaire, fasciné, a pleuré. Le succès s'est révélé international. Il est au départ de la gloire de Fellini. Aujourd'hui, il se trouve des voix pour prétendre que La Strada est une œuvre surestimée, racoleuse, « facile ». Ces voix s'époumonent en vain contre l'évidence de sa beauté."
Marine Landrot
- "Dépourvu de scénario écrasant, entièrement tourné en extérieur dans des conditions infernales, ce film itinérant vogue au gré de la composition époustouflante des acteurs. Brusque et hâbleur, Anthony Quinn rend caressante sa violence incontrôlée. Avec sa cape de deuil et sa « face d'artichaut », Giulietta Masina oscille entre Charlie Chaplin et Stan Laurel. Roulements de tambour et trépignements : voilà un chef-d'oeuvre."
(Télérama, 20 février 2010).
Anthony Quinn et Giulietta Masina (DR).
L’Oeil sur l’Ecran
- "Le personnage de la jeune fille emprunte visuellement beaucoup de traits à Chaplin ; Giulietta Masima, avec peu de paroles, met beaucoup d’humanité dans son personnage en jouant avec les expressions enfantines de son visage (…). La Strada est un film plein d’humanité que Fellini transmet en évitant tout misérabilisme. Il trouve ici l’équilibre parfait et le film remportera un succès qui le propulsera au devant de la scène."
(Blog écrit à quatre mains par un couple, 13 novembre 2010).
Vittorio Bonicelli
- "Zampanò est l’un des personnages les plus puissants, intenses et dramatiques du cinéma contemporain. Le style du film est parmi les plus purs et les plus lucides du néoréalisme. Il faut se rappeler de la légèreté, de l’intensité, de la chaleur instinctive des personnages et de leur définition immédiate dans la séquence de la réception nuptiale et de l’excursion de Gelsomina dans la grande maison de campagne jusqu’à la découverte de l’enfant malade."
(Il Tempo, 7 octobre 1954).
Leïla Bekhti
- "C'est un film qui m'a bouleversée quand j'étais jeune. Souvent quand on grandit on se dit qu'on n’arrivait pas à mettre de mots sur ce sentiment et des années plus tard, j'ai compris qu'il n'y avait pas beaucoup de gens qui pouvaient autant nous en dire avec leurs yeux et s'appellent de grandes comédiennes, Giulietta Masina en fait partie."
(RTL, 22 août 2013).
Dominique Aubier
- "La Strada est une œuvre qui suppose de la part de son auteur, en plus du génie d'expression, une parfaite connaissance de certains problèmes spirituels et une réflexion sur eux. Ce film traite en effet du sacré, je ne dis pas du religieux ni de la religion. Je parle de ce besoin primitif et spécifique à l'homme qui nous pousse au dépassement, à l'activité métaphysique, tant sous la forme religieuse que maintenant sous la forme artistique, besoin aussi fondamental que celui de durer. Il semble que Federico Fellini sache parfaitement que cet instinct est à la source des religions comme de l'art. Il nous le montre à l'état pur dans Gelsomina. [...] Fellini et ses trois interprètes réussissent à nous décrire tant charnellement que mentalement et par le moyen de l'image, l'histoire servant à un tout autre but, des personnages mythiques et vrais. Ces trois héros vivent d'une vie esthétique parfaite. Ils nous arrachent cette émotion grâce à laquelle un personnage de lumière ou de papier prend pour une seconde une fulgurante réalité et demeure en nous."
(Cahiers du cinéma n°49, juillet 1955).
Ermanno Contini
- "Fellini est le maître du récit et son film s’écoule en effet dans une narration légère et très mesurée qui cherche ses retournements de situation, ses rebondissements, ses enchaînements et ses résolutions dans de petits détails, des annotations délicates, des tons discrets qui s’encastrent naturellement dans la modeste trame d’une histoire apparemment vide d’événements. Pourtant, combien d’intentions et d’effervescence enrichissent une aussi grande simplicité, ils sont tous complètement exprimés mais ils ne sont pas tous ni clairement évidents, ni entièrement traduits dans une pleine éloquence humaine et poétique, mais ils sont tous suggérés avec une fine sensibilité, ils sont tous soutenus par une subtile charge émotionnelle."
(Il Secolo XIX, 8 septembre 1954).
Ciné-Club de Caen
- "Séquences célèbres : Gelsomina vendue par sa mère; les trajets sur les routes sur un lamentable triporteur roulotte ; la noce champêtre et la visite d'un enfant malade et reclus ; la rencontre de Gelsomina avec l'équilibriste, puis avec une religieuse dans un couvent ; la bataille de Zampano avec Il Matto qui regarde sa montre brisée et tombe mort ; Zampano qui apprend la mort de Gelsomina, regarde le ciel et pleure sur la plage (…).
Un film complexe. Il était d'abord une critique de la condition féminine, de la femme objet aussi passive qu'un caillou, tout juste créée pour faire l'amour et la cuisine."
Olivier De Bruyn
- "Un film qui témoigne du génie visionnaire de Fellini, mais aussi d'une période transitoire de sa carrière. A mi-chemin des premiers pas néo-réalistes - entrepris avec Rossellini (il collabore aux scripts de Rome ville ouverte et de Paisa, il joue dans l'Amore) puis en solo (les Vitelloni) - et de la fantasmagorie réflexive qui voit le jour à partir de la Dolce Vita (1959), la Strada est d'abord un témoignage d'amour hors-pair à l'actrice Giulietta Masina, madame Fellini à la ville (…).
Fellini filme sa drôle d'histoire comme un road-movie où la réalité patente du monde est doucereusement pervertie par son regard. La Strada est un film où l'on imite les arbres et où l'on avale des spaghettis sur un fil d'acrobate. Un film, aussi, où l'on crève d'aimer. Un grand film."
(Libération, 20 janvier 1995).
Federico Fellini
- "Si j’étais critique, je penserais que chaque film a droit à une façon particulière non seulement d’être vu, mais aussi d’être raconté et donc proposé au lecteur-spectateur. Quel est le but premier d’un critique de cinéma ? Celui de parler d’un film, de le faire « comprendre » (…). Le plus souvent, l’expliquer c’est le réduire sinon même le mortifier, tout comme si face à un conte, on se mettait à dire ce que signifient la forêt, le loup, le Petit Chaperon Rouge et pourquoi Pinocchio rencontre son père dans le ventre de la baleine. Grattez le vernis, vous annulez le charme."
(Il Tempo, 29 mars 1980).
Nino Rota : La Strada, suite (Orchestre symphonique Milan-RAI, dir. Enrico Collina).
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