MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 27 juin 2013

P. 243 . Céline : Voyage au bout de son antisémitisme

A propos du titre, veuillez vous référer à la note (1).
.
D'un Céline l'autre
Edition établie et présentée par David Alliot,
Préface de François Gibault,
Robert Laffont, Coll. Bouquins, 2011, 1184 p.


Présentation de l’Editeur :

- "Les 200 témoignages que regroupe D’un Céline l’autre jalonnent l’itinéraire d’une vie entière : celle de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), depuis sa jeunesse passage Choiseul jusqu’à sa mort à Meudon. Un portrait inédit de Céline émerge ainsi à travers le regard de ceux qui l’ont connu : famille de l’écrivain, amis intimes, admirateurs ou adversaires. La nature des témoignages est d’une grande variété : correspondances, journaux intimes, mémoires, etc. S’ils proviennent généralement de la sphère française, quelques voix étrangères résonnent : les danoises, qui dévoilent le Céline de l’exil entre 1945 à 1951, les allemandes, qui dévisagent le Céline de l’Occupation. Certains textes tiennent en une ligne, d’autres s’étendent sur plusieurs dizaines de pages. Chaque témoignage est minutieusement introduit à la compréhension du lecteur à travers un appareil critique très exhaustif : notice biographique du témoin, origine du texte, contexte dans lequel il a été écrit. Enfin, l’ensemble du livre contient des annotations de nature à éclairer certains aspects de la vie de Céline. Un tiers des témoignages est connu du grand public. Un deuxième tiers ne lui était pas accessible jusqu’ici. Le dernier tiers est totalement inédit. En effet, tantôt les témoignages ont été recueillis par l’auteur auprès des derniers témoins encore en vie, tantôt ils ont été découverts dans des archives encore inexplorées. D’un Céline l’autre est préfacé par Me François Gibault, biographe de Céline, avocat et homme de confiance de Mme Lucette Destouches, veuve de l’écrivain, qui a apporté son soutien au projet. Le livre s’accompagne également d’une biographie synthétique de la vie de Céline, écrite par David Alliot, afin de livrer quelques repères au lecteur profane. Enfin, différentes annexes (chronologie, bibliographie et deux cartes) viennent compléter le contenu du livre."

4e de couverture :

- "Journaux intimes, Mémoires, correspondances... Ces témoignages sur Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), issus des sources les plus diverses, sont pour un tiers totalement inédits. Ils composent, en filigrane, une biographie kaléidoscopique de l'écrivain depuis son enfance jusqu'à sa mort, en passant par la révélation, dans les années 1930, du génial Voyage au bout de la nuit, sans occulter la période de l'Occupation et de l'exil au Danemark. Intellectuels, artistes, résistants ou collabos, patients et maîtresses, tous ont leur opinion à son sujet.
L'historien Jacques Benoist-Méchin est fasciné par la «force éruptive» qui se dégage de Céline. Gen Paul, le peintre de Montmartre, excédé par ses «vacheries», voit en lui un «monstre». Elizabeth Craig, une de ses muses emblématiques, proteste, au contraire, de son «immense tendresse». Le lieutenant allemand Gerhard Heller, qui le rencontre pendant l'Occupation, est subjugué par sa puissance visionnaire, qui capte l'«envers démoniaque» du monde. Et il n'est pas le seul.
Mais l'antisémitisme fanatique de Céline indigne aussi beaucoup de ses admirateurs. Ernst Jünger dénonce chez lui «la monstrueuse puissance du nihilisme». L'écrivain et résistant Roger Vailland voudrait littéralement en finir avec lui. Mais comment abattre l'auteur de Voyage au bout de la nuit ? L'actrice Françoise Fabian, qui le rencontre à Meudon, sa dernière retraite, témoigne d'un homme vivant dans le plus grand dénuement, enfin «sans masque».
Aux lecteurs de juger sur pièces celui qui est, avec Marcel Proust, l'écrivain français le plus important du XXe siècle. Cinquante ans après sa mort, la fascination à son égard reste intacte et les controverses qu'il continue de susciter font toujours de Céline un «impardonnable», selon la formule admirative de Dominique de Roux."

Hubert Prolongeau :

- "La somme (1100 pages) est énorme. Que nous apprend-elle sur Céline ? Les anecdotes foisonnent. Sa crainte des chevaux à la caserne, ses voyages en Angleterre, son envie de voir une exécution capitale, « prix Goncourt du crime », sa rencontre avec Arletty ou Robert le Vigan… Les jugements y étonnent souvent, aussi bien par leur lucidité que par leur aveuglement parfois (Montherlant ou Léautaud niaient toute postérité possible à Céline…). Certains sont inattendus, comme ceux concernant son exil danois. L’affaire du prix Goncourt refusé à Voyage au bout de la nuit y est magnifiquement détaillée, témoignage incomparable sur le Paris littéraire de l’époque, et la réunion de longs entretiens avec Lucette Destouches, sa femme, fidèle entre tous, est très émouvante. Ses errements de la guerre ne sont bien sûr pas occultés, mais ils sont plus connus. Chaque fois, des notes, nécessaires sans être envahissantes, permettent de remettre à leur véritable place les mensonges ou omissions trop flagrants que font les uns et les autres."
(Le Magazine Littéraire, 24 mai 2011).

Question de Grégoire Leménager à Dominique Alliot :

N.O. - "L’apparition de son antisémitisme forcené reste une énigme... On cherche des signes, en se demandant si ce sont des symptômes ou des causes. Est-ce parce que le patron de son dispensaire était juif ? Ou parce qu’Elisabeth Craig lui a été «fauchée par un juif», comme il le répète ?"
D. Alliot. - "Il n’y a pas vraiment de réponse... parce qu’il a toujours été antisémite. Et raciste: les pages sur l’Afrique dans le «Voyage au bout de la nuit» sont d’ailleurs assez abominables. Et les premières traces d’antisémitisme apparaissent clairement dans «l’Eglise», cette pièce qu’il a rédigée avant le «Voyage»: la Société des nations, le cosmopolitisme, les Juifs, tout ça ne devait déjà pas vraiment lui plaire; il le brocarde donc dès 1929.
En 1937, c’est l’éruption avec «Bagatelles pour un massacre», mais il ne faut pas oublier que Céline est né pendant l’Affaire Dreyfus: son père était un antisémite convaincu, il en a bouffé pendant toute sa jeunesse."
(Le Nouvel Observateur, 31 mars 2011).

Signature du Dr Destouches sur un courrier en date du 3 février 1943 (Doc. JEA/DR)

Au sommaire de ce blog, les
- P. 7 : Le procès de Céline,
- P. 12 : Blum, Mendès France, Fabius, DSK : mêmes crachats,
- P. 24 : Caducée (Solvay-ULB) aux juifs : "direction les fours polonais",
- P. 108 : Zola accuse,
portent des citations de Céline reprises dans une documentation personnelle forcément incomplète mais suffisante pour empêcher de nier les bassesses dans lesquelles se complaisait cet antisémite.
Le volume publié dans la Collection "Bouquins" est passionnant pour tous les motifs détaillés en introduction. Et inévitablement, ce D'un Céline l'autre accumule de nombreuses autres preuves de la judéophobie totale cultivée par l'autre Céline, celui dont la hideur morale est régulièrement camouflée par des nuages de fumées complices. De cette hideur, voici quelques exemples.


(Montage JEA/DR).

Bagatelles pour un massacre

- "Céline ne pouvait plus se contenter du rôle de témoin. Il allait bientôt devenir l’accusateur dans un livre où sa verve débridée, son génie de l’invective, son éloquence magnifique allaient se donner carrière. Et c’est ainsi que parut Bagatelles pour un massacre, pamphlet formidable (2) où l’auteur dénonçait sur le mode virulent la malveillance d’Israël (…). Tous les petits écrivains juifs ou enjuivés déversèrent leur fiel dans les journaux de gauche ou d’extrême gauche."
(1937 – Témoignage de Robert Denoël, éditeur de Céline).
P. 397.

Cinéma

- "Céline gronde contre les youpins qui tiennent tout, y compris le cinéma français (…). Chenal [réalisateur] la ferme. Puis Céline désigne du doigt son propre nez. « Moi, Chenal, les youtres, je les renifle. Et de loin. J’ai le pif pour ça. » Chenal explose : « Céline, je m’appelle Cohen et je t’emmerde. »
(1932 – Témoignage de Pierre Cohen dit Chenal, recueilli par Raphaël Sorin).
P. 401.

Engrais (3)

- "Hitler (…) les rafle partout, pour les envoyer dans ses camps. Pour en faire quoi ? Je vous le demande ? Des engrais à ce qu’on m’assure. Il n’y avait qu’un Juif pour avoir une idée pareille ! A qui voulez-vous qu’elle profite, sinon à eux ? Quand ils auront gagné la guerre, ils mettront cet engrais en petits sachets et le vendront sur les places publiques de toutes les villes du monde. Une grande loterie intercontinentale. «Achetez-moi mes petits sachets ! Achetez-moi mes petits sachets ! Vous refusez ? Bien. Vous serez fusillé ! – Mais avec quoi voulez-vous que je les paye ? – Avec des larmes. Nous, voilà sept mille ans qu’on pleure ! Chacun son tour !»
(Février 1944, Céline lors d'un dîner à l’ambassade allemande à Paris – témoignage de Jacques Benoist-Méchin).
PP. 543-544.

Facéties d’une Révolution nationale :


- "Céline (…) fulmina contre tous les philosémites, médecins et autres (…), contre les facéties d’une Révolution nationale qui maintient une juive dans un dispensaire de banlieue à la place d’un médecin aryen installé depuis quinze ans, l’obligeant ainsi à parcourir chaque jour 14 kilomètres « pedibus et omnibus »… Il fulmine, mais ne s‘étonne pas… La France est enjuivée jusqu’à la moelle…"
(23 décembre 1942 - Le Cri du peuple)
P. 494.

France enjuivée

- "La jeunesse allemande ça chante ; mais la jeunesse française… Quinze ans de médecine gratuite à Clichy, tu penses si je les connais. On est enjuivé jusqu'au trognon."
(1938 – Déclaration de Céline dans un reportage de Robert Dubard,
journaliste à La France enchaînée).
p. 422.

La Guerre

- "Nous avions bien assez d’armes pour nous battre mieux que ça, si nous l’avions voulu. La vérité, c’est que le cœur n’y était pas, et le cœur n’y était pas parce que ce n’était pas notre guerre. Celui qui a mené la guerre, chez nous, c’était qui ? Je veux dire le vrai, le dur, celui qui y croyait ? Ce n’était pas Daladier, ni Gamelin, ni même Reynaud, ce ouistiti mexicain conduit en laisse par Churchill. C’était Mandel (4). De son vrai nom Rothschild ! Lui n’a jamais flanché (…). Ça lui était bien égal que la France soit transformée en terre brûlée. Ce n’était pas son champ, après tout ! La guerre franco-allemande avait foiré. Fallait que la guerre judéo-hitlérienne continue. Car pour les Juifs c’était une catastrophe, un coup d’arrêt peut-être définitif dans leur escalade feutrée vers la domination du monde."
(Février 1944, Céline lors d'un dîner à l’ambassade allemande à Paris – témoignage de Jacques Benoist-Méchin).
PP. 547-548.

Guitry :

- "Céline bondissait comme s’il avait été piqué par un serpent chaque fois que l’on prononçait le nom de Sacha Guitry. Véritable langue de vipère, Céline assurait qu’il avait connu le grand-père de Guitry, un Juif qui vendait des lunettes à Montmartre. Guitry, quant à lui (…) s’en défendait de manière assez peu convaincante. Un jour, Guitry me déclara :
Je crois avoir fait un mot d’esprit ce matin. Un ami m’a demandé : « Mais un tel, il est juif ou pas ? » Savez-vous ce que j’ai répondu ? « Il en a bien peur. » Je pensai alors que ce « un tel » n’était rien d’autre que ce pauvre Guitry."
(Témoignage d’Eitel Friedrich Moellhausen, collaborateur allemand de La Gerbe).
P. 532.



Edition de 1942 (Doc. JEA/DR). 

L’intérêt du juif

- "L’intérêt du juif est de nous diviser en partis opposés, de façon à donner excuse à notre nonchalance. On rejette les fautes sur l’opposant, ainsi artificiellement créé. La lutte des partis n’est qu’une splendide invention d’Israël."
(12 mars 1942, Le Pont reportant une déclaration de Céline lors d'une réunion de collabos).
P. 499.

Mussolini, le pape, les Bourbons…


- "Il [Céline] nous affirma, sans rire, que Mussolini qu’il traitait d’imposteur, le pape – les Bourbons – descendant de Saint-Louis, avaient du sang juif."
(Dîner avec Horace de Carbuccia, éditeur de Gringoire – témoignage recueilli par Adry de Carbuccia).
P. 558.

Remplacer Hitler


- "Céline me prit successivement pour un juif, à cause de mon nom de famille, ensuite pour un espion du clan israélite des marchands de Paris, parce que j’avais publié en 1929 un important ouvrage consacré à Modigliani (…).
Il disait : « Si un jour les Jésuites, les Maçons ou la Juiverie réussissent à remplacer Hitler par un des leurs, ils domineront d’un coup et silencieusement un peuple de 70 millions d’individus ! Jolie perspective ! Terriblement dangereux ! »
(Témoignage d’Arthur S. Pfannstiel,
spécialiste de Modigliani, traducteur des discours d’Hitler pour Grasset, et en Allemand de Bagatelles pour un massacre, collaborateur allemand du service policier français chargé des sociétés secrètes).
PP. 417-418.

S’acharner

- "Céline ne pouvait s’empêcher de s’acharner sur les Juifs. Et il en voyait partout ! Jusqu’à Fernand de Brinon (5), ambassadeur de Pétain à Paris auprès des autorités allemandes, qui avait épousé une femme juive dont il était séparé depuis des années : Céline non seulement le tenait pour coupable mais doutait même qu’il fût aryen. Un homme suspect qu’on aurait mieux fait de renvoyer chez lui, et au plus vite !"
(Témoignage d'Eitel Friedrich Moellhausen)
PP. 526-527.

Soldats allemands

- "... après le débarquement, alors que les soldats allemands - de tous âges et en pleine déconfiture - traversaient la capitale. Alors que que son compagnon [Ramon Fernandez] avec qui il marchait rue de Rivoli relevait leur triste allure, Céline se pencha vers lui et lui dit, sur le ton de la confidence : "Mais regardez-les ! Vous n'avez pas remarqué ? Ce sont tous des juifs !"
(Témoignage repris par Christian Millau).
P. 1036.



Lettre en date du 5 avril 1942 par laquelle Céline sollicite Karl Epting. Ce dernier fonda l'Institut allemand à Paris après avoir été chargé de la propagande en France lors de la "drôle de guerre". Sous sa direction, l'Institut allemand sera opérationnel de septembre 1940 jusqu'au mois d'août 1944.
(Doc. JEA/DR).

Nos Tombes

- "Céline me lança alors, à travers la table : « N’est-ce pas, Madame Eptig, que j’ai raison ; si je dis que, si tout continue ainsi, un beau jour, ce seront les juifs qui danseront sur nos tombes ? »
(Repas à l’Institut allemand, témoignage de Mme Eptig).
P. 521

Triomphe

- "Vous voyez ! dit Céline d’un air tragique (…). Tout est prêt pour leur triomphe. Et je vous assure qu’ils n’auront pas le triomphe gracieux. On n’aura pas affaire aux petits Juifs mélancoliques de la rue des Rosiers, avec leur démarche en canard et leurs yeux langoureux. Pas même aux Rothschild, ces princes de la diaspora ! Non, non ! Aux Juifs gras et replets de New York et de Chicago, aux formidables empaqueteurs de viande, aux banquiers de Wall Street qui psalmodient leurs ordres de bourse sur le ton des rabbins devant le Mur des lamentations, aux Morgenthau, aux Baruch, aux Wertheimer, ces prix Nobel de la déconfiture, ces grands stratèges de la démoralisation ! Ils vont rééduquer le monde en moins de deux, vous allez voir !"
(Février 1944, dîner à l’ambassade allemande à Paris – témoignage de Jacques Benoist-Méchin).



"Détail" de l'authentique passeport allemand remis à Céline pour lui permettre de fuir la France dès le 17 juin 1944 (on n'est jamais trop prudent) et de coucher le soir-même à Baden-Baden.
(Doc. JEA/DR).

NOTES :

(1) Le 14 juin 1957, L'Express publia une interview de Céline par Madeleine Chapsal. Sous ce titre choisi par Françoise Giroud : "Céline ou le voyage au bout de la haine". Extrait :
- "J'ai écrit des choses sur les Juifs. j'ai dit qu'ils manigançaient une guerre, qu'ils voulaient se venger d'Hitler. Bon. Ça ne nous regardait pas. C'est une affaire qui les regardait entre eux. Ils ont foutu l'armée française, quand elle a reçu cette formidable colique en 39..."
Ainsi, en 1957, Céline restait le délateur d'un pseudo complot juif responsable de la 2e Guerre mondiale et de la débâcle !

(2) Robert Denoël estime donc "formidable" un texte aussi répulsif :
- "Un seul ongle de pied pourri, de n’importe quel vinasseux ahuri truand d’Aryen, vautré dans son dégueulage, vaut encore cent mille fois plus, et cent mille fois davantage et de n’importe quelle façon, à n’importe quel moment, que cent vingt-cinq mille Einsteins, debout, tout dérétinisants d’effarante gloire rayonnante."
(Bagatelles pour un massacre, p. 319).

(3) Dans une lettre du 8 novembre 1950 et destinée à Albert Paraz, Céline évoque la publication d'un révisionniste : Le Mensonge d'Ulysse par Paul Rassinier. Céline écrit alors :
- "... Il tend à faire douter de la magique chambre à gaz !"
Incroyable ? Mais non, une seule qualification résume pour Céline la chambre à gaz : "Magique" ?!? 
Ni oubli, ni pardon pour une telle infâmie.

(4) Georges Mandel (1885-1944). Journaliste à l'Aurore lors de la publication du J'Accuse de Zola. Chef de cabinet de Clémenceau en 1917. Ministre de 1934 à 1936 et de 1938 à 1940.
L'une des cibles préférées des antisémites français. Le payera par son arrestation, sur ordre de Pétain même, dès le 17 juin 1940. Le 7 novembre 1941, un tribunal d'exception le condamnera à la prison à vie.
Lors de l'invasion de la zone dite "libre" par les Allemands, sera remis aux occupants qui l'enferment derrière les barbelés du camp d'Orianenbourg-Sachsenhausen puis le transfèrent à Buchenwald.
Le 28 juin 1944, Philippe Henriot est assassiné à Paris par des résistants. En représailles, Georges Mandel est renvoyé en France. Le 4 juillet 1944, des miliciens le retirent de la prison du Midi à Paris et l'entraînent en forêt de Fontainebleau. Son destin s'arrête là, sous des balles françaises...
Le Dr Destouches avait fui en Allemagne depuis près de trois semaines.

(5) P. 54 de ce blog : "Quand Mauriac évoquait de Brinon..."



lundi 24 juin 2013

P. 242. D'un "beau matin de mai" au 30 juin 1940 : témoignage de Jean Meckert

.
Jean Meckert,
La marche au canon
,
Préfacé et annoté par Stéfanie Delestré et Hervé Delouche,
Ed. Joëlle Losfeld, Collection Arcanes, 2005, 109 p.


Alternative libertaire :

- "Né en 1910, Jean Meckert passe une partie de son enfance à l’orphelinat puis commence à travailler en usine à treize ans. Il exerce différents petits boulots : magasinier, mécanicien, employé de garage… Mobilisé en 1939, interné en Suisse en 1940 à la suite de la débâcle, il profite des neuf mois passés là pour écrire son premier roman, Les Coups, publié chez Gallimard en 1942. Pour cela, il est encouragé par Gide, Queneau et Martin du Gard.
Il rejoint un maquis de la Résistance dans l’Yonne en 1943. Son deuxième roman, L’Homme au marteau, est publié cette année-là.
Dès 1950, sous le pseudonyme de John Amila puis Jean Amila, il écrit pour la Série Noire de Marcel Duhamel plus de vingt romans policiers, dont La Lune d’Omaha, Noces de soufre, Pitié pour les rats (1964), Le Boucher des Hurlus (1982). Il s’est imposé pendant trente ans comme l’un des meilleurs auteurs de polars français.
Antimilitariste et libertaire, Jean Meckert décrit avec sobriété l’horreur de la guerre dans La Marche au canon. Ce texte inédit a été retrouvé chez Meckert avec un cahier d’écolier, apparemment journal de bord de l’auteur entre le 14 et le 30 juin 1940."
(4 septembre 2005).

Christine Ferniot :

- «Je suis un ouvrier qui a mal tourné... je me suis mis à raconter des histoires populistes d'abord, puis, dans ce langage qui était le mien, j'ai raconté des histoires noires.» C'est ainsi que Jean Meckert résume sa vie d'écrivain, à sa façon bourrue et directe. Cet enfant de Belleville qui passa plusieurs années dans un orphelinat après la mort de son père et l'internement de sa mère a connu tous les petits métiers, s'instruisant seul, lisant beaucoup. C'est pendant sa mobilisation, en 1939, qu'il commence à écrire son premier roman, Les coups, qui évoque les difficultés d'un couple, et aussi l'affrontement entre bourgeoisie et classe ouvrière. Remarqué par Raymond Queneau, il est publié chez Gallimard en 1942 et considéré comme l'un des grands héritiers de la tradition populiste. La critique de la société, de l'hypocrisie, de la mesquinerie et l'absurdité de la guerre se retrouveront dans les livres suivants sans que le succès soit vraiment au rendez-vous. Jusqu'au jour où Marcel Duhamel, le patron de la Série noire, lui propose d'écrire des polars (…).
Méconnu du grand public, Jean Meckert a pourtant son fan-club, composé de gens aussi divers que Jean Vautrin, Didier Daeninckx, Jean-Jacques Pauvert. «Voyez-vous, ronchonnait Jean Meckert, je ne veux pas être traité en écrivain, c'est une pose au-dessus de ma taille.» Il serait temps de ne plus le prendre au mot."
(L’Express, 1 avril 2005).


(Doc. JEA/DR).

Présentation par l’Editeur :


- "Avec La marche au canon, les Éditions Joëlle Losfeld inaugurent la publication des inédits et des introuvables de Jean Meckert, alias Jean Amila.
"On n'était pas des héros, on le savait. L'écœurement était complet, sans qu'on dise. On flottait, on avait peur. On sentait que l'ultime assaut était proche et pouvait nous étendre en charognes au moment où la guerre était si près de sa fin. Ah non ! Vivre d'abord ! L'honneur de l'armée n'était pas entre nos mains ! Et si tous les officiers s'étaient cavalés, ces bien-pensants, ces bien-payés, ce n'était pas à nous de faire leur métier !"
Dans ce récit d'un jeune soldat parti pour faire la guerre et contraint de fuir précipitamment devant l'ennemi, il n'est question ni de combats, ni d'affrontements : seuls président la peur au ventre et le quotidien morne de ceux qui sont en train de briser leur jeunesse au fil d'un conflit dont les enjeux les dépassent, une drôle de guerre marquée par le désœuvrement et la lassitude. Malheureux matricule comme tant d'autres, Marcadet a l'amère impression qu'ils ont été sacrifiés.
"Dans tout ce qu'on avait prétendu me faire faire, je n'avais rien compris ! Rien partout ! Je savais seulement que j'étais devenu quelque chose d'insignifiant, de négligeable, qu'on pouvait tuer comme un moucheron ou une fourmi ! Mais je revendiquais aussi ma part de pauvre héros, dans ce conflit où je n'avais rien vu, rien compris, et où je m'étais seulement mis là où l'on m'avait dit. Et j'avais la haine ! Oh oui, la haine ! La haine risible, impuissante et tragique, contre tous ces grands qui n'avaient pas fait leur métier."
Tout aussi brillamment écrit que profondément antimilitariste, vraisemblablement composé au début des années 1940, La marche au canon est un récit inédit qui mérite toutes les attentions."

4e de couverture :

- "On votait pour la paix, on payait pour la guerre. Partout les innocents, enfournés par wagons, roulaient dans les nuits calmes. Et ceux qui pleuraient le
faisaient en silence.
" Inhumain. C'est l'adjectif qui revient le plus souvent à l'esprit lorsqu'on lit ce texte. La marche au canon, c'est la lente dégradation de l'honneur, la guerre que l'on fait à coups de canons (celui qui tue et celui que l'on boit pour oublier les atrocités). Le narrateur n'est pas né pour être un héros. Très vite, il se rend compte que tous les militaires, les non-gradés, ne sont bons qu'à faire de la chair à canon pour ceux qui gouvernent, pour les patrons. Ils essaient d'oublier, à coups de mauvaises plaisanteries mais la réalité est là qui leur colle aux basques. C'est l'horreur de la guerre, écrite avec sobriété, mais où la cruauté des faits emplit le lecteur d'une mélancolie infinie."

Alexandra Morardet :

- "Jean Meckert, dans ce court roman, La marche au canon, parle de cette chair à canon, envoyée sur le front, pendant la guerre de 1939-45. Son héros, Augustin Marcadet, alter-ego, est un homme comme tant d’autres, perdu au milieu de soldats désorientés, séparé de sa femme et de sa fille contre son gré. Dubitatif quant à l’utilité de sa vie face à la guerre, broyeuse d’hommes, il profite de la débâcle pour déserter, fuyant devant les percées de l’ennemi et la pagaille des troupes.
Cette vision crue de la guerre, à travers les yeux d’un simple soldat, révolté, déçu par le pays qui l’a envoyé au casse-pipe, est bouleversante, criante de vérité. L’évocation de souvenirs récents et pourtant lointains, camouflés sous la peur de mourir, maintiennent le héros à flot momentanément."
(Arte, 14 août 2008).


Exode et débâcle dans l'imagerie populaire (Doc. JEA/DR).

Jean Meckert :
- "J'avais perdu tout ce qui faisait de moi un homme..."


Partir en guerre :

- "Les officiers avaient un wagon entier de première classe, pour faire le voyage bien à l'aise. Malgré les rideaux bleus tirés ça faisait une tache de luxe dans la nuit. On disait : les vaches, et on leur en voulait (...).
Par wagons, par centaines et milliers, par centaines de milliers de wagons à bestiaux, le monde partait ainsi en guerre. Et les nouveaux soldats partout dormaient, chantaient, vomissaient, ou pleuraient dans la guerre qui pointait.
Partout tragique, puni contre sa destinée, sans vouloir et sans savoir, on partait innocent."
(P. 15).

La première bombe :


- "Un beau matin de mai, on a entendu un sifflement dans le ciel, qui descendait et s'amplifiait, passait au grave et puis au rauque, en moins de trois secondes, et devenait puissant comme une catastrophe.
C'est tombé dans le pré en face, à cinquante mètres, avec une gerbe verticale haute comme une maison, un nuage gris-roux et une explosion énorme qui nous a fait bondir sous nos wagons (...).
C'était la première. Elle avait fait dans le sol un trou chaud, où on pouvait trouver des bouts de métal léger.
C'est ainsi qu'on appris que la drôle de guerre avait pris fin, et que les panzers étaient entrés en Belgique."
(P. 35).

Lapin :

- "Lapin ! qu'on m'a dit plus tard avec un brin de mépris... Et pourquoi pas ? Après tout, c'est sympathique un lapin. Ça n'aime pas la guerre et en cas de coup dur, ça détale. On a eu de la chance, au moins, de détaler en train (...)
On foutait le camp, tout le monde était content (...).
Je ne l'avais pas voulue, cette guerre; ni non plus la façon dont on nous la faisait perdre. On m'avait dit : "Mets-toi là", et je m'étais mis là. On m'avait bombardé, on avait tiré sur moi. J'avais donné tout ce que je pouvais. Pour rien."
(P. 49 à 51).

Un moribond :


- "Notre petit médecin adjudant est arrivé enfin, le visage sérieux et crispé. Il avait une blouse et son casque sur la tête. Très gentil et très froussard; il aurait voulu être ailleurs (...).
On a attendu un moment, et puis soudain le cri est venu, prolongé, veule, grave, avec des grognements d'étouffement et des stridences brutales... Ça durait ! Ça durait !... Ça devenait plaintif, doux, tendre, et puis violent, animal, agressif ! Ça tenait au ventre, dans l'horreur. Ça clamait la dernière agonie, la souffrance, la peur, le dernier désespoir. On se taisait. On ne se regardait pas. Des femmes étaient plus loin, attentives et secouant la tête, comme devant un accouchement."
(P. 63).


Stukas, maîtres du ciel de France (Doc. JEA/DR).

Abandon :

- "On abandonne le train (...) !
- Chacun pour soi ! disait Poquette. Rendez-vous à Pontarlier ! Quatre-vingt kilomètres à pied !
On voyait nos derniers officiers, sac au dos, revolver à la ceinture, qui s'amenuisaient au loin dans un chemin creux, suivis d'une horde qui leur collait aux fesses. tant pis pour les traînards !
Alors ça, c'était le bouquet ! On n'avait ni cartes, ni rien et l'abandon était tellement inopiné que les trois quarts des gars étaient à peine prévenus (...).
Déjà les péquenots du coin envahissaient les wagons pour rafler nos débris. Par familles entières, avec des caisses et des brouettes, ils déménageaient des couverture, des bottes, des vêtements, des fusils, des boules de pain."
(PP. 77-78).

S'en sortir :

- "Mais la route est coupée ! Les blindés vont arriver !
- Depuis trois cents kilomètres qu'on les annonce !
- D'accord ! Mais nous, on n'a qu'une vie !
- Gardez-la ! criait Mourlet (...).
Il m'a agrippé la vareuse.
- Je veux ma conscience nette. Je veux aller aussi loin que je peux !
- Moi, ai-je dit, j'ai une femme et un gosse. on ne va pas s'engager sur une question de panache ! (...)

- On ne s'en sortira pas ! disait Gallois. Notre ressource, elle est par là !
Il indiquait la gauche.
- La Suisse ?
- C'est à dix kilomètres !
On avait un peu honte. L'équipée en camion qui nous semblait si belle, on la voyait maintenant avec des âmes de déserteurs."
(PP. 89-90).

Rien :

- "J'avais du soleil sur mes godasses. Le sous-bois était doux, gentil, à la lumière tamisée. Il n'y avait plus aucun bruit.

J'ai regardé à mon poignet. Il était six heures. je me suis levé et je me suis tapé pour secouer la terre. S'il n'y avait pas eu la guerre, c'était l'heure de quitter le boulot (...).
J'avais perdu tout ce qui faisait de moi un homme (...). Je n'avais vu que des éclaboussures. Rien vu ! Rien ! (...) Je n'avais rien vu et je n'avais rien à raconter. Rien !
Dans tout ce qu'on avait prétendu me faire faire, je n'avais rien compris ! Rien partout ! Je savais seulement que j'étais devenu quelque chose d'insignifiant, de négligeable, qu'on pouvait tuer comme un moucheron ou une fourmi !"
(PP. 101-102).


La Petite Gironde, 23 juin 1940 (Doc. JEA/DR).

NB : Deux petits grains de sel personnels...

Plus d'un critique littéraire présente Jean Meckert comme "le rival" de Céline, ou pire encore comme "le Céline de la Série noire".
Ces comparaisons se veulent sans doute flatteuses. Comme si flatterie était de mise avec un anar. De plus, laissons Céline à son antisémitisme obsessionnel et à la Pléiade où Drieu lui tient compagnie. Plutôt que de placer son or au Danemark, de fuir en Allemagne bien avant la libération de Paris et de se présenter comme un persécuté des... juifs, Jean Meckert choisira la résistance, lui.

Ensuite, une lecture parallèle de La marche au canon, de La Débâcle de César Fauxbras et de La drôle de guerre de Roland Dorgelès
(1) n'est pas sans intérêt... Trois personnalités, trois écritures si différentes emportées par le même fleuve d'une effroyable déroute. Deux troufions et un correspondant de guerre face à la fin d'une "douce France". Tout un monde réduit en ruines. Certes le haut commandement militaire s'estimait intouchable et omniscient. Il se croyait encore en 14 avec des tranchées d'où seraient "grignotés" les nazis. Mais les envahisseurs mirent vite la France à l'heure allemande. Eux, fanatiques, surhommes conditionnés et suréquipés, avec des tactiques militaires ne sentant pas la naphtaline, bras armés de ce Reich de mille ans voulu par Hitler...
Alors, la République tombe comme un château de cartes. Ses ennemis intérieurs, prenant leur revanche sur le Front populaire, deviennent des collabos de l'occupant et de sa barbarie. A Vichy, l'extrême droite détient enfin le pouvoir. Elle va prouver de quoi elle est capable ! Depuis, elle garde toujours ses nostalgiques qui ont fait des petits (2)...

Note
s :

(1) Roland Dorgelès, D'une guerre à l'autre, Présentation de Jean-Pierre Rioux, omnibus, 2013, 959 p.

(2) Ce 20 juin 2013, lors des cérémonies marquant les 70 ans de l'arrestation de Jean Moulin à Lyon et se déroulant devant la prison de Montluc, des énergumènes ont sifflé "Le chant des marais" au nom de leur opposition... au mariage pour tous !!! C'est insupportable sauf à constater que, mettant allègrement en pratique une confusion totale, d'aucuns parmi eux s'affirment grands "résistants" face à une liberté et à une égalité accordées aux homosexuels, face à la "dictature" de l'actuel président mais encore face à une Réplique dont la démocratie les horripile...
Comme nous ne l'avons pas oublié, ce "Chant des marais" remonte à 1933. Il fut composé derrière les barbelés du camp de Börgermoor (Basse-Saxe) où les nazis rodaient leur système concentrationnaire. Paroles de Johann Esser et de Wolfgang Langhoff, musique de Rudy Goguel, tous trois internés pour opposition au nazisme.



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jeudi 20 juin 2013

P. 241. Ce ne sont pas toujours des mirages, "Les beaux jours..."


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Grâce soit rendue au cinéma :
il nous rappelle que "Les beaux jours"
existent encore...


Synopsis

- "Des beaux jours ? Caroline, fraîchement retraitée, n’a que ça devant elle : du temps libre et encore du temps libre.
La belle vie ? Pas si simple… Comment alors tout réinventer ?
Transgresser les règles, provoquer de nouvelles rencontres, ou bien simplement remplir son agenda ?
A moins que tout soit déjà là ?"...

D’après…

Le film est inspiré d’"Une jeune fille aux cheveux blancs" de Fanny Chesnel (cf bas de page).

Marion Vernoux, réalisatrice

- A propos des lieux de tournage, soit Dunkerque, Calais et le Cap Blanc-Nez :
"Je reviens toujours à cette région, tant elle est belle à filmer. Et puis je ne voulais pas enfermer les personnages dans une ville bourgeoise ou trop identifiable, je voulais qu’on se sente un peu « quelque part en Europe ». À part le vin français qui a beaucoup de place dans le film, il y a un petit côté no man’s land. Dès la préparation d’un film, ce sont vraiment les décors qui m’inspirent. Ces longues jetées sur la mer du Nord, je ne peux m’empêcher de les filmer…"

Fanny Ardant


- "Comme tous les protagonistes des “ Beaux jours ”, Caroline est une irréductible. Elle quitte son travail, compose avec plusieurs absences, dont celle de sa meilleure amie, décédée. Elle redoute en quelque sorte de tourner à vide. Mais Caroline est une rebelle et, à 60 ans, à ce carrefour de sa vie, elle estime qu’elle n’a pas à se faire pardonner d’exister. Je suis bien d’accord avec elle (…)
Au cinéma, on ne peut pas nier que l’âge pose problème, surtout pour les actrices. Comme les autres domaines de la société, le cinéma est encombré par les poncifs liés à la beauté physique. Il faut s’efforcer de lutter contre ces diktats car, si on les écoute, actrices ou non, on y perd sa vie.
Pour moi, gagner en âge, c’est aussi et surtout la possibilité de gagner en insolence et en liberté."


Fabienne Bradfer


- "Marion Vernoux (…) se place à un moment de la vie peu exploité par le cinéma : la soixantaine chez la femme quand elle sort du monde du travail et bascule dans l’anonymat. Fanny Ardant en blonde, en jeans et fréquentant le club des retraités exprime à merveille la peur de devenir transparente et ce besoin que le désir continue. Cela génère pas mal de questions intéressantes :
Qu’a-t-on fait de sa vie ? Pourquoi continuer ? A 60 ans pile, devient-on vieux ? Pourquoi rester ensemble ? Car du questionnement individuel, on glisse vers les questions de couple.
Avec Patrick Chesnais en mari (la complicité) et Laurent Lafitte en amant (la séduction), la réalisatrice compose un casting fort, les acteurs sachant donner épaisseur et charme à leurs personnages."
(Le Soir, 19 avril 2013).

Olivier De Bruyn

- "Dans « Les Beaux Jours », Marion Vernoux dynamite les poncifs et dirige Fanny Ardant dans l’un de ses plus beaux rôles.
Elle s’appelle Caroline et, depuis de trop longues années, bosse comme dentiste à Dunkerque. La soixantaine venue, lasse de soigner les caries de ses contemporains, elle choisit de prendre sa retraite. Quelle vie s’inventer désormais que la roulette est remisée au placard ?
Compter les heures auprès de son époux, qui pointe depuis trop longtemps aux désirants absents ? Accepter sans ciller le cadeau de ses deux filles qui l’ont abonnée au club de vieux du coin ? Caroline – mélancolie en bandoulière et rébellion à fleur de peau – préfère prendre la tangente. Passionnelle, la tangente (…)
Le temps de l’usure (celui du couple), le temps qui s’accélère délicieusement (avec son amant), le temps, aussi, dont on reconnaît parfois le douloureux passage sur son corps. Fanny Ardant incarne (le mot n’est pas trop fort) toutes ces problématiques, joue avec son talent, ses rides, et ignore les faux semblants qui encombre si souvent le cinéma."
(Rue89 Culture, 18 juin 2013).

Eric Vernay

- "Dunkerque, son port gris et son ciel bas se confondant avec la mer du Nord. La météo semble annoncer une chronique nuageuse au teint blafard, mais Marion Vernoux opte pour la brise du mélodrame et les éclaircies de la comédie. Caroline (Fanny Ardant), qui est en pleine crise de la soixantaine, se demande que faire de ses « beaux jours ». De la poterie, comme les autres membres du club de retraite ? Plutôt mourir. Refusant d’être confinée dans ce rôle de mamie gâteau un peu précoce, elle préfère se laisser porter par un flirt improbable avec Julien (Laurent Lafitte), séduisant prof d’informatique à peine quadra."
(PREMIERE).

Le Pas de Calais, Patrick Chesnais et Fanny Ardant (DR).

Eric Libiot


- "Au début, il y a quelque chose qui flotte. Un ton, un personnage, une ambiance, une atmosphère. C'est léger, presque insouciant. La futilité n'est pas loin, l'écume des choses, la vie qui passe. La vacuité menace, prête à désintégrer le truc en plein vol. Et puis non. Le film repart en avant, pousse un peu le bouchon. L'histoire prend corps. Celui de Fanny Ardant (…).
Caroline, jeune retraitée mais encore pleine de cheveux et de sourires, décide de foutre le boxon dans son agenda bien rangé et de mordre la pomme et les pépins qui vont avec (…).
Elle vit, elle croit au bonheur et pense à elle. Marion Vernoux retrouve l'esprit de son premier film, Personne ne m'aime."
(L’Express, 19 juin 2013).

Pierre Vavasseur


- "L’alchimie fonctionne à merveille avec Laurent Lafitte en prédateur, auquel se joignent de très beaux seconds rôles. On aime le côté rock de ce film joliment écrit, ses sentiments inflammables, sa sensualité et ses pulsions qui racontent de façon très juste la nature humaine. Vive "les Beaux Jours !"
(Le Parisien, 19 juin 2013).

Pour ce film, les jours sont moins beaux, s’il fallait en croire les critiques publiées dans
Le Figaro
et Le Monde


Bande annonce :



Pour revenir à la source de ce film, le roman de Fanny Chesnel :

Quatrième de couverture

- "Ah, le cap des soixante ans ! Les joies de l'oisiveté, la peur du vide, les petits égarements et les grandes découvertes. Comme l'adolescence est facétieuse à cet âge...Caroline peut désormais vivre à plein temps pour elle et sa famille, savourer sa liberté nouvelle. Mais il n'est pas si simple de se réinventer... Lorsque, pour son anniversaire, elle reçoit une inscription à un club de loisirs pour seniors, elle sait, au fond d'elle, que c'est le début de la fin. Caroline craque et choisit une autre voie, plus périlleuse, plus drôle, plus sensuelle et surtout, moins conformiste ! Comédie de mœurs, portrait tendre et désopilant d'une femme ni vieille ni indigne, Une jeune fille aux cheveux blancs est aussi une satire aiguë sur la retraite."


Fanny Chesnel,
Une jeune fille aux cheveux blancs
,
Albin Michel, 2011, 222 p.


NB : Ce blog tente de reprendre cahin-caha son chemin. Sans promesses trompeuses de rigoureuse régularité ni de grande singularité.
Au (re)départ, Blogspot semblait se refuser à rétablir les commentaires. La pagaille s'estompe. Soyez du moins remercié(e)s ici pour tous les mots et gestes de solidarité et d'amitié qui ont étoilé ces derniers temps (appelés à se prolonger quelques mois encore).


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lundi 17 juin 2013

P. 240. Nous en sommes là...



(Ph. et mont. JEA/DR).

Conséquence directe de l'arrêt de la diffusion de la télévision publique grecque, l'orchestre national a offert son dernier concert le vendredi 14 juin. Après l'obscurité des écrans, le silence d'un orchestre et d'un chœur vieux de 75 ans.
Pour cette ultime représentation, l'orchestre a choisi Nimrod, extrait des Variations d'Edward Elgar. 
Puis, l'orchestre, le chœur et le public se séparèrent sur l'air national grec...

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Alexia Kefalas


- « À la fin du morceau, les applaudissements n’en finissent pas. Andreas Pylarinos, le chef d’orchestre, tend la main à ses musiciens pour un dernier au revoir :
* "On nous supprime une grande partie de notre civilisation, probablement la plus importante pour la musique nationale, nous devons nous battre la tête haute sans oublier le sourire."
Le même me confie :
* "J’ai honte d’avoir un gouvernement qui agit ainsi, aujourd’hui en Europe, en 2013. C’est une insulte, c’est affligeant. Même quand les Allemands ont envahi la Grèce pendant la guerre, ils ont germanisé l’orchestre, sans le supprimer". »
(Le Point, 18 juin 2013).




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