MO(T)SAIQUES 2
"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."
Milosz
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."
Milosz
lundi 10 décembre 2012
P. 205. La poésie de Jean-Claude Pirotte n'a pas de prix !
.
Jean-Claude Pirotte et la pluie sur Rethel (Mont. JEA/DR).
Jean-Claude Pirotte
- "J’écris un poème chaque jour, soit le matin tôt, soit la nuit tard. C’est une respiration pour moi, une manière de me dégager de la lourdeur de la vie quotidienne… Mes poèmes sont comme un carnet de bord."
Les dernières vendanges de Jean-Claude Pirotte sont amples, ardentes, capiteuses, charpentées, complexes et généreuses :
- 2011 : Prix Apollinaire (1)
- 2012 : Grand-Prix de poésie de l'Académie française
et
Prix Goncourt de la poésie...
L’Express
- "Le Goncourt de la poésie 2012, baptisé Robert Sabatier en l'honneur de l'écrivain et poète disparu en juin dernier, a été attribué mardi à l'auteur belge Jean-Claude Pirotte pour l'ensemble de son oeuvre, a annoncé l'Académie Goncourt.
Romancier, chroniqueur pour Lire, éditeur et poète, il a publié une cinquantaine de livres, des articles, des poèmes et des préfaces. Peintre, il a aussi illustré différents ouvrages. Parmi ses derniers livres parus figurent Un voyage en automne, Absent de Bagdad, Passage des ombres, Le Promenoir magique et autres poèmes (La Table Ronde) ou encore Expédition nocturne autour de ma cave (Stock).
(4 décembre 2012).
Jean-Claude Pirotte
- "En vérité, j'ai eu beaucoup de chance. D'abord de naître dans un milieu social qui, pour être conformiste, n'en considérait pas moins la musique ou la littérature comme autre chose que des ornements de la vie bourgeoise. Je ne m'entendais pas du tout avec mes parents, qui avaient tout de même une autre idée que la mienne de l'existence, au point que j'étais persuadé que ma place n'était pas chez eux, que j'étais une sorte d'enfant trouvé. Ils me regardaient comme un rebelle, mais j'ai très vite conquis la liberté de lire, de dessiner, de peindre, et surtout de vagabonder. Cette liberté s'est illuminée en Hollande (...). Pour simplifier, disons que ma sensibilité a trouvé là de quoi s'alimenter, et c'est ainsi que je ne suis pas devenu tout à fait un voyou. J'ai découvert là ce qui désormais me serait nécessaire, l'art et la vie dirais-je un peu pompeusement, l'art indissociable de la vie la plus quotidienne..."
Grégoire Leménager
- "Il a cavalé cinq ans pour fuir la prison (2), et écrit des dizaines de livres qui, même quand ils font semblant d'être des romans, sont d'abord des poèmes. Bravo, M. Pirotte."
(BibliObs, 4 décembre 2012).
Jean-Claude Pirotte
- "Je me sens toujours belge. Je suis un poète belge de langue française. Je rencontrais parfois Mitterrand qui venait à la même librairie que moi près de l’Odéon à Paris. Il me disait : « Vous êtes un poète français ». Je lui répondais : « Je reste belge, avec toute l’hybridation et la bâtardise que cela comporte et qui sont des qualités. La Belgique est dans la tradition des marges romaines, des pays marginaux, porteurs d’autres qualités.»
Les mots de Jean-Claude Pirotte empêchent nos naufrages d'être solitaires... (Ph. JEA/DR).
Guy Duplat
- "Jean-Claude Pirotte a une longue carrière tout entière consacrée à l’écriture et la peinture. Il est un poète, un vagabond des mots, un éternel errant (…). Désargenté, hésitant sur ses jambes, il reste toujours un poète absolu, un écrivain qui nous offre des romans-poèmes. Il a la joie d’être reconnu par les siens, ses amis des lettres (…).
Jean-Claude Pirotte sera toujours du côté des perdants magnifiques, des échoués au bord de la route."
(La Libre Belgique, 13 décembre 2011).
Jean-Claude Pirotte
- "J'ai trop besoin d'être seul pour m'écouter me plaindre comme un veau."
Dominique Viart et Bruno Vercier
- "Poète avant tout, sorte de Mac Orlan des cafés et des villes, Pirotte dit le charme des lieux sans pittoresque (3)."
(Littérature française au présent).
Jean-Claude Pirotte
- "la poésie c’est bon
pour les oisons les oiseux les oisifs
disait mon père (4) et tu ferais
mieux d’apprendre le code civil
moi j’apprenais le tango la biguine
à dire je t’aime en catalan
en croate en turc en polonais
aujourd’hui je ne dis plus jamais
je t’aime à personne en aucune
langue je suis là vieillissant
dans la bicoque du faubourg
frappée aussi d’alignement"
(Faubourg, Ed. Le temps qu’il fait, 1997, 120 p.)
Bistro de faubourg épinglé par l'abandon (Ph. JEA/DR).
Thierry Guichard
- "Lorsqu'il déménage, ou lorsqu'il part en voyage, Jean-Claude Pirotte n'emporte guère de bagages. Deux ou trois valises, au contenu mystérieux même pour lui et quelques livres qui lui collent comme un morceau de sparadrap. Lorsque c'est en automne qu'il part, Pirotte semble rester où il est : sous la pluie. Une pluie qui a au moins le privilège de masquer les larmes, d'écarter le pathos, de mettre en harmonie avec le monde (sinon la météo) celui qui cultive les idées noires comme d'autres des iris ou des oeillets."
(Le matricule des anges).
Jean-Claude Pirotte
- "parce que le dessein des vies
c’est la mort nous écoutons
les chants lointains de l’innocence
qui se mêlent aux souvenirs
et nous ne savons qui de nous
ou des enfants aux voix ravies
s’avance entre les platanes gris
vers les champs qui bordent le jour
nous allons depuis les temps
premiers jusqu’à ces bords
du ciel qui s’éloignent
jusqu’au dernier jour
qui est encore un jour
mais dans une autre vie"
(Le très vieux temps, Ed. Le temps qu’il fait, 2012, 200 p.)
Le Magazine littéraire
- "Sa profonde raison de vivre et de créer : la fréquentation de ses compagnons de comptoir et de poésie, Armen Lubin, Odilon-Jean Périer, Jacques Baron ou Max Jacob. La vie même de Pirotte est pareillement un parcours de réfractaire. Sa vraie demeure est la poésie."
(9 décembre 2011).
Jean-Claude Pirotte
- "avec ta littérature
tu as l’air de quoi, peuchère ?
tes vers c’est pour ta rature
tes os bien sûr pour la terre"
(La vallée de Misère, Ed. Le temps qu’il fait, 1987, rééd. 1997, 160 p.)
Papillon avec équerre et sans compas (Ph. JEA/DR).
Benoît Moreau
- "Jean-Claude Pirotte est ce qu'il est convenu d'appeler un auteur pour écrivains, en tout cas pour amoureux de la langue française. D'un classicisme militant, son œuvre est d'une originalité rare. Peu ont à ce point atténué la distinction entre poésie, roman, récit, journal et essai. Pirotte, peintre, a réussi à introduire l'aquarelle dans l'écriture. Une écriture dont les ingrédients semblent être d'éviter certains ingrédients. Peu d'évènements, pas de temps, ou plutôt un temps immobile. Peu de couleurs, mais toutes les teintes de gris. Beaucoup de pluie. Un refus des outrances. Parfois des comptines, des chansons, de lourdes fanfares, des plaisanteries grinçantes … puis un chant tout simple qui vous touche au plus profond."
(Poezibao, 22 avril 2008).
Jean-Claude Pirotte
- "Voici ce que je pense :
le noir est ma lumière
et l’ombre ma distance.
...
La vie n'a pas de fin, même si le monde et la littérature agonisent.
Ce n'est pas la fin du monde
comment exprimer la fin
de ce qui n'existe pas
nous séjournons dans le songe
le cauchemar et le sommeil
nous séjournons dans la vie
qui n'est jamais la vie
mais un vide au coeur du temps
un désert empli d'espace
mais d'un espace désert
nous séjournons loin de nous
pour être en pleine lumière."
(Autres séjours, Ed. Le temps qu’il fait, 2010, 189 p.)
Hypothesarts
- "S'agissant de l'inépuisable artiste anticonformiste Jean-Claude Pirotte, sa poésie ne change pas la vie, mais elle l'échange, la transpose comme puissance de vivre.
Avec plus de cinquante ans de déambulations poétiques, ses paroles buissonnières, de la pluie des jours et des gens, se labourent..."
(Exposition à la Maison de la Culture de Marche-en-Famenne, avril 2012).
Jean-Claude Pirotte
- "si c'était mon dernier voyage
avec la mer et le grand âge
dans ma besace de très vieux
colporteur aimé des nuages
la douce mer dans la bouteille
et le grand âge au fond des poches
le regard sous le chapeau cloche
qui me rapproche du ciel"
(Passage des ombres, La Table Ronde, 2008).
La Mouréale (Ph. JEA/DR).
NOTES
(1) Lire la P. 91 de ce blog : "Levons nos verres à la santé de J-C Pirotte".
(2) Avocat au barreau de Namur (sa ville natale), Jean-Claude Pirotte fut soupçonné d'avoir voulu favoriser l'évasion de l'un de ses clients. Accusation qu'il a toujours réfutée avec la dernière des énergies. Pour échapper à la justice belge, il entama une cavale de cinq années et qui débuta dans les Ardennes de France, à Rethel.
Sur d'autres pages et d'autres blogs, j'ai décrit comment et pourquoi il me tint à coeur de marcher ça et là sur ses traces. Même en tant que conseiller à la prison de Namur... Le temps de créer un Service laïque d'aide aux justiciables.
(3) Malaisé de partager une telle affirmation. Du moins si l'on a parcouru et même habité aussi dans les Ardennes de France. Si l'on a arraché une pierre à la Vallée de Misère afin qu'elle porte la mémoire de persécutés raciaux. Si l'on a suivi les ombres et vidé les verres de lumière de Jean-Claude Pirotte le long de la Meuse naissante, dans les Montagnes Noires ou encore sur le Mont Afrique...
(4) Durant deux années du secondaire, le père de Jean-Claude Pirotte fut mon premier professeur d'une discipline pour laquelle il devint ensuite mon premier inspecteur...
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merci, tant, pour les poèmes intercalés (et les photos)
RépondreSupprimermerci pour les poèmes que je ne connaissais pas du tout
RépondreSupprimermerci pour les poèmes que je ne connaissais pas du tout
RépondreSupprimerUn grand merci pour cette découverte qui, ce matin, me fait prendre conscience des "bords du ciel".
RépondreSupprimerAvec Robert Marteau, JC Pirotte est dans ma bibliothèque depuis longtemps et c'est un des poètes auprès de qui il fait bon se réfugier
RépondreSupprimerSous le chapeau, glisser legèrement un papillon et quelques feuilles colorées.
RépondreSupprimerMerci JEA, lire et relire ses poèmes est, non pas sortir du quotidien je trouve, mais le vivre en fantaisie.
Superbes vos photos, superbes.
Un écrivain que tu m'as fait découvrir et un prix mérité.
RépondreSupprimerMerci pour les songes partagés,
RépondreSupprimerles commentaires
et les photos poèmes.
Bonne journée, JEA.
SAINTE-ANNE
Je vis seul vous l'avez compris
dans ce deux-pièces dont j'ignore
si je pourrai payer le terme
demain (le vent soudain s'aigrit
ce fichu coiffeur du dimanche
arrache les cheveux cuivrés
du seul arbre du voisinage
et nous nous regardons navrés)
des musiques foraines graissent
le ciel bas menacé d'orage
une voix par un microphone
racole peut-être des anges
ayant piqué dedans un vase
ébréché des fleurs inconnues
j'attends l'Ange qui doit venir
des hauts de Meuse où j'ai vécu
Jean-Claude Pirotte
(F. Dannemark, "Ici on parle flamand & français", Le Castor astral, 2005)
Quelle ringardise... Typiquement charentaise !
RépondreSupprimerPhotos papillonnant parmi ces écrits... le mariage est réussi !
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