Détail de gravure du XIXe illustrant "La cigale et la fourmi" (Doc. JEA/DR).
1er tableau.
Voici peu et sur un estimé blog, quelques coups d'éventail tombèrent sur les doigts de Prévert au motif qu'il n'offrit pas exactement le paradis à l'enfant que fut l'auteur de ce blog (ni à sa famille).
Au fil de cette page mêlant nostalgie et regrets, la lecture butait soudain sur un vilain caillou. Pour illustrer combien Prévert pouvait rimer avec "chiant" aux oreilles de la fillette, était cité en exemple un poème : "La fourmi"... de Desnos.
2ème tableau.
Discrètement avertie de cette méprise, l'auteur du blog ne s'empressa pas de faire disparaître furtivement le méchant caillou mais eut l'élégance de rendre à Robert ce qui n'était pas de la plume de Jacques.
3ème tableau.
Aussitôt publiée cette correction, un spécialiste - notamment en maladies mentales (du moins celles qu'il m'attribue avec une générosité exceptionnelle) - vint commenter. Dans le cercueil reposant au cimetière d'Omonville-la-Petite, il enfonça ce clou soigneusement astiqué :
- "Prévert, c'est à la limite un chansonnier ; un poète, où ça ?"
4ème tableau.
Ce jugement sans appel (des cloches) reste sans suite. Comme si la leçon magistrale de ce donneur était intouchable.
5ème tableau.
Qu'il soit permis ici de tenter du moins de contester ce droit de décréter définitivement qui serait poète ou non ?
En relisant Eluard :
- "Il faut passer sa vie à la recherche de ce qui ne déshonore pas la poésie."
6e tableau.
Peut-être l'arbitre des élégances littéraires soucieux d'ainsi déshonorer Prévert, bichonne-t-il trop sa galerie des glaces dans une foire qu'il voudrait d'empoigne ? Tout qui ne correspondrait pas à ses dogmes étriqués, s'y retrouverait-il réduit à l'état de nain dans le jardin des lettres ?
Plaise alors au destin que ce brillant commentateur et adepte de "la java du sécateur", ne se contemple dans ses propres miroirs déformants. Il risquerait d'y voir un factionnaire farouche aux frontières d'une France barbelée se protégeant des étranges étrangers, un falaconidé du style faucon, un fana avec ou sans tics, un faraud voyageant autour d'un cheval de bronze, un fastidieux fayot débordant de fatuité... Ce que ce grand esprit n'est certes pas. Pas plus que l'oeuvre de Prévert ne se borne à celle d'un chansonnier !
19 rue Mazarine, Paris 6e (Collage et graphisme JEA/DR).
Ces inquisiteurs affirment que Jésus est de Lyon
et refusent à une fourmi
la nationalité française
au prétexte qu’aucun de ses ancêtres
n’aurait combattu à Valmy
déjà dans une France au bout de sa nuit
et occupée à sa cure de vichy
un médecin malade dénonça une fourmi
au prétexte de sa naissance surréaliste
sous une mauvaise étoile
quand une fourmi est noire
ils lui crachent au visage
la salive convulsive de leur arrogance
au prétexte que cette anar
serait trop commune
quand une fourmi est rouge
ils la passent alternativement à la gégène
puis au kärcher
au prétexte que sa poésie
symboliserait la fin de leurs mondanités
et quand une fourmi slame quelques larmes
ils alarment leurs soldats de plomb tricolores
et entonnent le chant des courtisans
au prétexte que le sang de cette immigrée
souillerait les sillons de leur culture intensive
aujourd’hui encore ces faquins arrachent
des calendriers les jolis mois de mai
des calendriers les jolis mois de mai
et piétinent les églantines
au prétexte qu’une seule fourmi indignée
porte trop d'ombre à leur histoire de rance...
porte trop d'ombre à leur histoire de rance...
Encore un peu de "poésie" ? Cliquer : ICI.
.
et cela donne un billet petit régal
RépondreSupprimer@ brigetoun
RépondreSupprimerun petit régal pas vraiment écrit par mer étale...
Un bijou votre billet !
RépondreSupprimerEt comme on dit au Burkina Faso : "On ne marche pas deux fois sur les testicules d'un aveugle"
@ Lautreje
RépondreSupprimerDans les années 70, je postulai pour enseigner à Ouagadougou. Sans suite. Je le regrette encore plus à votre lecture...
Où comment on peut toujours espérer qu'une fourmi va sauver le monde... L'effet fourmi, fort en allitérations, pourrait mieux faire que l'effet papillon ?
RépondreSupprimer@ Otli
RépondreSupprimerAmos Oz :
- "Mais allez expliquer un papillon à une tortue ?"
j'adore, oui j'adore votre billet et son ton!!
RépondreSupprimerPrévert... et la profondeur des ses mots jamais épuisée
et sa musicalité à nulle autre pareille
MERCI
Trop fort !
RépondreSupprimer@ Coumarine
RépondreSupprimerRevenue visiblement en forme de l'interview du merdredi...
Le ton est inhabituel ici. Pas insultant tel celui qui me fut réservé. C'est un trop triste niveau. Mais pas à tendre non plus une deuxième joue...
@ Danièle Duteil
RépondreSupprimerLoin de l'absence de pesanteur de vos poèmes...
JEA... j'ai mis votre merveilleux soleil pour illustrer le compte-rendu de mercredi... vous êtes d'accord? (oups j'ai pas demandé avant!)
RépondreSupprimer@ Coumarin
RépondreSupprimerUne vieille céramique italienne pour illustrer les tours et détours du soleil...
Je suis la Madame du fond de la photo mais je ne suis pas poète alors je crie avec Prévert, Desnos et Doisneau le mot de cambrone à tous les inquisiteurs du monde !!
RépondreSupprimer@ Chère MH
RépondreSupprimerEn vérité, voici l'enseigne : MERODE... Un nom princier, du moins en Belgique...
Le droit à l'erreur, oui, mais ne pas s'obstiner dans celle-ci !
RépondreSupprimerL'empire des fourmis n'a pas dit son dernier mot !
Je retiendrai de tout ceci:
RépondreSupprimer"En relisant Eluard :
- "Il faut passer sa vie à la recherche de ce qui ne déshonore pas la poésie."
hormis bien sûr le ton indigné qui vous va comme un gant de la plume aux mots
juste avant de chanter la Fourmi.
@ saravati
RépondreSupprimeret comment...
une nouvelle n'est pas triste, non plus, elle est signée par Boris Vian : "Les fourmis"
@ Maïté/Aliénor
RépondreSupprimerLe recueil collectif de "L'honneur des poètes" a été publié dès 1943...
Ce qui n'empêche pas d'aucuns de s'obstiner à qualifier Eluard de "résistant de la dernière heure"...
La fourmi de dix-huit mètres de Desnos figurait les trains de la déportation vers les camps de la mort.
RépondreSupprimerJe recherche où j'ai lu cela et je ne trouve pas.
J'avais mis deux liens vers "Certains jours" de Frasby, deux billets consacrés à Desnos (sept 2009 et janvier 2010) ; j'ai pu y lire vos commentaires, JEA.
Puis je me suis rappelé que les liens n'étaient pas actifs dans les commentaires avec blogspot...
@ Michèle
RépondreSupprimerA ma connaissance limitée, voici un parallèle entre "La fourmi" et le convoi emmenant Desnos en déportation.
Le poète est arrêté le 22 février 1944 à son domicile de la rue Mazarine.
De la prison de Fresnes, il est transféré au camp de Royallieu (Compiègne), le 20 mars.
Le 27 avril, Desnos figure parmi les 1714 prisonniers contraints à monter dans le "convoi des tatoués" pour Auschwitz. Lequel convoi y aboutira le 30 avril.
Alors que se déroulent ces événements tragiques, la revue "Poésie 44" publie son numéro 14 de mars-avril. Au sommaire, sept chante-fables de Desnos, dont "La fourmi".
Merci pour vos liens avec les approches plus approfondies et si personnelles de Frasby.
NB : Ce convoi Compiègne-Auschwitz, le troisième du genre, ne comprend pas de déportés raciaux stricto sensu. Mais des non-juifs et un nombre élevé de droits communs (selon les lois de Vichy).
Bien envoyé, j'ignore à quel malotru cela s'adresse, mais sans doute peu importe !
RépondreSupprimerHasard : j'ai cherché il y a deux jours la photo de Prévert devant Mérode car j'ai pris, le 8 septembre, une photo - en me souvenant de celle de Doisneau - un peu dans le même genre, rue de la Grange-aux-Belles, un nom fort poétique au demeurant.
@ D. Hasselmann
RépondreSupprimerVous connûtes un seul accrochage indirect avec ce gardien d'un temple de plus pur style Epinal nous voilà...
Du moins n'aura-t-il pas rédigé à votre propos, ce commentaire qu'il me réserva :
- "J'en ai marre des cons fauteurs de troubles et de rumeurs par le net."
@ JEA : se faire insulter par un abruti est parfois un plaisir en réduction qui permet de garder de la hauteur.
RépondreSupprimer@ D. Hasselmann
RépondreSupprimerDans sa dernière lettre, Saint-Exupéry écrivait :
- "La termitière future m'épouvante. Et je hais leur vertu de robot."
Et il ajoutait :
- "Moi, j'étais fait pour être jardinier."
Je remplacerais "jardinier" par "batelier"...