MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

lundi 18 mars 2013

P. 235. 16 Mars 1945 : après un mois, fin des combats à Iwo Jima. 27.000 morts sur 22 km2


.

Kumiko Kakahashi,
Lettres d'Iwo Jima,
Ed. les arènes, 2011, 239 p.


4e de couverture

- "Ils devaient tenir cinq jours...Ils se sont battus pendant plus d’un mois. Jusqu’au dernier.
En février 1945, l'armée américaine lance l'assaut d'Iwo Jima. Cette île désertique de 22 km2 est un objectif prioritaire, le dernier verrou avant Tokyo. 20 000 soldats japonais les attendent, enterrés. Ils savent qu'ils n'auront aucun soutien de l'arrière. Leur mission : tenir le plus longtemps possible. A leur tête, le général Kuribayashi, chef charismatique et atypique, humaniste, parlant couramment l'anglais. Face à eux, 80 000 Marines américains. Leur héroïsme restera dans l'Histoire. De nombreuses lettres ont été découvertes, longtemps après la fin des combats, enterrées dans les abris et les tunnels. Elles donnent un visage et une voix, souvent bouleversante, à ces combattants sacrifiés. Couronné par le prix le plus prestigieux du Japon, ce livre nous révèle un pan inconnu de la guerre du Pacifique."

Cultura

- "Le livre de Kumiko Kakehashi arrive enfin en France après avoir été un best seller au Japon, aux Etats-Unis et ailleurs.
Il s’agit d’un ouvrage retraçant les préparatifs et le déroulement de la bataille d’Iwo Jima (…) vue par les Japonais.
Plusieurs lettres sont présentées notamment celles du général Kuribayashi qui avait la garde de l’îlot d’Iwo Jima. Elles rapportent les rudes conditions de vie des soldats nippons, le manque de matériel, leur résistance héroïque, leurs critiques envers les stratégies et l’espoir pour leurs familles.
Le général Kuribayashi apparaît comme l’homme providentiel qui peut, grâce à sa bonne connaissance des Etats-Unis, casser la dynamique guerrière américaine. Lucide sur la situation désespérée, il réorganise la défense de l’îlot, dernier verrou de protection de la baie de Yokohama et de Tôkyô, en construisant des tunnels, en dissimulant son matériel de guerre et surtout en allant à l’encontre des schémas militaires classiques utilisés habituellement dans les îles.
Il permit, en transformant ses hommes de bushi en guérilleros, de tenir plusieurs semaines en infligeant de lourdes pertes aux marines US.
Kuribayashi accepte le sacrifice et ses lettres ont une tonalité bouleversante.
Grâce à ces témoignages, ce livre apporte une image plus intimiste et réaliste du soldat japonais dans cette bataille stratégique de la Guerre du Pacifique."
(28 mars 2011).



Clint Eastwood

- "Lettres d'Iwo Jima en est témoin : je voulais découvrir une autre culture, une autre façon de penser.
C'est à partir des 41 lettres écrites par le général Kuribayashi que s'est construit le scénario."

Synopsis

- "En 1945, les armées américaine et japonaise s'affrontèrent sur l'île d'Iwo Jima. Quelques décennies plus tard, des centaines de lettres furent extraites de cette terre aride, permettant enfin de donner un nom, un visage, une voix à ces hommes ainsi qu'à leur extraordinaire commandant.
Les soldats japonais qu'on envoyait à Iwo Jima savaient que leurs chances de survie étaient quasi nulles. Animé d'une volonté implacable, leur chef, le général Kuribayashi, exploita ingénieusement la nature du terrain, transformant ainsi la défaite éclair annoncée en 40 jours d'héroïques combats.
De nombreux soldats américains et japonais ont perdu la vie à Iwo Jima. Leur sang s'est depuis longtemps perdu dans les profondeurs du sable noir, mais leurs sacrifices, leur courage et leur compassion ont survécu dans ces Lettres."

Jean-Luc Lacuve

- "Fait sur l'initiative de Clint Eastwood qui a su convaincre Spielberg, son producteur, Lettres d'Iwo Jima constitue un diptyque avec Mémoires de nos pères. Il est censé être le point de vu japonais sur la guerre alors que le premier film était celui du point de vue américain.
L'initiative séduit. Les deux premiers plans où la caméra s'élève depuis la plage jusqu'au mont Surabachi puis du bas de la stèle du monument aux morts jusqu'à son sommet qui découvre l'île en contrebas semblent bien vouloir exprimer le désir de Eastwood de prendre de la hauteur et de rendre hommage aux combattants qui, d'un côté comme de l'autre, ont fait le sacrifice ultime pour défendre leur patrie.
Complémentaires dans leur projet humaniste, les deux films sont très différents dans leur approche. Le premier traite des séquelles de la guerre dans la mémoire collective américaine et le second de l'esprit de sacrifice des Japonais."
(Ciné-club Caen, 22 février 2007).

Pierre Langlais

- "Iwo Jima, ce seul bout de terre brûlé où vinrent mourir près de sept mille soldats américains et plus de vingt mille Japonais (…).
Pas de flash-back ou presque ici, mais un récit d’une grande simplicité : le combat de quelques milliers de Japonais sous-équipés, derniers "remparts" impuissants face à la progression des troupes américaines, pour défendre une île inutile devenue symbole de la fierté nationale. Pour illustrer son propos, Eastwood a choisi (…) une poignée de héros à part, qui justement refusent de se fondre dans la masse des soldats, de suivre ce que la "morale", quelle qu’elle soit, implique en temps de guerre. Côté américain, la désillusion et le refus de devenir des héros portaient ce propos. Côté japonais, c’est l’humanisme, la douceur, l’intelligence des personnages principaux qui frappent. Il y a bien là quelques soldats belliqueux, caricaturaux du "kamikaze" japonais, mais ils sont en seconde ligne."
(à voir à lire, 2007).

(DR).

Zéro de conduite

- "Lettres d’Iwo Jima privilégie une approche clairement humaniste en superposant au cliché du kamikaze japonais les peurs, les doutes, les affects des combattants qu’il met en scène. Deux beaux personnages se détachent ainsi du théâtre d’ombres que fut de la bataille souterraine du Mont Suribachi, et remettent en cause le cliché du fanatique décidé à mourir dans l’honneur : le général Kuribayashi, américanophile convaincu qui se servira de ses connaissances pour infliger le maximum de pertes à l’ennemi, et le simple soldat Saigo, survivant obstinément pour retrouver sa femme et l’enfant qu’il n’a pas vu naître."
(21 février 2008).

Dominique Borde

- "Dans les tons gris et une lumière ténébreuse où la couleur n'est plus qu'un noir et blanc jalonné de taches polychromes, les soldats attendent l'ennemi qui sera là, sachant que leur présence ne sera qu'un symbole, leur combat un sacrifice. Si l'attente n'est pas vaine, le résultat est inutile, donc héroïque. C'est un peu Le Désert des Tartares à l'envers que raconte Clint Eastwood. Des bombardements exterminateurs au général exemplaire Kuribayashi, à la fois rigoureux, intègre et humain, l'armée japonaise isolée sur son île n'est qu'une poignée d'hommes venus de partout qui attendent le sacrifice ou choisissent de se faire seppuku à la grenade.
Avec une lenteur et une précision documentaire, le film fait partager ces derniers moments qui séparent le soldat en mission du combattant mort au champ d'honneur. Pour qui ? Pourquoi ? Pour la patrie et pour l'honneur. Sans justifier ou expliquer, Eastwood démontre d'une façon sobre et remarquable la noble absurdité des combats en nous jetant au milieu de ces soldats perdus qui se rappellent leurs vies civiles et leur vie tout court avant l'apocalypse."
(Le Figaro).

Amélie Dubois

- "On assiste ici à un accompagnement dans la mort d’une rare intensité à travers les différentes manières qu’ont les soldats de voir venir la fin, de l’anticiper (notamment dans une terrifiante scène de hara-kiri), de la côtoyer, de la duper aussi, tel cet homme qui s’allonge parmi les cadavres et tente de tromper l’ennemi en se faisant passer pour mort. Cette attente, à ciel ouvert, où la vie et la mort sont tellement proches qu’elles finissent par se confondre à l’image, constitue l’un des autres moments forts du film. Ce sont les lettres des soldats japonais, enterrées dans une galerie souterraine et récemment retrouvées, qui amorcent le flashback. Comme des voix spectrales sorties de la terre, les mots de ces hommes hantent l’image, et sans doute le film a-t-il pour visée première de leur donner une sépulture qui leur assurerait enfin le repos : un espace de reconnaissance qui n’a pas grand-chose à voir avec les honneurs nationaux mais juste avec le fait d’avoir vécu – peu importe comment – l’horreur de cette situation non pas en tant que soldat mais en tant qu’être humain."
(les inRocKs, 1 janvier 2007).

Iwo Jima : carte d'état-major américaine (Doc. JEA/DR).

Alain Spira

- "Eastwood se place du côté nippon, comme Sam Peckinpah l'avait fait dans « Croix de fer » avec les Allemands. Pour résister aux Américains, supérieurs en nombre, le général japonais avait enterré ses troupes dans des tunnels. Sans ménagement, Eastwood nous plonge dans le quotidien de ces soldats d'infortune transformés en troglodytes. Décimés, acculés, beaucoup se suicideront (…).
L'unité de lieu, la photographie décolorée à la limite du noir et blanc, l'atrocité des combats, l'héroïsme pathétique des belligérants donnent à cet hommage aux victimes oubliées de cette bataille dérisoire une grandeur saisissante."
(Paris Match, 3 mars 2007).

Antoine Legond

- "Les événements dont la petite île nippone fut le témoin ont une intensité dramatique largement suffisante pour tenir un spectateur en alerte pendant les deux heures vingt-deux que dure le film, et lui transmettre une émotion mêlée de tension, d’horreur et parfois même d’humour... Les stratégies militaires sont passionnantes, les destins personnels comme collectifs, impressionnants, les épisodes se succèdent et fascinent. D’autre part, si on a filtré les défauts du premier volet, on en a gardé les indéniables qualités formelles : le réalisme impressionnant, exceptionnel, des images et des situations, ainsi qu’une maîtrise absolue de la mise en scène et de la narration par ce grand réalisateur qu’est devenu, petit à petit, l’acteur Clint Eastwood."
(Critikat).

Florence Colombani

- "Il y a, bien sûr, de nombreuses scènes de combats dans Lettres d’Iwo Jima. Des scènes spectaculaires, filmées par Eastwood avec sa virtuosité coutumière. Mais la grandeur du film est du côté de l’intime, dans la sobriété du style, les teintes sourdes de l’image, presque du noir et blanc. Elle est surtout dans la démarche, identique à celle du film précédent. Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima composent en fait un diptyque poignant, comme un hommage au soldat inconnu. Celui qu’un Etat tout-puissant met en demeure de sacrifier son bonheur individuel à l’intérêt collectif (...). Et l’on admire la générosité d’un grand cinéaste qui, au soir de sa vie, exalte avec tant de beauté cet héroïsme involontaire et anonyme."
(Le Point, 22 février 2007).




NB : Autre tragédie, plus loin dans le temps : le blog "voix de l'oubli" remonte au 16 mars 1244 et la fin du siège de Montségur. Cliquer : ICI.

.

22 commentaires:

  1. a été critiqué - moi, l'ai beaucoup aimé

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ce partage ; en effet retrouver et consulter ce type de lettres doit être plus qu'émouvant...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. c'est parfois incroyable de voir comment des lettres peuvent traverser les pires sinistres (autre exemple, celles retrouvées à Auschwitz) et laisser ainsi des traces déchiffrables là où tout devait disparaître...

      Supprimer
  3. Un film qui m'a marqué et beaucoup plu.
    En le voyant j'ai repensé au film de Chris Marker dont le titre m'échappe sur ces coréens qui préfèrent le suicide à l'arrivée des japonais
    La guerre est une folie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. là, je patauge
      ma connaissance ultra limitée s'arrête à ce lien entre Chris Marker et les Coréennes en particulier :
      en 1958, une délégation d'intellectuels français de gauche se rend en Corée du Nord
      Marker y réalise des photos qui seront rassemblées dans son livre : "Les Coréennes"
      il en tirera un documentaire (donc pas dans le contexte de la guerre impliquant les Japonais mais dans celui postérieur du conflit entre les deux Corées)
      mais il n'est pas le seul cinéaste (débutant) de la délégation
      participe au voyage Jean-Claude Bonnardot (qui s'illustrera plus tard dans des séries policières pour la tv)
      avec notamment la participation de Gatti, il en résulte un film de fiction, le premier franco-nord coréen
      un épisode du récent conflit entre Coréens, est donc tourné sur place : "Moranbong", lequel sera aussitôt censuré sur la France et pour des dizaines d'années
      enfin, il semble que le seul chanteur du voyage, Francis Lemarque, ait lui aussi rapporté une sorte de reportage cinéma de ce voyage
      mais si je ne trahis pas votre commentaire, vous semblez plutôt évoquer les "femmes de réconfort"
      ces 80.000 à 100.000 Coréennes, lesquelles furent mises en esclavage sexuel au "profit" des soldats de l'Empire du soleil levant
      un sujet quasi toujours tabou aujourd'hui encore au Japon
      personnellement, je n'ai jamais rien visionné sur ce sujet
      il a d'abord été sorti de l'obscurité par des témoignages écrits, des recherches puis effectivement quelques films (documentaires ou même feuilletons peut-on lire sur l'un ou l'autre blog) dont j'ignore tout à commencer par la place qu'y aurait assuré Marker

      Supprimer
  4. Merci une fois encore. Je le lirai, sans nul doute !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. à lire régulièrement votre blog, ce recueil de lettres devrait répondre à vos attentes (en croisant les doigts pour qu'il ne vous déçoive pas)...

      Supprimer
  5. Cela m'a rappelé que je n'ai toujours pas vu ce film de Clint Eastwood - qui a fini par retrouver ses esprits après son épisode calamituex de "la chaise vide" d'Obama... - mais je crois que mon fils l'a en DVD.

    Merci donc pour la piqûre !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. c'est une chaise musicale style marche funèbre...

      Supprimer
  6. Des lettres pour retrouver des hommes derrière l'uniforme. 27 000 morts, cela laisse sans voix.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. et pour évoquer un autre front : Stalingrad
      pertes dans les rangs soviétiques : 487.000 morts !

      Supprimer
  7. Ce sont sans doute des faits remarquables, mais je n'admire pas ce genre d'héroïsme, je n'admire rien de ce qui a trait à la guerre, pour moi, tout cela est seulement triste...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. aucun des extraits ni des commentaires de cette page n'exprime effectivement la moindre "admiration"
      il s'agit des ravages des absurdes...

      Supprimer
    2. Etrange tout de même, depuis la nuit des temps, ce besoin qu'ont les hommes d'édifier ainsi la religion, la patrie ou les idées jusqu'à tuer ou être tué par l'autre (Clint Eastwood a gardé la nostalgie de ses premiers rôles de valeureux cow-boy ;-)
      Nous sommes sur la planète Absurda Cognita !

      Supprimer
    3. les un(e)s prennent les armes, les autres leurs pinceaux, leurs plumes...
      il n'y a pas photo

      Supprimer
  8. Je n'avais jamais entendu parler ni du livre ni du film, merci, je le lirai et le regarderai.
    Des lettres qui racontent et pleurent, aucun doute.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. du moins des lettres écrites entre la vie et quelle mort, quand tout espoir est définitivement perdu...

      Supprimer
  9. je n'avais pas entendu parler du livre ni du film. Je note. Pour l'instant je n'ai pas encore atterri.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. tandis que nous restons cloués devant l'écran de notre ordi, vous volez de rose des vents en rose des vents...

      Supprimer
  10. JEA:
    Merci d'être notre mémoire.
    Je savais les atrocités vécues au Japon jusqu'au tragique " bouquet final " ( excusez cette expression ) mais j'ignorais cet épisode terrible.
    Je me ferai un devoir de lire " les lettres d'iwo Jima ". Je n'ai pas vu le film non plus.
    Etonnant,réconfortant, ces mots restés enfouis endormis pendant des années, qui resurgissent plus forts que tout, pour mieux faire revivre leurs auteurs. Les habitants des pays Baltes enterraient des documents et des journaux intimes pour les soustraire à l'occupant russe. Leur découverte a permis de ne pas oublier. La force, la puissance des mots !
    Merci JEA pour Montségur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. accidents au gré de hasards ou résultats de recherches obstinées, les découvertes de lettres mises jusque-là sous le coude de l'histoire, ponctuent nos connaissances
      un exemple encore : des missives entre Gauguin et Van Gogh...

      Supprimer

Les commentaires sont modérés dans la mesure où les spams ne sont pas vraiment les bienvenus (ils ne prennent pas de vacances)