MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 7 mai 2012

P. 142. Chirac, Le Pen, Sarkozy et les élections présidentielles de 2002 vus par Michèle Cotta

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Michèle Cotta
Cahiers secrets de la Ve République, tome IV, 1997-2007
,
fayard, 2011, 1168 p.

Présentation de l’Editeur :

- "Dix années de rebondissements incessants de la vie politique autour de plusieurs moments-clefs. Première étape : la cohabitation. Deux ans après son élection, Jacques Chirac dissout l’Assemblée nationale. Les socialistes, contre toute attente, gagnent les élections législatives. À la différence des deux cohabitations qui l’ont précédée, celle-ci durera cinq ans. Derrière les sourires des cérémonies officielles et des réunions internationales, le Président et son Premier ministre sont comme chien et chat.
Deuxième étape : la défaite historique de la gauche en 2002. La dilution progressive de la « gauche plurielle », une mauvaise campagne du dirigeant socialiste, une campagne efficace du Président qui n’a pas perdu la main,
et la montée surprise de Jean-Marie Le Pen aboutissent à l’élimination de la gauche au deuxième tour, traumatisme dont celle-ci n’est toujours pas sortie.
Troisième étape : l’épreuve de force entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac tourne à l’avantage du premier, qui élimine l’un après l’autre ses rivaux et prend les commandes de l’UMP dont il va faire le levier de son élection de 2007. Une nouvelle génération politique arrive sur le devant de la scène. Les « quinqua » sont désormais en piste. Le vainqueur de l’élection de 2012 est parmi eux."

Pensées d’outre-politique :


- "Un gros pavé. Une bible politique. Voilà ce que sont les cahiers secrets de Michèle Cotta, nous dévoilant les coulisses de la vie politique de la Ve République. Il faut être à la fois obstiné et passionné pour en venir à bout. Mais le jeu en vaut la chandelle, pour peu qu’on ne prenne pas cet ouvrage pour ce qu’il n’est pas : un livre historique."
(18 novembre 2010).

Jean-Paul Fourmont :


- "Journaliste politique dans la presse, à la radio ainsi qu’à la télévision, Michèle Cotta a également dirigé une chaîne publique. Mieux, elle a présidé l’ancêtre du CSA - la Haute autorité de l’audiovisuel - et se trouve être désormais à la tête de la holding JLA. Assurément, l’éditorialiste du Nouvel économiste est bien informée. Pendant quarante ans, Michèle Cotta a en effet côtoyé les élites politiques hexagonales.
C’est la raison pour laquelle la journaliste a mis à l’écrit et publié ses souvenirs. Michèle Cotta vient d’ailleurs de terminer le quatrième tome de ses Cahiers secrets de la Ve République, publié par les éditions Fayard. Ce dernier opus retrace l’histoire de la Ve République entre 1997 et 2007, années véritablement riches en évènements politiques.
(…)
Riche en anecdotes parfois amusantes sur le monde politique hexagonal, le livre de Michèle Cotta s’achève sur la huitième élection présidentielle au suffrage universel de la Ve République. «La pièce, conclut l’auteure de façon pessimiste, peut donc commencer. Même si s’annonce, dans la pire impuissance dont aient jamais été frappés partout les politiques, le déclin du monde occidental»."
(parutions.com, 31 janvier 2012).

Marc Voinchet :

- "Michèle Cotta a publié le 9 novembre dernier le IVème tome de ses Cahiers secrets de la Vème République, dans lequel elle s'attache à décrire de l'intérieur les rebondissements qui ont agité le monde politique de 1997 à 2007. Lorsque le tome précédent était sorti, Nicolas Sarkozy se serait exclamé avec humour : « Quand je lis le livre de Cotta, je m’aperçois que mes difficultés ne sont rien ! ». (Le Point, 19/11/09) Et, s'il est difficile de souscrire complètement à l'analyse du Président de la République, il est néanmoins certain que ce regard en arrière nous permet d'observer avec un peu plus de recul les réalités d'aujourd'hui. Entre confidences d'hommes politiques en vue et analyses quotidiennes d'une journaliste qui parcourt depuis longtemps les antichambres du pouvoir, Michèle Cotta nous offre dans ce livre un point de vue peu habituel sur la politique « en train de se faire ».
(France culture, 14 novembre 2011).

François Bazin, secrétaire du Prix du Livre Politique :

- "La politique vous passionne ? Vous en avez marre de ces opuscules vite écrits et vites lus qui encombrent les rayons des librairies ? Vous voulez tout savoir de la vie de ceux qui nous gouvernent depuis prés d’un demi-siècle ? Un seul conseil : achetez le Cotta ! Ou plutôt les Cotta puisque que cette œuvre au long court ne comprend pas moins de quatre tomes et que le dernier, consacré aux années 1997-2007, vient à peine d’être publié. Cette somme porte bien son titre : « Les carnets secrets de la Cinquième République». Chaque jour au presque, Michéle Cotta a noté tout ce qu’elle avait vu ou entendu. Et Dieu sait le nombre de confidences qu’a pu recueillir celle qui reste, aujourd’hui, la plus capée de la presse française. Portrait, scènes, citations off : on trouve de tout dans ces carnets qui sont restés longtemps rangés dans un tiroir et que l’auteur nous offre aujourd’hui, pour notre plus grand bonheur. C’est qu’il fallait une grande journaliste pour conduire jusqu’au bout ce travail de romain. Dans les carnets de Cotta, rien n’est inutile. On y voit, comme si c’était hier, le vie politique se dérouler sous nos yeux. On y revoit aussi des hommes et des femmes qui ne font plus, depuis belle lurette, la Une des journaux mais qui furent longtemps les acteurs principaux de la vie publique. Là est sans doute la force de cette entreprise éditoriale à nulle autre pareille. Elle réveille le souvenir et donc la nostalgie. Elle informe sur ce que fut la réalité d’une époque. Elle dit, mieux que toute autre, que la politique est un sport formidable, surtout quand elle est racontée avec autant de scrupule et d’honnêteté par une plume précise et amusée. Michèle Cotta, on le sent à la lire, ne s’est jamais ennuyée en faisant son métier et du coup, son appétit excite le notre. Il y a quelque chose d’éminemment jouissif à lire, ou même seulement feuilleter, ces pages qui, au bout du compte, forment le roman vrai de Cinquième République. Et pour dire les choses encore plus simplement, quitte à désespérer l’auteur, on se met à rêver que ce quatrième tome – 1148 pages, excusez du peu ! – ne soit pas le dernier."
(15 mars 2012).

Estimations au soir du premier tour des élections présidentielles, le 22 avril 2002.
(Mont. JEA/DR).

Les élections présidentielles de 2012 auront concrétisé un alignement d'une partie de la droite sur les thèmes du FN. A titre de comparaison, cette page vous propose un retour en arrière de dix années. Quand, en 2002, explosa entre les mains de la République, cette bombe infernale : Chirac et Le Pen seuls qualifiés pour le second tour. La gauche ajouta alors ses voix à celles de la droite pour faire barrage au FN.
Pour ce saut dans le temps, il a été préféré la plume de Michèle Cotta. L'une de ces femmes journalistes qui honorent leur profession en France. Au même titre que Françoise Giroud (lire p. 89).

Les Cahiers de Michèle Cotta, du 2 mai au 20 juin 2002.


2 mai [2002].

- "Le chiffre de 400 000 manifestants à Paris, pour le 1er Mai, tel qu'il est annoncé par la préfecture de police, me paraît inférieur à la réalité. Depuis 1968, jamais un tel rassemblement n'avait pris le départ de la place de la Bastille. Les jeunes étaient là, exhibant leur conscience politique toute neuve. Les vieux aussi, pas fâchés de retrouver la leur, plus usée. Sentiments curieux et mélangés pour la gauche qui défile seule, puisque la droite n'est pas venue, sur cet itinéraire qu'elle connaît pour y avoir souvent manifesté. Impression de victoire, dans cette gigantesque mobilisation contre l'extrême droite contre le diable Le Pen, mêlée à la tristesse d'avoir perdu la présidentielle.
(...)
Certains pleurent la défaite de la gauche, d'autres découvrent la nécessité de l'engagement politique. Les premiers assistent à un enterrement, les seconds à un renouveau. Tous, aujourd'hui, ont un point commun : comme l'écrit Jean-Marie Colombani dans Le Monde, ils souhaitent "enfouir Le Pen sous des bulletins Chirac."
(PP. 741-742).

Une de Libération pour l'entre deux tours des élections (DR).

3 mai
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- "Hier, à Villepinte, dernier meeting de Chirac. Son instinct l'amène à récupérer les manifestants de la veille. A dire au "peuple de gauche" qu'il l'a compris. Comme il avait dit, quelques heures après les résultats du premier tour, qu'il avait entendu le message de l'immense troupe des frustrés, des laissés-pour-compte, des mécontents qui avaient voté Le Pen. A Villepinte, Jacques Chirac, dans cette dernière phase avant le 5 mai, s'est voulu rassembleur.
(...)
On comprend qu'il ne veuille pas révéler aujourd'hui le nom de son Premier ministre (...). Il aura le choix entre Nicolas Sarkozy, capable, comme il le dit lui-même, "d'aller tout de suite au charbon, rapide et offensif, dont la connotation autoritaire et l'indépendance critique vis-à-vis de Chirac inquiètent pour le moins Alain Juppé (...). Jacques Chirac pourra désigner François Fillon (...) ou le centriste Jean-Pierre Raffarin (...). A moins que la Président, désireux de s'impliquer davantage dans la conduite de son quinquennat, ne sorte de son chapeau un autre homme, moins médiatique."
(PP. 742-743).

Capture d'écran tv : résultats des élections présidentielles 2002 (DR).

5 mai.

- "Jacques Chirac est donc le président le mieux élu de la Ve République. Extraordinaire succès, unique pour un homme dont le score au premier tour, inférieur à 20%, est un des plus décevants de l'histoire électorale présidentielle. 82% : l'ampleur de la vague transforme ce second tour en référendum contre Le Pen, pour la république et la démocratie.
Victoire ambiguë donc, pour Jacques Chirac. Car il est élu, dans des proportions à peu près égales, par la gauche et par la droite, sur des valeurs d'ouverture, de tolérance, d'égalité. Et non sur le programme qu'il a défendu tout au long de sa campagne.
(...)
Jean-Marie Le Pen vient de lui offrir une virginité politique à laquelle, dans ses rêves les plus optimistes, Chirac n'aurait jamais osé prétendre. Extraordinaire renaissance de celui dont ses adversaires avaient pensé triompher avec gloire et sans péril !"
(PP. 743-744).

20 juin.


- "Du côté de Jacques Chirac, rien de bien réjouissant non plus. Bêtement, j'ai cru qu'élu par plus de 80% des voix au second tour, il allait élargir sa majorité, bâtir une sorte d'unité nationale, jouer les de Gaulle en 1945, apparaître enfin comme le grand radical-socialiste que j'ai toujours voulu, consciemment ou inconsciemment, qu'il soit. Et puis quoi ? Tout ça pour choisir Jean-Pierre Raffarin ? Misère !
(...)
Non, Chirac n'a pas pratiqué, en appelant Jean-Pierre Raffarin à Matignon, la moindre ouverture. Il s'est juste payé le luxe de faire "mariner" Nicolas Sarkozy qui s'attendait à jouer ce rôle, et n'a pas de mots assez ironiques pour parler de "Raff", ce "bateleur de foire".
(PP. 747-748).

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23 commentaires:

  1. certainement intéressant et bien informé, combien... aurais dû passer outre au fait que : pas le temps,

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  2. tout votre hier, vous fûtes penchée sur les urnes
    prenez le temps de vous libérer des vertiges...

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  3. Toujours intéressant de raviver la mémoire.

    Sinon: un premier mot: ouf!
    deuxième impression: pas rassurée.
    Ne pas baisser la garde: Les élections sont finies; les élections arrivent.

    samedi après-midi: ai décollé sur le trottoir les affichettes du MIL, une à une.

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    1. techniquement impossible - hélas - de vous offrir dans les réponses à votre commentaire, cette vidéo :
      - http://www.youtube.com/watch?v=8IJzYAda1wA

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    2. Merci.Pas de problème: j'ai pu écouter!
      j'aime l'idée de la vie en rose(s), tous les talents fédérés.
      Ce matin aussi: le premier coquelicot fleuri dans mon jardin, un signe d'ardeur de plus.

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    3. la vie en rose, version cuivre, c'était en écho aux accordéons de Tulle
      mais pour le coquelicot, pas d'hésitation :
      - http://www.youtube.com/watch?v=-fkoiEtYlEQ

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    4. J'avais compris pour la vie en rose jouée à Tulle(ayant suivi jusqu'au bout de la nuit)mais je faisais allusion à tous ceux du parti rose qui doivent fédérer leurs intelligences pour gouverner.
      Merci pour le petit coquelicot.
      Bon 8 mai.

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    5. ici en Belgique, le 8 mai n'est pas férié (tout le pays étant libéré auparavant, soit depuis la fin de l'offensive des Ardennes) mais on oublie ainsi la fin de la guerre le 8 mai pour les prisonniers des camps, y compris les déportés raciaux, pour les prisonniers de guerre et pour les travailleurs forcés...
      alors, pour fêter trois fois mai :
      http://www.youtube.com/watch?v=MVvY-3Ofrek

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  4. Une journaliste que j'apprécie lors de ses interventions à la radio , les extraits sont très tentants pour voir nos hommes politiques un peu autrement

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    1. A la date du 30 août 1997, Michèle Cotta écrit de François Hollande :
      - "Il est intelligent, François Hollande, et aussi parfaitement sans illusions sur les uns et les autres. D'ailleurs il n'est pas épargné par les socialistes, qui lui reprochent - une partie des cadres du parti y compris - son art de la diplomatie. En réalité, ce qu'on lui reproche, c'est de ne pas vouloir entrer dans le jeu des tendances et des clans."
      (P. 84).

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  5. Je retiens surtout cette phrase de Marc Voinchet : "ce regard en arrière nous permet d'observer avec un peu plus de recul les réalités d'aujourd'hui". N'est-ce pas la vocation première de l'Histoire ? Honneur soit rendu à des personnes comme Michèle Cotta qui se vouent à ce travail !

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    1. Et pourtant, le 21 juin 2002, Michèle Cotta "craque" :
      - "J'arrête de rédiger cette pitoyable chronique d'un monde qui ne m'intéresse plus. Il y a mille autres choses plus intéressantes à faire plutôt que de disséquer, en entomologiste, le faits et gestes d'hommes et de femmes politiques en qui je ne crois plus.
      (...)
      Cela s'appelle la retraite. Sans flambeaux. les larmes aux yeux."
      (P. 748).
      Coup de "cafard" heureusement passager, comme une république du séisme que représenta la victoire de Le Pen au premier tour de 2002...

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  6. Les rares interventions d'elle vues à la télévision m'ont fait grandement apprécier cette dame-journaliste...quant aux dessous de la vie politique française, j'avoue mon ignorance!

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    1. dans les archives de l'INA, Mme Cotta brille encore pat exemple lors de débats, ainsi d'Estaing-Mitterrand, quand les journalistes n'étaient pas des passe-plats...

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  7. Michèle Cotta, une vraie journaliste et non une de ces potiches qui minaudent. Intéressant le rappel du choix absurde de Rafarin. L'ère du vide a commencé avec l'arrivée de ce publiciste qui a remplacé l'action politique par la com.

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    1. A propos de Raffarin, Michèle Cotta rappelle qu'il fut le président des jeunes giscardiens. Mais qu'en 2002, Giscard d'Estaing le désignait sous le nom de "Pompidou poitevin". Se demandant s'il s'agissait là d'un compliment quand Giscard ajoutait : "Il a prouvé qu'il méritait sa place au gouvernement. De là à en faire un Premier ministre, il ne faut pas exagérer !"
      (P. 747).

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  8. Effrayants les résultats de 2002... dire que j'étais parmi ces 82,1%... et je ne suis même pas sûre que ça ait changé quelque chose dans l'attitude des gens face aux urnes :?

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    1. Puis ce fut le 14 juillet 2002. Michèle Cotta :
      "J'ai appris qu'un fou avait failli assassiner Chirac (...). Sarkozy ministre de l'Intérieur, et Jacques Chirac assassiné : voilà qui aurait été une fin de quinquennat plus tragique encore que celle de Georges Pompidou..."
      (P. 751).

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  9. A l'heure où "Les Nouveaux chiens de garde" sort en Belgique, un bonheur de voir une journaliste se démarquer de cette connivence trop fréquente avec le pouvoir établi !
    Je suis souvent 'horrifiée' par les commentaires que je lis ou entends dans la presse ...
    Si au moins, ça développait le sens critique de Monsieur Tout le Monde ...

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    1. trois générations de ma famille ont écrit dans un journal dont la devise étaitr : "pauvre mais honnête..."
      il a disparu, comme l'immense majorité de la presse d'opinion...

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  10. MIchèle Cotta : une certaine idée du journalisme.
    Franz)Olivier Giesbert (Le Point) : une certaine idée de l'opportunisme.

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  11. Franz-Olivier, (avec un trait d'union vite vers ce qui arrive).

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    1. la journaliste artisane de son métier
      le journaliste courtisan de Sarkozy pour mieux le frapper ensuite dans le dos et mépriser les "petits" candidats dont la fréquentation ne se traduit pas par une invitation au banquet des pouvoirs

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