MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 11 juin 2012

P. 153. "Une seconde femme", le film

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Affiche du film (DR)
Un lien avec le Site d'"Une seconde femme" ? Cliquer : ICI.

Synopsis

- "Fatma vit à Vienne avec son mari, Mustafa, et leurs six enfants. Depuis toutes ces années, elle essaie de préserver les traditions et le prestige social de leur famille d’immigrés turcs.
Ayse, une jeune fille de 19 ans est choisie dans un village en Turquie pour officiellement épouser leur fils et se joindre à la famille.
La réalité est toute autre ; en secret, parce que Fatma l’a décidé, Ayse est promise au père, en tant que seconde épouse.
Dès lors, une relation de confiance et de complicité va se développer entre les deux femmes.
Mais cet événement va mettre en péril l’équilibre de toute la famille, qui devra faire face au regard de la communauté et à de nouvelles difficultés..."

D. F.

- "Le jeune réalisateur autrichien d’origine kurde Umut Dag, élève notamment de Michael Haneke, tient que « les femmes ont des histoires plus fascinantes à raconter » que les hommes. La preuve par ce premier film."
(Le Canard enchaîné, 6 juin 2012).

Jacques Mandelbaum


- "Tout commence en Turquie, par le prologue d'une cérémonie de mariage villageoise. Fatma et Mustafa, un couple vivant en exil, y marient leur fils Hasan à la prude Ayse. Bizarrerie : tout le monde paraît plus ou moins contrarié. Il faut même que Fatma morigène l'une des soeurs du marié, visiblement à deux doigts de faire un esclandre. L'explication a lieu à la séquence suivante, sans embarras de mots, mais par un système d'ellipses, de raccords et de plans tranchant dans le vif comme le film en produira beaucoup. La famille, nombreuse, rentre dans son appartement viennois, avec la jeune vierge dans ses valises. Tandis que son supposé mari s'éclipse et que sa belle-mère la prépare à la nuit de noces, le spectateur doit se rendre à l'évidence : ce n'est pas à Hasan qu'était destinée Ayse, mais bel et bien au vieux Mustafa, qui prend place à côté d'elle sur la couche nuptiale. Cut."
(Le Monde, 5 juin 2012).

Serge Kaganski


- "Lui-même autrichien d’origine turque, Umut Dag déploie son récit dans un style très différent de celui que l’on associe habituellement au cinéma autrichien. Loin de la froideur formaliste d’Haneke ou de Seidl, la mise en scène de Dag est souple, subtile, en empathie avec tous ses personnages.
Et le casting à dominante féminine est magnifique."
(Les inRocks, 5 juin 2012).


Face à face entre Ayse et Fatma (Mont. JEA/DR).

Dominique Widemann

- "C’est peut-être à Shakespeare qu’emprunte cette chronique familiale en constant péril, peuplée d’inattendus. Au fil d’émotions tendues à se briser, mauvaise foi et foi tout court, noblesses et mesquineries, peurs et doutes vibrent aux grâces de la bonté, aux exigences du désir, aux déchirements de la tragédie singulière dans l’enceinte du mensonge. On rencontre même deux ou trois récits de songe suppléant à l’indicible et des commères à ragots. On est dans le souffle d’acteurs formidables, à qui l’on a sans doute demandé beaucoup. D’espaces réduits s’évade l’universel, marque du beau cinéma."
(L’Humanité, 6 juin 2012).

Carole Milleliri


- "Si Nihal G. Koldas (Fatma) et Begüm Akkaya (Ayse) sont impeccables, les interprètes secondaires sont aussi pour beaucoup dans la sensibilité des rapports de force explorés par le film. Alev Imak et Aliye Esra incarnent avec un naturel désarmant les deux filles de Fatma, partagées entre colère, jalousie et compassion pour une épouse et mère de substitution qui pourrait être leur sœur. Leur énergie permet de neutraliser tout risque de pathos. Dans un appartement dont on ne sort que par nécessité expresse, les corps sont contraints par l’exiguïté d’une cuisine où colère et rancœur éclatent avec force, quand les regards sont déjà lourds de sens. Le film est rythmé par des plans silencieux sur l’étroit couloir vide, distribuant les quelques pièces d’un logement trop petit comme il sépare les membres d’une famille en conflit avec ses propres valeurs morales."
(Critikat).

Frédéric Strauss

- "On sent chez le réalisateur, né à Vienne de parents kurdes, une envie de dénoncer le poids des traditions, les arrangements secrets, aboutissant à faire d'une mariée magnifique, symbole d'amour, une femme asservie et manipulée.
L'émotion naît grâce à Begüm Akkaya, l'actrice qui interprète la mariée : son regard, d'une beauté et d'une force incroyables, fait vibrer ce personnage qui n'a que très peu droit à la parole."
(Télérama, 6 juin 2012).

Lucie Calet

- "Umut Dag, réalisateur kurde vivant en Autriche, s’empare d’un sujet formidable : le poids du mensonge (ici, tout le monde ment, même le fils, qui cache sa préférence sexuelle), le couvercle de fer communautaire et la tentation de l’émancipation. Le film, assez claustrophobe – il est presque entièrement tourné dans un appartement –, se focalise sur le point de vue des femmes de trois générations et réussit, par la tension qu’il ne desserre jamais, à imposer son point de vue très fort sur l’aliénation."
(CinéObs, 5 juin 2012).

Olivier de Bruyn

- "La cause des femmes, les difficultés de l'intégration, le choc des cultures... Dans Une seconde femme, son premier film prometteur, Umut Dag, met en scène avec une lucidité de chaque plan les relations ambivalentes entre ses deux héroïnes, toutes deux sacrifiées sur l'autel des traditions d'un autre temps. Lui-même fils d'une famille d'immigrés vivant à Vienne, le cinéaste évoque des thèmes sensibles et évite à chaque instant les pièges redoutables du "film dossier" et de la dissertation en images. Remarquablement interprété et réalisé, ce film subtil mérite deux fois plutôt qu'une d'être découvert."
(Le Point, 5 juin 2012).



Pour les autres films à l'affiche de ce cinéma rural, cliquer : ICI.

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32 commentaires:

  1. la réalité est souvent rude (je sais c'est plat mis que dire d'autre ? surtout quand n'ayant pas vu le film on ne peut parler de sa qualité pour éviter de dire banalités)

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  2. chère Brigitte

    votre blog nous manque bien plus qu'un vrai café matinal, ou le chant du premier "merle moqueur"...

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  3. Je pense que je vais aller voir ce film, avec une certaine réticence, car je ne supporte pas l'idée que des femmes vivant en Europe puissent être encore prisonnières des carcans d'une société archaïque qui donne aux hommes tous les droits et aux femmes tous les devoirs... y compris celui de chercher une seconde femme pour le mari !!!... mais j'espère aussi y voir une certaine prise de conscience et j'espère que ce genre de film peut faire évoluer des mentalités... dans le "bon" sens, j'espère...

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    1. un film non par des "observateurs" extérieurs qui pourraient être accusés de voyeurisme, de vouloir donner des leçons etc
      par ses origines, le réalisateur montre ce qu'il connaît de l'intérieur, certainement pas pour une défense et illustration de l'infériorisation systématique de la femme... mais pour en décrire certains mécanismes, les moyens et les conséquences
      à la sortie de la projection, votre espoir peut être partagé : mieux comprendre pour tenter de faire progresser...

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  4. j'irai certainement le voir, même si je dois souffrir avec les femmes enfermées.

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    1. On peut (heureusement) penser ce que l'on veut de Malraux mais en garder au moins cette citation :
      - "Les femmes ne cherchent pas à construire leur statue"...

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  5. @ JEA : oui,sans doute encore un film à voir !

    (P.S. : Brigitte Célérier a relancé son blog ce matin.)

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    1. mon commentaire pour Brigitte remonte à 6h15 ce matin plutôt chagrin
      et depuis, comme vous l'annoncez, Brigitte a rouvert les volets de son blog, ou plutôt comme "Mon Oncle", a orienté sa fenêtre pour que le merle moqueur n'en siffle qu'avec plus d'enthousiasme

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  6. Un thème qui ne pouvait être traité que par un cinéaste appartenant à la communauté !
    Le sujet hérisse à première vue mais à lire tous les extraits que vous avez patiemment collationnés JEA on a une envie furieuse de découvrir ces femmes dignes et victimes à la fois
    Le poids des traditions est terrible et je repense à ses trois filles défendant leurs parents après la condamnation pour excision, difficile de ne pas juger mais d'essayer de comprendre !

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    1. comme vous l'évoquez très justement, les actualités sont hélas lourdes d'exemples concrets de femmes et de jeunes filles prises entre l'arbre des traditions étouffantes et l'écorce (comme du liège) d'une libération qui ne devrait pas rester utopique...

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  7. j'adore le cinéma turc pour son regard et son rythme,et j'irai certainement voir ce film,merci pour l'info!

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    1. je vous dois des excuses, en effet le lien avec votre blog (en cliquant sur votre pseudo) semble avoir pris la clef des champs
      le voici donc :
      http://ritournelle.over-blog.com/
      ou plus directement, un coup d'oeil sur la colonne de gauche : "blog à emporter sur une île déserte", et un clic sur : "le blog de Ritournelle"...

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  8. On a du mal à comprendre, surtout le rôle ambigu de Fatma.

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    1. le poids des conditionnements est tel que ce sont des femmes qui mutilent le clitoris des gamines
      ici, qu'une femme participe à une sorte de prise en otage d'une plus jeune pour ensuite la persuader d'avoir un mari non choisi
      en Belgique, nous avons voici peu connu un procès où une jeune d'origine afghane a été assassinée par son propre frère pour avoir refusé un mariage forcé...

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  9. mon ami écrivain belge Armel Job vient de publier "Loin des mosquées" où il raconte une histoire semblable de mariage arrangé, de vengeance pour honneur bafoué...
    J'aime l'écriture de Armel, mais je suis mitigée par rapport à ce roman
    Cela me semble étrange qu'un belgo-belge se mette dans la peau de turcs pour expliquer leurs ressentis...

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    1. très admiratif que tu traces le mot "FIN" sur la dernière page de ton livre, carnet de route et non de déroute au long d'une année de face-à-face avec les trahisons de la santé...

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  10. Combien de femmes sacrifiées sur des autels d'un autre temps...mais le temps et les horreurs des uns ne sont pas ceux des autres.
    Ces femmes aux terribles histoires, les écouter, les regarder, essayer de se mettre à leur place; c'est dur, mais...oui, ce billet donne fort envie de le voir ce film, merci.

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    1. contrairement à la majorité des films évoqués sur ce blog, celui-ci connaît une diffusion moins confidentielle (pour ne pas dire moins méprisante) en France
      alors qu'il est kurdo-allemand si on peut dire
      c'est déjà un léger progrès...

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  11. lorsqu'on pense que des femmes portent la burqua non par obligation mais par provocation, cela est bien triste, alors que d'autres se battent et meurent pour la libération de la femme. Que penser ?

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    1. bien des questions restent lourdes de sens :
      les femmes se sont tant et tant et si longtemps et si durement battues pour obtenir le droit de vote en France
      et puis nous voyons les taux d'abstention
      (cette question parce qu'il est évoqué le sort des femmes sur cette page, mais l'abstention masculine après les luttes pour le suffrage universel pose le même genre de problème...)

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  12. Le sujet de ce film me rappelle l'histoire douloureuse d'une jeune Turque de Bruxelles qui, après avoir perdu sa mère, a vu arriver une jeune "remplaçante" de son âge, la nouvelle épouse du père, qui l'a quasi réduite au statut de domestique familiale.
    Je reste sur le mot de Lucie Calet : "aliénation".

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    1. Vous qui avez enseigné avec tant de vocation, vous comprendrez ma stupéfaction. C'est ma première année. A Marchienne-au-Pont. Dans l'une de mes classes, une petite jeune fille d'Afrique du Nord. Le bulletin d'octobre est suivi d'une visite des parents. Voici cette élève, une dame qui doit être la maman, et un galopin d'environ 7 ans.
      Je les invite à s'asseoir. Commence par les remercier de s'être déplacés. Puis demande à l'adulte si elle souhaite quelques mots d'introduction sur les résultats de l'ado ou si elle préfère commencer par des questions.
      C'est le petit bonhomme qui répond. La Mère garde les yeux baissés. L'élève rougit...
      Je demande à l'adolescente si sa Maman ne comprend pas et/ou ne parle pas le français ?
      Réponse du rejeton : "Ce sont des femmes ! Elles peuvent écouter mais c'est moi qui parle !"

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    2. Hélas, c'est une situation trop souvent observée - le petit frère en "chef de famille" !
      Avant la mixité, l'école de filles était pour ces élèves un havre de liberté.

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    3. par contre, avec la mixité, les garçons et les jeunes hommes
      sont confrontés à cette réalité indéniable :
      les résultats scolaires des gamines et des jeunes filles
      sont très majoritairement plus brillants que les leurs
      ne serait-ce que pour cause de différence de maturité...
      (avant l'âge vraiment adulte... puis la vie va....)

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  13. Tout cela fâche très fort... comment rester zen, raisonnable, comment comprendre pour mieux communiquer notre désaccord ??

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    1. C'est alors que la confrontation entre des réalités choquantes et nos idéaux, malmène ceux-ci.
      J'ai tellement admiré (sans pouvoir professionnellement leur exprimer) des jeunes filles qui remontaient à contre-courant le fleuve de traditions, d'enseignements religieux, d'"aliénations" (comme l'évoquent Lucie Calet et Tania)... Toujours au risque de s'épuiser totalement. D'être enfermées d'une manière ou d'une autre. De se trouver isolées, incomprises, méprisées, terrorisées.
      L'enseignement devrait représenter un espace de libertés et de progrès au cerveau et au coeur de la société, avec des échanges, des médiations, des réflexions, des apprentissages, sans artifices. Mais restent toutes les autres périodes de l'année...
      Comme les vacances avec excisions dans un pays d'origine.

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  14. Le type de film que j'aime à aller voir!!!! Je me souviendrai de votre mise en avant quand j'ouvrirai mon programme ciné.

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    1. Infos relevées ce 13 juin, le film est projeté à Lyon :
      - UGC
      - Cinémourguet
      et est annoncé à partir du 27 au Ciné Tobaggan...

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  15. Bonjour JEA, très beau film avec des femmes attachantes. On sent le poids des traditions et de la religion bien qu'elles vivent dans un pays comme l'Autriche. Bon samedi.

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    1. pour prolonger et creuser votre commentaire, il suffit de cliquer sur le lien "dasola"
      merci à vous de proposer une autre approche de ce film...

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  16. merci d'avoir signalé ce film

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    1. c'est une film que le ciné le plus proche (env. 45 km) ignorera comme l'an 40
      raison de plus pour frapper à la porte des indifférences et des "intérêts commerciaux" pour qui le cinéma n'a rien d'un 7e art...

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