Affiche du film de Jean-Charles Hue (DR).
Quand les Yéniches roulent en 24 images/seconde...
Synopsis :
- "Chez les Yéniches, communauté de gens du voyage, le respect des aînés et la ferveur religieuse côtoient indifféremment le vandalisme. Fred Dorkel est l'un d'entre eux : craint et estimé par les siens, il vit du vol de voitures. Une nuit, sa vie bascule : un ange lui apparait. Pour Fred, c'est le signe d'une seconde chance qu'il doit saisir. Il décide de se ranger, mais ce choix va l'opposer à sa famille..."
Didier Péron :
- "Souvent assimilés en tant que gens du voyage aux Roms, les Yéniches constituent pourtant une communauté à part entière faisant l’objet de spéculations sur leur origine exacte. Contrairement aux Roms, qui viennent d’Inde, les Yéniches sont d’ascendance européenne. Celtes, commerçants juifs itinérants, mélange de paysans et mercenaires en fuite au XVIIe siècle lors de la guerre de Trente Ans , les conjectures généalogiques se poursuivent. Ils sont en tout cas peu étudiés, bien que relativement nombreux en France (ils seraient 400 000 environ).
Jean-Charles Hue, né en 1968, plasticien et vidéaste, issu d’une famille tzigane serbe, a réussi à se faire accepter en observateur et ami par un groupe de Yéniches installé à Beauvais, et en particulier par la famille Dorkel. Il les filme depuis sept ans. Notamment dans le docu Un ange, il racontait comment Fred Dorkel, voleur et fêtard, est un jour visité par un ange qui l’impressionne par son calme et son irradiante bonté. Fred décide alors de changer de vie et de s’amender, bien que ce choix le confronte soudain à l’angoisse d’une existence à entièrement repenser. La BM du seigneur reprend cette matière biographique pour la re-raconter en articulant d’un œil neuf et dans le temps du long métrage documentaire et fiction."
(Libération, 26 janvier 2011).
Jacques Mandelbaum :
- "Certains films tiennent du funambulisme. Ce faisant, ils invitent les spectateurs à l'assouplissement, au délié, parfois au grand écart. Deuxième long-métrage d'un vidéaste inconnu dans le circuit cinématographique, La BM du Seigneur a ce culot. Pour donner un ordre d'idée, il fait entrer en collision Martin Scorsese (le genre, la confrontation au mal, la famille, la quête de rédemption) et Jean Rouch (la fiction documentée, la mise en scène partagée, la décolonisation de l'imaginaire). On reproche assez souvent au cinéma français de traverser dans les clous pour accueillir favorablement une telle embardée.
…
Dans un pays où l'humiliation des humbles se donne de nouveau libre cours, Jean-Charles Hue a transformé des pestiférés en héros mythologiques."
(Le Monde, 27 janvier 2011).
Jacques Morice :
- "C'est brûlant et brutal, ça déborde de vie. Du documentaire ? Plutôt des fragments coupants de fiction, du cinéma trafiqué avec les moyens du bord. Sans ascendance, sinon peut-être du côté de Richard Billingham, ce photographe anglais montrant sa famille de prolos déjantés sous une lumière à la fois crue et carnavalesque. Le réalisateur, Jean-Charles Hue, a des cousins parmi ces Gitans. Il a passé du temps à leurs côtés, a gagné leur confiance pour qu'ils acceptent de jouer cet étrange jeu : une variante de leur quotidien, intensifiée par une mise en scène pleine d'empathie. Ce sont des histoires d'embrouilles, de bagarres, de salut grâce à Jésus. Ça tchatche sans arrêt, entre jurons et incantations, devant la téloche ou autour d'un barbecue. Ça s'invective, ça mitraille du « mon frère, mon pote » à toutes les sauces. Un univers primitif et très stylisé, où tout paraît plus vrai que nature, la rage comme l'espérance."
(Télérama, 29 janvier 2011).
Florence Maillard :
- "On pourrait regretter le caractère troué, lâche, du film, ses moments de flottement, ou le cheminement finalement trop bref aux côtés de Fred. Mais, au regard de tout ce qu'il tente, La BM du seigneur se reconnaît comme un film rare. Tout ce qui est filmé se trouve rendu à une singulière présence - chose, homme, bête, action, conflit moral - comme si la caméra décollait un film qui l'entoure : le mythe, c'est ce qui est déjà là."
(Les Cahiers du cinéma).
Jacky Goldberg :
- "Distincts des Roms mais également marginalisés, les Yéniches n’appartiennent pas à la “communauté nationale”, ne cherchent pas spécialement à s’intégrer et parlent une langue certes française, mais brute, (...)
La grande intelligence de Jean-Charles Hue est de ne pas écrire leur histoire à leur place, de ne pas chercher à leur “redonner une dignité” (qu’ils n’ont jamais perdue) ou à briser artificiellement les clichés (ils volent des BM, un point c’est tout). Tissant sur un canevas documentaire des scènes de fiction rejouées à l’identique par leurs propres protagonistes, il trouve avec eux une forme de représentation adéquate. Ce faisant, il formule un nouveau “partage du sensible”, concept cher à Jacques Rancière, où les Yéniches, ni victimes ni héros, se voient accéder à la mythologie. (...)
C’est ainsi que ce film à la beauté incandescente parvient à réaffirmer l’appartenance des Yéniches à la communauté des hommes, sans pour autant nier leur altérité. Un film assurément important."
(Les Inroks).
Mathieu Macheret :
- "Le film fonce tête baissée et rencontre pas mal d’obstacles sur son passage. Les séquences sont souvent montées par-dessus la jambe. Certains plans poussent comme des champignons sur la trame du film, dont la réalisation varie du très soigné à l’approximatif. Le souffle épique côtoie le souffle court. Tout cela brinquebale, chavire, menace de s’écrouler, puis non, tient la barre coûte que coûte contre vents et marées et vogue au petit bonheur. Peu importe. Rien ne sert de faire le décompte des fautes du film. Ce serait prendre le cinéma pour une grammaire – beurk ! Ce serait, surtout, passer à côté de l’essentiel. La force avec laquelle Jean-Charles Hue impose ces nouvelles gueules burinées au centre de l’écran français. La langue-coup-de-fouet des « rabouins », avec ses « raclis », sa « chourave », ses « ma couille » et ses « mon cousin », incarnée avec une précision remarquable (on sent que ce ne sont pas des dialogues écrits pour « faire vrai »). Enfin, cette audace qui n’a pas de prix : prendre les récits des personnages au sérieux et les intégrer à la narration du film, sans rien transiger sur les difficultés qu’ils imposent. Ainsi, Jean-Charles Hue réalise une coupe précieuse et irremplaçable sur l’imaginaire Yéniche, qui se décrit à mesure qu’il se mythifie, qui se fixe à mesure qu’il s’extrait du réel. Un pari risqué et largement tenu."
(Critikat).
Fabianny Deschamps et Philippe Hernandez :
- "Un film profond, à la dramaturgie impeccable, formidablement (re)joué par ses protagonistes formidablement dirigés, et sollicitant en permanence nos réflexions sur l’humanité autant que sur le cinéma. C’est un film salutaire car dérangeant, aux accents résolument libertaires, loin de toute démagogie et de tout hygiénisme moral. C’est une histoire de passion, un moderne western, une grande réussite."
(ACID).
faudrait vraiment que je retourne au cinéma
RépondreSupprimerIl y a tellement de critiques reproduites que l'on a l'impression d'avoir déjà vu le film : je les ai donc, par précaution, survolées !
RépondreSupprimer@ brigetoun
RépondreSupprimerGodard :
- "Le cinéma fabrique des souvenirs et la télévision, de l'oubli."
@ Dominique Hasselmann
RépondreSupprimerVol au-dessus d'un nid de critiques...
"Yéniches", voilà un mot nouveau pour moi. Aussi surprenant que le titre du film !
RépondreSupprimer@ Tania
RépondreSupprimerEt quel fut le sort de ces Yéniches sous les nazis et Vichy ? La question ne me lâche pas les sabots depuis la préparation de cette page.
Comme Tania je découvre le nom des Yéniches et j'ai trouvé ce titre dont il faudrait voir la part consacrée aux Yéniches.
RépondreSupprimerhttp://www.revue-interrogations.org/article.php?article=206
Concernant la France, je n'ai rien trouvé. J'interrogerai une amie historienne, Sylvaine Lorinet, qui a fait un travail de recherche et fait des conférences à propos d'un camp d'internement des Tsiganes dans les Hautes-Pyrénées pendant la Seconde Guerre Mondiale.
@ Michèle
RépondreSupprimerLes recherches et travaux portant sur la persécution des Tziganes en France, ne mentionnent pas les Yéniches ès qualité.
Ont-ils été "assimilés" ? Ou les nazis et Vichy leur ont-ils réservé un "traitement" spécifique et non étudié jusqu'ici ?
Les Yéniches ont été pourchassés par des saigneurs aussi ( le terme n'existe pas , je sais ) :)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas non plus les Yéniches ...
Un film que j'ai vraiment envie d'aller voir ...
@ MARIE
RépondreSupprimerAucun risque qu'il soit projeté par ici...
Raison de plus pour lui ouvrir cette page.
Une expo à Lyon il y a quelques mois sur les Roms m'avaient passionnée tant elle interpellait le spectateur, il n'était pas question des Yéniches mais l'empathie manifeste du réalisateur de ce film donne très envie de le voir
RépondreSupprimer@ Dominique
RépondreSupprimerPour les Roms, il y a Gatlif comme porte-caméra...
Hue qui n'est pas de la communauté des Yéniches, semble leur avoir ouvert les voûtes célestes du 7e art...