MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 23 février 2012

P. 120. Un matin sans la plus petite fenêtre...

.

A quand le retour à la lumière naturelle ? (Ph. JEA/DR).

 

un matin
sans la plus petite fenêtre
... à l’horizontale
sur une table artificielle
et sous les ampoules métalliques...
le valétudinaire amer
étendu de tout son large

dans un théâtre

aux rideaux et aux miroirs
de neige mélancolique
des acteurs costumés en facteurs
collectionnent les pertes
de mémoire et les plumes
de corbeaux albinos

les arbres se sont débranchés

et ne répondent plus
le chemin s’est arrêté
sur une aire de rien
quel écho jettera-t-il la pierre
aux ombres nouvelles
qui goudronneront le paysage ?

le suivant ira plus loin

mais n’en reviendra pas
le dernier oubliera
jusqu'au visage du premier
et le silence d'un survivant
restera infiniment
déchiré par les tourments



Lieux et banlieues de mémoire (Ph. JEA/DR).

Autres poèmes éparpillés dans ce blog ? Cliquer : ICI.

27 commentaires:

  1. Lieux de mémoire, mémoire des lieux, des faits, des vivants et des morts.

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  2. @ brigetoun

    René Char :
    - "La poésie vit d'insomnie perpétuelle."

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  3. @ Dominique Hasselmann

    Wislawa Szymborska :
    - "Je crois en la main suspendue
    je crois en la carrière brisée
    en des années de travail pour rien
    je crois en un secret emporté dans la tombe.
    Ces mots planent très au-dessus des formules."

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  4. Cher JEA
    les "lieux de mémoire", plus que dans les livres, nécessaires pourtant, s'entretiennent sur les tables métalliques, dans les lieux sans fenêtre
    Pour un poème de vie...

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  5. @ chère Coumarine

    Milosz :
    - "J'ai porté sur ma poitrine le poids de la nuit, mon front a distillé une sueur de mur.
    J'ai tourné la roue d'épouvante de ceux qui partent et qui reviennent. Il ne reste de moi en maint endroit qu'un cercle d'or tombé dans une poignée de poussières."

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    1. "Un cercle d'or tombé dans une poignée de poussières", d'autres s'en pareront ou s'empareront. Qu'importe, ils en vivront.

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  6. Cher JEA, pour vous:

    Wislawa Szynborska (extrait de Torture)

    Tout cela sous un ciel par nature incéleste
    Où se couche le soleil sans se coucher du tout,
    Se cachant sans le faire derrière un nuage qui s'ignore,
    Agité par le vent, sans raison que le souffle.

    Une seconde qui passe.
    Une autre seconde.
    Une troisième seconde.
    Mais il ne s'agit que de nos trois secondes.

    Le temps passe tel un messager avec une nouvelle urgente.
    Mais cette métaphore nous appartient en propre.
    Personnage fictif, empressement factice,
    Et nouvelle inhumaine.

    (1986)


    et aussi ce que j'appelle "éternité du messager-vent", un mobile réalisé par un ami galicien et qui se trouve chez lui, face au Portugal, face à l'océan:
    http://www.youtube.com/watch?v=SVhFWM7ahH0

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  7. @ chère Colo

    Julos Beaucarne :
    - "Un enfant veut répondre,
    Il a levé le doigt dans une vieille école qui n’existe plus
    La neige a fondu sous les bancs
    Il fait chaud comme à l’écurie
    Et l’instituteur a souligné tous les verbes à la craie bleue
    L’enfant qui veut répondre fait claquer ses doigts tachés d’encre violette
    Dans une vieille école qui n’existe plus..."

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  8. Je suis restée à coté de ce poème, songeant aux hasards qui s'ouvrent parfois au détour des allées goudronnées. J'ai songé que rien ne sert de rien et que cette certitude encore moins. Les vies ne sont rien d'autre qu'à vivre.
    Je vous embrasse.
    Au passage.

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  9. Les arbres débranchés sont-ils capables de voler ou restent-ils absorbés dans une méditation, une prière bien plutôt, pour adoucir l'amertume des lieux de fragilité.

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  10. R. Char: "L'eau est lourde à un jour de la source"....

    Puisons encore !

    Je relis et relis votre poème, y trouve à chaque lecture une nouvelle fenêtre

    Vertige

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  11. @ anita

    P. Austin-Grenier :
    - "Travestir le temps qui passe et qui nous reste hostile, pour soi-même demeurer et, par une minuscule faille dans l'écorce des jours, dérober un brin de folie pour enfin respirer un air de liberté, voilà bien le seul programme digne de tenir l'affiche une vie durant, non ?"

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  12. @ zoé lucider

    J. Renard :
    - "La vie émouvante d'un arbre qui s'agite désespérément pour faire un pas."

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  13. @ Isabelle C .

    Schopenhauher :
    - "Vous n’avez aucune chance mais saisissez-la..."

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  14. J'ai dressé mes deux mains par-dessus les chimères
    Et tous les noirs démons inconjurés du monde.
    Puis m'étant détourné de leurs gueules immondes,
    J'ai rejoint mon exil au coeur de la lumière.

    MariaNéféli "Odysseus Elytis"

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  15. ah oui, "valétudinaire" joli mot ! si proustien...
    et le "étendu de tout son large" est une vraie trouvaille !

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  16. @ Danièle Duteil

    Pierre Dalloz :
    - "Se savoir exilé dans l'exil..."

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  17. @ madame de Keravel

    "égrotant" me semblait trop plombé négativement
    et surtout moins euphonique...

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  18. Sans fenêtre on respire mal
    heureusement au théâtre le rideau se lève
    vivre survivre revivre
    au moins laisser une porte ouverte
    à l'ami, l'amie qui passe
    vous embrasser

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  19. @ Tania

    promis, lundi je demande que la porte blindée puisse s'entrouvrir et que des tabliers spéciaux soient prévus (tabliers pas du tout au sens travaux ménagers) pour l'amie, l'ami s'aventurant dans les bas fonds....

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  20. un monde sclérosé par l'absence d'ouverture, ça fait peur...

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  21. @ MARIE

    Ettore Scola :
    - "Nous voulions changer le monde. Mais c'est le monde qui nous a changés..."

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  22. si même les arbres se mettent à se débrancher...
    ;-)

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  23. @ Lautreje

    à lire vos aventures, c'est toute la Corse qui était débranchée quand vous y fûtes invitée...

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  24. Ces visions de l'absurde sont de toute beauté !
    Votre regard acéré ne laisse aucune chance à l'approximation.

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  25. @ saravati

    Camille Laurens :
    - "Je ne crois pas à l'âme, oh non, mais j'ai pitié des corps..."

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