MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 9 juin 2011

P. 42. "Une séparation", de Asghar Farhadi

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(DR).

Synopsis :

- "Lorsque sa femme Simin le quitte, Nader engage une aide-soignante pour s'occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l'accord de son mari, un homme psychologiquement instable…"

Asghar Farhadi :

- "En Iran, la radio et la télévision sont complètement contrôlées par l'État. Et le théâtre reste encore, chez nous, un art intellectuel que n'apprécient que les classes aisées et éduquées. Du coup, l'audience en est restreinte. Le cinéma est un art populaire qui touche plus de monde et me permet plus facilement de parler de l'Iran d'aujourd'hui. J'y gagne à la fois plus de public et de liberté. De plus, la langue y est beaucoup plus moderne, et il me semble qu'ainsi je traite mieux des thèmes complexes. Je peux travailler sur plusieurs niveaux. Et si je n'ai pas envie d'attaquer frontalement les choses, je peux les cacher dans les couches et sous-couches que représentent mes personnages."
(Interview par Xavier Leherpeur, L’Express, 6 juin 2011).

Leila Hatami (rôle de Simin) :

- "Question : Comment décririez-vous Simin ?
Réponse : C’est une Iranienne de la classe moyenne qui veut quitter Nader, son mari, pour partir vivre à l’étranger. En désertant le foyer, elle provoque le recrutement de Razieh, une aide-soignante enceinte chargée de veiller sur le père de Nader atteint d’Alzheimer. Or, Nader va molester Razieh qui perd son enfant. Le film pose la question de la culpabilité du mari (connaissait-il ou non la grossesse de cette femme ?), du mensonge, de l’affrontement des classes sociales (Razieh, très religieuse, sort des couches populaires), et évoque une condition humaine faillible : oui, nous commettons tous des fautes."
(Interview par Ségolène Wacrenier, madame Le Figaro, 30 mai 2011).

Les censures ne sont pas parvenues
à se payer la peau de ce film
qui reçut l'Ours d'or à Berlin...

Thomas Sotinel :

- "Une banque iranienne a financé Une séparation. Il a fallu ensuite soumettre un synopsis au ministère de la culture, négocier le scénario définitif pour obtenir l'autorisation de tournage. Asghar Farhadi soupire sur les humeurs fluctuantes des censeurs qui peuvent transformer n'importe quelle journée en cauchemar. Au bout de quinze jours de tournage, il a fallu s'arrêter. C'était en septembre 2010. Lors de la cérémonie annuelle des trophées du cinéma iranien, Asghar Farhadi avait déclaré, le Prix du meilleur film entre les mains : "Je souhaite que les réalisateurs qui sont hors d'Iran, ou ceux qui y vivent mais n'ont pas la possibilité de travailler, puissent concourir lors de la prochaine cérémonie." Cette allusion à Mohsen Makhmalbaf, exilé, et à Jafar Panahi, sous le coup d'une interdiction professionnelle et d'une condamnation à six ans de prison, a tellement déplu qu'Asghar Farhadi s'est à son tour vu interdire l'exercice de son métier. "Mais la réaction des médias et du public a été telle, que nous n'avons dû suspendre le tournage qu'une semaine", raconte Asghar Farhadi."
(Le Monde, 18 février 2011).

Paula Jacques :

- "C’est au cours du tournage de son troisième film « Une séparation » qu’Asghar Farhadi a eu maille à partir avec la censure iranienne. Point tant pour le sujet de son film : Guerre des sexes et lutte des classes entre deux couples à la dérive que pour avoir dénoncé l’emprisonnement de Jafar Panahi, son compatriote. En obtenant l’Ours d’or à Berlin pour « Une Séparation », il fait non seulement la nique aux empêcheurs de tourner mais aussi et surtout un film d’une subtilité et d’une puissance prodigieuses."
(France Inter cosmopolitaine, 5 juin 2011).


Leila Hatami (DR).

Jérôme Garcin :

- "Du concentré de cinéma. Un film arborescent aux ramifications multiples. On peut le voir, au choix, sous l'angle du drame social, de la comédie de moeurs, de la fable politique, du documentaire, du thriller ou de l'enquête policière. Il y est question à la fois de divorce, de la maladie d'Alzheimer, d'éducation, de justice, de chômage, de religion.
On hésite même à dire que c'est un film sur l'Iran contemporain (et la guerre féroce que s'y livrent la tradition et la modernité) tellement il est universel. D'ailleurs, Asghar Farhadi demande au spectateur, quel qu'il soit et où qu'il se trouve, de jouer ici le rôle du témoin et d'agir lui-même sur le scénario."
(Le Nouvel Observateur, 2 juin 2011).

Nicolas Bardot :

- "Ours d'or, prix d'interprétation féminine, prix d'interprétation masculine: Une séparation, le nouveau film du réalisateur iranien Asghar Farhadi, a fait une vraie petite razzia lors de la dernière Berlinale. Loin du cinéma théorique d'un Abbas Kiarostami ou du didactisme des Makhmalbaf (leurs cahiers, leurs tableaux noirs, leurs taille-crayons), Farhadi privilégie, comme dans La Fête du feu ou A propos d'Elly..., ses deux précédents longs métrages, des portraits de groupes scrutés par une caméra très mobile. Au-delà du (sortez vos petits abrégés de la lecture des films pour les nuls) regard-complexe-sur-l'Iran-aujourd'hui, Farhadi pose finalement des questions assez universelles, sur la morale, sur la parole, sur la justice."
(FILMdeCULTE).

Olivier Bachelard :

- "Le scénario passionnant d'Asghar Farhadi reflète l'humanité dans toute sa complexité. Complexité des relations homme-femme, non dits, attentes de l'un vis à vis de l'autre, souffrance de la fille prise en étau entre les deux, choix impossibles, les tenants et aboutissants d'une relation de couple moderne sont tous là, traités avec une justesse incroyable. Le film est reparti de Berlin avec un prix d'interprétation collective pour les acteurs, un autre pour les actrices, mais aussi avec un Ours d'or amplement mérité. Le signe que malgré l'emprisonnement de Jafar Panahi, le cinéma iranien a un bel avenir devant lui."
(ABUSdeCINE).

Peyman Moaadi (DR).

Frédéric de Vençay :

- "Si Une séparation est d’abord le portrait (remarquable) d’une poignée d’êtres humains, il montre aussi que le poids de la religion musulmane, très contraignante, pèse quotidiennement sur les épaules de tous les Iraniens. Les doctrines religieuses leur imposent de nombreux interdits. Lors d’une scène étonnante, la jeune Razieh hésite à venir en aide au vieux père malade de Nader, craignant de "toucher" un homme autre que son mari, même pour des raisons médicales. Logées dans un "ciel" abstrait, ne s’accordant pas toujours avec les situations pratiques ou les impératifs humains, ces contraintes conduiront les personnages vers un drame à l’issue bouleversante. On le voit, même si elle se joue sur des détails ou des situations anodines, même si elle n’est jamais claironnée à grand renfort d’effets de manche, la portée idéologique et politique d’Une séparation est énorme. Son propos est d’autant plus fort que son traitement reste sobre et ne prend jamais les airs d’une "démonstration".
(avoir-alire).

Nicolas Crousse :

- "La vérité, c’est que la « Séparation » de Farhadi est tout simplement un grand film, qui part d’une situation simple et universelle (un couple se sépare et se déchire, sous le regard d’un enfant bouleversé) pour virer à l’engrenage judiciaire et inviter à une réflexion forte (et pourtant fine) sur l’Iran, tiraillé entre tradition et modernité. Pour le public occidental, c’est en passant l’occasion de corriger certains vilains clichés : les femmes ont ici les rôles moteurs. Et l’Iran apparaît comme une société profondément complexe.
Basé sur un scénario puissant, parsemé de quelques coups de théâtres, le film de Farhadi tire une partie de sa puissance émotionnelle d’un formidable art de l’ellipse, qui pousse le spectateur à s’investir personnellement. On ne voit pas tout. C’est dès lors à nous de remplir les blancs."
(Le Soir, 19 février 2011).

Alain Lorfèvre :

- "Ce cinéaste venu du théâtre démontre une fois de plus sa rigueur formelle, dénuée de tout effet inutile, sa précision narrative, sa rigueur dramatique. Les acteurs achèvent de faire de "Une séparation" une grande œuvre de cinéma. Qui, dans son plan final, oblige chacun à faire son choix. Manière, aussi élégante que pertinente, de suggérer que personne sauf les intéressés ne peut juger de ce qui se passe en Iran. Et que c’est à eux qu’il appartient de déterminer leur avenir et d’agir en conséquence. Farhadi, lui, a choisi : il filmera et s’exprimera tant qu’il le pourra."
(La Libre Belgique, 8 juin 2011).



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12 commentaires:

  1. J'aime ce genre de film qui exprime sans juger et "démontre" que rien n'est blanc ou noir nulle part... à voir ce week-end !!

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  2. en allant voir Le gamin au vélo, j'ai vu la bande annonce qui m'a donné envie de voir le film, mais là après votre billet, c'est sûr !

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  3. Un film tout en nuances, un film d'auteur, votre revue de presse donne fort envie de le voir. Bonne fin de semaine, JEA.

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  4. J'attendrai sans doute encore un peu pour le voir sa sortie en dvd mais je le verrai sans aucun doute. Il faudrait plus d'ours d'or encore pour soutenir les initiatives de toutes les victimes de la "censure".

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  5. Je viens d'en lire la critique sur mon hebdo et il me tente vraiment. J'espère avoir l'occasion d'aller le voir avant qu'il s'échappe des écrans!

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  6. merci pour cette note très détaillée sur ce film... J'ai bien sûr décidé d'aller le voir...

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  7. En effet, un très beau film JEA, subtil et délicat; on rentre à fond dans leur histoire de grand malentendu et on voudrait bien les aider, c'est remarquablement bien joué par tous les acteurs (les regards d'enfants sont renversants) !

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  8. Bonjour, ce film qui a reçu cette année, 2012, l'Oscar et le César du meilleur film étranger mérite tous ces éloges. Je l'ai trouvé remarquable. Ce presque huis-clos tient toutes ses promesses. Bonne après-midi.

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    1. merci à vous pour ce commentaire éclairant
      lundi 11 juin, ce blog présente : "Une seconde femme", autre huis-clos...

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  9. Je retiens ce film comme l'un des films marquants de 2011, avec également "Il était une fois en Anatolie".
    Bravo pour ce blog, que je découvre, et que je trouve très intéressant.

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