MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 15 novembre 2012

P. 198. Mon Village : avis de disparitions...


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J'aimerais vous envoyer ce billet depuis et à propos de mon village... (Ph. JEA/DR).

Souvent, à l'entrée d'un village, se dresse un panneau invitant les passants à ne pas passer trop vite. Les centres d'intérêts et les spécialités locales sont dès lors mis en valeur : "Son clocher romanesque, son chêne aux clous, ses boulets au sirop de poires et de pommes", etc...

Certes moins touristique, un brin trop nostalgique mais rigoureusement authentique, on imaginerait bien un autre panneau (de forte dimension) annonçant pour mon Village :

ICI, hélas, vous ne trouverez plus...

d’affranchisseur de bétail,
d’agent voyer,
d’allumeur de réverbères, d’allumetier,
d’arricandier,

de batteur d’huile,
de bedeau, de beuquette,
de boguier, de boucher, de boulanger, de bournobile, de bourrelier, de bousilleur, de braconnier, de brassier, de brelandier, de bromes des Ardennes, de brouetteur,
de busards des roseaux,

de cabaret, de cacasses à cul nu, de capitaine de louveterie,
de charcutier, de charron, de chats sauvages, de chaumier, de chiffonnier,
de cloutier,
de colporteur, de coquetier,
de crapauds calamites,
de cuivrés des marais,

de décrotteur,
de dindons et de farces,

d’école,
d’éhouppeur,
d’élatines fausses alsines,
d’épinceur de pavés,

de fagottier,
de fendeur,
de fripier, de friteur, de fromager,
de fumiste,

de garde champêtre, de garde des plaisirs du Roi, de garrots à l’œil d’or,
de gélinottes,
de grâces de Dieu, de grenouilles dans le bénitier,



La Grand-Place de mon Village, pas de parking payant...(DR).

de hannetons,
de huchier,

de lampiste, de lapidaire, de lardeur, de lavandière,
de licoriste,
de loutres,

de magister, de maître de postes, de maquignon, de marchand de journaux, de marchand de ratières, de maréchal-ferrant, de margoulin,
de médecin, de merles moqueurs,
de montreur de chiens savants,

de narcisses des poètes,

d’orchis punaises,

de patenostrier,
de peigneur de chevaux, de petits rhinolophes,
de pipier,
de postillon,
de prévôt de la maréchaussée,
de pulicaires annuelles, de putois,

de quincaillier,

de rebouteux, de récameuse, de rémouleur, de rempailleur,
de romanichels, de royaliste,
de ruchier,

de sabotier, de sage-femme, de saigneur de porcs, de savetier,
de sémaphoriste,
de sonneur de cloche, de sorcière, de sourcier,

de tabellion, de tailleur de meules, de tanneur, de taupier, de tavernier,
de terraillon,
de tourbier,
de transports en commun, de tripier,

de vinaigrier, de violoneux…




Une beuquette métamorphosée en boîte aux lettres (Ph. JEA/DR).


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16 commentaires:

  1. oh ! quel merveilleux billet... à défaut de tout cela

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  2. Mais le grand rectangle blanc tout en bas de vos pages (dans lequel on laisse les commentaires) ne remplace-t-il pas avantageusement le gros carré jaune tout en haut ? En termes de délais, de diversité, de quantité (entre autres). Certes, on ne peut pas vous y déposer de belles cartes postales...

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  3. S'appauvrissent les villages mais s’élargit mon vocabulaire!
    Je n'y vois ni les moutons ni le chat de votre jardin, mais reconnais le lieu.
    Une liste, superbe, à garder précieusement en mémoire, faute du reste...

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  4. Ah le merle moqueur :-)
    Ce qui avait de bien à cette époque, c'est le cumul des fonctions. Pas le temps de glander comme aujourd'hui les internistes (non, non, pas les merles moqueurs, ceux qui utilisent internet). Heureusement, encore aujourd'hui, il existe quelques rares allumeurs de réverbère : oui, oui, il y en a même encore beaucoup ... mais le problème, ce sont les réverbères qui ne réverbèrent plus :(

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  5. Ainsi va notre temps, tout devient uniforme, tout perd sa couleur. Adieu tous ces métiers, tous ces hommes et toutes ces femmes, tous ces animaux aussi qui peuplaient nos villages. On marche vers le neutre, avec l'angoisse d'une planète qui dépérit. C'est notre temps. Mais on peut le vivre s'il reste l'amitié et la solidarité.
    Bravo en tout cas pour cette symphonie de la nostalgie qui fait chaud au coeur.

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  6. Heureusement que dans ce village, il y a encore JEA...
    Merci pour ce billet qui m'a fait sourire...

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  7. et plus de raton-laveur non plus :)
    mais que le français est une belle langue...
    biz d'une chercheuse d'étoile(s)

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  8. Dommage, toute cette vie qui s'en va, les petits métiers, la convivialité... nostalgie, quand tu nous tiens!

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  9. http://www.youtube.com/watch?v=69okZJ1fne8

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  10. Je fais connaissance avec la beuquette, faut-il regretter le bousilleur ?
    Bonjour, JEA. Ne le prenez pas mal, mais votre billet me rappelle "la plus vieille dame du monde" d'Orsenna (dans "La grammaire est une chanson douce") et son écriteau :
    "ENTREZ SANS FRAPPER.
    MAIS, S'IL VOUS PLAÏT,
    ATTENDEZ LA FIN DU MOT.
    MERCI."

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  11. ... de zinzinabulleur... : il faudrait un panneau moderne, électronique, qui puisse faire tenir, dans son défilé, toute cette liste à la fois nostalgique et poétique.

    Heureusement, certains "archivistes" de la mémoire qui flanche ou qui est détruite sont bien là pour les garder précieusement !

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  12. Même pas un petit merle moqueur ? Fabuleuse liste en creux.
    Et tout ce vocabulaire disparaît peu à peu et en même temps. Je dois expliquer aux enfants à qui je raconte des histoires le tocsin, le rouet, un tas de choses qui n'existent plus et qu'ils ne connaissent pas.
    Pour ce qui est de la cacasse à cul nu, l'excellente Marie Claire du blog du miel et du sel (en lien chez la Mère Castor) en a donné la recette il y a quelques jours, ce qui a suscité en retour d'autres recettes du même type (ou pas) dans les commentaires.

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  13. Beuquette? Bournobile? terraillon? il me faut un lexique!

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  14. Quel excellent exercice de style ! Bravo !

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  15. Quel beau monument érigé à toutes ces disparitions au sein de notre village!Merci

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  16. Il y a tant de métiers et tant de traditions qui ont disparu... des mots qui sonnent si joliment mais qu'on n'entend plus guère !
    Une belle photo pour conclure cette liste...

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