MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 5 novembre 2012

P. 195. "Une famille respectable", le film


.

Quand son ire rend le cinéma encore plus irremplaçable... (DR).

Synopsis


- "Arash est un universitaire iranien qui vit en Occident. Il retourne donner des cours à Chiraz où vit sa mère, loin de Téhéran. Entraîné dans un tourbillon d’intrigues familiales et financières, il replonge dans un pays dont il ne possède plus les codes. A la mort de son père, découvrant ce qu’est devenue sa "famille respectable", il est contraint de faire des choix."

Massoud Bakhsi


- "J’ai été influencé et inspiré par les films de Jean-Pierre Melville ou par ceux de la Nouvelle Vague. L’intrigue qui guide le trajet d’Arash, mon personnage principal, est un dévoilement progressif de secrets et de complots. Une autre ligne de récit me vient du cinéma de "drame familial", et surtout des néoréalistes italiens. La famille est le lieu du drame."

Serge Kaganski

- "L’Iran, terre de cinéma féconde."
(les inRocks, 30 octobre 2012).

Guillaume Loison


- "Pour son premier long-métrage de fiction, le jeune réalisateur Massoud Bakhshi frappe fort : d’images quasi volées de bastonnades en pleine rue en tableaux cauchemardesques d’une caste d’oligarques cyniques, le film perce avec ardeur les tabous d’un pays sous éteignoir, tissant un remarquable polar existentiel, entre Marco Bellocchio et Francesco Rosi."
(CinéObs, 30 octobre 2012).

Olivier De Bruyn

- "Le cinéma iranien n’en finit pas décidément de révéler de nouveaux metteurs en scène passionnants et critiques. Avec « Une famille respectable », découvert en mai dernier au Festival de Cannes (Quinzaine des réalisateurs), Massoud Bakhshi, à l’instar de ses confrères Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof, signe une fiction qui n’a aucune chance de plaire aux autorités locales. Un film qui relève à la fois du cinéma de genre (le genre thriller paranoïaque) et du réalisme le plus pointilleux, ce qui n’étonne guère quand l’on connaît le pedigree créatif de Massoud Bakhshi, connu jusqu’alors pour ses documentaires."
(Rue 89, 29 octobre 2012).


L'affiche pour la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (DR).

Louis Danvers

- "Le courage des cinéastes iraniens, comme celui des étudiants qui osent défier la terreur du système, n'a de pareil nulle part dans le monde. Massoud Bakhshi est de la trempe de Jafar Panahi, de cette intelligence persane qui ne supporte plus le joug abrutissant d'une théocratie islamique aussi rétrograde qu'oppressante. Le héros de son film, Arash, exerce à l'étranger son métier de professeur au niveau universitaire. Invité à revenir dans son pays natal pour y enseigner durant un semestre, il s'y verra confronté à plusieurs menaces. Celles d'autorités promptes à interdire la diffusion de ses travaux, même parmi ses étudiants, et pour lesquelles les réunions de poésie auxquelles il convie certains élèves ne peuvent qu'être suspectes. Des autorités qui lui refusent par ailleurs les documents nécessaires à sa sortie du pays... Mais Arash verra aussi de mauvaises surprises venir de son environnement familial, une question d'héritage éveillant dans la bourgeoisie affairiste de Téhéran des convoitises faisant fi de tout scrupule moral. D'un côté (le pouvoir politique et académique) une pose morale intégriste, de l'autre (la classe aisée) une absence de morale assumée. Le héros est pris entre deux feux, dans un scénario que n'aurait pas renié Kafka."
(Le Vif, 30 octobre 2012).

Pierre Murat

- "Apparemment, c'est donc un thriller familial : des monstres s'y trahissent avec allégresse, s'y entre-dévorent pour préserver leur pouvoir. Mais ils permettent au réalisateur, dont c'est le premier film, de dissimuler un propos plus ambitieux, une dénonciation plus audacieuse. Ils reflètent, évidemment — ces monstres —, l'âme de tout un pays. Cet Iran sans foi ni loi, où tout s'achète et se vend, même les « martyrs » de la lointaine guerre contre l'Irak. Cet Iran où les femmes ne peuvent survivre que dans le renoncement ou la folie — femmes à la pureté intacte, inébranlable, à qui le réalisateur rend le plus courageux des hommages. Cet Iran où la peur est constante : chaque fois qu'il se trouve dans les rues, Arash voit des flics tenter de se frayer un passage, toutes sirènes hurlantes, ou des voitures s'encastrer les unes dans les autres, signes évidents d'une hystérie généralisée. Et quand il se rend chez son demi-frère, il se retrouve soudain enfermé, prisonnier : superbe séquence où il se cogne, telle une proie affolée, à des portes et des fenêtres hermétiquement closes. Ici et ailleurs — partout —, le danger rôde..."
(Télérama, 31 octobre 2012).

Noémie Luciani

- "Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l'image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d'un homme faisant peser le poids d'une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c'est la fracture de la cellule familiale - le père d'Arash faisant un enfant à une autre femme - qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D'un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l'autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Œdipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu'on lui impose. Ce destin, cependant, n'est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.
L'ultime refuge, le dernier repère d'Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l'entourent. Bien avant qu'il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre : l'intégrité, le respect de l'autre, la famille. Désireux de montrer qu'il ne s'agit guère de broder autour d'une féminité archétypale, c'est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film."
(Le Monde, 30 octobre 2012).


David Fontaine : "L'Iranienne serait-elle l'avenir de l'Iran ?" (Le Canard enchaîné, 31 octobre 2012).

Massoud

- "Mon pays est jeune – le second plus jeune dans le monde – et les femmes, les étudiantes notamment, portent sur notre société un regard lucide. Elles savent combien certaines valeurs et plus généralement la morale – une morale qui n’a rien à voir avec la religion – sont essentielles. Elles sont l’avenir, comme le sont les cinéastes qui, aujourd’hui, croient fermement que notre pays mérite d’être raconté."
(Rue 89, 29 octobre 2012).

Gérard Lefort


- "De Chiraz à Téhéran (principaux décors du film), ce ne sont qu’images grises, plans troubles et impression générale d’une vie quotidienne salopée, où la corruption semble l’oxygène ambiant, et la violence urbaine, la routine (nombreuses scènes de vols à la tire, d’échauffourées, d’altercations brutales).
Electrochocs. Les femmes, quand elles ne se prennent pas une beigne, voire des électrochocs, pour calmer leur «dérèglement», sont condamnées au courage (comme la Mère du même acabit) ou à la folie douce, telle une tante d’Arash, toute en tchador noir et gants de ménages jaunes, qui passe ses nuits à désinfecter sa cuisine."
(Libération, 30 octobre 2012).

Edwige de Montalembert

- "Film autour de la corruption, maîtresse de l’intrigue, le film traite aussi de la religion et de la culpabilité. Mais Une famille respectable est également un film sur la mémoire. Cette mémoire d’un pays qui a connu huit ans de guerre avec l’Irak est au cœur du personnage d’Arash. Le spectateur est surpris dans le fil de l’histoire du film par des images d’archives de la guerre Iran-Irak qui donnent au héros une épaisseur et nous rappelle à la réalité du pays. Entre son attachement culturel lié à sa mémoire et la sombre manipulation dans laquelle il est piégé, le héros doit faire un choix : partir ou rester en Iran.
(toutelaculture.com, 27 octobre 2012).

Utopia Bordeaux


- "Une (…) force du film est la place qu’il réserve aux femmes. Alors que les hommes sont souvent des lâches, des salauds ou des victimes plus ou moins résignées, les femmes sont là et bien là, figures de la résistance : la mère d’Arash, bloc de dignité et de ténacité que l’argent ne peut corrompre, Zoreh, qui s’est réfugiée dans la piété pour refuser d’être complice de l’avidité et de la duplicité de ses proches, et même la jeune Hoda, nièce d’Arash, qui représente le pendant positif d’Hamed, une jeunesse qui aspire à la vie et à l’ouverture. Et c’est bien vers cette ouverture que se tourne peu à peu Arash, et le film, parti pour être sombre, devient au final porteur d’un bel espoir…"



Autres films à l'affiche de ce cinéma rural ? Cliquer : ICI.

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30 commentaires:

  1. encore un fois cette honte un peu et ce regret de ne plus penser à aller au cinéma

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    1. si vous n'allez pas au cinéma, c'est au cinéma à aller vers vous...

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  2. Je suppose que le réalisateur a dû braver les retombées de haine, osant traiter un sujet qui met en scène la cupidité et la corruption des iraniens mis en scène dans son film...

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    1. son film n'est pas projeté en Iran, forcément...

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  3. JE! Je me réjouis de le voir :-)
    Cela me rappelle les festivals de films, dénichés on ne sait où, que tu organisais, et auxquels tu nous conviais. J'y participais comme si j'en étais à la fois l'auteur et les acteurs ... rarement spectateur ... alors qu'objectivement je n'étais que spectateur ...
    Il y a de la magie dans ton art :-)

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    1. époque très éphémère où par exemple le Ministère de la Culture en Finlande faisait sous-titrer en français le Lièvre de Vaatanen (orth. ?) pour une seule projection dans mon "festival" en marge, l'envoyait par la valise diplomatique et où l'ambassadeur de Finlande à Bruxelles téléphonait pour savoir quel accueil ce film avait reçu
      et où Chris Marker retournait ciel et terre pour que l'un de ses films ne reste pas "égaré" en dernière minute par un distributeur peu fiable...

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  4. Ayant prévu d'aller le voir, je passe vite toutes les critiques ! Que resterait-il à découvrir ?

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    1. le film... ici, ce ne sont que de pauvres mots et des impressions

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  5. @ JEA : ceci ne critique en rien votre précieux travail de "recension", mais pour ce film-là, je voudrais en savoir le moins possible (je n'ai pas non plus regardé la bande-annonce !).

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    1. @ cher Dominique
      à la longue, qui lit ce blog aura compris que je suis tombé dans le cinéma tout petit (celui qui m'a élevé) mais que depuis quelques temps, il m'est impossible de me rendre en salle obscure ce que je compense par des compilations un peu hystériques...

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    2. Cher JEA : excusez alors mon premier commentaire abrupt. Mais vous savez si bien choisir les critiques, les citations et mettre en valeur un film... Souvent vous donnez l'envie d'aller le voir sur-le-champ !

      J'espère que vous pouvez vous procurer tous ces films en DVD (vu que "Holly Motors" venait de sortir, chez Potemkine, tout près de chez moi), c'est aussi un agréable moyen de les voir chez soi.

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  6. Il est inscrit à mon programme, vos choix rencontrent souvent les miens ou les influencent. BàV

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    1. les mêmes ombres des mêmes arbres nous protègent parfois de l'abrutissement...

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  7. Réponses
    1. sauf erreur involontaire de ma part, il semble que ce film soit à l'affiche dans les villes suivantes :
      Bordeaux
      Brest
      Dijon
      Grenoble
      Le Havre
      Le Mans
      Lille
      Lyon
      Montpellier
      Nantes
      Paris
      Reims
      Saint-Étienne
      Strasbourg
      Toulouse...


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    2. mais en ce moment j'arpente les sentiers loin de tout! enfin pas pour très longtemps.

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    3. vos carnets s'allongent...

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  8. Palma ne figure pas sur votre liste, ni dans les programmes cinéma locaux d'ailleurs.
    Alors j'ai tout lu, attentivement, merci.
    En me disant si la cupidité et la corruption, hum, ne sont pas exclusives de l'Iran; ici à Majorque on est servi et seules quelques têtes tombent.
    Journées grises, de jolis gris à vous envoyer.

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    1. hier brouillards fantasques avec soleil jouant à la marelle
      ce mercredi : ciel manneken pis

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  9. Il a raison le Canard, c'est bien les femmes qui ont le pouvoir de faire changer les choses!

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    1. le jour où la liberté hissera haut les voiles, les femmes seront à la barre...

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  10. Merci pour vos riches compilations de cinéphile, qui compensent un peu, beaucoup, le tamtam médiatique sur des films sans grand intérêt.

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    1. il y a le cinéma fast food et celui qui se mitonne avec amour, celui qui a les odeurs de l'argent et le 7e art...

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  11. j'ai lu un peu en diagonal car j'ai bien l'intention d'aller le voir et j'aime bien revenir à vos compilations après coup pour voir, pour comparer, pour approuver ou pas ...
    merci de nous mâcher le boulot :-)

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    1. en réalité, je ronge mon frein en préparant une page cinéma et fais face aux frustrations en me gavant d'échos divers
      mais propose à qui vient lire, un partage plus positif : celui d'infos à soumettre au libre examen de chacun...

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  12. La chronique de cinéma de JEA ou l'art de dénicher des perles en dehors des nids classiques !

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    1. certains films semblent avoir pour destin de sombrer avant même leur première projection en public, alors autant multiplier les bouées de sauvetage...

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  13. Ahhh, le temps me manque, j'aimerais aller voir ce film.
    Merci pour cet article!

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  14. J'aime beaucoup vos présentations, ce sont comme des dossiers de presse que l'on lirait avant de décider, ou non, d'y aller. C'est très précieux à différents titres (et aussi en termes de gain de temps).

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    1. habitude prise pendant les années où je publiais chaque année (en Belgique) un volume dit "d'éducation populaire" sur les films dérengeants...

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