MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 18 août 2011

P. 63. aLLain Leprest ne demande plus de ses nouvelles

.
Quand les crabes eurent presque fini de désertifier, de dévaliser, de vandaliser, de vampiriser, d'annuler, d'anéantir sa vie
qu'ils eurent vidé ses poches et ses bouteilles et ses greniers et ses calendriers
tandis qu'en France, l'euthanasie appartient toujours au royaume des hypocrisies à moins qu'elle ne soit étiquetée "délit majeur"

ce 15 août 2011
le pied-de-nez d'Allain Leprest
à son panier de crabes 





... dernières paroles
derniers airs résumant presque tout
le suicide comme un saut dans un vide
à l'ombre de la montagne et de Ferrat
un chiffon rouge autour du cou




C'est peut-être...

- "C'est peut-être Mozart le gosse qui tambourine
Des deux poings sur l'bazar des batteries de cuisine
Jamais on le saura, l'autocar du collège
Passe pas par Opéra, râpé pour le solfège.

C'est peut-être Colette la gamine penchée
Qui recompte en cachette le fruit de ses péchés
Jamais on le saura, elle aura avant l'heure
Un torchon dans les bras pour se torcher le coeur.

C'est peut-être Grand Jacques le petit au rire bête
Qui pousse dans la flaque sa boîte d'allumettes
Jamais on le saura, on le fera maçon
Râpé Bora Bora, un mur sur l'horizon.

C'est peut-être Van Gogh le p'tit qui grave des ailes
Sur la porte des gogues avec son opinel
Jamais on le saura, râpé les tubes de bleu
Il fera ses choux gras dans l'épicerie d'ses vieux.

C'est peut-être Cerdan le môme devant l'école
Qui recolle ses dents à coup de Limpidol
Jamais on le saura, KO pour ses vingt piges
Dans le ring de ses draps en serrant son vertige.

C'est peut-être Jésus le gosse de la tour neuf
Qu'a volé au Prisu un gros œuf et un bœuf
On le saura jamais pauvre flocon de neige
Pour un bon Dieu qui naît, cent millions font cortège."



Ernest Pignon-Ernest (1), le sculpteur salué par Allain Leprest (DR).

Le sculpteur et le cerisier 

- "Petit, voici l'heure des fruits mûrs
Combien sont morts contre ces murs ?
Jetez aux chiens les confitures
Qui ont endeuillé leurs chemises

On a crié "Plus rien ne bouge !"
Mais sous les gouttelettes rouges
Un sculpteur a posé sa gouge
Espérant que le vent l'aiguise

Depuis l'automne en mois de mai
Au milieu des noyaux mort-nés
Une vieille douille a germé
Comme un affront à la bêtise

Éclos d'une balle rouillée
Au ciel il fuse un cerisier
Qui dit "Je fus un fusillé
Je témoigne des saisons grises"

Qui dit "Petit, je suis témoin
Prends mes racines de fusain
Et trace de tes propres mains
La promesse de mes cerises

Prends la force que je te tends
Je suis le Clément d'un instant
Je suis le gisant qui attend
Que la sève et l'amour l'irise

Qu'on re-danse autour de mon tronc
Un jour, mes bras refleuriront
Les enfants moqueurs changeront
Mes blessures en gourmandises"

Et le sculpteur en s'endormant
À l'ombre de son monument
Rêve dans un sourire gourmand
Qu'il a barbouillé sa chemise."




Témoignage de Cerise Marithé :

- "Je l'ai vu sur scène le 15 février 2011 ... C'était hallucinant ! je ne sais comment il tenait debout ... mais il était là, avec toute sa passion ...il a animé des ateliers d'écriture, chanté seul, vacillant et chanté avec une de ses "complices", Franscesca Solleville ...

"J'ai reçu ce matin la lettre où tu m'écris
De prendre soin de moi et je t'en remercie
Que tu vas me reviendre et tout ça et qu'on s'aime
Et arrose les fleurs une fois par semaine"

Duo avec Yves Jamaït que j'aime beaucoup "J'habite tant de voyages":

"Je sais je sais c'est le monde
Partout où mènent mes pas
Je ne m'en retranche pas
Je le sais c'est notre monde
C'est le cocon des humains
Mais est-ce le mien ?"


NOTE :

(1) Merci à Lautreje qui consacra une page lumière de son blog à Ernest Pignon-Ernest, "artiste engagé".
Lien direct : cliquer ICI.

.


12 commentaires:

  1. Je ne sais jamais trop quoi "me" dire sur l'euthanasie... bien entendu, l'état de légume ne me conviendrait pas et, pour moi, j'aimerais pouvoir être capable de faire le saut... Mais pour d'autres ? Moi, appuyer sur une seringue ???

    La mort et ses questions (ou sa question ?)

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  2. Voilà encore une belle personne que vous me faites découvrir JEA, merci !! Sublimes poésies... fortes, douces et incisives.
    Pour Allain Leprest la perte de l'espoir était légitime, "peut-être" qu'il existe d'autres espoirs.

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  3. Bin, Leprest il synthétise tout le mauvais côté de la chanson française à texte: le côté cérémonie rabâchée avec ton grave et répétitif ...

    Désolé pour lui ...

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  4. "C'est peut-être Mozart le gosse qui tambourine"
    De fait. Mais on ne le saura jamais. La vie ou la société en aura décidé autrement. Que de musiques perdues, que de poèmes non publiés, que de peintures effacées avant même d'avoir été vues.

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  5. Merci pour cet hommage et beaucoup de respect pour l'homme.

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  6. J'écoute, fascinée par cette illustration : merci aussi pour le lien vers Ernest Pignon-Ernest chez Lautreje.

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  7. "Petit, je suis témoin
    Prends mes racines de fusain
    Et trace de tes propres mains
    La promesse de mes cerises"

    Prends la force que je te tends
    Je suis le Clément d'un instant
    Je suis le gisant qui attend
    Que la sève et l'amour l'irise

    Qu'on re-danse autour de mon tronc
    Un jour, mes bras refleuriront
    Les enfants moqueurs changeront
    Mes blessures en gourmandises"

    Merci de tant de beauté et d'amitié, JEA.
    Je vous serre dans mes bras.

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  8. Textes de toute beauté. Merci !

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  9. Je l'ai vu sur scène le 15 février 2011 ... C'était hallucinant ! je ne sais comment il tenait debout ... mais il était là, avec toute sa passion ...il a animé des ateliers d'écriture, chanté seul, vacillant et chanté avec une de ses "complices", Franscesca Solleville ...

    "J'ai reçu ce matin la lettre où tu m'écris
    De prendre soin de moi et je t'en remercie
    Que tu vas me reviendre et tout ça et qu'on s'aime
    Et arrose les fleurs une fois par semaine"

    Duo avec Yves Jamaït que j'aime beaucoup "J'habite tant de voyages":

    "Je sais je sais c'est le monde
    Partout où mènent mes pas
    Je ne m'en retranche pas
    Je le sais c'est notre monde
    C'est le cocon des humains
    Mais est-ce le mien ?"
    ... ... ...
    Heureuse de trouver cet hommage chez toi, l'émotion ayant retardé celui que j'avais envie de faire et que je trouve ici ! ...

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  10. @ cerisemarithe

    Mes excuses pour avoir détourné ce précieux commentaire vers la conclusion de la page elle-même...

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  11. Merci de m'avoir offert cet espace pour me joindre à cet hommage à un homme et à un artiste atypique qui a suivi son chemin hors des circuits favorisés par les médias et qui avait de nombreux amis...
    C'est une "bonne place" d'avoir pu m'exprimer à ce sujet sur ta note !

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  12. @ cerisemarithe

    à vous comme à d'autres si bienvenu(e)s ici, ma reconnaissance d'ouvrir portes et fenêtres et jardins de ce blog...

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