MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 25 juillet 2011

P. 55. Il est minuit pour Paul Louka

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Le Soir :

- "Né à Marcinelle en 1936, Paul Louka (Vital-Paul Delporte de son vrai nom) s’est consacré à l’art plastique avant d’écrire ses premières chansons dans les années 50. En 1959, il a rencontré Jacques Brel qui lui a ouvert les portes des scènes parisiennes. Trois ans plus tard, il a fait la connaissance de Georges Brassens, qui est devenu son ami proche et fidèle.
Parolier poète et chanteur engagé, affichant des opinions politiques de gauche, Paul Louka a parcouru de nombreuses scènes et a signé de nombreux titres comme « Cerise », « Marcinelle », « Vas-y Paulot », « Saragosse » ou encore « Rendez-vous ». Récemment, Paul Louka avait décidé de se remettre à l’écriture. Il préparait un album d’une douzaine de titres et avait évoqué la possibilité d’effectuer une ultime tournée."
(23 juillet 2011).
  
Paul Louka :

- "Éphémère, la chanson ? C'est vite dit. On chante toujours le temps des cerises, non? Dans mon répertoire, j'ai pas mal de chansons-mémoire, comme Tante Sarah, sur un très beau texte de Georges Elias, comme "Chez-Maman" ou "Ne pleure pas", qui traitent d'une mémoire de faits plus personnels. Je crois que, une fois que tu as bien réussi cette rare et difficile conjonction d'une musique et d'un texte tu peux inscrire ta chanson dans la mémoire des gens. Et tu peux, aussi, lui faire porter un sens politique. 
Crois-tu qu'on se donnerait la peine de censurer des chansons si elles ne pouvaient pas s'inscrire dans la mémoire ? 
Or, ma chanson Saragosse (tu sais bien: j'ai fait la noce, à Saragosse, ...) qui dénonçait l'Espagne franquiste, a été interdite en 1967, et Ma guitare n'est plus espagnole a été censurée dix ans plus tard. Pas officiellement, bien sûr. 
Ces choses-là se font en douceur, insidieusement. 
Alors oui, la chanson est porteuse de mémoire, si elle est réussie, si elle est l'enfant de ce mariage d'amour entre les paroles et la musique. 
Alors, oui, la chanson a sa place dans la construction de la mémoire."
(Territoires de la Mémoire, janvier-mars 1997).

Paul Louka ne chante plus depuis ce 23 juillet 2011...

Un, deux, trois...

- "Va petit frère !
La terre est grande
C’est un joli jardin
Mais donne-moi la main !
Va petit frère !
La terre est grande
C’est un joli jardin
Quand il est midi plein.

Tu fais un pas, c’est la liberté
Tu fais deux pas, c’est l’égalité
Tu fais trois pas et le monde a changé
C’est un joli jardin
Mais donne-moi la main !
Tu fais un pas, c’est la liberté
Tu fais deux pas, c’est l’égalité
Tu fais trois pas et le monde a changé
C’est un joli jardin
Quand il est midi plein

La la la
Qu’est-ce que c’est ?
C’est la folie d’aimer
Qui se met à chanter !

Va petit frère !
Ton coeur résonne
C’est un joli tambour
Le général est sourd !
Va petit frère !
Ton coeur résonne
C’est un joli tambour
Quand nous parlons d’amour

Va petit frère !
Bonjour « Cerises »
Jean-Baptiste Clément
N’a pas perdu son « Temps »
Va petit frère !
Bonjour « Cerises »
Jean-Baptiste Clément
Chante encore au printemps."



Tante Sarah

- "Dans ce petit appartement
Elle grignotait, solitaire,
Les belles années d'avant-guerre
Un jour à la fois, doucement.

Elle savait se lever tôt
Pour mélanger sucre et farine.
Dès le matin dans la cuisine
Flottait un parfum de gâteau.

Avec son âme à fleur de peau,
Elle était de ceux que l'on aime,
La vieille dame du troisième
Qui donnait du pain aux oiseaux.

Il n'est de bonheur ici-bas
Qui ne soit bientôt éphémère.
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?

Ils sont venus comme des loups,
Ceux-là qui se disaient les maîtres.
Elle était près de la fenêtre,
Un petit chat sur les genoux.

Et celle qu'ils ont emmenée
N'a pas tenté de se défendre.
Elle a regardé sans comprendre
Avec de grands yeux étonnés.

Quand on a le cœur aussi grand,
Quand on est si douce et si bonne,
Le moindre péché vous étonne,
Autant de haine vous surprend.

Mais surtout, ne me dites pas
Qu'il faut pardonner ou se taire.
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?

Ils étaient grands, ils étaient blonds,
Ils avaient l'air de bons apôtres.
Leur dieu était le fils du vôtre.
Il semblait leur donner raison.

Ils étaient certains de leur droit
Et se disaient de bonne race
Et regardaient le ciel en face
Avec les yeux bleus de la foi.

Ils jouaient au jeu du plus fort
Où le premier qui la déniche
A le droit d'attraper la biche
Et de la conduire à la mort.

Est-ce Jésus ou Jéhovah
Qui pardonnera ma colère ?
Qu'avais-tu fait, petite mère,
Toi qu'on appelait tante Sarah ?



Ma guitare n'est plus espagnole

- "Ma guitare n'est plus espagnole,
Elle a perdu le goût du sang,
Celui des caves et des sous-sols
D'où l'on repart les pieds devant.
Les ans ne m'ont pas rendu sourd,
J'entends toujours avec fracas
Depuis les bombes et les tambours
De Guernica.

Mi pais esta lejos
Todo muere incluso la libertad
Mi pais esta lejos
Madre, viva la libertad

Ma guitare n'est plus espagnole,
Elle n'ira plus se faire bronzer.
Et merde à la Costa del Sol
Où les poètes sont étrangers !
Si ma guitare est enrhumée,
Je prendrai mon harmonica
Pour mieux jurer fidélité
à Garcia Lorca.

Mi pais esta triste
Todo muere incluso la libertad
Mi pais esta triste
Madre, viva la libertad

Ma guitare n'est plus espagnole
Mais elle a gardé sa fierté.
Et tant mieux si c'est la rougeole
Qui la fait de nouveau chanter.
Un jour viendra où l'on verra
Les matadors et les taureaux
Chanter de Burgos à Valencia
Ce chant nouveau :

Mi pais esta libre
Ya que vive incluso la libertad
Mi pais esta libre
Madre, viva la libertad."





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5 commentaires:

  1. Bel hommage pour un grand artiste.
    Trois chansons intenses... merci !!

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  2. Très beaux textes.
    Ce chanteur à l'accent de Jacques Brel, méconnu du grand public car un peu dérangeant.
    Merci à vous JEA

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  3. Un poète s'en va, ses mots, sa musique restent...

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  4. J'ai revu un spectacle de Paul datant de 1982 sur RTBF 3 .
    Ici pas de projections, de flashes, de projecteurs tournoyants, de paillettes...
    Un homme seul avec sa musique et ses mots. Superbe.
    Et la redécouverte d'une musique fine, merveilleusement interprétée par les musiciens qui l'accompagnaient.
    Un vrai moment de bonheur.

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