MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 14 mai 2012

P. 144. "Le Chemin noir", film d'Abdallah Badis

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Synopsis


- "De la campagne paisible aux paysages sidérurgiques sinistrés de Lorraine, sur la trace d’un passé enfoui, le chemin noir traverse la France d’aujourd’hui et celle d’hier, entre documentaire et fiction. A travers un destin individuel s’y raconte une histoire collective, celle de l’immigration algérienne en France. Aux sons du jazzman Archie Shepp, l'enfance du réalisateur renaît et avec elle son cortège de fantômes : les vieux Arabes invisibles, le métal en fusion et l'usine disparue."

Abdallah Badis

- "Le film parle du passage d’un monde à un autre monde… Les choses disparaissent, mais heureusement les hommes restent. J’allais à la recherche de l’histoire de mon père."

Son blog ? Cliquer : ICI.

Olivier Seguret

- "En principe, tout film devrait pouvoir répondre à cette question, posée à son metteur en scène : pourquoi filmez-vous ? Mais dans la réalité, de nombreux films ne donnent aucune idée de ce qui profondément les motive, aucun indice sur leur nécessité réelle. Avec le Chemin noir, c’est l’inverse. Le film anticipe d’emblée toutes les questions ayant trait à son existence et semble exprimer par tous ses plans la vérité profonde d’un cinéaste nous confessant «pourquoi je filme». Abdallah Badis filme pour sauver sa peau, son âme, son honneur d’humain. Son Chemin noir est un documentaire personnel et poétique, qui s’en va sillonner la Lorraine fantôme de la houille, de la sidérurgie et des hauts fourneaux, en cherchant sur ces terres d’abandon et de friche la trace de ceux qui, autrefois, vivaient et travaillaient là."
(Libération, 8 mai 2012).


Encore et toujours un travail de mémoire... (DR).

Olivier De Bruyn

- "Pour son premier long-métrage, Abdallah Badis, qui fut ouvrier aciériste en Lorraine avant de travailler pour le théâtre et le cinéma (entre autres avec René Allio et Jean-Pierre Limosin), échappe aux conventions et prend des risques. Dans ce documentaire d'une grande liberté formelle, qui flirte parfois avec la fiction, le cinéaste refuse les discours convenus sur l'immigration, l'"identité nationale" et invite à un voyage impressionniste où, en évoquant sa propre mémoire, il rend compte du destin collectif d'une communauté et d'une région frappées de plein fouet par les "restructurations".
(Le Point, 8 mai 2012).

Isabelle Leroy

- "Noir de suie et de charbon, ou bien noir d’une nuit d’encre et de contes, Le Chemin noir qu’emprunte Abdallah Badis dans son premier long-métrage évite habilement les ornières du film social ou du débat identitaire. Fruit de dix ans d’écriture, de rencontres, de galères et de recherche de financements, ce road-movie dans les contrées de l’enfance du cinéaste, entre l’Algérie fantomatique et les vallées industrielles de Lorraine, emprunte à la fable plutôt qu’au pamphlet. De forêts enchantées en cimetières d’usines, Abdallah Badis compose un paysage mémoriel où se côtoient une histoire franco-algérienne des Trente Glorieuses et les mille et une vies des ouvriers immigrés qui en furent les acteurs anonymes."
(Critikat.com).

Isabelle Regnier


- "Sans verser dans le misérabilisme ni dans le ressentiment, sans rien occulter non plus de la dureté, de la violence de ce qu'a vécu cette communauté d'ouvriers métallurgistes immigrés en Lorraine, l'auteur ravive sa mémoire en mettant en scène l'intranquillité qui l'habite. Cette intranquillité est le lot des déracinés, mais elle est aussi celui de quiconque reconnaît cette coupure irréparable si étrange entre un enfant qui a été, puis a cessé d'exister, et l'adulte dans lequel il s'est transformé.
La beauté du film tient à la manière, poétique, qu'il a d'entrelarder l'intime et l'universel. En faisant résonner l'expérience individuelle de l'auteur avec celle des personnages qu'il rencontre, et en investissant le destin spécifique de cette communauté d'une portée bien plus universelle encore."
(Le Monde, 8 mai 2012).


Le cimetière des éléphants de la sidérurgie... (DR).

Jean-Christophe Ferrari


- "La Lorraine: sa campagne ensommeillée, ses paysages sidérurgiques éventrés. Le long du chemin noir – morceau de voie ferrée qu’empruntaient autrefois les ouvriers pour se rendre de la cité ouvrière à l’usine – se sont accumulés les vestiges charbonneux de l’histoire de l’immigration algérienne en France. Cette histoire, Abdallah Badis la raconte à travers son destin personnel. Celui d’un fils de mineur, mineur lui-même avant de devenir cinéaste. Au son du jazz d’Archie Shepp, l’enfance du réalisateur renaît autour d’un objet totémique: une 404 à l’abandon, Alors que des ouvriers à la retraite s’emploient à la réparer, l’Histoire et ses histoires émergent."
(evene.fr, 7 mai 2012).

Josselin Naszalyi

- "Le lien avec le pays d’origine – l’Algérie – soutient comme un fil tendu tout au long du film cette ouverture sur l’intimité du réalisateur (très présent à l’image) et l’éclatement de ses liens familiaux. C’est lui qui va nourrir les conversations impromptues survenant autour d’une vieille 404 à réparer, où chacun, retroussant ses manches, en ira à la fois de ses conseils et de son histoire personnelle. Avec les mots se trouve convoquée la cohorte de fantômes d’un passé douloureux : immigration, précarité affective et sociale, travail à la mine ou dans les zones sidérurgiques de Lorraine. On raconte un éloignement dans l’espace (relation parfois contrariée au pays d’origine et à ceux qui s’y trouvent toujours) et dans le temps (la mine ainsi que les usines, où se sont épuisés nombre de travailleurs immigrés, sont désormais fermées). Mais on se rapproche également autour de la possible élaboration d’une Histoire partagée. La mise en œuvre de ce processus sous des atours pour le moins minimalistes mais avec une efficacité redoutable fait tout le prix du film. C’est également ce qui lui permet de s’extraire du tout-venant devenant lassant de documentaires familiaux ou autobiographiques qui tendent à vouloir faire du cinéma l’archive éclatée d’une multitude de mois sans réel travail d’écriture."
(Il était une fois le cinéma).

Olivier Barlet

- "Les corps du Chemin noir, ce sont ceux des manœuvres algériens de la sidérurgie dont le réalisateur est issu, ceux de ces retraités qui regardent leur reste de vie passer, se demandant où ils seront enterrés. Le réalisateur a passé 25 jours à l'arrière de leur foyer, où ils passent leur temps ! Car leur parole n'est pas immédiate. Mais quand elle fuse, dans une impressionnante maturité et clarté, ce sont des moments de grâce comme nous en offre rarement le cinéma ! Le prétexte du contact était la réparation d'une 404 Peugeot, qui donne sa cohérence au film. Car la mémoire est un long geste de réparation, alors même que la relation entre la France et l'Algérie reste très déchirée. Mais sur quoi appuyer cette mémoire alors que les usines sont en ruines ou ont disparu, remplacées par un parc d'attraction ? Attentif mais impassible comme un Elia Suleiman, Abdallah Badis illustre avec Archie Shepp sa mélancolie sans jamais tomber dans la nostalgie."
(africultures, 1 septembre 2010).

Bande annonce :




Autres films projetés dans le cinéma rural de ce blog ? Cliquer : ICI.


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20 commentaires:

  1. vous et mes tentations de reprendre chemin des cinémas

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    1. j'avais déjà proposé à Zoé de créer une imprimerie-coopérative
      nous pourrions imaginer un ciné-club sans frontières ?

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  2. Un thème intéressant que ce voyage dans le temps au pays d'un autre.

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    1. on ne sait plus qui tient le miroir ni quel miroir...

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  3. Dureté du travail mais surtout intranquillité des déracinés...poésie; je m'inscris à la proposition de ciné-club sans frontières!

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    1. un ciné-club échappant à qui tient des discours pour rétablir les frontières...

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  4. Les richesses de l'empathie. Merci JEA.

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    1. très peu après 81, j'avais suivi la radio libre émettant depuis cette "Lorraine coeur d'acier" et suivi un ami documentaliste tournant en temps réel l'agonie de ce pays défiguré...
      à la même époque, je filmais la fin de pans entiers de l'industrie wallonne (y compris la fermeture du dernier charbonnage : le Roton)
      c'était le frêle espoir de laisser aussi des traces de l'histoire ouvrière

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  5. J'espère qu'il passera près de chez moi!

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    1. N'étant pas exactement le genre de cinéma pour lequel se bousculent les circuits de distribution ni les directions de salle, force est de constater que ce film est uniquement projeté à :
      Metz
      Paris
      Strasbourg
      et Thionville...

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  6. Germinal n'est pas si loin, j'avais intitulé comme ça le billet sur un livre de Jean Paul Wenzel qui donnait la parole aux mineurs venus d'Algérie et travaillant en Lorraine, ce livre m'avait profondément touchée et ce film semble de la même eau, je le retiens mais je ne l'ai pas vu à l'affiche à Lyon, je l'ai peut être raté

    le billet : http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2011/02/06/tout-un-homme-jean-paul-wenzel.html

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  7. chère Dominique

    ce ne sont pas un ou deux liens avec vos billets qui peuvent suffire
    mais quasi un lien permanent
    tant votre blog représente une belle république des livres, dans leurs diversités, leurs libertés

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  8. On va peut-être enfin emprunter un chemin moins noir...

    Dans le prochain gouvernement, il y aurait même un ministère de la "Réindustrialisation" (avec Arnaud Montebourg, d'après "Le Canard enchaîné" de ce jour).

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    1. et un ministère des revanches pour mauvais joueurs avec Martine Aubry ?

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    2. je viens de recevoir Télérama : 1 seul ciné à Paris!

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    3. reste à marquer sa solidarité avec le réalisateur via son blog...

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  9. Voilà qui parle aussi en Wallonie, où les sidérurgistes qui survivent partagent cette intranquillité. La désindustrialisation ne connaît pas les frontières.

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    1. quand j'ai filmé la fermeture du Roton, dernier charbonnage en Wallonie
      j'ai rencontré un problème majeur avec... les mineurs
      tous étaient des immigrés turcs, sans exception
      et peu avaient eu le temps d'apprendre un peu le français...
      dans 20 ans, le fils de l'un de ces mineurs, réalisera peut-être à son tour un film de mémoire...

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  10. En Flandre aussi, il y a toujours eu une grande communauté de Turcs ouvriers. Ils s'adaptent vaille que vaille, habitent dans des quartiers bien précis des villes mais trouvent du boulot (celui que les belges ne font plus).
    Encore un film à voir, s'il passe à Bruxelles...

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    1. vous avez tellement bien raison qu'au Roton, non seulement tous les mineurs étaient Turcs mais enore en majorité conduits tous les jours en cars de Flandre à ce dernier charbonnage de Wallonie...

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