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Henri Guillemin
Parcours
Seuil, 1989, 494 p.
Henri Guillemin
- "Et si l'on me demandait à présent : "Alors pratiquement la vie, d'après vous, c'est pourquoi faire ?" Je dirai que ma pauvre technique, ma toute petite loi, c'est de tacher, si je suis incapable de faire grand bien, c'est de tacher oui, au moins de ne pas faire de mal; travailler comme je peux dans mon coin, à dire ce qui me semble vrai. Essayer d'être bon, de ne pas me tromper sur le sens de ce mot : "aimer".
Biographie
- "D’abord élève au lycée Lamartine de cette ville, puis au lycée du Parc de Lyon, et ensuite à l’Ecole normale supérieure d’où il sort diplômé en 1924. Agrégé de Lettres en 1927, il se lie d’amitié avec Jean-Paul Sartre et François Mauriac. À trente-trois ans, il est nommé professeur à l’université du Caire, d’octobre 1936 à juin 1938, puis à l’université de Bordeaux de 1938 à 1941. La guerre et l’occupation mettent fin à ce parcours jusque-là académique. Dénoncé par ses écrits (1), Henri Guillemin fuit la France en juillet 1942 et se réfugie en Suisse à Neuchâtel. A la libération, après avoir tenté, en vain, d’obtenir un poste à la Sorbonne, il devient attaché culturel à l’ambassade de France à Berne jusqu’à sa retraite, en 1962. Il partage ensuite sa vie entre la France et la Suisse.
Auteur prolifique de nombreux ouvrages historiques, narrateur hors pair et passionné, il excelle dans l’art de la conférence et enregistre plusieurs sujets historiques pour la télévision suisse romande ; radio Canada, et L’ORTF (ancienne appellation des chaînes françaises dans les années 60). Tous les sujets le passionnent, de Napoléon à Jeanne d’Arc en passant par Jaurès, Tolstoï, Pétain, Vichy, Charles de Gaulle."
(Cercle d’Histoire Henri Guillemin, 18 mars 2012).
4e de couverture :
- "Les détails de ma vie privée n'ont d'intérêt que pour moi et les miens. Rien ici - pas une ligne - concernant mon enfance ou mon propre foyer, les joies et les peines d'un destin banal.
Mais il se trouve que j'ai eu la chance de voir d'assez près en 1939-1940 d'abord, à Bordeaux, puis entre 1945 et 1963, quand j'appartins au "service culturel" de l'ambassade de France à Berne, quelques personnages diversement "historiques". La chance aussi - et très particulièrement - d'avoir, très bien ou assez bien, ou un peu connu trois hommes qui ont compté dans la vie spirituelle de ma génération : Marc Sangnier, François Mauriac, Paul Claudel (Massignon et Bernanos, je les aurai seulement côtoyés). J'y ajoute quelqu'un d'inattendu mais dont le souvenir me reste très cher : Maurice Chevalier. Il ne m'a pas été indifférent non plus de voir mon parcours se croiser avec les trajectoires de Sartre, d'Etiemble, de Georges Simenon, de Romain Gary, de Pierre-Henri Simon, et du "prieur" de Taizé.
Des réflexions, de-ci, de-là, des notes de lectures, des citations que j'aime relire. Au total, quelque chose comme la déposition, émiettée et sans éclat, d'un témoin de notre temps.
H. G."
Signature d'Henri Guillemin (Graph. JEA/DR).
Il fit sortir du sommeil au moins une future génération d'historiens. Les étranges lucarnes répandaient ses angles de vue parfois iconoclastes, ses analyses souvent originales, ses enthousiasmes toujours sincères. Que ce soit pour la télévision ou pour l'enseignement (plus souvent ennemis que vivant en bonne harmonie), Henri Guillemin suscita ou du moins conforta (parfois a contrario d'ailleurs) bien des vocations.
Le voici loin des mass-médias, décrivant quelques premières étapes de son parcours.
18 juillet 1928. Concarneau.
- "Passant en revue, au port, par curiosité les petits bateaux appartenant à des marins-pêcheurs qui vont en mer tous les jours, je relève les noms suivants :
Deo Juventute. Le Berceau de l'Exploité. La Pluie de Roses. L'Esclave des Riches. Amour du Sacré-Coeur - et même : Châtiment de l'Impureté."
(P. 26).
Juillet 1939. Bordeaux.
- "Et, tout à coup, Gide me dit : "Ainsi vous voilà parti pour l'Académie." Je m'attendais si peu à pareille assertions que je crus à une plaisanterie et regardai Gide en riant. Il était sérieux, et cordial, disant "Voyons, c'est l'évidence ! Rappelez-vous Barrès lançant Mauriac (...). La préface que Mauriac (2) a donnée à votre Flaubert (3) et qu'il publia dans le Figaro, c'est à l'imitation de Barrès, en votre faveur. Vous voilà sur les rails". Je n'en revenais pas (...).
Je ne prenais pas la bonne route, traitant systématiquement de sujets interdits, écrivant ce qu'on n'écrit pas quand on veut réussir."
(PP. 51-52).
4 juillet 1940.
- "Le commerce n'a jamais été plus florissant. Quelles belles ventes ! La sur Sainte-Catherine connaît, du matin au soir, une affluence telle que les plus hauts records de la foire sont battus. On ne voit que des soldats verts, les bras encombrés de paquets. Ils achètent ! Ils achètent ! Payant "recta" du reste, et "bien corrects, il faut le dire".
(P. 69).
10 juillet 1942.
- "Fabre-Luce (4) se déshonore à présent dans la "collaboration". Les "Français libres" de Londres, il les qualifie de "déserteurs" : des gens qui vont rejoindre "un général factieux" (5) et "des propagandistes juifs" (p. 36). Il m'apprend que Laval et Georges Bonnet - ce dont j'aurais dû me douter - ont, en vain, "tenté d'arrêter l'Amérique sur la pente de l'intervention" où la poussaient "nos émigrés" (p. 105 et 107). Et il salue Giono pour avoir écrit, paraît-il, "Qu'est-ce qu'Hitler sinon un poète en action ?"(p. 155).
Des textes qu'il conviendra de garder en mémoire (6)."
(P. 78).
21 juillet 1945.
- "Valéry disparaît à soixante-quatorze ans.
"Tous vos ordres sont là, qui attendent l'Histoire". C'est un alexandrin glissé par Paul Valéry dans le discours qu'il prononça à l'Académie française le 22 janvier 1931, lorsqu'il y "reçut" Pétain (...).
De quoi plaire à l'antiparlementarisme qui, en 1931, commençait à s'épanouir du côté des "honnêtes gens", ceux-là mêmes que Pétain comblera d'aise, le 3 décembre 1934, au banquet de la Revue des Deux mondes, par un discours nettement "politique" où les instituteurs étaient par lui dénoncés comme malfaisants (...).
Quand l'Académie, après la Libération, étudia les cas conjugués de Maurras (7) et de Pétain (8), Henry Bordeaux vit avec une surprise suffoquée (...) Valéry se prononcer pour la radiation du Maréchal, son exclusion immédiate et sans appel (9)."
Henri Guillemin : présentation (n° 1) de l'affaire Dreyfus (Janvier 1965).
NOTES
(1) Henri Guillemin :
- "En juillet 1942, le Je suis partout de Brasillach me désigna comme "gaulliste" aux autorités d'occupation." (P. 81).
(2) Pour lire la page 54 de ce blog, cliquer : ICI.
(3) Flaubert devant la vie et devant Dieu, Plon, 1939, 235 p.
(4) Alfred Fabre-Luce (1899-1983). L'un des responsables entre 1936 et 1939 du Parti Populaire Français qui prônait une alliance franco-allemande. Pétainiste, il écrivait en juin 1941 un appel à la France "non pas à commander mais à collaborer..."
(5) Pour lire la page 44 de ce blog, cliquer : ICI.
(6) Henri Guillemin critique le tome 2 du Journal de la France publié avec la bénédiction de l'occupant".
(7) Charles Maurras, le même dont NKM vient de déplorer que la dernière campagne électorale de Nicolas Sarkozy ait trop pris les dimensions d'une réhabilitation.
(8) Pour lire la page 62 de ce blog, cliquer ICI.
(9) Le fauteuil de Pétain à l'Académie restera forcément vide mais à son nom jusqu'à son décès.
un grand bonhomme
RépondreSupprimerLe connaissant très peu, le premier paragraphe de votre billet me pousse à le découvrir! merci.
RépondreSupprimerJe me souviens de ses interventions à la télé (en noir et blanc), toujours rigoureuse même si "grand public".
RépondreSupprimerJ'ai découvert Henri Guillemin en 1969, pendant mes années de jeunesse j'étais un peu fan de Napoléon (et oui on n'est jamais à l'abri d'une erreur ) au grand dam de mon père fervent anti-napoléonien, lorsque je vis le livre de Guillement : Napoléon tel quel , un petit pamphlet bien méchant, bien érudit, bien drôle, j'ai comme l'on dit retourné ma veste :-)
RépondreSupprimerun très bon souvenir