MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 12 mars 2012

P. 125. M. Carette-Marceau prouve que l'on peut avoir été déchu de la nationalité belge pour collaboration et finir ses jours en doyen de l'Académie française...

.

Signature de Louis Carette (Doc. JEA/DR).

Louis Carette-Félicien Marceau vient de mourir. Eu égard à son âge et à sa notoriété, nul doute que sa nécrologie fut longuement et depuis longtemps peaufinée par la presse francophone. Laquelle passa plus ou moins l'éponge sur le passé collaborationniste de l'académicien.

En voici quelques échantillons.

Le Soir :

- "La vie de Félicien Marceau est cependant entachée de zones sombres. On lui a en effet enlevé la nationalité belge car il était considéré comme sympathisant allemand durant l'Occupation. Il doit alors fuir en Italie, puis en France où il sera naturalisé français."
(DZ, 7 mars 2012).

Que d'approximations en si peu de lignes !
En 1946, Louis Carette a été officiellement déchu de la nationalité belge (1) et condamné par contumace à 15 ans de prison non pour "sympathie" mais pour collaboration active avec les nazis. Auparavant, soit en 1942, le Gouvernement belge en exil à Londres avait modifié le code pénal - art. 113, 117, 118 bis et 121 bis - pour permettre de "châtier les traîtres" à la Libération. Cette même année 1942, Carette sentant le vent de l'histoire tourner, va se placer sous la protection des murs du Vatican. Il décrochera la nationalité française en 1959, grâce à un lobby d'intellectuels plus à la droite de la droite les uns que les autres...
La frilosité de cette nécrologie du Soir est confirmée par la fermeture des commentaires sur le site du journal. Circulez, il n'y a rien à (d)écrire. Tout le contraire de Saint-Just : "Osons !"

Libération :


- "L’écrivain d’origine belge Félicien Marceau, naturalisé français en 1959 et doyen de l’Académie française, est mort mercredi à l’âge de 98 ans. De son vrai nom Louis Carette, il avait collaboré avec les nazis durant l’Occupation et été condamné à quinze ans de prison à la Libération."

Constat : un journal parisien se montre plus précis que Le Soir de Bruxelles quant au motif et à la peine ayant frappé Carette. Ménageant moins la chèvre Marceau et le choux Académie que le quotidien belge.

Brigitte Salino :

- "En 1939, quand commence la seconde guerre mondiale, Louis Carette travaille comme journaliste à la radio belge. Appelé sous les drapeaux, démobilisé en 1940, il reprend son travail, dont il démissionne en 1942. Il part alors pour l'Italie, où il veut, dit-il, apprendre le métier de bibliothécaire au Vatican. En fait, il gravite dans le milieu des affaires.
A l'issue de la guerre, il est jugé par contumace par le gouvernement belge, qui le condamne à quinze ans de travaux forcés pour collaboration. Pour échapper à sa peine, Louis Carette s'installe en France, en 1950, et se fait naturaliser. Il n'acceptera jamais "l'injustice", selon lui, de sa condamnation."
(Le Monde, 8 mars 2012).

Madame Salino nous épargne des généralités et le communiqué de l'AFP pour une approche plus scrupuleuse. Celle-ci appelle néanmoins quelques mises au point.

En effet que recouvre en réalité la formule : "il reprend son travail" ?
Avant guerre, Louis Carette fait effectivement partie du personnel de l'INR (Institut National de Radiodiffusion). Lors de l'invasion de la Belgique, aucune des stations radio du pays ne tombera aux mains des Allemands (fait unique en Europe). Reste aux nazis à imposer dans le Royaume leur instrument de propagande radiophonique. L'INR devient "Radio Bruxelles" (tout comme ce "Radio Paris" dont vous vous souvenez : "Radio Paris ment, Radio Paris est allemand").
"Radio Bruxelles" est contrôlée par la Militärverwaltung (Administration militaire), et manipulée par la Propaganda Abteilung
, via un "commissaire gérant" nazi. Dès mai 1940, un Kommissaricher Verwalter Sonderführer se tient donc à la tête de la Radio et chaque service de celle-ci est placé sous une responsabilité bicéphale belgo-allemande (2). Louis Carette possède dès lors le titre de "chef du service actualités" en parallèle avec son équivalent nazi... Il ne "reprend pas son travail" mais monte opportunément en grade en se plaçant au service des occupants.
Et si doute on pouvait éprouver, la date du 11 décembre 1940 marque une étape dans le processus de la Shoah en Belgique. Tous les Belges soupçonnés d'être d'origine juive sont expulsés de Radio Bruxelles. Carette ne peut l'ignorer. Il ne lève pas le plus petit doigt...
Enfin, une rectification : l'intéressé n'a évidemment pas été "jugé par le gouvernement belge". Le Royaume est une démocratie avec la séparation des pouvoirs. C'est donc un Conseil de guerre, avec comme président un magistrat civil, qui a condamné Carette par contumace.


Tract de Gabriel Lhoir, 1942 : année du sauve-qui-peut vers Rome de Louis Carette (Doc. JE/DR).

La Libre Belgique :


- "Apatride déchu de la nationalité belge, il est naturalisé Français en 1959, après que le général de Gaulle, peu soupçonnable de complaisance en la matière, ait pu s’assurer de l’inanité des accusations qui l’avaient fait condamner à quinze ans de prison à la Libération. Dans "Félicien Marceau" (La Table Ronde), l’étude majeure qu’il lui consacra en 1996, l’étincelant mais redoutable et redouté Pol Vandromme annonçait la couleur dès les premières lignes : "Finissons-en tout de suite, c’est la meilleure façon de commencer. Un paragraphe suffira pour ouvrir et fermer sur-le-champ la parenthèse controversée des années courtes. Félicien Marceau, qui s’appelait alors Louis Carette, n’a eu de biographie que pendant ces années-là. Encore fut-elle d’une irréprochable banalité. Fonctionnaire à la radio dès 1936, il reprit ses activités après l’exode de 1940 sur le conseil et la caution de son ministre de tutelle, il fallut l’acharnement de l’esprit de vindicte et l’affabulation légendaire de l’ignorance. Tout ce qui devait être dit là-dessus l’a été en appendice du livre de mémoires".
(J. F. et Fr. M., 8 mars 2012).

L'argument d'autorité a largement fleuri à l'ombre d'un de Gaulle utilisé comme caution ! De Gaulle n'aurait quand même pas honoré un collabo ! De Gaulle ? Lui qui, à la Libération, choisit un certain Maurice Papon comme préfet de la Gironde. Puis le plaça en 1958 à la tête de la Préfecture de police de Paris. Ce même Papon condamné ensuite pour "complicités de crimes contre l'humanité" ? Au terme d'un procès de six mois où ne manquèrent pas des témoignages de complaisance - notamment de quelques Gaullistes venus vainement tenter de le faire passer pour un héros -...
Si "inanités des accusations" contre Louis Carette il y avait, que ne les a-t-il point fait prévaloir devant la justice belge ? Jamais un appel. Mais au nombre de ses défenseurs idéologiques (toujours un peu plus à droite) figure certes Pol Vandromme. Lequel rejoint Carette-Marceau quand il résume sa guerre en une étrange formule : "les années courtes". Comme si l'occupation avait été "courte" pour les déportés, pour les résistants dans la clandestinité, pour qui se retrouva dans les prisons espagnoles avant d'aller porter l'uniforme belge à Londres, pour les victimes civiles... Bien au contraire, de trop longues années marquées par les usures, les lassitudes, les doutes, les accès de désespoir devant une guerre qui tardait à prendre fin par l'effondrement du IIIe Reich. Sans parler du temps définitivement arrêté pour les victimes de la Shoah, pour les triangles rouges jamais revenus des camps, pour les fusillés, pour les militaires tombés sur les champs de bataille tandis que Carette restait dans ses pantoufles à Radio Bruxelles puis au Vatican.
Mais pour M. Vandromme, le parcours de Carette, "bon sang mais c'est bien sûr", ne relève que d'une "irréprochable banalité".
Tous les journalistes belges dignes de ce nom "brisèrent leur plume" sous l'occupation. Refusant aux nazis le moindre article, le plus petit reportage. Une résistance pure et nette. Et quand ils entraient dans la clandestinité, c'était avec la mort comme destin prévisible - ainsi Léopold De Hulster -. Mais d'autres profitèrent du régime nazi. Et leur collaboration active, selon M. Vandromme, ne relèverait que d'une "irréprochable banalité" (du mal, dès lors ?). Ces deux termes s'inscrivent tristement mais sciemment dans une perspective révisionniste !
Enfin, affirmer pour le dédouaner, que Carette reçut la "caution de son ministre de tutelle" est grotesque. Le Gouvernement belge était à Londres, aucun ministre ne resta au pays pour se mettre à la table des nazis. Les émissions de Radio Belgique à la BBC (indépendantes du gouvernement) s'opposaient à celles de Radio Bruxelles tout comme les émissions des "Français parlent aux Français" à celles de Radio Paris. C'était la "guerre des ondes" (3) et Carette s'y plaça au service des nazis.


Tract distribué en Belgique dès 1940 et dénonçant la collaboration-servitude de qui se met aux ordres de l'Ordre Nouveau (Doc. JEA/DR).

David Caviglioli :

- "Autant le dire tout de suite : pendant les années de guerre, l’occupation allemande ne heurte pas ses convictions, qu’on situera très à droite. Il travaille à la radio pendant les années noires, jusqu’en 1942. La chose lui vaut d’être regardé de travers quand les Allemands s’en vont. Il quitte la Belgique et se réfugie en France."
(BibliObs, 8 mars 2012).

M. Caviglioli mérite sans conteste la palme de la nécrologie la plus désinvolte si pas la plus cynique.
Carette-Marceau est "regardé de travers quand les Allemands s'en vont" ? D'abord les occupants ne "s'en vont" pas. Ils sont chassés. Et cette Libération, à quel prix ! Ensuite la justice belge est passée. Les lecteurs de M. Caviglioli l'ignoreront pour n'en retenir qu'un anecdotique "regard de travers" (4)...

Sabine Audrerie :

- "Il [Marceau] quittera la RTB alors qu’il en est directeur des actualités en 1942, refusant de servir «  les desseins de l’ennemi ». Il s’exile."
(La Croix, 7 mars 2011).

La boucle est bouclée. Par un traditionnel retournement de situation révisionniste : le collabo se retrouve dépeint in fine sous les traits d'une sorte de... résistant grâce à une phrase entre guillemets et qui sert de justificatif mais sans la moindre référence. Personne d'autre que cette journaliste de La Croix n'a, semble-t-il, osé pousser aussi loin la réhabilitation hagiographique de Carette-Marceau.
Pour rappel : la RTB (Radio Télévision Belge) citée par Mme Audrerie n'existait pas encore. Ne serait-ce que par absence de télévision en 1940-1942. Plus précisément, l'INR de la Libération ne deviendra RTB qu'en 1960.

Louis Carette, Le Péché de complication, Ed. de la Toison d'Or, 1942, 234 p. (Doc. JEA/DR).

Sauf erreur involontaire, aucune nécrologie ne cite un roman de Louis Carette, publié en 1942 à Bruxelles et dont le contenu, lui aussi pose question. Ce "Péché de complication" figure en ces termes dans le "Rapport du Jury chargé de régler l'attribution du Prix Triennal du Roman (1940-1941-1942)" de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises :

- "Dans son Péché de complication, Louis Carette s'efforce de placer sur un plan idéologique et politique une histoire qui, en réalité, reste une simple histoire d'amour. Bien entendu, cet amour souffre du très actuel péché de complication et s'en délivre par une rupture, qui ne paraît même pas tout à fait certaine" (5).

Ah, un roman idéologique et politique ? Comment lire entre les lignes de ce Rapport officiel d'une Académie qui maintient son prix malgré l'occupation ?

Fabrice Schurmans :

- "Carette, lui, dans Le Péché de complication, (...) publié à la Toison
d'Or, livre le récit d'une passion amoureuse entre deux adolescents sur fond d'ascension du national-socialisme. Le jeune héros, Paul-Jean, plonge la sève bouillonnante de ses vingt ans dans un ordre nouveau qu'il estime révolutionnaire.
Assez souvent au cours du roman s'engagent des discussions philosophico-politiques où la réflexion sur les fascismes tient une grande place. Ainsi, au cours d'une conversation enflammée, le narrateur s'interroge sur la position de Dick
vis-à-vis des extrémismes de droite. « En fait, il ne sait pas très bien ce qu'il reproche au fascisme. Il sait bien ce que les autres lui reprochent, c'est surtout d'avoir réussi. Mais lui, il se sent pour la réussite un respect dont il n'arrive pas à penser qu'il soit malhonnête ou malsain. Certes, ce qu'il vient de dire ne lui paraît pas faux, mais pourtant, si une nation avait des droits à une suprématie sur les autres ? » (pp. 80-81).
Le futur Félicien Marceau devait au long de ce roman énoncer d'autres propos eux aussi dans l'air du temps. Pas seulement au sujet du fascisme - chacun défend ses opinions politiques comme il peut - mais aussi, malheureusement pour sa postérité, au sujet du « danger juif » (cf. pp. 151,202)" (6).

Le même Louis Carette-Marceau fut donc élu à l'Académie française. Autre argument d'autorité retrouvé dans des nécrologies et des commentaires. Car enfin, l'Académie ne peut quand même pas être soupçonnée de complaisance vis-à-vis d'un collabo !
Comme si l'Académie française n'avait pas compté parmi ses affirmés "immortels" :
- Abel Bonnard, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sous Vichy (à partir d'avril 1942) ;
- Pierre Gaxotte, rédacteur en chef de Je suis partout ;
- Abel Hermant, condamné à la dégradation nationale mais subsidié par l'Académie jusqu'à sa mort en 1950 ;
- Henri Massin, auteur de discours de Pétain et attaché au secrétariat général de la jeunesse sous Vichy ;
- Thierry Maulnier, Action Française et Je suis partout ;
- Charles Maurras, condamné à la dégradation nationale mais dont l'Académie laissa le siège vacant jusqu'à son décès.
- Philippe Pétain, idem...

Comme si Pierre Emmanuel (Noël Jean Mathieu) était tombé dans un oubli absolu. Elu à l'Académie français, le 25 avril 1968, au fauteuil 4, il succéda au maréchal Juin. Sa réception officielle se déroula le 5 juin 1969. Après l'élection de Félicien Marceau, il en dénonça l'attitude collaborationniste.
Ancien résistant, toujours poète, catholique engagé à gauche, Pierre Emmanuel se déclara "démissionnaire" de l'Académie en 1975 et cessa d'y siéger. Il restait ainsi fidèle à son Hymne à la liberté, publié à Alger en 1942 grâce à Max-Pol Fouchet, et clandestinement en 1943 par les Editions de Minuit :

- "O mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et surtout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l'éther.

Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu."
(Jour de colère).





NOTES :


Site de référence : http://www.pierre-emmanuel.net/

(1) La déchéance de plein droit de la nationalité belge frappa ceux qui, après avoir commis des crimes contre la sûreté de l’État, se sont soustraits, au moment de la libération du pays, à l’action de la justice. Celui qui était condamné à une peine criminelle pour faits d’incivisme par un arrêt ou jugement prononcé par défaut non frappé d’opposition et demeuré inexécuté sur sa personne, était déchu de plein droit de la nationalité belge dès l’expiration du délai d’opposition.
Cf GEGESOMA, Bull. 38, Dossier Répression et archives judiciaires : problèmes et perspectives, 2003, 66 p.

(2) La radio constitue une des huit sections de la Propagande nazie à Bruxelles. Lire une étude récente : Céline Rase, Les ondes en uniforme, Presses Universitaires de Namur, 2011, pp 40-41.

(3) Dans une émission du 15 mai 1941, Victor de Laveleye saluait sur les ondes de Radio Belgique "les milliers et les milliers d'oreilles collées aux postes de T. S. F. pour écouter la voix de Londres, la voix qu'on interdit d'entendre, car le mensonge ne peut pas lutter à armes égales avec l'honnêteté."
Ici Radio Belgique, Ed. Ad. Goemaere, Bruxelles, 1949, 388 p., p. 48.

(4) Cette nécrologie attira des commentaires on ne peut plus complaisants pour Carette-Marceau. Avec des affirmations péremptoires : l'intéressé ne fut "ni pro-nazi ni antisémite". Le pauvre aurait même été victime d'un "tribunal d'exception". Et malheur à qui ose opposer des faits et des arguments aux zélateurs de l'ancien collabo. L'accusation fusera aussitôt : "Vous crachez sur la tombe de Marceau"... Par contre, Bibliobs vous censurera, si vous répliquez à un commentaire comparant "l'innocence" de ce Marceau à... celle de Dreyfus !
Ce 12 mars à 16h, tous les commentaires avaient été effacés sous cet article de Bibliobs. Sans un mot d'explication pour ce nettoyage par le vide.

(5) Bulletin, Tome XXIII, n°3, Annexe : p. 94.

(6) Fabrice Schurmans, Les débuts du Nouveau Journal sous l'occupation (1940-1941), Analyse critique du témoignage de Robert Poulet, Université de Coimbra, Centre d'étude des lettres belges, Textiles 15, 1998, pp 33-45.

29 commentaires:

  1. j'ai été surprise que personne ne parle de son passé - ne me souvenais plus exactement, savais qu'il était là et peu reluisant - merci de m'éviter recherche (à vrai dire pas certaine que l'aurais faite, tant de choses qui révulsent)

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    1. silences par ignorance, indifférence, complaisance ?
      de l'utilité des blogs quand ils ne sont pas des doublons des médias...

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  2. « Il arrachait un à un les voiles des suppositions bénignes, anodines, lénifiantes. »
    (Julien GRACQ, « Un Beau ténébreux », 1945)

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    1. Jankélévitch :

      - "Quand la conjoncture dramatique et passionnée aurait dû révéler chez tout "intellectuel" la conscience morale, la réflexion critique, le civisme agissant, on n'a vu apparaître que l'homme de lettres vaniteux."
      (L’Imprescriptible).

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    1. Billet inconfortable...
      En fonction de l'actualité. Combien aurais-je préféré une page avec les mots d'Amos Oz et non le rappel des cadavres dans l'armoire de l'académicien Marceau ?

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    2. Amoz Oz...j'ai encore à le découvrir... ce que je ferai sans tarder...

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    3. P. 245 de l'un de mes anciens blogs : Amos Oz et la nostalgie rurale

      http://motsaiques.blogspot.com/2010/02/p-245-amos-oz-et-la-nostalgie-rurale.html

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  4. Inconfortable en effet... L'Histoire comprend des failles toujours surprenantes.

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  5. Inconfortable parce que celles et ceux de ma génération se sont dits : Marceau recherche les ors et les décorations et les parfums des succès ? Bof, son uniforme d'académicien ne le met pas à l'abri du déshonneur. A quoi bon secouer le fauteuil d'un vieillard ?
    Mais le moment des nécrologies venu, celles-ci se sont révélées être du spray amnésique.
    La très grande majorité des collabos répète n'avoir jamais rien vu, rien su ni rien fait. Ceux-là se présentent uniquement en victimes incomprises. Et radotent encore ainsi le grand âge venu. Rester longtemps sans leur répondre ouvre les portes à des trous volontaires dans la mémoire des années d'occupation.

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  6. La collaboration est un sujet encore tabou en Belgique.
    Pour bien comprendre, il faut distinguer (malgré la présence de la mouvance rexiste qui sévissait aussi en flandre) la collaboration flamande de celle qui a régi dans la partie sud du pays, cfr les études de Maurice de Wilde ou Bruno De Wever (!) sur les multiples mouvements flamands nationalistes de la guerre 40-45 : les radicaux, Verdinaso, De Vlag, le VNV plus modéré mais qui se radicalise à la fin et fournit comme les autres des soldats flamands pour le front russe... ils s'accordaient rarement entre eux, un vrai nid de serpents !!
    La collaboration flamande commença avant 14 déjà (son chantre "spirituel", poète pangermanique s'appelait Cyriel Verschaeve. Il se radicalise en 40 et écrit "Het Uur van Vlaanderen", il adhère entièrement aux idées nazies pour finir par sa fuite et décès en Autriche en 49 (?) et le rapatriement de son corps dans le village flamand où il était curé, par des nationalistes fl., il n'y a pas si longtemps... Et je le cite de mémoire en 18-20 :" waarom ons bloed en niet onze taal ? hier liggen onze doden als zaden in het zand, als oogst voor ons Vlaanderenland").
    L'espoir qu'un rapprochement avec l'ennemi favoriserait, in fine réaliserait, l'indépendance de la Flandre, était à la base de la collaboration en Flandre. Les allemands ont fondé leur Flamenpolitik sur l'exploitaion des problèmes linguistique en Belgique et ce donc avant la première guerre mondiale.
    En 14-18, on appelait les collabos les "activistes", ils n'en voulaient plus en 40 et bien ils sont revenus et pire encore, ce sont devenus de vrais fachos... et maintenant, à l'heure actuelle, après tout ce déluge humain, on est franchement pas à l'abri d'un retour pur et dur.
    Comme quio, vous avez raison JEA, "le passé est dans le présent" ;-). Mais vous connaissez tout cela bcp mieux que moi et certainement que je perçois certaines choses mal ou trop en surface.

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    1. @ MH

      pour m'y être cassé quelques dents, j'ai pu mesurer les multiples difficultés s'accumulant pour résumer avec rigueur les lignes directrices de la collaboration dans sa version flamande, très spécifique et avec une continuité qu'on ne peut contester
      ma gratitude donc pour vos lumières là où d'autres cherchent à occulter

      pour les lectrices et les lecteurs qui ne sont pas du Royaume, il faut ajouter que Louis Carette avait choisi d'être francophone et collaborateur politique, d'où ses responsabilités à Radio Belgique et non à la radio néerlandophone

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  7. Heu.. JEA merci encore pour votre billet sur Félicien Marceau ! C'est dingue comme les médias ne disent pas. C'est pour ça que je vous ai envoyé ce com précédent (un peu long, pardon) pour essayer de mieux comprendre.
    Je crois que c'est parce que les choses sont encore trop vives et présentes, qu'on en parle pas.

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    1. je suppose et sais plus ou moins qu'on en parle toujours dans les cercles des collaborateurs (Degrelle a toujours son site actif, voyons les tentatives de "réhabilitations" au Parlement)
      on parle enfin dans des familles des victimes, les anciens et les petits enfants se complétant dans leur volonté de parler avant qu'il ne soit trop trop et d'écouter pour comprendre les racines
      reste la majorité qui s'en tiendrait assez volontiers aux images d'Epinal du 2d conflit mondial mais reste la cible des propagandes
      les nostalgiques et autres révisionnistes n'ont de cesse d'infiltrer leurs thèses
      les victimes n'ont pas une idéologie unique et rigide pour les réunir, donc restent des voix dispersées, parfois contradictoires
      restent les historiens (masc. gram.)
      ni au service d'une politique, ni d'une pensée unique
      avec leurs limites et cette obligation de toujours remettre en cause, rechercher plus loin, jamais pouvoir poser le stylo...

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  8. Les immortels ont la mémoire courte et quand il s'agit de garnir un fauteuil, on ne regarde pas si loin...

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  9. Merci à vous de rappeler l'essai de Jean Cassou qui écrivait dans sa "Mémoire courte" :
    - ""Mais je prêtends que plus responsables encore, et plus ignominieux dans la responsabilité, ont été les autres, les tièdes, les vagues complices qui s'en lavaient les mains, ceux du laisser passer, laisser faire, ceux qui ont accepté Vichy, comme ça, comme tout le monde, et en somme c'était tout le monde, puisque c'étaient toujours les autres et que les autres laissaient faire les autres en disant : bagatelle ! Bagattelle pour un massacre. Ils disaient aussi que la France allemande ça vaut mieux que la France juive"

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  10. Pardonnez-moi de faire encore digression sur la collaboration en Flandre (par rapport à ce billet précis sur Félicien Marceau)... mais savez-vous me dire dans quelle mesure les collabos fl. étaient anti-sémites ? ont-ils participé directement à la déportation ?

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    1. sans placer tous les collaborateurs flamands dans le cercle évident des antisémites (de conviction ou par opportunisme)
      reste que la judéophobie constitua l'un des socles de leur doctrine
      on ne voit pas comment un SS Flamand pouvait être SS sans être un bras armé de la Shoah

      un exemple de judéophobie uniquement manifestée par des collabos flmands : le lundi de Pâques 1941 à Anvers
      le film de propagande totale antisémite "Le Juif immuable" est programmé au cinéma Rex à Anvers
      de cette projection, le journal collabo "L'Ami du Peuple" écrira : "le passage où le Führer annonce que la juiverie sera définitivement chassée d'Europe si elle provoque une nouvelle guerre, emballe toute la salle"
      tandis que l'organe du VNV, "Volk en Staat" parle de "très violents incidents antijuifs"
      en réalité, la Propaganda Abteilung a censuré la presse pour empêcher la diffusion d'informations sur une "Kistallnacht" (Nuit de cristal) à la dimension anversoise
      concrètement René Lambrichts et ses ligueurs antijuifs (leur bannière porte une tête de mort et ce slogan : "Juda Verrek" - Juif crève) ont organisé cette séance de cinéma
      à la sortie du film, Pieter Verhoeven entraîne au départ deux cents personnes vers le quartier juif autour de la gare d'Anvers
      les caméras de la Propaganda Abteilung (fixes) filment (il y a donc préméditation)
      deux cents vitrines de magasins - uniquement tenus par des juifs - sont brisées, des pillages s'ensuivent, des passants sont molestés parce que juifs
      les deux synagogues de la Oostenstraat sont dévastées, celle au coin de la Van Nestlei est incendiée de même que la maison du rabin
      une photo fut publiée sur la première version de mo(t)saïques :

      http://motsaiques.blogspot.com/2008/07/p-9-la-mmoire-slective-de-bart-de-wever.html

      à propos notamment des SS Flamands et de leur participation aux rafles et autres actes antisémites :
      Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Ed. Complexe, 2004, 317 p.

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  11. C'est vraiment intéressant de faire ce genre de billet car c'est le silence total dans les médias pourtant si prompt à s'enflammer pour tout et n'importe quoi

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    1. Milosz :

      - "Toutes voiles dehors dans l'insensé silence..."

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  12. on a la mémoire courte quand il s'agit de personnes de "qualité" dont on peut se valoir et se vanter !

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    1. Jean Cassou :

      - "L'on meurt en enterrant avec soi tout un monde de secrets et d'oublis..."
      (La Mémoire courte, Ed. Mille et une nuits, 2001, 112 p., p. 67).

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  13. Le journalisme d'investigation a encore de beaux jours devant lui avec de tels oiseaux encensés par les sirènes bien pensantes.
    Merci d'éclairer ma lanterne qui était loin de se douter.

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  14. Merci pour vos explications, pour ce deuxième rappel. Bien sûr le collaboratuer, par définition, adhère à l'idéologie anti-sémite, participe aux progroms et le SS est le bras armé de la Shoah et... Anvers est toujours la ville où l'extrême-droite et le racisme sont présents au quotidien.
    S'il est incontestable que le Vlaamse Beweging était démocratique au départ et qu'entre les deux guerres, la tendance politique vire de plus en plus à droite... je m'interroge cependant sur "l'obligation de toujours remettre en cause" de certains historiens flamands actuels (très en vue en Flandre) quand ils insistent sur la nazification du flamand par les allemands pendant l'entre deux-guerres, ce qui me fait penser un peu à la réplique de De Wever qui dit qu'Anvers était occupé.

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    1. De Wever ? certes Anvers était occupée, mais le reste de la Belgique aussi
      par ordonnance allemande, les juifs sur le territoire du Royaume, sont obligés de résider à Anvers, Bruxelles, Charleroi et Liège
      65% des juifs d'Anvers seront déportés
      37% de ceux résidant à Bruxelles
      38% de ceux de Charleroi
      35% de ceux de Liège.
      Une telle disproportion ne s'explique que par une collaboration forcenée à Anvers et des résistances à Bruxelles ainsi qu'en Wallonie.
      La police d'Anvers présente un exemple unique pour toute la Belgique : seule, elle mené par exemple bouclages de quartiers et arrestations systématiques à domiciles la nuit du 28 au 29 août 1942. Plus de mille juifs seront ensuite transférés au Sammellager de Malines pour Auschwitz...
      Exception faite de Lieven Saerens et de sa remarquable somme sur les juifs dans l'histoire d'Anvers, je méconnais hélas et faute de traductions en français, l'émergence de nouvelles recherches en Flandres.

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  15. Rigueur réconfortante!
    et belle démonstration, s'il en est "de l'utilité des blogs quand ils ne sont pas des doublons des médias..."

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  16. Pour info : quand "Le Figaro" égratigne "Libération" à propos de Félicien Marceau...
    Dans un billet intitulé "Le silence de Félicien Marceau" où le journaliste compare le bruit qu'a produit le décès du comédien Pierre Tornade au silence qui entoure celui de F. Marceau, notre journaliste conclut : "A Marceau, on n'envoya guère de couronnes, quelques lignes au mieux, où l'on insista sur sa vie en Belgique durant l'Occupation (lisant "Libération", on crut qu'ils enterraient Rebatet. Cela fait un choc, on croyait celui-ci mort depuis quarante ans)."
    (dans "Le Figaro littéraire" du 15 mars.)

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    1. Le conflit - inévitable ? - entre Le Figaro et Libé, ne s'arrêterait-il même pas à la frontière d'une nécrologie ?
      Libération est cité in extenso dans le billet ci-avant. Quelques lignes à peine sur un passé peu glorieux. Sans le moindre jugement de valeur.
      A mon humble estime, Le Figaro fantasme tristement en mettant en cause Libé quant à Rebatet. Aucune mention de celui-ci, pas même une esquisse d'allusion dans Libé.
      D'ailleurs pourquoi Libé commettrait-il l'erreur d'un rapprochement entre les deux écrivains ? Certes Marceau a collaboré, mais pas aussi longtemps, pas avec une telle haine systématique, pas avec un écho comparable aux écrits de Rebatet. Marceau travaillait à la radio. On n'en garde pas de traces. Par contre, l'histoire garde une multitude de preuves que Rebatet fut bien un "apologue de la collaboration".
      Marceau a été condamné à 15 ans par contumace, on ne saura jamais à quelle autre condamnation s'il était venu assumer sa défense.
      Rebatet arrêté, il a été condamné à la peine de mort en 1946. Peine commuée l'année suivante aux travaux forcés à perpétuité. Sa libération se déroula en 1952.
      Placer Marceau et Rebatet sur pied d'égalité se résumerait en une faute. Libé ne l'a pas commise. L'inventer relève, me semble-t-il, d'un procès d'intention malvenu...

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