MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 7 juillet 2011

P. 50. "Condroz & Western" : William Dunker

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Un peu de sons sur les lumières des pages :
- 4 : "Lieux-dits en un recoin de Condroz",
- 17 : "Condroz des bois"
et
- 30 : "Châteaux en Condroz"
Et quelques sourires dans le même esprit que la page :
- 9 : "Un tout petit peu de Wallon savoureux"...


William Dunker,
Album Ey' Adon !
Et Alors ! (DR).

Truculant. Bon et bien vivant. Lucide, refusant d'être couleur de murailles et de friches industrielles. Populaire jamais vulgaire. Avec des chansons qui empêchent de mourir et de soif et de faim. A partager sans modération ! 
Il sort le Wallon des musées du folklore pour en secouer les poussières, lui faire prendre des bains de foule dans un printemps permanent et plein de nouvelle sève... 
William Dunker ne joue surtout pas au porte-paroles dans le formol, au baladin officiel, au barde barbant. Il aime d'amour la musique et invite le Wallon à se frotter à des rythmes imprévus. Sans jamais perdre son absence de faux sérieux. Au premier, au second, au troisième, à tous les degrés que les thermomètres officiels perdront leur temps à lui prêter...

NB : Traduire la chanson qui va suivre, c'est la réduire, la jivarer. Les modulations, les ondulations, les contractions, les évocations du Wallon se prêtent malaisément à une transfusion en Français. Cette dernière version en devient, hélas, brute de décoffrage. L'humour ne suit qu'en traînant les pieds.
Prenez un seul mot, au hasard... Berdouye ? Vous avez choisi berdouye ?  D'accord. C'est la boue. En Wallon, vous l'entendez grimacer sous vos bottes, la berdouye colle, s'accroche, glisse, trahit, prend plaisir à vous faire perdre votre équilibre, donne envie de jurer : "berde alors", tout en criant "ouye" quand vous partez en vrille... 

Condroz & Western :

Èl Walonîye, on pout l'dîre n'èst né co si foutûwe...

Luvé au tchant du coq, avou mès manètès lokes,
Dji m'va minnér lès vias, lès vatches-èt lès torias
Dins lès prés, lès pachis, Dins lès prés, lès pachis...
On pout dîre v'la l'sokia, l'èwaré, èl sézi...
A l'Europe, dji vos l'di, èl fameû moncha d'bûre,
C'èst grâce a mi droci ! Oyi, dji d'è seû seur !

Levé au chant du coq, avec mes loques mal fichues,
Je vais mener les veaux, les vaches et les taureaux
Dans les prés, les prairies, dans les prés, les prairies...
On peut dire v'là l'corniaud, l'égaré, le saisi...
A l'Europe, je vous le dis, le fameux monceau de beurre,
C'est grâce à moi ici ! Oh oui, j'en suis bien sûr !

Dji seû coboye a l'ouèss' du Condroz,
Naulène vaut bén le Colorado,
Dji seû z-in pôve coboye èt patavau lès voyes,
T'ossi râde k'èl vint d'bîje, su lès tchavéyes, lès tîdjes,
Dji pèdale come in sot, o...o...o...su m'pèdale stîle vélo...

Je suis cow-boy à l'ouest du Condroz,
Nalinnes (1) vaut bien le Colorado,
Je suis un pauvre cow-boy et par monts et par vaux,
Rapide comme le vent de bise, sur les chavées (2), les tiges (3),
Je pédale comme un sot, o...o...o...sur mon vélo à pédales et en acier...


Nalinnes (Graph. JEA/DR).

Kand c'èst l'fièsse, èl ducasse, dji vûde sakantès pintes
Au cabarèt dèl place èyèt pou lès fé diskinte
Èt pou k'lès djouweûs d'cautes... Èm pay'nut sakantès-autes,
Dji tchante Luis Mariano : "Mexicooo"...
èt "Sur mon ch'val au grand galop"...

Quand c'est la fête, la ducasse (4), je vide quelques pintes
Au cabaret j’ai de la place pour en faire descendre,
Et pour que les joueurs de cartes... m'en paient quelques autres,
Je chante Luis Mariano : "Mexicooo"...
Et "Sur mon cheval au grand galop" (5)...

Èl Walonîye, on pout l'dîre n'èst né co si foutûwe,
Avou tout' sès bounès bîres, èl couléye continûwe...
Mès mi, dji seû in lon'zom' pinteû,
Coboye di l'Intrè-Samp-èt-Moûse,
Coboye a l'Ouèss' du Condroz,
Naulène, c'èst mya kè l'O-aye-o.

La Wallonie, on peut le dire n'est pas encore si foutue,
Avec toutes ses bonnes bières, la coulée continue...
Moi, je suis un lonesome pinteur,
Cow-boy de l'Entre-Sambre-et-Meuse,
Cow-boy à l'ouest du Condroz,
Nalinnes, c'est mieux que l'O-hi-o.

Dj'a mès pîds dins l'berdouye, mès ça m'fét branmint d'bén,
Dji n'vos stitche né dès couyes, tout fèl, on n'a jamay rén...
Sins nos-autes lès cinsîs, n'aureut rén n-a mougnî,
Pont d'frites sins canadas,
Pont d'laurd sins lès pourchas,
On m'dîra t'ègzagères ! Mès godome in n-ambûrguère,
Ça n'èst k'in vitoulèt stitchî dins-in pistolèt...

J'ai mes pieds dans la boue, mais ça me fait beaucoup de bien,
Je ne vous dis pas de couillonnades, mais très fort, on n'a jamais rien...
Sans nous autres les fermiers, il n'y aurait rien à manger,
Pas de frites sans pommes de terre,
Pas de lard sans les cochons,
On me dira, t'exagères... Pourtant un hamburger,
Ce n'est qu'une boulette fourrée dans un pistolet (6)...

Dji seû coboye a l'ouèss' du Condroz,
Naulène vaut bén le Colorado,
Dji seû z-in pôve coboye èt patavau lès voyes,
T'ossi râde k'èl vint d'bîje, su lès tchavéyes, lès tîdjes,
Dji pèdale come in sot, o...o...o...su m'pèdale stîle vélo...



Autre album (d'actualité involontaire) de William Dunker : "Trop tchaud" (DR). 

NOTES :

(1) Localité de la province de Hainaut. Fusionnée administrativement avec Ham-sur-Heure.

(2) Une chavée, dans le paysage condruzien, correspond à une dépression.

(3) Une tige est une ligne de crète.

(4) Fête publique.

(5) Allusion aux "Violettes impériales", opérette de Vincent Scotto créée en 1948.

(6) Cuit, de forme ronde et à la croûte craquante, un petit pain individuel.

Dans l'incapacité d'avoir déniché une version vidéo de ce "Condroz & Western", voici néanmoins un aperçu de William Dunker avec sa "bonne bouille", sa voix, sa guitare et le mambo de la "loke a rloktér" :




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4 commentaires:

  1. Quel bonheur JEA, chaque fois qu'il est question de la Wallonie, du Hainaut.
    Il faudra que j'arrive à bien comprendre ce qu'est le Condroz. Revenir sur d'anciens billets...

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  2. Ah ! c'est bon d'entendre, d'écouter par ces temps du "neen" de la joie nalinnes, wallonne,encore (?) belge... de votre plume mon cher JEA !!!

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  3. Voilà ce que vous disiez sur le Condroz.
    J'ai donc ma réponse.
    Je vous embrasse, JEA.
    Michèle


    @ Euterpe

    Le Condroz ? Une langue de terre en largeur de la Wallonie.
    De l'O : Walcourt à l'E. : Sprimont
    L'Ardenne condruzienne est une très petite soeur de celles de France mais reste néanmoins l'une des régions les plus boisées de Belgique
    28 avril 2011 11:22

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