MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 28 juillet 2011

P. 56. Face à Eva Joly, les ombres de Béraud, de Boissel, de Coston, de Gillouin, de Martial, de Maurras et de Vallat... Excusez du peu !

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Affiche FN du temps du père Le Pen. Depuis, sa fille assure le suivi (Graph. JEA/DR).

Marine Le Pen :

- "Il faut avoir un lien charnel avec notre pays, avec notre peuple (…). Il faut supprimer la double nationalité."
(Le Figaro, 30 janvier 2011).

- "Réduire l’attribution de la nationalité à une simple distribution de papiers d’identité, sans aucune assurance sur l’engagement personnel, voire affectif, que cette acceptation dans la communauté nationale suppose, est aujourd’hui criminel."
(Lettre aux députés, 30 mai 2011).

Puis vient cet été, se confirmant une saison propice aux poussées de fièvre xhénobe dans les frontières de l'hexagone. Soit des manifestations polymorphes de ségrégations agressives entre anciens Français et récents, les avalanches de soupçons voire de calomnies envers ces derniers...
Eva Joly en sait quelque chose. Elle dont l'accent n'est pas seulement méprisé (1) mais dont les dernières déclarations sur les défilés militaires du 14 juillet ont servi de révélateurs à des rejets portés même par le Premier ministre...

Marine Le Pen :

- "Eva Joly est sans patrie fixe."

Bruno Gollnich :

- "Il n'est pas injurieux envers Mme Joly de constater que ses éléments concrets de rattachement à la France sont assez fragiles. Ce n'est pas un problème juridique, mais de savoir-vivre."

Patrick Trannoy, Mouvement Républicain et Citoyen :

- "On peut se demander si, au-delà du défilé militaire du 14 juillet, Mme Joly ne serait pas encline à supprimer la fête nationale tout entière, mais encore le drapeau tricolore, la Marseillaise, et, surtout, les frontières, les lois… finalement la France en tant que telle."

Philippe Bilger, magistrat :

- "Ne faudrait-il pas soumettre les candidats à l'élection présidentielle aux mêmes apprentissages et épreuves que ceux qu'on impose aux étrangers désirant séjourner durablement dans notre pays ?
(…) Je me contente seulement d'aspirer à un président de la République qui serait français sans équivoque ni confusion et dont la première mesure ne serait pas de porter atteinte à une date, à un symbole, à l'histoire de notre pays."

Lionel Lucas, député de la droite populaire :

- "Eva Joly fait preuve d’une ignorance crasse sur l’histoire du pays qu’elle aspire à représenter...
Ce serait bien qu'elle apprenne l'histoire de France, je pense que cela lui serait utile."

Christian Vanneste, député UMP :

- "L'esprit munichois souffle sur ces déclarations [d'Eva Joly] dégoulinantes de bêtise."

Lionel Tardy, député UMP :

- "Il est temps pour elle de retourner en Norvège !"

Guy Tessier, député UMP :

- "Je suis consterné qu'il puisse encore exister des anti-France."

Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre :

- "La nature de la France lui échappe sans doute. Peut-être lui faut-il encore un peu d'accoutumance."

François Fillon :

- "Je pense que cette dame n'a pas une culture très ancienne de la tradition française, de l'histoire française et des valeurs françaises."

Editorial du Monde :

- "En clair, selon M. Fillon, Mme Joly, d'origine norvégienne, n'est pas assez française. Ou pas depuis assez longtemps. De façon à peine cachée, c'est sa "francité" que l'on conteste. C'est la question de la double nationalité qui est relancée.
Il faut le dire clairement : cet angle d'attaque est odieux et flirte avec la xénophobie. La France n'a pas besoin de cela. Hélas !"
(18 juillet 2011). 


(Caricature JEA/DR).

Ce genre de danse du scalp autour du thème de "La France aux Français", ravive inévitablement la mémoire des arguments, des métaphores, des sarcasmes, des exclusions, des haines, des fantasmes agités au siècle dernier, notamment dans le contexte de cette "divine surprise" concrétisée par l'avènement du régime de Pétain.

Dans les boues de l'histoire de France, en voici quelques traces...

Henri Béraud (2) :

- "Que penserons nos fils, lorsque au soir de leurs jours amers, ils auront à nous juger ? Liront-ils les pièces du procès ? Ouvriront-ils nos livres, feuilletteront-ils nos journaux ?... Nos journaux, témoins de notre sottise et de notre lâcheté. La France redevenue française sera dure à la France des frontières ouvertes, des politiciens errants, des ministres apatrides et des bellicistes de ghettos.
On imagine l'étudiant de 1960, sa jeunesse au coeur dur, sa curiosité méprisante à l'égard d'un temps où les fils de notre terre obéissaient à des bohémiens." (3)

Le Réveil du Peuple, journal créé par Jean Boisseil, alias Marie Jean Anselme (Doc. JEA/DR).

Jean Boissel (4) :

- "Depuis la loi de la Constituante, c'est-à-dire depuis le 27 septembre 1791, date de l'octroi de la citoyenneté française aux Juifs, loi qu'il faudra abroger au plus tôt, notre pays est littéralement corrompu et empoisonné.
Il faudrait donc exiger de tout Français de souche des preuves d'aryanité remontant AU DELA de la Révolution dite française, laquelle ne fut en réalité qu'une révolution juive, maçonnique et anglaise. Tout le reste devrait être considéré comme suspect et impitoyablement rejeté des postes de commandement et réduit au rôle de subalterne.
Au moment de reconstruire la France, il s'agit, avant tout, de s'assurer de la qualité et de la mise en oeuvre des matériaux.
Et ceci appelle une double remarque : la reconstruction de la France exige :
1° L'élimination radicale et complète de tous les éléments impurs, et la solution de la question juive ne saurait constituer, de toute façon, qu'une étape de l'immense programme à accomplir ;
2° La recherche et le choix des éléments aryens, lesquels devront être soumis immédiatement à tous les examens, médicaux et autres, permettant la sélection."(5)

Henry Coston (6) :

- "Nul homme ne peut servir deux maîtres à la fois.
Nul homme ne peut se réclamer à la fois de deux nations, ni jouir des prérogatives attachées à chaque nationalité en esquivant les charges de l'une et de l'autre.
(...)
Trop d'occasions se produisent où les intérêts de ces deux nations se trouvent opposés ; dans les circonstances critiques c'est naturellement et nécessairement les voix du sang, des ancêtres de la race, de la croyance première qui commandent."(7)

René Gillouin (8) :

- "L'Etat français bannit de son sein (...) les individus et les groupes qui, pour des raisons de race ou de conviction, ne peuvent ou ne veulent souscrire au primat de la patrie française : étrangers, juifs, francs-maçons, communistes, internationalistes de toute origine et de toute obédiance." (9)

Propagande de Vichy (Doc. JEA/DR).

René Martial (10) :

- "En fin de compte la France sera peuplée de gens qui n'auront plus de Français que le nom, qu'ils soient Métis ou Etrangers. A ce moment, la France sera totalement perdue historiquement et n'ayant plus aucune tradition n'aura aucune raison d'être. Elle deviendra un territoire de colonisation pour les nations et les races les plus fortes.
Telles sont les conséquences des mauvais métissages, des greffes médiocres et des greffes mauvaises. Je ne dis pas que ce malheur est déjà arrivé. Je ne le crois même pas, parce que je sais que la souche de l'arbre français est encore très forte, que ses racines sont encore vivantes et que notre arbre donnera encore de beaux fruits. Mais il faut faire attention et ne pas te dissimuler que tu as déjà commencé à subir une transformation dangereuse." (11)

- "Notre peuple, égaré par les sophismes des négateurs de la race, a perdu tout contrôle sur l'admission des étrangers au foyer français et s'est naïvement imaginé qu'il suffisait de coller l'étiquette "français" sur un individu quelconque pour compter un Français de plus. Mais nos rois ne donnaient des lettres de naturalité qu'à bon escient et non par milliers à la fois (...). En bactériologie, on connaît des microbes qui liquéfient le milieu nutritif sur lequel ils vivent. C'est extrêmement dangereux, cela vient de nous arriver [avec les juifs]. Ne recommençons pas." (12)

- "La qualité de français exige une longue hérédité et une constance dans le sang qui déterminent une communauté d'âme et de pensée.
(...)
La race (...) aime le pays et le sert parce qu'elle hérite, dans son coeur comme dans son cerveau, de devoirs et de droits remontant à la plus haute antiquité.
(...)
Le vrai patriotisme se transmet de génération en génération à travers les millénaires, intact, pur, à la condition que un ou des mariages malencontreux, avec des femmes prises dans une mauvaise aire raciale, ne viennent altérer le sang de la race." (13)

Charles Maurras (14) :

- "Puisqu'on a commencé par l'unité de la patrie française en se groupant autour du Maréchal Pétain ; (...) puisque le premier acte du gouvernement a été de dire : la France aux Français, place au enfants directs de la terre et du sang, les métèques ne viendront qu'après eux." (15)

- "Nous sommes les maîtres de la maison que nos pères ont construite et pour laquelle ils ont donné leurs sueurs et leur sang. Nous avons le droit absolu de faire nos conditions aux nomades que nous recevons sous nos toits. Et nous avons aussi le droit de fixer la mesure dans laquelle se donne une hospitalité que nous pourrions ne pas donner." (16)

Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives sous Vichy (Graph. JEA/DR).

Xavier Vallat (17) :

- "En France, nous sommes chez nous, les étrangers ne peuvent y être que des invités, des visiteurs ou des domestiques (...). Les autochtones ont, non seulement le droit de ne pas être désavantagés au regard des métèques, mais aussi celui de jouir sur ces derniers de certaines prérogatives (...).
Pendant la guerre [14-18], la foule d'étrangers attirés par l'espoir de l'agio et les affaires louches s'est précipitée sur la France et l'a envahie ; elle s'y est gorgée d'argent, tandis que le peuple français se faisait décimer (...). Nous avons des parasites, épouillons-nous (...). Nous avons supporté les totos des tranchées parce qu'il le fallait, nous ne supporterons pas la vermine du monde." (18)

NOTES :

(1) Dans la bouche de Jean-Marie Le Pen, l'accent norvégien devient comme par hasard allemand...

(2) Lire la page 12 ainsi que la page 24 de ce blog.

(3) H. Béraud, Sans haine et sans crainte, Ed. de France, 1942, p. 234.

(4) Pseudonyme de Marie Jean Anselme (1891-1951). Fonde en 1934 une publication intitulée Racisme International Fascisme. En 1937, crée une Ligue Antijuive Universelle. Est arrêté pour collaboration avec les nazis en 1939. Libéré par les occupants, il écrit dans La France au travail, Le Réveil du Peuple et L'Epoque. Fuit la libération jusqu'à Sigmaringen. Condamné à mort en 1946, peine commuée en travaux forcés. Meurt en prison.

(5) Le Réveil du Peuple, 10 août 1942.

(6) Lire la page 24 de ce blog.
Sous le pseudonyme de Georges Virebeau. L'un des publicistes antisémites les plus prolifiques du siècle dernier (1910-2001). Directeur du Centre d'Action et de Documentation, service de publication et de délation au bénéfice des nazis avec lesquels il se sauvera à la fin de l'occupation. Condamné aux travaux forcés à perpétuité (peine commuée). Reprendra ensuite ses activités antisémites et antimaçonniques.

(7) Paris-Soir, 25 août 1940.

(8)  R. Gillouin (1881-1971). Idéologue traditionnaliste de la "Révolution nationale", auteur de nombreux discours de Pétain jusqu'en 1942.

(9) René Gillouin, France 1941. La Révolution nationale constructive, Ed. Alsatia, 1941, p. 79.

(10) Dr Martial (1873-1955). Théoricien du "racisme scientifique" à "la française", soit "l'anthropobiologie des races"...

(11) René Martial, Français, qui es-tu ?, Mercure de France, 1942, p. 103.

(12) Aujourd'hui, 6 mai 1942.

(13) René Martial, Notre race et ses aïeux, Secrétariat général à la Jeunesse, 1943, p. 9.

(14) C. Maurras (1868-1952). A la tête de l'Action française, prône un retour à la monarchie héréditaire, se veut l'ennemi du régime parlementaire, se confirme un partisan acharné d'un antisémitisme d'Etat. En 1945, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Bénéficie d'une grâce médicale en 1952.

(15) Charles Maurras, La Seule France. Chronique des jours d'épreuve, H. Lardanchet, 1941, p. 272.

(16) L'Action française, 31 octobre 1940.

(17) Lire la p. 12 de ce blog.

(18) Soleil de Marseille, 1919, in Laurent Joly, Xavier Vallat, Du nationalisme chrétien à l'antisémitisme d'Etat, 1891-1972, biographie, Grasset, 2001, pp. 97-98.


Editorialiste de Gringoire, Henri Béraud était fier d'avoir fait monter son tirage à 650.000 exemplaires. C'était au prix de la plus abjecte des xhénophobies... Mais d'aucuns en ont gardé aujourd'hui encore la nostalgie et/ou en restent imprégnés... (Doc. JEA/DR).

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lundi 25 juillet 2011

P. 55. Il est minuit pour Paul Louka

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Le Soir :

- "Né à Marcinelle en 1936, Paul Louka (Vital-Paul Delporte de son vrai nom) s’est consacré à l’art plastique avant d’écrire ses premières chansons dans les années 50. En 1959, il a rencontré Jacques Brel qui lui a ouvert les portes des scènes parisiennes. Trois ans plus tard, il a fait la connaissance de Georges Brassens, qui est devenu son ami proche et fidèle.
Parolier poète et chanteur engagé, affichant des opinions politiques de gauche, Paul Louka a parcouru de nombreuses scènes et a signé de nombreux titres comme « Cerise », « Marcinelle », « Vas-y Paulot », « Saragosse » ou encore « Rendez-vous ». Récemment, Paul Louka avait décidé de se remettre à l’écriture. Il préparait un album d’une douzaine de titres et avait évoqué la possibilité d’effectuer une ultime tournée."
(23 juillet 2011).
  
Paul Louka :

- "Éphémère, la chanson ? C'est vite dit. On chante toujours le temps des cerises, non? Dans mon répertoire, j'ai pas mal de chansons-mémoire, comme Tante Sarah, sur un très beau texte de Georges Elias, comme "Chez-Maman" ou "Ne pleure pas", qui traitent d'une mémoire de faits plus personnels. Je crois que, une fois que tu as bien réussi cette rare et difficile conjonction d'une musique et d'un texte tu peux inscrire ta chanson dans la mémoire des gens. Et tu peux, aussi, lui faire porter un sens politique. 
Crois-tu qu'on se donnerait la peine de censurer des chansons si elles ne pouvaient pas s'inscrire dans la mémoire ? 
Or, ma chanson Saragosse (tu sais bien: j'ai fait la noce, à Saragosse, ...) qui dénonçait l'Espagne franquiste, a été interdite en 1967, et Ma guitare n'est plus espagnole a été censurée dix ans plus tard. Pas officiellement, bien sûr. 
Ces choses-là se font en douceur, insidieusement. 
Alors oui, la chanson est porteuse de mémoire, si elle est réussie, si elle est l'enfant de ce mariage d'amour entre les paroles et la musique. 
Alors, oui, la chanson a sa place dans la construction de la mémoire."
(Territoires de la Mémoire, janvier-mars 1997).

Paul Louka ne chante plus depuis ce 23 juillet 2011...

Un, deux, trois...

- "Va petit frère !
La terre est grande
C’est un joli jardin
Mais donne-moi la main !
Va petit frère !
La terre est grande
C’est un joli jardin
Quand il est midi plein.

Tu fais un pas, c’est la liberté
Tu fais deux pas, c’est l’égalité
Tu fais trois pas et le monde a changé
C’est un joli jardin
Mais donne-moi la main !
Tu fais un pas, c’est la liberté
Tu fais deux pas, c’est l’égalité
Tu fais trois pas et le monde a changé
C’est un joli jardin
Quand il est midi plein

La la la
Qu’est-ce que c’est ?
C’est la folie d’aimer
Qui se met à chanter !

Va petit frère !
Ton coeur résonne
C’est un joli tambour
Le général est sourd !
Va petit frère !
Ton coeur résonne
C’est un joli tambour
Quand nous parlons d’amour

Va petit frère !
Bonjour « Cerises »
Jean-Baptiste Clément
N’a pas perdu son « Temps »
Va petit frère !
Bonjour « Cerises »
Jean-Baptiste Clément
Chante encore au printemps."



Tante Sarah

- "Dans ce petit appartement
Elle grignotait, solitaire,
Les belles années d'avant-guerre
Un jour à la fois, doucement.

Elle savait se lever tôt
Pour mélanger sucre et farine.
Dès le matin dans la cuisine
Flottait un parfum de gâteau.

Avec son âme à fleur de peau,
Elle était de ceux que l'on aime,
La vieille dame du troisième
Qui donnait du pain aux oiseaux.

Il n'est de bonheur ici-bas
Qui ne soit bientôt éphémère.
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?

Ils sont venus comme des loups,
Ceux-là qui se disaient les maîtres.
Elle était près de la fenêtre,
Un petit chat sur les genoux.

Et celle qu'ils ont emmenée
N'a pas tenté de se défendre.
Elle a regardé sans comprendre
Avec de grands yeux étonnés.

Quand on a le cœur aussi grand,
Quand on est si douce et si bonne,
Le moindre péché vous étonne,
Autant de haine vous surprend.

Mais surtout, ne me dites pas
Qu'il faut pardonner ou se taire.
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?

Ils étaient grands, ils étaient blonds,
Ils avaient l'air de bons apôtres.
Leur dieu était le fils du vôtre.
Il semblait leur donner raison.

Ils étaient certains de leur droit
Et se disaient de bonne race
Et regardaient le ciel en face
Avec les yeux bleus de la foi.

Ils jouaient au jeu du plus fort
Où le premier qui la déniche
A le droit d'attraper la biche
Et de la conduire à la mort.

Est-ce Jésus ou Jéhovah
Qui pardonnera ma colère ?
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?



Ma guitare n'est plus espagnole

- "Ma guitare n'est plus espagnole,
Elle a perdu le goût du sang,
Celui des caves et des sous-sols
D'où l'on repart les pieds devant.
Les ans ne m'ont pas rendu sourd,
J'entends toujours avec fracas
Depuis les bombes et les tambours
De Guernica.

Mi pais esta lejos
Todo muere incluso la libertad
Mi pais esta lejos
Madre, viva la libertad

Ma guitare n'est plus espagnole,
Elle n'ira plus se faire bronzer.
Et merde à la Costa del Sol
Où les poètes sont étrangers !
Si ma guitare est enrhumée,
Je prendrai mon harmonica
Pour mieux jurer fidélité
à Garcia Lorca.

Mi pais esta triste
Todo muere incluso la libertad
Mi pais esta triste
Madre, viva la libertad

Ma guitare n'est plus espagnole
Mais elle a gardé sa fierté.
Et tant mieux si c'est la rougeole
Qui la fait de nouveau chanter.
Un jour viendra où l'on verra
Les matadors et les taureaux
Chanter de Burgos à Valencia
Ce chant nouveau :

Mi pais esta libre
Ya que vive incluso la libertad
Mi pais esta libre
Madre, viva la libertad."





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jeudi 21 juillet 2011

P. 54. Quand Mauriac évoquait de Brinon, Ferdonnet, Rebatet, Loustau, Hérold-Paquis, Marion...

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Pierre Cormary :

- "Après la publication sous l’Occupation de La pharisienne, François Mauriac aura l’honneur d’être traité d’« agent de désagrégation de la conscience française ». Ne lui reste plus qu’à devenir, sinon un héros, un résistant avisé et téméraire. Il adhère au Front national des écrivains, publie aux éditions de Minuit Le Cahier noir sous le pseudonyme de Forez, et devient un gaulliste inconditionnel. Au moment de l’Épuration, il plaide le pardon et la réconciliation et intervient plusieurs fois auprès du Général en faveur de collègues accusés de collaboration. Il sauve ainsi la tête du romancier-journaliste Henri Béraud (1), mais échoue à sauver celle de Robert Brasillach. Il quitte alors le comité national des écrivains qui est devenu un comité de communistes et se retrouve à L’Express puis au Figaro où il tient son célèbre « Bloc-notes ». Entre deux chefs-d’œuvre (Le sagouin, 1951, Galigaï, 1952) et des articles flamboyants d’intelligence comme on n’en écrira jamais plus, il lance La Table Ronde et Les Cahiers de la Table Ronde
dans lesquels des écrivains « de droite », futurs « hussards », signent leurs premiers papiers. En 1952, il reçoit le Prix Nobel de Littérature et accède au rôle de grand témoin de l’histoire et de la culture occidentale. Multipliant les engagements qui font toujours grincer les dents de sa famille (pour l’indépendance de l’Algérie et du Maroc, contre la torture en Algérie, pour Mendès-France, puis pour de Gaulle), il continue à publier jusqu’à sa mort – le premier septembre 1970."
(Le magazine des Livres, mars-avril 2009).

François Mauriac
Journal, Mémoires politiques
Edition établie et présentée par Jean-Luc Barré
Coll. Bouquins, Robert Laffont
2008, 1135 p.

4e de couverture :

- "François Mauriac a toujours pris le journalisme au sérieux. Il y avait dans chacune de ses chroniques quelque chose d'unique, un mélange électrique de talent et de coeur. La presse convenait à sa nature de grand bourgeois bordelais, catholique, moderne, chamailleur, curieux de tout et d'abord de sont temps. Il reste l'inventeur et le modèle d'un journalisme essentiellement solitaire, même si généreux et tourné vers les autres, soucieux de les convaincre ou de les affronter. Jean-Luc Barré a rassemblé ici les volumes successifs du Journal, ainsi que les recueils du Bâillon dénoué et des Mémoires politiques. Ces textes nous permettent de suivre l'écrivain dans son dialogue avec lui-même et dans la pluralité de ses engagements. Nous le voyons jouer de tous les registres de son talent et passer en "dix lignes", comme le disait Françoise Giroud, "du cri au murmure, de la colère au soupir, de l'actualité à l'éternel, du chuchotement à l'interpellation". Le temps a passé, mais la vigueur est intacte, les mots pétillent sous la cendre. L'épreuve du temps, impitoyable pour les médiocres, est toujours l'alliée des natures complexes. Mauriac ne cesse de s'élever au-dessus de lui-même, de ses foucades et de ses mots. "Ni homme de parti ni dignitaire d'aucun régime", comme l'écrit Jean-Luc Barré dans sa préface, il s'est contenté d'être le témoin assidu de son temps. Et il nous apparaît maintenant comme il fut sans cesse, en réalité, à contre-courant, dérangeant, irritant pour tous les conformismes. Irremplaçable."

Philippe Sollers :

- "Oui, Mauriac rajeunit bien. Vous le saviez déjà par l'extraordinaire «Bloc-notes». Mais vous le saurez encore mieux avec, dans la collection «Bouquins», son «Journal» (à partir de 1934) et ses «Mémoires politiques». Là, presque tout serait à citer, notamment dans le grand chapitre «La France et le communisme» (1945-1953). Dans la guerre de Mauriac contre l'Eglise stalinienne et sa machine à décerveler, ses cultes grotesques, ses crimes niés, son style est étincelant et terrible. Il combat l'Infâme en personne, on dirait Voltaire resurgi en cavalier du ciel. «Vous me croirez si vous voulez: un élève des bons pères comprend mieux que personne certaines réactions communistes.»
(Le Nouvel Observateur, 27 novembre 2008).

Augustin Trapenard :

- "La chronique mauriacienne y apparaît comme un genre à part entière, savant mélange d’anecdotes personnelles et d’actualité brûlante. Tel souvenir d’enfance ou séjour dans son domaine Malagar côtoie un fait divers qui est sur toutes les lèvres, une réflexion sur la guerre imprégnée de moralisme chrétien ou une critique virulente des blasphèmes d’André Gide. Entre les lignes de ces étonnantes confessions publiées dans nombre de périodiques ou de revues, Mauriac se pose non en acteur mais en spectateur privilégié de l’histoire collective - voire en « martyr », à la fois victime et témoin des tragédies du xxe siècle. Après la Libération, les éditoriaux du Figaro se concentrent sur ses préoccupations politiques, et l’admirable appareil de notes permet justement de saisir le fait historique, éclairant les dialogues musclés qui l’opposent à Drieu La Rochelle ou à Camus, comme le soutien qu’il apporte au général de Gaulle. De réquisitoires enflammés en brillants traits d’esprit, on suit l’itinéraire du « vieil académicien » comme le roman humaniste d’un engagement spirituel et politique."
(Le Magazine Littéraire, 1 décembre 2008).

Signature de François Mauriac (Doc. JEA/DR).

20 juillet 1945 (2)
Mauriac, Journal IV :
L'Europe n'offre pas d'issue aux collaborateurs...

- "Fernand de Brinon (3) et Ferdonnet (4), Rebatet (5), Loustau (6), Hérold-Paquis (7), Paul Marion (8), d'autres encore, ont été pris sans qu'apparemment la police eut à se donner grand mal. Le peu qui reste est traqué : aucun n'échappera (9). Que les pires coupables soient appréhendés, enfin, nous nous en réjouirions d'avantage si nous ne songions à ceux qui s'étaient ressaisis plus d'un an avant la défaite allemande, qui avaient refusé de chercher refuge chez l'ennemi ou en Espagne, qui se sont livrés eux-mêmes à la justice et qui ont été frappés aussi durement que vont l'être ceux-ci. Il est vrai qu'on peut admettre que la trahison ne comporte pas de degrés.
Ces dernières captures nous rendent sensible l'étroitesse de la nouvelle Europe. Comme disait à ce diplomate allié le maréchal Staline, en couvrant la carte de sa main : "C'est petit, l'Europe..." Oui, tout petit : ces malheureux, amenés en Allemagne dans les bagages de la Wermacht battue, comment n'ont-ils pu y découvrir en huit mois un trou de souris où se cacher ? L'aspect du vieux monde me fait rêver aux pêches miraculeuses de mon enfance, lorsque l'étang du moulin était vidé et qu'il n'y avait plus qu'à ramasser le poisson. Le fretin se sauve encore, grâce à sa médiocrité, à son insignifiance. Mais les gros, s'ils ne sont déjà pris, se savent repérés : on voit ici et là briller leurs écailles.
Encore des écrivains, encore des journalistes entraînés à leur perte, moins par l'appât de l'argent que par leurs idées, par cette passion idéologique qui résiste dans l'homme à toute sagesse. Il est étrange que tout leur esprit ne les ait pas aidés à se sauver. Le romancier que je suis, ou plutôt le lecteur de romans ne peut se retenir de songer : "Qu'aurais-je fait à leur place ?"
(...)
Dans l'Europe d'aujourd'hui, dans cette sorte de fond de mer asséché, nivelé, qu'elle est devenue, la justice poursuivant le crime n'a plus qu'à étendre la main."
(PP.332-333).

De haut en bas et de gauche à droite : Fernand de Brinon au procès Pétain, Paul Ferdonnet à son propre procès, Lucien Rebatet et Paul Marion (Mont. JEA/DR).

NOTES

(1) Remerciement élégant à Henri Béraud qui, en 1933, avait retiré sa candidature à l'Académie française en faveur de celle de Mauriac, élu ensuite au fauteuil 22.

(2) Autres pages consacrées à la date du... Cliquer : ICI.

(3) Fernand de Brinon (1885-1947). A partir de novembre 1940, assume la charge surréaliste d'Ambassadeur de France auprès des autorités allemandes... à Paris. Sera nommé secrétaire d'Etat lors de l'occupation de la zone dite "libre" en 1942. Représente officiellement Vichy à Paris.
S'enfuit avec les nazis en 1944. Préside le gouvernement en exil à Sigmaringen.
Condamné à mort en mars 1947 et exécuté en avril.

(4) Paul Ferdonnet (1901-1945). Se met au service des nazis dès 1934 en fondant une agence de presse à Paris et à Berlin, en réalité une officine de propagande pro-hitlérienne. Dès septembre 1939, émet depuis Radio-Stuttgart des émissions destinées à saper le moral des troupes et de la population française. Après la victoire allemande, persiste dans des bulletins quotidiens qui vont continuer à répandre l'idéologie nazie et à manipuler les informations sur le déroulement de la guerre.
Condamné à mort en juillet 1945, fusillé en août.

(5) Lucien Rebatet (1903-1972). S'autoproclamait fasciste, ce qui est incontestable. Sous l'occupation, l'un des piliers du tristement célèbre Je suis partout. Auteur des Décombres.
Après avoir grossi les rangs des exilés de Sigmaringen, fut condamné à mort en novembre 1946. Peine commuée en travaux forcés à perpétuité en 1947. Libéré en 1952. Reprit sa plume antisémite pour notamment Rivarol et Valeurs Actuelles.

(6) Robert Loustau. Auteur du programme économique et social de Parti Populaire Français du collaborateur Doriot. Directeur de cabinet de Pierre Pucheu (1899-1944), secrétaire d'Etat à l'Intérieur du gouvernement de Vichy, entre juillet 1941 et avril 1942.

Jean Hérold-Paquis à la tribune : "L'Angleterre, comme Carthage, sera détruite !"(DR).

(7) Jean Hérold-Paquis (1912-1945). Collaborateur rendu célèbre par ses chroniques militaires quotidiennes à Radio Paris. Propagandiste acharné au service des nazis et débordant de haine pour la résistance et la lutte des Alliés. Parti dans les bagages des occupants en retraite, continua ses chroniques radio en Allemagne.
Condamné à mort en septembre 1945, exécuté en octobre.

(8) Paul Marion (1899-1954). A partir d'août 1941, secrétaire d'Etat à l'information et à la propagande de Vichy. Autre fuyard de Sigmaringen.
Condamné à dix ans de prisonen décembre 1948. Grâcié en 1953.

(9) L'optimisme de Mauriac sera démenti par des exemples aussi célèbres que celui de Céline.
Lire page 7 : le procès de Céline.

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lundi 18 juillet 2011

P. 53. De la Bouquinerie au Tournebut

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Voyage à la casse.
Plus exactement empêché de passer du virtuel aux nuits avec authentiques étoiles de mer, marées en blanc, criailleries de mouettes dans la salle d'attente d'un vent dentiste réputé.

Leur radeau trop démantibulé, les rêves prennent l'eau. Ils en perdent la mémoire de leurs couleurs. Mais surnagent. 

Toponymie 5 :
du Carême-Prenant
au Vindefontaine...

(Ph. JEA/DR).

Aigremont

Appeville, Aureville,
Boutteville,
Caloville, Corbeauville, Courpeville,
Dodville,
Frocqueville,  
La Vienville, Les Cannovilles,
Marteauville,
Raffoville, Rugueville,
Surville,
Turcasville

Bascardon, Beaucron, Beausoleil, Boisgrimot, Bucaille

Cantepie, Cantereine

Caponnet

Carême-Prenant

Carrefour d’Holine

Clos Demoiselle

Coquoin

Dougazé

Founecrop

Goudange, Grismarais

Hameau au Bel, au Duc, au Gril, au Scelle,
Hameau aux Bris, aux Sachets,
Hameau Billard, Chaulieu, Ciffroy,
Hameau des Allix, des Héritiers, des Loutres,
Hameau de Vouges, es Gros,  Lecacheux, Lorillu, Moisson, Pignolet, Racine, Samson, Tardif, Thomasse, Triquet

Hamel au Sort, Hamel Bonté

Hauchemail

Ile de Canada

La Barberie, La Barquette, La Basserie, La Baumée, La Becterie, La Bedelle, La Bellehuche, La Borerie, La Bougue d’Elle, La Bouquinerie, La Brumannerie, La Bucaille
La Chasse Verte, La Christinerie, La Cochardière, La Contrerie, La Corneillerie, La Corvée, La Couillardière, La Courtellerie

(Ph. JEA/DR).

La Cour d’Audouville, de Fontenay, de Méautis, des Boulangers

La Croix aux Bertots, Belle Pique, de la Maillère, Pan, sous l’Ange, sous l’Atre

La Desplanquerie, La Détrousse, La Diennerie, La Duparderie, La Duranderie, La Durivagerie
La Fauvellerie, La Fèvrerie, La Fière, La Fisée, La Fontaine Barbue, La Fosse à la Reine, La Fosseyrie, La Fourchette, La Franchinotrie, La Frigotterie
La Galloterie, La Gastelloiserie, La Gayerie, La Granvallerie, La Greslerie, La Grise Pierre, La Guidonnerie, La Guinguette

La Haute Folie, La Haute Nesse, La Hauteventrie

La Holine, La Houssaye
La Jourdainerie
La Kiouze
La Lande Pierreboeufs, La Loge du Gué, La Luthumière
La Maçonnerie, La Mallière, La Mare des Pierres, La Marrerie, La Martellerie, La Méloquerie, La Moisanterie, La Morterre
La Nouvelle Martinière
La Picotière, La Pièce du Chêne, La Piquava, La Piquenoterie, La Pillonnerie, La Piloterie, La Plante Mare, La Pleutière, La Poignaventerie, La Pointe Colette, La Pomme d’Or, La Porte Rouge, La Postairerie, La Princerie
La Quarantaine
La Riverette, La Roque du Bas, La Rouannerie, La Rouillerie, La Roulanderie du Marais
La Sangsurière, La Selleraie, La Sulpicerie
La Tanneuserie
La Vallée de Misère, La Ventinière, La Videgrainnerie, La Vignetterie

Le Bas Bosq, Le Bas de Géfosse
Le Beau Prenant, Le Bel Esnault
Le Bidou, Le Boillebaudin, Le Boujamet, Le Bout-ès-Loups, Le Brabut, Le Bras Pendu
Le But
Le Cul Mouillé
Le Douit au Louet
Le Ferage, Le Fla

Le Grand Hard, Le Grand Herbage

Le Gros Talon
Le Hommet, Le Houlland
Le Lieu d’Amour
Le Mesnildot, Le Moulinet
Le Netz
Le Phosphate, Le Plat Cos, Le Presbytot
Le Rotz, Le Routeux
Le Vindis

L’Arbre Sec, L’Arqueminerie
L’Eau partie, L’Embroiserie, L’Epinette, L’Equillau, L’Escalgrain

(Ph. JEA/DR).

L’Hallerie

Les Andrieux,
Les Blaisots, Les Brocs
Les Cailloux Quenault, Les Céleris, Les Cloutiers, Les Cornus, Les Cracots, Les Créveuils, Les Cruttes
Les Douceries, Les Droueries, Les Duchemins
Les Fosses d’Enfer
Les Galettes, Les Grandies, Les Guerres
Les Hauts Vents, Les Hergueries, Les Houches
Les Kerdes
Les Landelles, Les Landes Bossues
Les Mémonts, Les Mesnages, Les Miquelots
Les Nourries
Les Osiers
Les Perruques, Les Plongeons, Les Pouillards

Les Quatre Acres, Les Quatre Creux

Les Quesnils
Les Rats
Les Rousselières
Les Talvendes, Les Temples
Les Vettards

Mardelle, Mont-es-Pies, Morfleur

Pénême

Pièce des Marions, Pièce Traville

Planche aux Loups, Pommenauque

Pont au Lièvre, aux Dames, Bignon, de Glatigny, de Gris, de la Chute, de la Flotte, de la Pierre, de l’Esseau, de Reux, Joliment, Normand, Perrat

Port Beurey, Bréhay, Butor, des Planques, Patrix

Pré Capel, de Bloye

Rampan, Richedoux

Saintho

Taille Pied, Tournebut

Valtribut, Verboeuf

Vindefontaine, Vindelonde

(Ph. JEA/DR).

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jeudi 14 juillet 2011

P. 52. "Kafka au Congo", le film

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Libération :
- "Pour la 15e édition du festival Résistances, ce sont à nouveau huit détenus de la maison d’arrêt de Foix (Ariège) qui se sont portés volontaires comme membres d’un des jurys. Sur la sélection des 106 films, ils ont choisi de visionner principalement des films «d’évasion», et élu Kafka au Congo, d’Arnaud Zajtman et Marlène Rabaud.
«Ce qu’ils ont apprécié particulièrement dans ce film d’auteurs, c’est de ne pas être dirigés par une voix off», rapporte Valérie Guillaudot, coordinatrice.
Le documentaire sera projeté dans la prison, en présence du cinéaste, puis en ville - deux détenus ayant obtenu une permission de sortie pour l’occasion."
(9-10 juillet 2011).
Synopsis :
- "Il y a quinze ans que Gorette Mawazu, qui s’est fait ravir son terrain, se défend seule devant la justice congolaise.
De son côté, le député questeur Bahati Lukwebo, en charge des finances de l’Assemblée Nationale du pays, tente de conserver son poste, très convoité. Plongée dans les tribunaux du Congo, ce documentaire pénètre dans les méandres de la justice d’un pays où règne la corruption. Il suit les individus dans leur quête personnelle et leur lutte face à un système dont ils choisissent souvent de rire, de peur de devoir en pleurer..."

FIDADOC :

- "Marlène Rabaud a réalisé plusieurs films sur l’univers de Kafka, au cours de ses études de réalisation aux Beaux-Arts de Rennes et un film sur l’imaginaire colonial lié au Congo, au Studio Le Fresnoy. À l’issue de ses études, elle est partie au Congo afin d’y réaliser un projet personnel.
Diplômé en réalisation radio du Goldsmiths College de Londres, Arnaud Zajtman a été pendant dix ans correspondant de la BBC World Service au Congo. Il a co-réalisé avec Marlène Rabaud de nombreux reportages en Afrique centrale pour différentes chaînes de télévision. « Kafka au Congo » est leur premier documentaire."
(Festival International de Documentaire à Agadir, 9-13 novembre 2010).

Marlène Raboud et Arnaud Zajtman (DR).

Arnaud Zajtman :

- "J’ai vécu dix ans au Congo où j’ai été le correspondant permanent de la BBC et de France 24. J’ai beaucoup couvert les conflits qui ravagent ce pays et je suis arrivé à la conclusion que la guerre, les violences sexuelles, l’accaparement des ressources naturelles par des multinationales et la corruption des élites congolaises au plus haut niveau ne représentent pas la cause réelle du malheur des Congolais. Ce ne sont là que les conséquences d’une cause première qui est l’impunité. En effet, lorsque la justice ne fonctionne pas, des bandits dépourvus de la moindre once de sens commun s’en tirent et parviennent à investir le champ politique et à obtenir des postes de pouvoir d’où ils poursuivent leurs méfaits sans jamais être inquiétés.
Et pour illustrer la question de l’impunité et de la justice mal rendue, quoi de plus cinématographique qu’une salle d’audience, avec des personnages qui campent leur rôle de manière entière : le Procureur au service du pouvoir, le juge qui est de connivence avec lui…"
(Le Congo, 12 mai 20121).

Nicolas Crousse :

- "A l’heure où l’on s’apprête à célébrer les cinquante ans de l’indépendance du Congo, voici un documentaire qui ne devrait pas passer inaperçu. Réalisé par Arnaud Zajtman et Marlène Rabaud, correspondants en Afrique pour la BBC depuis de nombreuses années, Kafka au Congo propose un voyage inédit dans les coulisses de la justice et de la politique du pays.
On y suit ainsi les mésaventures d’une femme qui s’est fait ravir sa parcelle et qui lutte devant la justice pour obtenir gain de cause… depuis quinze ans. Trop pauvre pour se payer les services d’un avocat, Gorette va de bureau en bureau, telle une cousine lointaine de Joseph K de Franz Kafka, afin de faire atterrir son dossier. Mais à chaque nouveau rendez-vous, la mécanique se grippe, on lui demande de menus bakchichs, elle perd confiance.
A l’autre échelle de la justice, il y a le « député questeur » Bahati, en charge des finances de l’Assemblée nationale congolaise. Celui-là, c’est le gros poisson. Qui profite allégrement de ce système de corruption masquée, du moins le devine-t-on… mais qui reverse néanmoins au petit peuple de son village d’origine quelques oboles, destinées à lui gagner la sympathie populaire tout en préservant les pratiques clientélistes."
(Le Soir, 19 juin 2010).

Guillaume Richard :

- "Le chaos est le sujet de Kafka au Congo. Quand, dans un pays, plus rien ne va et que ses institutions sont incapables de fonctionner, le champ se libère pour les crapules. Les deux cinéastes reprennent l’affaire Bahati Lukwebo, ce politicien accusé d’avoir détourné des millions de dollars pour son propre intérêt. Alors qu’il est discuté et sifflé par ses pères, l’homme distribue des billets de 200 dollars (sic) à la foule dans le but de conserver son poste. Dans ces moments-là, Marlène Rabaud et Arnaud Zajtman apportent un témoignage exceptionnel sur la situation politique et humaine au Congo."
(25e FIFF, 10 octobre 2010).

Stéphane Waffo :

- "Pour Marlène Rabaud et Arnaud Zajtman (…) toutes les institutions politiques sont conformes aux volontés des bâilleurs de fonds et des coopérations étrangères. Sauf que dans les faits, « il ne s’agit que d’un décor » insiste Arnaud Zajtman.
L’idée de ce documentaire qui laisse toute la place aux personnages (Pas de voix off, pas de voix des cinéastes), était de décrire le Congo de tous les jours dans «une unité de temps » bien clair, précise Marlène Rabaud. D’un côté, cette pauvre dame qui tous les jours depuis des années se bat pour protéger sa propriété. De l’autre, un individu dans un système, questeur à l’assemblée, battu par une équipe moralement réconfortée (entendu corrompue)."
(Touki Montréal, 28 avril 2010).

Gorette Mawazu, plaignante et symbole d'une cause perdue (DR).

Arte :

- "Comment défendre ses droits ou se faire élire au Congo, un pays où la corruption a été érigée en mode de fonctionnement ? Au travers de deux cas particuliers (une femme trop pauvre pour se payer un avocat, se défend seule devant les tribunaux/un député tente de conserver son poste très convoité de responsable des finances à l'Assemblée nationale), on assiste à un voyage tragi-comique dans les coulisses de la justice et de la politique au Congo."
(programmation 30 juin 2010).

Ghania Adamo :

- "Un film tragi-comique sur la corruption au Congo où magistrats, députés et hauts fonctionnaires de l’Etat actionnent à leur profit la «pompe à phynance», usant et abusant de la bonhomie de leur population. De quoi réveiller le ricanement d’un Jarry qui dans «Ubu Roi» caricatura à merveille les égarements d’un dictateur africain pansu. De quoi aussi donner quelques résonances à l’actualité."
(swissinfo, 14 février 2011).



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lundi 11 juillet 2011

P. 51. "Les amants de la Toussaint" - Juan Gabriel Vasquez

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Juan Gabriel Vasquez, Les amants de la Toussaint, Seuil, 2011, 201 p.

Présentation de l’Editeur :

- "Pas de Colombiens ni de Colombie dans ce recueil de 7 longues nouvelles, mais les brumes automnales des Ardennes belges. Juan Gabriel Vasquez, dont c’est ici le premier livre, a écrit ces histoires entre Paris et la Belgique, où il a séjourné pendant trois ans avant de s’installer définitivement à Barcelone. Le ton est intimiste, l’ensemble des textes s’inscrit dans la tradition du récit réaliste, et l’auteur s’attache à créer, à travers la psychologie de ses personnages, les paysages qui servent de décor aux histoires et les thèmes de l’amour et de la solitude, une atmosphère envoûtante, familière aux lecteurs français mais véritable tour de force littéraire s’agissant d’un écrivain appartenant à l’univers latino-américain. Un passionné de chasse partage pour une nuit le lit d’une jeune veuve qui veut se donner l’illusion que son époux est encore à ses côtés. Un vieux couple voit ressurgir un fantôme en la personne d’un ami qu’ils n’ont jamais cessé de fréquenter. Un homme qui vient de rompre avec sa femme, lui demande pourtant de jouer la comédie lors d’une visite à son père. Un magicien amateur et une riche bourgeoise enceinte ont un coup de foudre qui les mèneront tout droit au drame. Un riche héritier renonce à sa fortune et rencontre, le temps d’une nuit, une femme qui lui demande un étrange service. Juan Gabriel Vasquez procède par petites touches, s’attardant à consigner des détails d’apparence insignifiante, des sentiments flottants capables de changer le cours d’une existence, des coups de tête qui sont le fruit d’une vie remplie d’erreurs. D’un classicisme très abouti, ce jeune et déjà grand auteur colombien prouve qu’il est capable d’aborder avec un grand talent et une réelle force d’écriture des genres et des formes différents.
Né à Bogotá en 1973, Juan Gabriel Vásquez a fait ses études de lettres à la Sorbonne, puis a vécu en Belgique avant de s’installer à Barcelone où il collabore à plusieurs suppléments littéraires. Son premier roman, Les Dénonciateurs (Actes Sud, 2008), lui a valu une reconnaissance internationale immédiate. Histoire secrète du Costaguana a obtenu le prix Qwerty du meilleur roman en langue espagnole et le prix Fundación Libros y Letras de la meilleure oeuvre de fiction."

Jean-Baptiste Harang :

- "La clé du livre se trouve dans sa phrase ultime, sur cette page surnuméraire dont le lecteur, souvent, croit pouvoir se dispenser, la page des «remerciements» : «[...] un recueil de nouvelles doit être comme un roman dont les personnages ne se connaissent pas.» Vásquez dit tenir cette définition d’un maître du genre, Tobias Wolff, et elle lui va bien. Les personnages des sept nouvelles des Amants de la Toussaint ne se connaissent peut-être pas, mais ils pourraient bien. La plupart de ces histoires, écrites en castillan de Colombie, se passent dans les Ardennes belges, où l’auteur vécut, autour des mêmes villages, et il paraît peu vraisemblable que l’un ou l’autre ne se soient pas rencontrés au cours d’une partie de chasse, à fêter un mariage, à suivre un enterrement, à la friterie de Zoé. Le livre refermé, les survivants finiront bien par se croiser, dans l’étrangeté d’un monde de brume, de nuit, d’improbable, et de réel pourtant, qui nimbe l’entièreté du texte et lie les nouvelles éparses comme le joint, la mosaïque. L’autre clé du recueil est plus facile à retrouver, elle crève les yeux dès les premières phrases : «À l’époque, je ne sortais guère de Belgique. Je passais mon temps à observer les Ardennais et à partager leurs activités, puis j’essayais d’écrire ce que j’avais vu en perdant le moins de détails possible.» Cette attitude du premier narrateur sera la règle des suivants : dire ce que l’on voit dans les moindres détails, et ne pas juger, décrire sans état d’âme l’état des âmes de ses contemporains, et la vanité de la compassion."
(Le Magazine Littéraire, 20 mai 2011).

Modave (Ph. JEA/DR).

Un écrivain colombien,
une chasse en Condroz,
un suicide,
naufrages sur la terre ferme...

Extraits de la nouvelle : "Le locataire".

Route de Modave :

- "Ils traversèrent la route de Modave et prirent la direction d'Aywaille, marquèrent un arrêt du côté nord du bois pour faire descendre les rabatteurs - qui ressemblaient à des épouvantails modernes dans leurs gilets fluorescents - et leurs chiens, et leur permettre de prendre chacun position. L'espace d'un instant, l'air fut saturé des aboiements inégaux des bêtes et des cris de leurs maîtres qui hurlaient confusément leurs noms.
(...)
A l'autre bout du terrain, un étroit sentier permettait tout juste à la caravane de véhicules de circuler en file indienne, pare-chocs contre pare-chocs arrière. Il menait à un pâturage que les chasseurs devaient parcourir à pied pouir gagner leurs postes. Les barbelés qui délimitaient le chemin touchaient presque les portières de voitures."
(PP. 64-65).

Baptême de chasse :

- "Le jour des cinquante ans de Georges, on avait aussi célébré le baptême de chasse de Jean Moré, qui avait tué son premier sanglier dans la matinée. Charlotte avait organisé un repas avec les amis de la famille et quelques compagnons de chasse. La tête du sanglier reposait sur la pelouse, près de la souche d'un chêne. Devant l'insistance des chasseurs, qui intimaient à Jean de la porter, Georges finit par la soulever pour la lui poser sur la tête, comme un chapeau. Quelques gouttes de sang à peine s'échappèrent de la tête coupée, qui suffirent à baptiser Jean et à donner à sa chevelure l'aspect d'un placenta de vache."
(P. 67).

Rabatteurs :

- "Pour effrayer les proies, les pousser à abandonner la forêt et à s'offrir à la vue des chasseurs, chaque rabatteur avait mis au point un cri particulier et personnel qu'avec le temps Georges avait appris à connaître. Comme pour se lancer un défi à lui-même, il s'efforça de les distinguer. Ce ooooooooo accompagné d'un battement de mains était celui de Guillaume Respin; Frédéric Fontaine faisait bruisser les arbustes en y agitant une branche élaguée et criait ah-ah-ah-eeeee ; Catherine avait décidé puis longtemps de se passer d'onomatopées,
    - Dégagez, les bêtes ! Foutez le camp ! hurlait-elle."
(PP. 69-70).

Pendant l'affût, Jean s'est suicidé :

- "Les employés de la commune de Modave avaient mis plus de quarante minutes à arriver. L'ambulance, toutes lumières éteintes et sans sirène, avait surgi cinq minutes après. Pendant tout ce temps Georges n'avait pas bougé, debout dans l'herbe comme un torero, Jean blotti contre lui. La femme de l'état civil leur avait posé des questions auxquelles Catherine avait répondu comme à un oral d'examen. Ce n'est que lorsque le corps avait été prêt à être transporté que Georges avait senti pointer le mal de crâne dû au relâchement de tant de tension contenue. Catherine s'était approchée de Jean :
- Ils demandent si tu souhaites quelque chose en particulier ou s'ils peuvent l'emmener.
- Ce que tu peux être bête, parfois, avait-il répondu en se tournant vers elle."
(P. 76).



En illustration musicale, Grappelli :

- "Georges s'installa dans le fauteuil de velours vert, Charlotte alla chercher le disque de Stéphane Grappelli, celui que Xavier préférait. Après l'évoir entendu en concert à Liège en 1969, Georges avait abordé le violoniste pour lui demander un autographe. "A Xavier Moré", avait-il dit. Grappelli avait inscrit ces mots au marqueur noir sur la pochette.
Le saphir griffa le vinyle. La musique s'éleva, lointaine, comme autravers d'un rideau. Charlotte s'assit de l'autre côté de la cheminée et alluma le radiateur. La voir si distraite, s'efforçant de rester calme, bien que tiraillée entre ses sentiments et des fantômes vieux de vingt ans, procurait à Georges une sensation étrange, comme s'il était de trop dans sa propre maison.
- Tu sais pourquoi il a fait ça ? lui demanda-t-il.
- Ne me dis pas que ça t'intéresse, répliqua Charlotte."
(P. 81).

Est-ce ainsi que des hommes se suicident :

- "Etait-ce possible dans la réalité ? Les hommes se suicident-ils par amour dans la vraie vie, qui plus est pour un amour aussi ancien ? Il s'étonnait surtout du changement progressif qui s'opérait dans l'image qu'il avait de Xavier : il ne l'évoquerait plus jamais tel qu'il était; ces souvenirs avaient été souillés par le suicide. Georges admirait le courage de cet homme qui avait non seulement placé sous son menton un canon - traditionnel, Xavier n'avait pas succombé à la mode des canons juxtaposés -, mais avait vu une seconde plus tôt le reflet de sa propre mort dans celle de son chien sans renoncer pour autant au projet de se supprimer. Qu'un homme soit réduit à de telles extrémités par un amour déçu lui semblait incroyable. La frustration suit sa trace comme un chien flairant une odeur dans le sillage d'une proie (un loup par exemple) et finit par l'acculer."
(PP. 87-88).

Le passé :

- "Croire que le passé pouvait enterrer ses morts était innocent et naïf".
(P. 90).

Désormais, le fantôme du suicidé va séparer Georges de son épouse, Charlotte...

1615 : la chasse au sanglier sous les pinceaux de Rubens (DR).

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