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Réverbère à Saint-Paul de Varax (Ph. JEA/DR).
Comprenant et partageant votre lassitude de ne recevoir que des cartes postales de
champignonnières peu hospitalières,
forêts réduites à du charbon de bois,
nuits aux pelages de chats malades,
ruisseaux en fauteuil roulant,
nuages en blouse blanche...
Je me suis évadé quelques heures. Quatre peut-être ? Je ne les ai pas comptées, trop craintif de perdre du temps alors qu'en chemin pullulent des fanatiques cherchant à tirer une croix sur une ambulance.
Pour vous envoyer quelques cartes postales depuis Saint-Paul de Varax, dans la Dombes.
Pourquoi ce Varax-là ?
Peut-être parce qu'à l'origine, j'avais lu sur une plaque blanche et rouge : "Carax".
En réalité, un cercle de maisons presque disparu au milieu d'un puzzle d'étangs énigmatiques. Ce cercle, je l'ai choisi et franchi parce que vous aussi, vous aimez les réverbères. Et que ce Saint-Paul-là n'en est pas avare.
(Ph. JEA/DR).
L'itinéraire pour rejoindre Saint-Paul de Varax ?
Quitter (très provisoirement) les hauts monts du Haut-Beaujolais. Traverser (ou marcher sur) la Saône sans trop s'interroger sur les couleurs troubles de ses yeux. Affronter des barrières agressives de chardons devenant ardents sous un soleil rond comme pas possible. Lui, il roule au milieu du ciel, en décapotable rutilante. Les phares et les feux de détresse tape à l'oeil. Et il n'a même pas d'éthylotest dans sa caisse...
A propos de mal de tête, et si vous acceptez un conseil amical, restez à l'écart de la querelle entre partisans de :
- "la" Dombes
et de :
- "les" Dombes.
Il paraît que ceux dont les ancêtres peuplent les cimetières locaux, n'évoquent jamais que LA Dombes. Tandis que tous les autres, les étrangers étrangleurs d'exceptions françaises, se trahissent en se croyant obligés de faire précéder le S de Dombes par un article marquant le pluriel...
Terres de La Lanterne (Ph. JEA/DR).
Le même soleil qui se complait éperdument dans un proche coma éthylique, a généreusement semé des plaines entières de phaétons. Lesquels enfants naturels ne resplendissent pas de bonheur, pour (presque) tout vous dire. On croirait plus des souffre-douleurs mis en maisons de correction que de joyeux mouflets envoyés en vraies colos. Pas très rigolo comme atmosphère.
On se souvient alors de Van Gogh. Lui qui se coupa une oreille pour tenter de ne plus entendre les folies que lui répétait un vent ne lui lâchant pas les godasses.
Mais les Dombes ne sont pas le Midi, même à douze heures. Le soleil fait écrire n'importe quoi...
Etang Bataillard (Ph. JEA/DR).
Ayant échappé aux griffes des chardons puis aux champs chaud devant de tournesols, vous voici enfin devant les étangs de la Dombes.
En surface : plus de plomb fondu sous le soleil exactement que d'eau. Autrement dit : c'est du solide avec très peu de liquide. Et j'interpelle les Associations de protection : "Les oiseaux d'ici boivent-ils assez de lait pour ne pas trop souffrir de saturnisme ?" Question se comprenant d'autant mieux quand on constate de loin mais en toute objectivité, que les volatiles d'ici ressemblent à des flamands roses (il fait heureusement beaucoup trop torride pour réveiller la guerre linguistique entre francophones et néerlandophones).
Une personne ayant du temps à perdre compta ici jusqu'à mille étangs. Pour qu'y barbotent, précisent les dépliants touristiques, "27% des carpes et 21% des brochets élevés dans toute la France"... "Elevés", certes mais comment ? Les carpes restent muettes sur leur sort et les brochets évitent des querelles qui rappellent trop la phonétique des quenelles.
Tympan (Ph. JEA/DR).
L'église romane de Saint-Paul de Varax fut bâtie entre 1103 et 1150. Depuis sa butte culminant à 240m, elle pose pour les passants qui, à des kilomètres à la ronde, slaloment entre entre les étangs, faute de ne savoir marcher sur les eaux.
Sous une mandale ouvragée, les pieds d'un Christ de l'Ascension reposent sur le symbole de la Jérusalem céleste. Las, lui comme ses deux anges ont perdu la tête lors de la tourmente révolutionnaire. Il y a de quoi être furax...
Rue du Pont Rouge (Ph. JEA/DR).
Le chemin de fer passe par ce St-Paul-là depuis septembre 1866. Les registres municipaux annoncent 1100 habitants en ce XXIe siècle. Et cependant, pas un chat ni une chauve-souris à l'horizon. Personne n'est cependant tombé dans le Vieux Jonc, seul ruisseau traversant la commune.
Un silence circonspect. Même la boulangerie semble à l'abandon (sincèrement, le pain ne vaut pas le plus petit détour). Un tilleul se bourre lentement une pipe de vieux Jean Bart (grosse coupe) puis se la glisse en poche, il fumera quand les thermomètres cesseront de flirter avec ceux du Sahara...
(Ph. JEA/DR).
Pour économiser les mouvements sous la dictature solaire, d'une photo, en extraire trois. Votre regard perspicace sur la rue du Pont Rouge n'aura pas laissé s'échapper ce réverbère se glissant à l'ombre en attendant des heures plus légères...
(P. JEA/DR).
Et de trois. Toujours rue du Pont Rouge, vous ne passâtes point à côté de ces rideaux de chevaux rêvant d'être au moins des figurants dans une nouvelle version de Crin blanc... Ils galopent dans l'écume de ce jour-là et le poète saluerait volontiers leur courage !
(Ph. JEA/DR).
Voilà. J'espérais vous offrir quelques cartes postales de la Dombes. Pas des passe-partout, ni des passe-passe, si possible pas des passe-temps... Plutôt mes chimères.
Quelque part, une cloche ayant la gorge trop sèche, sonne la fin de la récréation des touristes. Je sortais ma boussole de son sommeil quand une pierre sourit ! Un réflexe et voilà un instantané au mille millième de seconde (au moins). Preuve que ce sourire n'était point un mirage. Ou qu'un mirage peut être photographié sans trucage.
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