Picasso : Deux femmes courant sur la plage - La course (DR).
Dans "Gringoire" : le 6 avril 1939
Villeboeuf ridiculise Picasso
Villeboeuf ridiculise Picasso
et encense Salazar
le 15 juin 1939...
le 15 juin 1939...
Jusqu'à 650.000 exemplaires (1) à l'époque ! Ils sont légion (2), les lecteurs de "Gringoire", à se régaler des pages résolument extrémistes de ce journal dont l'édorialiste, Béraud, traçait ainsi sa vision du journalisme : une guerre civile. Cette stratégie poussera non seulement "Gringoire" dans une collaboration totale mais en fera l'un des vecteurs les plus abjects de l'antisémitisme.
Mais revenons aux choix journalistiques de Béraud en 1939 :
- "Blâmer, railler, noircir, révéler, dégonfler, remettre à son rang, couvrir de ridicule" mais surtout avoir "quelques ENNEMIS" (3).
Si vous ouvrez le "Gringoire" du 6 avril 1939, vous y lirez une critique des "Deux femmes courant sur la plage" de Picasso. Enfin, plutôt qu'une critique... une vengeance d'un artiste se sentant nain de jardin devant un génie et appliquant à la lettre la tactique de son éditorialiste.
Mais revenons aux choix journalistiques de Béraud en 1939 :
- "Blâmer, railler, noircir, révéler, dégonfler, remettre à son rang, couvrir de ridicule" mais surtout avoir "quelques ENNEMIS" (3).
Si vous ouvrez le "Gringoire" du 6 avril 1939, vous y lirez une critique des "Deux femmes courant sur la plage" de Picasso. Enfin, plutôt qu'une critique... une vengeance d'un artiste se sentant nain de jardin devant un génie et appliquant à la lettre la tactique de son éditorialiste.
André Villeboeuf :
- "Immense toile (...) représentant deux énormes dondons aux formes éléphantines, mères putatives des bébés Cadum et qui semblent, d'elles-mêmes, fuir le peintre."
Cette volonté de ridiculiser annonce les articles (de bas fond) que la droite de la droite va pouvoir cultiver sur le fumier de l'occupation. Trois exemples pour se rafraîchir la mémoire ?
Voici Picasso "obscène", "coupable" et, excusez du peu, "ordure" bonne pour la "poubelle".
Et pour conclure, le ricanement judéophobe du SS responsable de la mise en application de la Shoah à Paris.
Voici Picasso "obscène", "coupable" et, excusez du peu, "ordure" bonne pour la "poubelle".
Et pour conclure, le ricanement judéophobe du SS responsable de la mise en application de la Shoah à Paris.
L’Ordre :
- "On n'encourage pas l'ordure!" s'écrie pathétiquement le député Charles Bauquier. "L'ordure", c'est le cubisme qui, violemment s'est affirmé au Salon des Indépendants, l'année précédente, et qui récidive et persiste. Les peintres obscènes ? Picasso, jargeur de titres bus, algébriste des pipes ; Fernand Léger amoureux des cylindres ; Delaunay dont Apollinaire rapporte les "grincheux" propos."
(2 mars 1940).
Maurice Vlaminck :
- "Picasso est coupable d'avoir entrainé la peinture française dans la plus mortelle impasse, dans une indescriptible confusion. De 1900 à 1930, il l'a conduite à la négation, à l'impuissance faite homme. La nature lui ayant totalement refusé tout caractère propre, il a employé toute son intelligence, toute sa malice à se fabriquer une personnalité. Il emprunte aux maîtres du passé ; sans excepter ses contemporains, l'âme de création qui ne lui a pas été départie... Picasso a étouffé pour plusieurs générations d'artistes, l'esprit de création, la foi, la sincérité dans le travail et dans la vie."
(Comoedia, 6 juin 1942).
Au Pilori (dans une piètre imitation de Céline) :
- "Faudrait tout de même pas confondre les serviettes et les torchons avec les lavettes ! Chacun sa place s'il vous plaît. Rubens avec Vinci et le Gréco, d'accord ! Un tout petit peu moins haut, Monet, Cézanne, Van Gogh. Mais Braque, Picasso et Matisse, tout en bas. Dans la poubelle !!! Avec les raclures de carottes, les peaux d'oignons et les épluchures de rutabagas !"
(1 avril 1943).
SS Obergruppenführer Dannecker (affaires juives au SD de Paris ) :
- " [Picasso] ce communiste a fait toute sa carrière grâce à des Juifs : Weil, Baër, Kahnweiler, Rosenberg..." (4).
SS Obergruppenführer Dannecker (affaires juives au SD de Paris ) :
- " [Picasso] ce communiste a fait toute sa carrière grâce à des Juifs : Weil, Baër, Kahnweiler, Rosenberg..." (4).
Un bol d'air et revenons à André Villeboeuf.
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André Villeboeuf : Danse macabre - 1944 (DR).
Né en 1893, André Villeboeuf a laissé sa signature sur des peintures, des gravures et des écrits, y compris ses articles dans "Gringoire". Il mourut à Séville en mai 1956, en cette Espagne de Franco qu'il considérait comme étant sa "seconde patrie". A la même enseigne qu'un Darquier de Pellepoix ou un Degrelle, pour ne citer qu'eux, ...
Quand il ne déversait pas ses sarcasmes pour des formes d'art ne correspondant pas à ses canons, Villeboeuf se piquait d'analyses politiques. Celles-ci se placent dans le contexte de la répulsion éprouvée par les fascistes français vis-à-vis du suffrage universel, de la démocratie et donc de la République accusée de tous les maux (5).
André Villeboeuf, Visite à Oliveira Salazar :
- "La république parlementaire clabaude ses cornettes dans le marais électorat. Grenouille croassante, elle trouve vite ses adulateurs. Au gouvernement, de ternes imbéciles se disputent les portefeuilles ; de plus voraces les leur arrachent pour se les laisser prendre, quelques semaines plus tard, par de plus rusés. Les grèves fleurissent telles pâquerettes d'avril, les mutineries pétaradent, et, sur Lisbonne, l'orage des coups d'état tonne hiver comme été. Dans les ruelles, on dévalise à tire-larigot ; sur les chaussées, on assomme, révolvérise et poignarde à bras raccourcis. Doux pays ! Gaiement, la légion rouge danse au son des 325 bombes qui, en cinq années de temps, explosent dans la capitale.
(…)
Encore quelques sursauts et le malade va entrer dans le coma, lorsqu'un beau jour le maréchal Gomes da Costa suivi d'une poignée de patriotes, républicains et monarchistes marche sur Lisbonne et prend le pouvoir qui s'écrase dans ses mains comme nèfle pourrie. Dans le tunnel, c'est une lueur, un espoir, mais c'est encore le tunnel".
(Gringoire, 15 juin 1939).
Les archives sont là, elles ne (se) reposent pas... André Villeboeuf passait la brosse à reluire sur les bottes d'un apprenti dictateur dont le régime ne tombera qu'au temps des oeillets. Pour cette plume de "Gringoire", la démocratie n'est qu'un "tunnel" et seul le fascisme en représente la sortie...
Mais pour paraphraser Raoul Hilberg, l'Histoire est l'Histoire.
Les ennemis des libertés finissent aux champs des déshonneurs.
Et si l'histoire des arts n'a pas vraiment accordé à André Villeboeuf une renommée comparable à celle de Pablo Picasso, ce n'est que par absence de grand talent du premier...
NOTES :
Les ennemis des libertés finissent aux champs des déshonneurs.
Et si l'histoire des arts n'a pas vraiment accordé à André Villeboeuf une renommée comparable à celle de Pablo Picasso, ce n'est que par absence de grand talent du premier...
NOTES :
(1) Henri Dubiel, Tirage des journaux en France en mars 1939.
3) Cahier VII, 2002.
2) Un nombre aussi élevé et constant de lecteurs, avant guerre et sous l'occupation, est en contradiction avec les tentatives de minimiser l'influence des articles - notamment antisémites - publiés dans "Gringoire". Malgré les manoeuvres des blanchisseurs de collaborateurs, les signatures qui alimentèrent ce journal-là, restent marquées par le déshonneur.
A noter qu'Henri Béraud dédicace à André Villeboeuf ses "Emeutes en Espagne", Les Editions de France, 1931, 278 p.
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(Arch. JEA/DR).
(4) "Le Petit Picasso illustré", Le Crapouillot, n° 25 mai 1973, 90 p., p. 18.
(5) Henri Béraud : "Si la France s'est écroulée en 1940, c'est à la République qu'elle le doit, c'est elle qui nous a conduits aux abîmes."
(Le Pilori, 10 juillet 1942).
Autres dates au calendrier de ce blog ? Cliquer : ICI.
(4) "Le Petit Picasso illustré", Le Crapouillot, n° 25 mai 1973, 90 p., p. 18.
(5) Henri Béraud : "Si la France s'est écroulée en 1940, c'est à la République qu'elle le doit, c'est elle qui nous a conduits aux abîmes."
(Le Pilori, 10 juillet 1942).
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quel beau journal (quoique, pas pour Salazar et encore, dans mon enfance et les années 50 la grande presse en était encore là pour Picasso
RépondreSupprimerLe tirage n'est pas comparable, mais aujourd'hui, nous avons par exemple "Minute". Mme Morano en partagerait-elle les "valeurs" ?
SupprimerLes extrémistes éructent toujours après l'art, la philo, l'histoire, la littérature bref après la culture.
RépondreSupprimerRoland Barthes :
Supprimer- "Considérer la culture comme une maladie est le symptôme spécifique des fascismes..."
VilBoeuf et sa danse macabre... la jalousie, oké mais quio d'autre, d'où vient la haine?
RépondreSupprimerune réponse à la haine : Mishna, Traité Avot
Supprimer- "Là où il n'y a pas d'homme, tu tâcheras, toi d'être un homme."
(homme au sens être humain, espèce humaine...)
Al mal tiempo buena cara....contre mauvaise fortune bon cœur.
RépondreSupprimerÀ savoir qui bénéficiait de la mauvaise fortune et qui avait bon coeur....et Picasso aurait donc "étouffé" le talent d'autres artistes..comme vous dites, le temps remet les choses à leur juste place.
Picasso :
Supprimer- "On met longtemps à devenir jeune..."
Mais l'œuvre demeure... et les femmes lèvent toujours les bras et courent, sur la plage.
RépondreSupprimerIgor Bobrisoff, auquel je laisse la responsabilité de ses écrits :
Supprimer- "Dans la mythologie grecque, les muses sont au nombre de neuf. Elles sont les filles de Zeus et de Mnémosyne et président aux arts. Pablo Picasso, génie oblige, aura neuf liaisons féminines connues. Comme pour symboliser que son art s’inscrivait dans la dimension des Dieux de l’Olympe…"
L'anti-culture a encore de beaux jours devant elle.
RépondreSupprimerLes révolvers sont toujours dans les tiroirs.
à l'exception du flingue d'Allais
Supprimeril a rendez-vous avec un journaliste dans une brasserie aux immenses miroirs
ce journaliste voit Allais s'approcher, sortir un révolver de sa poche
tirer dans le miroir derrière la banquette du journaliste
puis s'expliquer : "maintenant que la glace est brisée entre nous, nous pouvons parler..."
Et en Italie, il y a des peintres qui ont épousé les idées du pouvoir:c'était sans doute plus confortable!
RépondreSupprimerL'avant-gardisme est souvent synonyme d'incompréhension mais là, il ne s'agit même pas de ça.Le mal est à la racine.
On comprend comment on aboutira aux colombes de la paix... et à Guernica.
L'anticulture. la peur de ne pas maîtriser la nouveauté. On retrouve aujourd'hui encore cet attachement viscéral et haineux au passé .
heureusement, comme le dit très justement Colo, l'art révèle sa vraie valeur à l'épreuve du temps.
Eh oui, Picasso chez vous aussi, JEA: c'est tout sauf le fruit du hasard.
Mais sur votre site, les palais deviennent républicains (en voyant vos photos, j'espérais aussi aux handicapés) et Picasso n'est ni un mythe ni un défouloir...
SupprimerIl me semble avoir lu hier soir, un truc anti-culture sur un blog que vous fréquentez aussi...
RépondreSupprimer?
Supprimerqui connait Villeboeuf? qui connaît Picasso? Il n'y a pas photo.
RépondreSupprimerPar parenthèses, C'est vilain de se réjouir d'un défunt mais je ne vais pas pleurer Garaudy (aucun rapport avec votre blog, encore que....)
il est vrai qu'ici n'ont jamais été mises à plat les judéophobies de Garaudy
Supprimersans doute parce qu'il était devenu inaudible
pas encore publié dans la Pléiade
privé du titre de doyen d'une académie
et non embaumé par un aréopage de blanchisseurs acharnés à le réhabiliter
Et que Garaudy fut condamné en 1998 non seulement pour contestation de crimes contre l’humanité mais encore pour diffamation raciale et enfin pour haine raciale. Pour com-penser sans doute, en 2002, il avait reçu le prix Kadhafi des droits de l’homme. Juste à temps...
Supprimerhttp://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20120615.OBS8801/non-roger-garaudy-n-est-pas-mort.html
Supprimerlien vers un article de Bibliobs, soit une application à la lettre des méthodes négationnistes de Garaudy pour... nier sa mort !!!
c'est tout à fait judicieux!
Supprimerun effet boomerang....
SupprimerHeureusement, Picasso n'est pas resté coincé dans l'impasse !
RépondreSupprimerà propos d'impasse, l'hiver semble en avoir emprunté une dans les Ardennes et ne pas pouvoir s'en sortir
Supprimerje lisais ce matin sur Rue 89 que votre île ne bronzait pas non plus au soleil...
Il n'empêche que Villeboeuf est un inconnu pour moi alors que Picasso.... Elles me plaisent les dondons aux formes éléphantines! Ahhh ben qu'est-ce qu'il dirait face aux tableaux de Botero!
RépondreSupprimeril n'avait pas eu la chance d'être scolarisé dans l'une de vos classes où les gosses découvrent grâce à vous que l'art n'est pas intouchable ni une chasse gardée ni une collection d'interdits...
SupprimerJ'ai été content de voir que la maire d'Aix-en-Provence (qui venait d'interdire une expo sur Camus...) avait été virée de ses prétentions à aller représenter le peuple (elle fait partie de l'UMP : un mouvement "populaire" !!!) à l'Assemblée nationale.
RépondreSupprimerPicasso demeure, Villeboeuf est passé sous le joug des renvoyés aux poubelles de l'Histoire.
Là en France, vous avez maintenant une Ministre de la Culture qui est une femme écrivain, de plus porteuse de l'histoire de l'immigration en France quand des démocrates fuyaient les dictatures, étaient rattrapés par l'occupation allemande et Vichy, mais tinrent bon en se raccrochant aux idéaux de la République...
SupprimerPardon, j'avais oublié que cette Maire d'Aix avait proclamé urbi et orbi que l'élection de François Hollande était tout simplement : "illégitime"...
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